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 Qui paie ses dettes...

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Mardil
Espion de Rhûn - Grand Guru du Culte Nathanaïque
Mardil

Nombre de messages : 468
Age : 35
Localisation : dans sa tombe... ou à Vieille-Tombe
Rôle : Espion de Rhûn

~ GRIMOIRE ~
- -: Humain
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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptyMar 25 Fév 2014 - 22:40
Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 Emelyn11


Emelyne regardait fixement par la fenêtre de la calèche. Elle n’avait quasiment pas ouvert la bouche depuis l’attaque dont elles avaient été victimes et Ihra semblait inquiète pour sa maîtresse. Elle chevauchait à sa hauteur, tandis que sa sœur avait pris la place du cocher. Emelyne se sentait sale, déboussolée, effrayée et en colère. Il n’était du coup guère surprenant qu’elle ne soit pas plus causante.

Sinove était toujours inconsciente mais sa crise semblait être passée et la maquerelle se réjouissait presque de ne pas avoir à s’inquiéter pour la jeune femme. Elle souhaitait plus que tout prendre un bain et réussir à mettre un peu d’ordre dans ses pensées. Tous leurs assaillants étaient morts avant qu’on puisse les interroger mais elle n’avait aucun doute sur l’identité du commanditaire de l’attaque.

Si l’ancienne membre des douze semblait totalement vidée après son combat, les deux sœurs ne souffraient que de blessures superficielles. Elle-même était légèrement contusionnée mais cela était sans gravité. Il allait de soi qu’un tel événement n’allait pas se placer parmi les bons souvenirs mais cette attaque avait au moins été utile sur plusieurs plans.

Premièrement Emelyne avait pu se rendre compte de la dangerosité de Sinove. Rien que le fait de penser que la meurtrière était loin d’être remise, l’ancienne prostituée se sentait beaucoup moins rassurée en sa présence. Elle devait reconnaître qu’elle n’avait pas vraiment pris les avertissements de Vipère au sérieux jusqu’à présent, peut être car l’homme lui était particulièrement antipathique. Cela n’empêchait pas qu’ils étaient fondés et elle se garderait bien se sous estimer l’ancienne employée de Mirallan dorénavant.

Malgré cette nouvelle résolution, elle se sentait toujours responsable de la jeune femme et ne souhaitait pas changer de comportement avec elle. Simplement elle n’oublierait pas que cette dernière restait avant tout une meurtrière extrêmement dangereuse. Seulement elle n’était pas que cela et Emelyne la voyait toujours comme une victime, qui n’avait peut être jamais été aux commandes de sa propre vie.

Mais, plus encore que ses révélations sur celle qu’elle avait invitée chez elle, elle était mortifiée par ce qu’elle avait appris d’elle même. Elle n’avait pas été capable de se défendre et elle devait la vie à Sinove. Même une fois que son agresseur était mort, elle n’avait pas pu faire le moindre geste, restant sourde à la demande de la jeune femme. Malgré sa situation actuelle, elle était toujours vulnérable face à la force des hommes qui prenaient ce qu’ils souhaitaient quand et comme ils le voulaient.

Cette constatation était très amère et la maquerelle détestait se voir sous ce reflet des moins flatteurs. Elle n’aurait jamais la force physique de combattre un homme mais elle ne pouvait rester paralysée de la sorte alors que sa vie était en jeu. Si elle devait se montrer sans pitié pour qu’on la respecte, alors elle le ferait. C’est forte de ces nouvelles résolutions qu’elle remarqua que Sinove commençait à reprendre conscience.

Elle n’essaya pas de discuter avec elle car cette dernière ne semblait pas en avoir la force mais elle lui prit doucement la main et lorsque son regard croisa celui de la jeune femme, elle espéra que celle-ci pouvait y lire la gratitude qu’elle ressentait. Néanmoins, l’une comme l’autre savaient bien que cela ne changeait rien à leur précédente conversation. Même si elle éprouvait de la gratitude envers sa sauveuse, elle l’éliminerait si cela s’avérait nécessaire.

Ce n’est qu’en début de soirée qu’elles arrièrent à destination. La maison cachée dans la forêt était de taille moyenne mais également très fonctionnelle. Un ruisseau s’écoulait à moins d’une centaine de mètres et les provisions de bois et de nourriture étaient plus que suffisantes pour qu’elles tiennent un bon moment.

Elle aida Sinove à descendre et, appuyée sur Ihra et Emelyne, la meurtrière fût conduite à sa chambre. La maquerelle se retira ensuite dans sa propre chambre et prît le temps de se baigner et de se changer. Elle mourrait d’envie de savoir comment les choses avaient tourné à Minas Tirith et elle espérait avoir des nouvelles le plus vite possible.

