Fredegar Fierfront faisait tranquillement des ronds de fumée assis sur un petit banc opportunément posé à l’entrée du trou familial au confort éprouvé par maintes générations de hobbits.
Il avait enfoncé sa petite main dans sa poche et s’amusait à jouer avec sa blague à tabac d’une excellente qualité. Malgré le rude hiver, Fredegar gardait le moral haut, heureux de jouir de la paix qui sied si bien à la gente hobbitesque.
Il en était là dans ses réflexions, ou dans son absence de réflexion, quand une odeur vint lui titiller les narines. Fredegar était fils de fromager et avait été éduqué pour percevoir rien qu’à l’odeur l’état de maturation de ses pièces. Cependant, ce n’était point une odeur de fromage qui perturbait son odorat. Il s’agissait plutôt d’une odeur grisâtre de souffre et de métal, une odeur de mine. La même odeur qui parfois lui saisissait le nez quand il passait à proximité des grandes carrières ou quand il suivait d’un œil attentif l’excavation qui préparait la construction d’un nouveau trou de hobbit.
Fredegar aimait se targuer d’avoir un esprit aussi fin que son odorat. Sa définition de la finesse d’esprit s’apparentait plutôt à ce que nous appellerions de la mesquine curiosité. En d’autres mots, Fredegar aimait savoir tout ce qui se passait dans la Comté. Or, si quelqu’un avait décidé, ce qui n’arrivait qu’une fois toutes les lunes, de creuser un nouveau trou dans un rayon aussi proche de sa demeure, il l’aurait su !
Gardant toujours une attitude flegmatique et détendue, Fredegar tentait de masquer l’agitation intérieure qui ne seyait pas du tout à un hobbit. Soudain, un homme à la taille très peu hobbitesque et aux habits presque goblinesques passa devant sa maison, l’air un peu perdu.
Fredegar était un hobbit bien élevé et il désirait avant tout savoir si cet homme était à l’origine de l’odeur étrange qui l’avait dérangé.
« Bonjour ! »
C’était un « bonjour » franc et cordial, le genre de « bonjour » auquel on ne peut pas répondre d’un simple « bonjour ». L’homme se détourna vivement en direction du hobbit. Ses yeux bleus, cernés de petites rides semblèrent s’illuminer d’un coup. Il cracha dans ses mains calleuses et sales et entreprit vivement de remettre de l’ordre dans son épaisse chevelure noire et désordonnée surmontée par une étrange bande de cuir. Il s’approcha de Fredegar souriant, montrant des dents dans un état meilleur que ce à quoi le hobbit s’attendait. Cet homme semblait totalement négligé, sa barbe était hirsute, sa chevelure aussi, son visage et ses mains étaient pleins de poussière… pourtant, Fredegar était persuadé qu’il s’agissait uniquement d’une négligence passagère et qu’il suffirait de peu pour lui rendre un aspect plus avenant.
« Bonjour petit monsieur ! » répondit l’homme.
« Froide journée n’est-ce pas ? »
« En effet petit monsieur… »
Bien qu’il ne relevât pas, Fredegar commençait à être doucettement agacé par les « petit monsieur » de l’inconnu. Il n’était pas petit, il était d’une taille normale pour un hobbit.
« Qu’est-ce qui vous amène en Comté mon brave ? »
L’autre tortilla un peu sur ses pieds puis, pesant ses mots répondit.
« Je cherche un hobbit petit monsieur.. »
Fredegar bouillonnait, il en venait presque à regretter d’avoir héler le vagabond.
« Un hobbit ? Pour quoi donc ? »
« Pour prendre part à une aventure… »
Fredegar blêmit, ce mot avait été banni du vocabulaire de la Comté depuis les derniers évènements.
« Quelle sotte idée ! Si vous voulez prendre part à une aventure, engager un nain… pour peu qu’il y ait de l’or et de la bière au bout du compte, ils vous suivront aveuglément. Ou alors un humain, vous devez bien en connaître non ? Allez à Bree, il y a tout ce qu’il faut… Ou au nord, chez le Roi ! Tenez, vous pouvez même prendre un elfe… ils sont un peu plus difficile à trouver et à convaincre mais ce sont des compagnons valables… Je vous déconseille cependant de prendre un nain et un elfe car… »
L’autre ne le laissât pas poursuivre, interrompant le flot de paroles du hobbit qui semblait très nerveux depuis que le mot « aventure » avait été lancé.
« Non, il me faut un hobbit… »
La tournure de la conversation énervait de plus en plus Fredegar.
« Pourquoi vous FAUT il un hobbit ? » dit-il d’un ton très énervé.
« Parce que pour faire une BONNE aventure il faut un hobbit… » répondit l’inconnu imperturbable.
« Quelle sotte idée ! Quelle sotte idée vraiment ! »
Fredegar ne savait plus comment se sortir de cette situation. La conversation l’ennuyait et il voulait à tout prix rester éloigner de cette sombre aventure qui ne promettait que des malheurs. Pourtant, l’autre ne semblait pas décidé à bouger du seuil de sa porte.
« Aucun hobbit n’acceptera de vous suivre… à moins que… »
Une idée venait de traverser l’esprit de Fredegar, le visage de l’inconnu s’éclaira à nouveau dans l’attente de la suite.
« Allez donc trouver Etelion Piedvert, lui c’est un hobbit aventurier… Il doit se trouver près du Roi du Nord à Annuminas. »
Fredegar aimait peu Etelion qui était un drôle de hobbit, il devrait s’entendre avec l’étranger.
« Il me suivra, vous êtes sur ? »
« Pour sûr mon brave monsieur ! Il en a suivi des plus fous que vous… »
« Merci mon petit monsieur ! Merci beaucoup ! »
« C’est ça… et je ne suis pas un petit monsieur, je suis un hobbit… Allez au revoir, ou plutôt adieu ! »
Sur ce, l’homme qui ne l’écoutait déjà plus avait tourné les talons, se dirigeant vers le nord à travers la neige.
#Fredegar
