Taorin Emir du Harondor Libre
Nombre de messages : 512 Age : 30 Localisation : Minas Tirith
~ GRIMOIRE ~ -: Humain (Haradrim) -: 36 ans -:
| Mer 2 Jan 2013 - 0:09 | | La taverne était bondée, en cette soirée particulièrement froide. Les hommes venaient y chercher un peu de réconfort, quelque compagnie en ces temps difficile. Jamais, de mémoire d’homme, on n’avait connu de froid pareil ! Certains voyageurs et marchands rapportaient même que de la neige –oui, de la neige ! – aurait été vue un peu plus loin au nord, vers les contreforts des monts sombres séparant le Harondor du Mordor. Beaucoup des personnes présentes n’en avait jamais vu, et étaient encore plus impressionnées par ces récits. Les temps étaient vraiment étranges.
La soirée se poursuivait. L’auberge accueillait désormais une bonne partie de la population du petit bourg, petit havre de chaleur au milieu des rues obscures, balayées par un vent froid venu du Nord. La poussière soulevée par ces brises rendait l’atmosphère encore plus lugubre pour tous ceux s’aventurant dehors. De plus, la présence de quelques étrangers, voyageurs parcourant les grandes étendues du Harondor, attirait plus que de coutume les villageois vers le débit de boisson. L’un d’eux, notamment, semblait particulièrement bavard : il louait les services de son sabre aux caravanes parcourant le désert, mais, en ces temps sombres, le travail manquait, aussi parcourait-il la contrée, allant de villes en villes, porté par les rumeurs. Certains auraient pu trouver cela étrange, et beaucoup se firent sans doute la réflexion cette nuit là, mais la langue de l’étranger ne leur laissait pas le temps de s’intéresser à son passé : les paroles s’échappant de sa bouche les interloquaient, les happant dans une vision du monde qu’ils n’auraient jamais pensé avoir.
« J’reviens d’Dur’Zork » disait-il, un verre à la main, « et j’peux vous dire qu’c’est pas joli-joli là-bas ! On entend les bruits qui courent, voyez. Et ils donnent pas vraiment envie d’faire la fête. Plutôt l’contraire, même. Voyez, l’Emir, là, ce Radamanthe, il voudrait monter les impôts ! Soit disant qu’l’Hiver les prive d’or, alors ils veulent s’remplir les fouilles comme avant. Et c’est nous qu’on trinque ! Il l’a pas encore dit, mais ça va pas tarder, moi j’vous dit ! D’ici quelques s’maines, vous verrez des Gondoriens débarquer sur vos terres et vous choper toutes vos réserves. Or, nourriture, bétail : tout y passera ! J’vous dit, l’Radamanthe, il va saigner tout le Harondor pour s’empiffrer alors qu’le peuple crèvera d’faim. Un pourri ! »
L’étranger cracha par terre pour ponctuer ses propos. Les villageois ne savaient qu’en penser : si ces rumeurs étaient vraies, l’Hiver serait beaucoup plus dur que prévu. Les stocks étaient faibles, l’Hiver étant arrivé trop vite, trop violemment, pour pouvoir s’y préparer. Certains risqueraient de mourir de faim ! Mais en même temps, pourquoi tenir compte des délires d’un mercenaire égaré ?
« J’vous dit, c’est pas du temps des Duzingi qu’ça s’rait arrivé ! Le Radamanthe, c’est une ordure de Gondorien, qui a volé le trône en faisant disparaitre Jonak ! Et maint’nant qu’il est bien en place, avec ses Gondoriens pour faire taire le peuple, il s’en donne à cœur joie. Heureusement que certains ne voient pas ça d’un bon œil. Y’a pas mal de monde, un peu partout, qui pense qu’il devrait dégager avec ses cliques et ses claques, et repartir chez son maître dans l’Nord ! »
L’étranger ponctua cette exclamation d’un cul-sec, renversant une bonne partie de son verre dans sa barbe mal taillée et sur ses vêtements salis par des semaines de voyages dans la poussière du Harondor. L’assemblée ne semblait pas très convaincue, mais presque tous l’écoutaient. Conscient du scepticisme de son auditoire, l’étranger changea, assez maladroitement, de sujet. Le commerce se ralentissait au nord de l’Harnen : les caravanes se faisaient moins nombreuses, plus petites, étaient ralenties par le temps épouvantable. D’autres rumeurs, pour la plupart infondées, vinrent poncter son discours. Des choses étranges se passeraient au Nord, au-delà des Gués du Poros. Des rumeurs de guerre en provenance du Rohan, de famines encore plus loin au nord, et même au sud ! Des bêtes oubliées auraient été revues, certaines majestueuses, mais la plupart terrifiantes. La plupart disposaient néanmoins d’un fond de vérité, les rendant plausibles, mais les faits étaient tellement déformés que ces informations n’apprendraient rien à d’éventuelles oreilles à l’écoute. L’étranger lui-même n’en savait guère plus : il avait été abordé, quelques jours auparavant, par un autre homme, qui lui avait donné une petite bourse et demandé de prendre la route de Djafa en colportant ces rumeurs le long du chemin. Le mercenaire n’avait pas refusé, surtout en apercevant l’épée et les multiples dagues de son interlocuteur, puis en discernant les nombreuses cicatrices marquant son visage.
Après plusieurs heures de discussions, parsemées de tournées générales offertes par le patron ou un villageois plus riche ou joyeux que les autres, l’étranger partit vers sa chambre. La plupart des clients avaient déjà quitté l’auberge, et il ne restait plus qu’un ou deux ivrognes notoires, ainsi qu’un autre étranger, qui fumait silencieusement depuis quelques temps déjà. Le mercenaire titubait, l’esprit embrumé par l’alcool qu’il avait ingurgité. Il se laissa tomber comme une masse sur le lit, ne se souciant pas de la piètre qualité du matelas de paille. Demain, il lui faudrait reprendre la route, pour arriver au prochain village.
A demi assoupi, il n’entendit pas la porte s’ouvrir lentement dans son dos. Et ce n’est que lorsque la dague pénétra ses côtes qu’il perçut la présence à côté de lui, lui susurrant à l’oreille : « Meurs, Chien ! » |
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