//////////////

Il avançait à l’aveuglette et cela ne lui ressemblait pas. A chaque fois qu’il pensait prendre l’avantage, ses ennemis le frappaient dans le dos. Comme il s’y attendait Emelyne avait quitté la ville et il avait donné l’adresse de ses parents à Raïleh, le chargeant de tuer les femmes sur la route. Il espérait au moins que cette mission avait été menée à son terme car, de son côté, il avait fait chou blanc.

Méneï était tout simplement introuvable. Il était passé par toutes ses sources habituelles, il avait questionné, menacé, torturé, acheté tous ceux qu’il pouvait mais personne n’avait pu lui fournir la cachette du truand. Il était très surpris de ne pas rencontrer la réussite qui le caractérisait jusque là. Mais il resterait aussi exigeant avec lui-même qu’il avait toujours été. Sa mission ne serait achevée que lorsque tous ses ennemis et tous les témoins gênants seraient morts.

Puisqu’il n’avait pas de nouvelle de Méneï, il passerait donc à la prochaine cible sur sa liste. Il n’avait maintenant plus le moindre doute sur le fait que c’était le dénommé Vipère qui tirait les ficelles mais réunir des informations sur ce mystérieux personnage s’était révélé plus que difficile. Personne ne l’avait déjà vu à visage découvert, personne ne le connaissait vraiment et personne ne savait où il vivait ni même comment le contacter. Il avait affaire à un maître de la dissimulation et il devait admettre qu’il prendrait un grand plaisir à affronter un ennemi tel que lui.

Enfin il aurait pu en être ainsi si les circonstances étaient différentes et si l’enjeu n’était pas si élevé. Rezlak ne tolérait pas l’échec et ce n’est pas maintenant qu’il lui donnerait une raison de douter de ses capacités. Il était le seul à avoir vu le potentiel qu’il avait en lui et il l’avait sorti de l’enfer dans lequel il survivait. Non seulement ça mais il l’avait formé et fait de lui ce qu’il était aujourd’hui. Sa dette envers lui était immense mais ni l’un ni l’autre ne s’attardait là dessus. Il ne pouvait y avoir de ressentiment ni de calculs entre eux.

Déterminé à ne pas le décevoir, il décida de se rendre chez Raïleh afin de voir si ces hommes avaient menée à bien la mission qu’il lui avait confiée. Dès qu’il aperçut l’entrée sans protection de la demeure du recéleur, il comprit que ce dernier était mort. Il trouva le cadavre sous une immense fresque représentant le combat entre un lion et un serpent. Il n’était pas difficile de comprendre qui était l’assassin. Il devait reconnaître qu’il avait fait une erreur. Il n’aurait pas dû poursuivre deux objectifs à la fois. Il avait voulu monter un nouveau réseau et se débarrasser de ses ennemis mais en faisant cela il avait dispersé son énergie. Désormais il ne s’occuperait plus que de détruire ceux qui le harcelaient sans relâche, à commencer par cet assassin de malheur.

Il s’accroupît devant le corps boursouflé du marchand, étudiant son visage. Quelque chose lui semblait anormal. Lorsqu’il eût compris ce qui l’avait dérangé, il eût un mouvement de recul instinctif. Les marques rouges sur la main du cadavre et sur son visage. La mort rouge. Même si la durée de vie de ce poison était faible, il était des plus volatils. Mais il était surtout des plus rares et, du moins le croyait-il, totalement inconnu dans cette partie du monde.

On ne le trouvait que dans le sud de Rhûn et soit Vipère avait beaucoup voyagé, soit il était originaire de l’Est. Mais se pourrait-il qu’un tel talent soit passé inaperçu sur ses terres natales ? Il en doutait fort tant le réseau d’espions de Rezlak était étendu dans tout le royaume. Après tout, ils étaient toujours à la recherche de nouveaux talents.

C’est alors que la brume se leva dans son esprit. Il s’était toujours demandé comment Vipère avait pu le contrer de manière si efficace. On aurait presque dit qu’il le connaissait. De plus Mardil lui avait parlé du réseau d’Emelyne et de Méneï presque immédiatement après sa formation.

Si ces éléments n’étaient pas suffisants pour incriminer le jeune espion, ils étaient suffisamment troublants pour que l’hypothèse selon laquelle Mardil et Vipère ne fassent qu’un soit étudiée. D’après l’état des cadavres, l’attaque avait eu lieu plus tôt dans la journée. De plus, il n’y avait des traces de violence que dans cette pièce, comme si l’assassin avait été autorisé à entrer. Cela aurait été le cas si un ranger et non un criminel s’était présenté devant les portes.

Il sortit de la demeure de Raïleh et se dirigea vers les écuries toutes proches. Il n’était pas certain de trouver quoi que ce soit mais il ne pouvait faire l’impasse sur cette visite. Il s’introduit, sans se faire remarquer, les gardes étant trop occupés à jouer aux dès, et il regarda les dernières entrées dans le registre. Mardil n'avait pas été stupide au point d’écrire son nom mais le palefrenier avait décrit l’animal. La jument baie cerise ne pouvait être une coïncidence.

Une colère telle qu’il n’en n’avait jamais ressentie s’empara du maître espion. Il ne pouvait pas concevoir que Mardil ait trahi Rezlak après tout ce que ce dernier avait fait pour lui. Oh il savait bien que le jeune espion manquait de discipline et, s’il s’était inquiété de la relation contre nature qu’il avait liée avec le rôdeur, il pensait qu’il suffirait de simples remontrances pour le remettre dans le droit chemin.

Il l’avait pourtant prévenu quelques mois plus tôt qu’un seul châtiment était réservé aux traîtres. Soudain il se rendît compte que la rage qu’il ressentait n’était pas seulement due à la trahison du jeune homme. Il l’avait mené en bateau depuis le début et son manque de discernement n’était pas excusable. Néanmoins le registre qu’il avait sous les yeux prouvait bien que le jeune espion n’était pas à l’abri de commettre des erreurs. La prochaine qu’il ferait serait également la dernière.

///////////

J’attendais, seul dans la nuit noire, que mon contact vienne au lieu de rendez vous qu’il m’avait indiqué. Je frissonnais dans la froide soirée d’hiver en m’interrogeant sur les raisons qui pouvaient le pousser à me voir. Je n’avais qu’une crainte : qu’il m’ait percé à jour. Même si je me jugeais quelque peu paranoïaque, c’était là une hypothèse à prendre en compte. Le seul indice qui pointait dans cette direction était qu’il m’avait dit qu’il me recontacterait lorsqu’il aurait réglé tous ses problèmes.

Or j’étais la preuve vivante que ce n’était pas le cas et je me demandais bien pourquoi il cherchait à me voir. L’hypothèse la plus logique était qu’il souhaitait surement mon aide pour l’aider à se débarrasser de ses ennemis. Un instant je m’imaginais faisant semblant de courir après Vipère et je réalisais vite à quel point la situation serait ingérable sur le long terme.

Mes tentatives pour me rassurer firent long feu et c’est avec la plus grande peur que je finis par l’apercevoir parmi les ombres mouvantes. Depuis combien de temps m’observait-il à la dérobée et pourquoi ne l’avais je repéré plus tôt ? Essayait-il de me faire comprendre à quel point il était meilleur que moi ? Je n’avais pas besoin qu’on me rappelle cette évidence et, après qu’il se soit détourné de moi, me présentant son dos comme s’il n’avait rien à craindre de moi, je le suivis docilement jusqu’à une petite masure dans ce qui était sûrement le quartier le plus mal famé de toute la cité blanche.

J’entrais à sa suite et refermais la porte branlante derrière moi. Je n’avais jamais été autant sur mes gardes et pourtant je fus pris de court lorsqu’il se retourna vivement et me frappa durement du plat de la main. L’impact fût tel que je tombais à la renverse sur le sol, quelque peu sonné.

- Tu n’es pas assez sur tes gardes Mardil. C’est là un défaut majeur lorsqu’on est espion : l’arrogance et la trop grande confiance en soi.

Il ne me laissa pas le temps de répondre et me tendit la main pour m’aider à me relever. Je ne sais pas pourquoi je fis attention à ce détail mais cela me sauva sûrement la vie. Peut être était-ce son attaque inattendue ? Ou plus vraisemblablement le ressentiment qu’il n’avait pas réussi à faire disparaître de sa voix. Toujours est-il que je remarquais la légère pointe qui ressortait de sa bague, à l’intérieur de sa main.

Aussitôt je suspendis mon geste et au lieu de m’emparer de sa main, je roulais sur le côté pour mettre de la distance entre nous. Je me relevais mais il n’avait toujours pas bougé. C’est seulement là que je remarquais que des planches étaient clouées sur toutes les fenêtres et qu’il se tenait entre moi et la sortie. Il ne se jeta pas sur moi comme je le croyais ; il souhaitait apparemment faire durer un peu ce moment. Je sortis mon poignard mais ne fit pas le moindre autre geste. Tout mon corps était tendu à l’extrême. Intérieurement je calculais les chances que j’avais de sortir ici vivant et malheureusement ces dernières n’étaient guères élevées.

- Comment ?

- La mort rouge est efficace mais pas vraiment discrète. Tu as encore des progrès à faire mais tu l’as amplement prouvé ce soir.

- Je ne suis pas encore mort.

- C’est tout comme. Tu ne penses pas sérieusement avoir la moindre chance de sortir d’ici en vie ? Mais la question n’est pas de savoir comment je t’ai percé à jour mais plutôt pourquoi.

- Alors pourquoi ?


Je faisais durer la conversation aussi longtemps que possible, dans l’espoir de retarder notre confrontation mais personne ne me viendrait en aide. Nous étions totalement isolé et son calme me laissait penser qu’il n’avait aucun doute sur le fait de pouvoir m’éliminer sans problèmes. Je partageais malheureusement son opinion et je me promis de tout faire pour l’entraîner dans la mort avec moi.

- Car tu ne sais pas où est ta place. Tu n’es pas entier et tu ne l’as jamais été. Je vois clair en toi désormais et je m’étonne que Rezlak ne l’ait pas vu plus tôt. Tu n’es pas des nôtres et tu ne l’as jamais été. Ta nature même fait de toi autant un atout qu’un poids mort. Tu n’as jamais eu les capacités de nous rejoindre pleinement.

Je percevais le dégoût et la colère dans sa voix et je compris soudain ce qui le dérangeait le plus. Il était inconcevable pour lui que j’ai trahi Rezlak et il ne comprenait pas que je ne pensais pas l’avoir fait. Nous méritions au moins que je clarifie ce point avant d’entamer ce dernier combat.

- Je ne suis pas un traître. Je reste fidèle à Rezlak. Néanmoins ma fidélité ne s’étend pas à ses serviteurs.

Je le vis tressaillir sous l’insulte mais il me laissa continuer.

- Je suis parfaitement au courant des réelles circonstances de la mort d’Elgyn et c’est à toi et non à Rezlak que je renonce.

- Alors tu es encore plus idiot que je ne le pensais. Ta loyauté et ton amour ne doivent aller qu’à Lui et à personne d’autre. En pensant le contraire tu l’as trahi et tu nous as tous trahi. Et ainsi tu t’es condamné.

- Alors ta colère n’est due qu’à cela ? Je pensais que tu t’en voulais de t’être laissé abusé si facilement par quelqu’un de si manifestement inférieur à toi. Peut être que tu n’es plus aussi vif que dans ta jeunesse.


La colère que je lisais dans ses yeux se transforma soudain en fureur et je sus que j’avais visé juste. Plus que ma trahison, c’était sa propre faiblesse que j’avais révélé qui le minait. Il m’aurait tué rien que pour lui avoir démontré qu’il n’était pas infaillible. Il s’élança vers moi au mépris de toute prudence, aveuglé par la rage. Je plongeais en avant et d’une roulade me retrouvait derrière lui. Je ne perdis pas de temps à essayer de le frapper et m’élançais en courant dans la nuit glaciale.

Je n’eus pas besoin de regarder en arrière pour savoir qu’il me poursuivait et qu’il gagnait du terrain. Chaque pas que je faisais pour sauver ma vie provoquait un éclair de douleur au niveau de ma blessure. Mais ralentir aurait signé mon arrêt de mort. Néanmoins, je me rendis compte qu’il m’aurait rattrapé avant que je n’aie atteint la sécurité de la caserne. L’affrontement était donc inéluctable mais au moins il n’aurait pas lieu sur un terrain qu’il avait choisi.

Je bifurquai dans une ruelle et stoppai ma course et dès qu’il passa le coude à son tour, je frappai avec mon poignard. Mais il avait anticipé mon attaque et il dévia mon arme sans la moindre difficulté. Sa propre lame étincela dans l’obscurité et je ressentis une douleur cuisante au bras gauche.

Insouciant du sang qui coulait le long de mon bras, je passai à l’attaque et l’obligeai à reculer. Il évitait mes coups sans effort apparent et lorsqu’il répliqua, je ne fus pas aussi rapide que lui et son poignard me toucha une nouvelle fois, mais cette fois-ci à l’épaule droite. C’était là des blessures sans gravité mais je perdais quantité de sang, d’autant qu’il me semblait que ma blessure au tronc s’était rouverte durant ma fuite. Si je ne réagissais pas très vite, je n’aurais bientôt plus la force de combattre.

C’est alors que j’aperçus une pile d’outils de construction retenue en équilibre précaire. Le bâtiment le plus proche de nous était en pleins travaux. Je donnai un vif coup de pied dans la structure et les instruments churent entre mon contact et moi. L’un d’entre eux retomba sur mon pied gauche et je poussais un cri de douleur. Mon contact eût encore moins de chance car une pioche ricocha contre le mur avant de heurter son bras gauche. Il lâcha son arme et le craquement que j’entendis me convainquit que son bras était cassé ou tout du moins fêlé.

Mais le bruit avait attiré la patrouille la plus proche et mon contact rassembla ses forces et disparut sans un bruit. Je ne cherchai pas à me relever et lorsque les gardes arrivèrent jusqu’à moi, je leur expliquai qu’un bandit s’en était pris à moi. Fort heureusement l’un des hommes me connaissait de vue et ils me ramenèrent jusqu’à la caserne. Je refusai les soins qu’ils me proposaient, n’ayant guère envie d’expliquer la blessure que j’avas reçue en affrontant Sinove, et je m’éclipsai dans mes quartiers où je me soignais du mieux possible.

Pour l’heure j’étais en sécurité mais je ne pouvais rester indéfiniment confiné dans la caserne. Il valait mieux quitter la cité dès cette nuit, tant que mon contact s’occupait de sa propre blessure. Je rassemblai rapidement quelques affaires, dont mes simples et mes poisons et je sorti discrètement par la fenêtre. Je me traînai jusqu’à l’établissement d’Emelyne et demandai à voir Mervine. Il me fallait à tout pris savoir si elle avait reçu des nouvelles de sa patronne.

Je lui donnais le mot de passe que m’avait confié Emelyne et son employée m’expliqua qu’elle n’avait aucune nouvelle. Elle m’indiqua néanmoins la cachette de la maquerelle et intérieurement je félicitais cette dernière d’avoir changé sa destination. Il me fallait maintenant cacher cette Mervine si je ne voulais pas que mon contact apprenne la localisation de ses ennemies. Je l’envoyais dans une autre de mes planques, située suffisamment loin de la cité et elle m’obéit sans poser de questions. Apparemment Emelyne avait donné des instructions très claires.

Je finis par quitter la cité aux premières lueurs du matin. Il me faudrait voler un cheval dès que possible et me mettre en route pour l’Emyn Arnen. J’espérais seulement ne pas trouver les cadavres de mes associées avant d’arriver à destination.
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Ryad Assad
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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptyVen 28 Fév 2014 - 21:02
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Comment décrire les deux jours qui venaient de se dérouler ? Comment détailler l'angoisse permanente, la terreur indicible, dissimulées sous le silence le plus total et un calme apparent ? L'attaque sur la calèche avait été annihilée efficacement, et les deux protectrices d'Emelyne avaient fait leur travail en se débarrassant de leurs adversaires. Elles avaient fait la démonstration de leurs capacités, et c'était probablement grâce à leur talent qu'elles avaient toutes pu s'en sortir. Sinove avait apporté sa pierre à l'édifice, de manière aussi brutale que spectaculaire, et elle n'était pas certaine que sa contribution lui eût attiré les faveurs de quiconque. Au contraire. Quand elle s'était réveillée dans la voiture, tirée de son sommeil réparateur par les cahots de la route, elle avait senti immédiatement la tension qui régnait dans l'air. Le silence était total, et personne ne voulait ouvrir la bouche, ou évoquer ce qu'il s'était passé. Seule Emelyne avait eu un geste envers elle. Un geste empli d'affection, et qui pourtant aurait paru anodin à n'importe qui. Elle lui avait simplement pris la main, ce qui n'aurait pas dû éveiller chez la tueuse un tel tourbillon de questions. Mais la vérité était qu'elle ne se souvenait pas avoir jamais effleuré, peau contre peau, la main d'un autre individu. C'était un contact chaud et agréable, et sans qu'elle pût l'expliquer logiquement, c'était particulièrement rassérénant. Elle bougea les doigts pour les refermer délicatement autour de ceux d'Emelyne, afin de ne plus la lâcher. Elle n'était pas habituée à toucher quelque chose précautionneusement, et il lui semblait devoir faire un effort pour ne pas serrer de toutes ses forces, pour ne pas faire mal. Elle avait été formée à cela, et il était contre-nature pour elle de se montrer douce avec quiconque et avec quoi que ce fût.

Levant les yeux pour dévisager Emelyne, elle lut dans son regard une forme de gratitude sincère. Après tout, elle lui avait sauvé la vie, et elle avait récolté une jolie coupure à l'épaule, que quelqu'un s'était occupé de panser pour éviter qu'elle ne saignât. Beaucoup auraient dit que c'était désormais la maquerelle qui avait une dette envers sa prisonnière, et qu'elle aurait dû se ranger de son côté pour la remercier de l'avoir protégée contre ces agresseurs venus d'on ne savait où. Toutefois, les deux femmes étaient bien conscientes que rien n'avait évolué : elles étaient toujours opposées, et condamnées à avancer vers la mort de l'une d'entre elles. Cependant, Sinove ne voulait pas libérer la main d'Emelyne, et si le visage de la tueuse était un masque d'impassibilité, la maquerelle pouvait sentir le mouvement régulier de ses doigts fins qui caressaient le dos de sa main.

Elle s'endormit bientôt, incapable de résister au sommeil qui lui tendait les bras. Ses yeux se fermèrent lentement, alors qu'elles abordaient les dernières étapes de leur voyage. La jeune femme se réveilla peu, essentiellement pour manger. Les chevaux allaient à un rythme régulier, qui ne variait pas quel que fût le moment où elle émergeait. La seule chose qui semblait bouger réellement, c'étaient les deux protectrices, qui changeaient régulièrement de place pour se prémunir du froid mordant qui régnait au dehors. Chaque fois qu'elles rentraient dans l'habitacle, elles s'empressaient de s'emmitoufler dans une épaisse couverture, pour essayer de récupérer un peu de chaleur corporelle. Elles tremblaient de tous leurs membres, mais elles faisaient face aux éléments courageusement, déterminées à mener l'attelage là où le contact ne pourrait pas leur nuire... si un tel endroit existait.

La nuit était tombée depuis longtemps, et pourtant ce n'était que le début de la soirée. Elles arrivèrent enfin à destination, après un périple aussi long qu'éprouvant, et lorsque la calèche s'arrêta finalement, personne ne retint de soupir de satisfaction et de soulagement. Elles étaient fourbues, avaient les muscles ankylosés et endoloris, mais au moins elles étaient vivantes. Sinove sortit de la voiture, s'appuyant lourdement sur l'habitacle pour maintenir son équilibre, tandis qu'autour d'elle on s'affairait. Elle observa aux alentours, et ne vit que des arbres, encore des arbres, toujours des arbres. Elles étaient au cœur d'une forêt aux arbres privés de leurs feuilles, mais qui leu fournissait toutefois un abri appréciable. L'endroit où elles allaient séjourner était un petit pavillon de chasse, une résidence secondaire destinée au repos loin de la vie civile. Un pavillon de chasse pour des femmes elles-mêmes chassées, Sinove apprécia l'ironie.

Un rapide coup d'œil aux alentours lui permit de noter que l'endroit était bien équipé, et qu'il y avait suffisamment de bois pour tenir tout un hiver. Probablement qu'Emelyne n'avait pas pensé à venir y séjourner par un temps pareil, et qu'elle devait réserver ses visites dans ce petit coin de paradis pour les jours les plus chauds de l'été, où elle pouvait profiter de la verdure et du chant de la rivière. Mais pour l'heure, c'était l'endroit le plus tranquille qu'elles eussent à disposition, et elles pouvaient au moins espérer profiter de vingt-quatre heures de repos. Ce n'était pas du luxe dans leur situation actuelle.

Sinove et Emelyne furent escortées à l'intérieur, et on les conduisit à leurs chambres respectives. L'endroit était sombre et froid, et il faudrait un peu de bonne volonté pour lui donner le charme et le côté accueillant qui en faisait un endroit de villégiature plaisant. Sinove s'installa lourdement dans son lit, et assista au défilé des deux sœurs, qui installaient leurs bagages. Elles déposèrent plusieurs malles de vêtements dans la chambre de la maquerelle, et une valise unique dans celle de la tueuse. Ihra - probablement, car bien qu'elle connût leurs noms, la jeune femme peinait à les différencier - arriva enfin avec un coffret en bois. Elle jeta un regard étrange à la convalescente, puis déposa la boîte sur le sol avec précaution, et quitta les appartements. On aurait pu penser que Sinove allait vouloir prendre un bain pour se décrasser, mais la route avait été bien plus dure que son regard d'acier le laissait paraître, et sitôt qu'elle se retrouvât seule, accueillie par le moelleux du matelas et la douceur des oreillers, elle se laissa aller à un sommeil bien mérité.


~~~~


La première journée s'achevait donc sur une impression de victoire, l'impression d'avoir survécu au pire, d'avoir su traverser la tempête pour arriver entier de l'autre côté. Mais en réalité, le voyage ne faisait que commencer. Lorsque Sinove se réveilla le lendemain matin, elle comprit que la situation n'avait pas évolué favorablement. Le contact n'était toujours pas mort, et il était probable qu'il fût encore sur leurs traces. Elles n'avaient fait que gagner un peu de temps, et se réjouir d'une si maigre consolation était inutile. Elles devaient plutôt se concentrer sur ce qu'elles avaient à faire : reprendre des forces, et se protéger. Emelyne fit monter à la tueuse un bon bain chaud, qu'elle prit seule dans sa chambre. La perspective de se délasser les muscles, et de se débarrasser enfin de la crasse et de la sueur étaient des plus réjouissantes. Elle se glissa dans l'eau brûlante avec délectation, et entreprit de savourer ce réconfort appréciable, pendant qu'elle le pouvait encore. Une partie de son esprit savait pertinemment qu'elle aurait dû se consacrer à travailler à la protection de la demeure, à installer des pièges et à essayer de concevoir un plan pour protéger la résidence en cas d'attaque ; toutefois, elle n'était pas en mesure de s'y consacrer dans son état actuel, et la tentation de se laisser aller à faire des bulles dans l'eau était bien trop forte, même pour quelqu'un comme elle.

Elle quitta son bain une heure plus tard, quand l'eau commença à tiédir sérieusement. Elle entreprit alors de se frictionner soigneusement avec un pain de savon odorant, de se nettoyer les cheveux vigoureusement pour leur rendre leur éclat. Elle rendit à ses ongles leur aspect propre et soigné, et essaya de désinfecter la plaie à son épaule, qui la tiraillait sans vraiment lui faire de mal. Il y avait aussi cette coupure à l'arcade sourcilière, infligée par le géant qu'elle avait tué de ses mains. Elle allait se refermer rapidement, mais en attendant elle garderait une petite marque, et sa tempe conservait une teinte bleue particulièrement visible sur sa peau très pâle.

Sinove rejoignit Emelyne dans le salon, après avoir revêtu une robe qu'on avait déposé pour elle. La coupe provocante et la couleur rouge criarde lui donnaient l'air d'une prostituée de luxe, mais d'une prostituée soignée cette fois. Elle n'était toutefois pas à l'aise dans ces vêtements fort peu pratiques selon ses critères, et elle dut se tenir fermement à la rambarde pour ne pas trébucher dans l'escalier en bois. Un feu de belle taille avait été allumé, et c'était lui qui dispensait une douce chaleur dans l'ensemble de la maison. Il avait dû brûler toute la nuit, car l'atmosphère était particulièrement agréable. Des fauteuils avaient été dépoussiérés et disposés autour d'une table basse. Emelyne occupait l'un d'eux, et Sinove vint s'asseoir en face d'elle.

Ce n'était pas pour faire la conversation, car elles n'avaient pas beaucoup de choses à se dire. Auraient-elles dû parler du bien-être qu'elles éprouvaient à se trouver dans un endroit aussi calme ? Auraient-elles dû mentir, ou prétendre que tout allait bien, qu'elles n'étaient pas menacées ? A moins qu'elles eussent du évoquer leurs craintes respectives, pour bien se montrer l'une à l'autre à quel point elles étaient inquiètes. Non, il valait mieux qu'elles conservassent le silence, et qu'elles se reposassent pendant qu'elles le pouvaient encore. On viendrait bien assez tôt pour les menacer. Mira déposa un thé devant Sinove, ainsi qu'une assiette composée des restes de leurs rations de voyage. Probablement que dès le lendemain, elles pourraient bénéficier d'un repas de meilleure qualité, mais pour l'heure elles ne pouvaient pas se permettre de jeter quoi que ce fût. Ainsi, Sinove mangea avec appétit, retrouvant des forces à chaque bouchée. Elle se comportait sans manières, et la fourchette qu'on avait déposée à côté d'elle repartirait en cuisine aussi propre que lorsqu'elle était arrivée. Toutefois, il y avait quelque chose de touchant à la voir ainsi. On aurait dit une enfant des rues privée de nourriture pendant des mois, qui aurait soudainement vu un festin sous ses yeux. Elle n'avait rien perdu de sa dignité, et elle n'était pas une souillonne, mais elle conservait ces réflexes ancrés en elle. Un curieux mélange.

Une fois son repas terminé, Sinove partit chercher un épais manteaux parmi ceux qui étaient accrochés à côté de la porte, et elle quitta la demeure et sa douce chaleur, pour plonger dans la forêt glacée. En vérité, il ne faisait pas aussi froid qu'elle l'aurait cru, et l'air pur et piquant semblait la vivifier, ravivant son organisme encore ensommeillé. Elle prit la route en direction de l'orée de la forêt, par là où elles étaient venues, pour essayer de mesurer des distances, et pour observer le paysage. Si les arbres avaient été couverts de leurs feuilles, ce pavillon aurait été la cachette idéale, et personne n'aurait pu les trouver. Toutefois, ainsi mis à nus, ils leurs offraient une protection toute relative. L'avantage était que pour tout intrus, il était prodigieusement difficile de s'approcher sans être repéré, à part en pleine nuit. Cela restreignait considérablement les possibilités d'un éventuel assaillant. Sinove considéra les meilleures façons d'approcher, et elle conclut que le sentier principal qu'elles avaient suivi serait probablement emprunté par ceux qui pouvaient venir les traquer. Si elle avait été à la place d'un tueur chargé de se débarrasser d'Emelyne, elle aurait probablement suspecté la présence de pièges, mais elle aurait quand même utilisé le sentier principal : quiconque pouvait se présenter sur cette route, ami ou ennemi, et personne ne prendrait le risque de la condamner en y installant des chausse-trappes très élaborés, alors que c'était la seule voie de sortie. Par contre, toute autre voie d'approche était suspecte, et serait bien défendue. Il faudrait donc trouver un moyen, de protéger cet accès, sans le rendre complètement impraticable.

Sinove se rapprocha de la rivière, qu'elle longea jusqu'au pavillon. Le cours d'eau serpentait en contrebas, et il fallait descendre une peinte raide pour la rejoindre, et gravir la même pente de l'autre côté pour s'en extirper. C'était un accès difficile, même pour un cavalier, et il y avait davantage de chances qu'un homme perdît sa monture qu'autre chose. Le cours d'eau leur fournirait donc une protection naturelle, qui mériterait peut-être d'être rehaussée ici où là en installant quelques défenses sommaires. L'affaire de quelques minutes. Elle s'arrêta soudainement en plein milieu de ses réflexions, se demandant intérieurement ce qu'elle était en train de faire. En fait, elle n'en savait rien. Tendre un piège à d'éventuels assaillants ? Mais pourquoi faire ?

Elle savait qui la traquait : un homme qui à lui seul avait réussi à tuer ou à faire tuer onze de ses compagnons, qui avait déjoué toutes leurs tentatives pour l'éliminer, et qui les avait poussées à se retrancher dans cette maison de campagne, loin de toute civilisation et de toute protection militaire. S'il était suffisamment menaçant pour les pousser à considérer que la Cité Blanche n'était pas un endroit sûr, alors quel piège pouvait décemment l'arrêter ? En fait, elle était peut-être plus effrayée qu'elle n'en avait l'air, et qu'elle ne voulait l'admettre elle-même. Elle se força à respirer profondément, pour se calmer, puis entreprit de rentrer au pavillon. Sa promenade l'avait rendue morose - ce qui ne se voyait pas vraiment sur ses traits, toujours tristes -, mais avait eu le mérite de lui faire prendre l'air et de lui dégourdir les jambes. Elle sentait quelques courbatures, mais elle avait l'impression que ses muscles reprenaient l'habitude de fonctionner. Il fallait espérer que l'antidote de Vipère allait la purger complètement du poison et lui redonner ses forces avant qu'ils soient contraints d'affronter le contact.


~~~~


C'était ainsi que s'était déroulée la seconde journée. Elles avaient gardé le silence pratiquement tout du long, vaquant à leurs occupations pour essayer de ne penser à rien. C'était une tâche fort compliquée, et la tension était palpable. Ainsi enfermées, elles ne pouvaient pas s'empêcher de jeter des regards au dehors, cherchant à y voir un signe suspect, une forme étrange, ou simplement à y voir le signe de vie d'un oiseau, d'un renard... Mais il n'y avait rien, et c'était profondément désespérant. Toute vie semblait avoir quitté la région, et il fallait espérer que leur tour ne viendrait jamais.

Tout aurait pu continuer dans le même silence pesant, mais le destin décida que les choses ne se passeraient pas ainsi. La nuit était tombée depuis bien longtemps, et il faisait affreusement noir dehors, pourtant Mira avisa quelque chose qui se déplaçait dans la nuit. Elle se raidit et intima à tout le monde le silence. Sinove s'approcha d'elle avec circonspection, se maudissant de ne pas avoir pris une arme avec elle. Elle vint observer par la fenêtre, et confirma qu'il y avait bien un cavalier qui approchait. Un cavalier solitaire, dont la monture avançait d'un pas tranquille au milieu du sentier. Les deux gardes se dépêchèrent de se replier à l'étage en compagnie d'Emelyne, et sortirent leurs arbalètes. Sinove était à leurs côtés, sans savoir ce qu'elle pourrait faire à pareille distance. L'étage était ouvert sur le salon, ce qui leur permettrait de tirer à vue sur l'intrus, si elles l'identifiaient formellement comme un ennemi. Mais s'il s'agissait du contact, il y avait fort à parier que la distance serait suffisante pour lui permettre d'éviter les premiers carreaux. Et alors, le temps qu'elles rechargeassent, il serait sur elles quatre, et n'en ferait qu'une bouchée.

On frappa lourdement à la porte, quatre coups sourds, et puis plus rien. Sinove fronça les sourcils. Ce n'était pas la façon de faire d'un tueur professionnel, et encore moins d'un homme aussi déterminé que le contact. Il n'espérait sans doute pas qu'elles allaient lui ouvrir bien gentiment, et s'il avait très certainement vu la lueur du feu depuis l'extérieur, il se doutait qu'elles allaient se préparer à les recevoir. Etait-il assez imprudent pour tenter de les attirer dans pareil piège ? Avait-il à ce point confiance dans ses capacités qu'il les provoquait en duel ouvertement ? C'était fort possible, mais ça ne lui ressemblait pas vraiment. Sinove ne le connaissait pas, mais elle ne l'imaginait pas patient à ce point. Il avait dû faire une longue route pour venir jusqu'ici, et même s'il était un surhomme, le froid polaire qui régnait au dehors finirait par le tuer. Non, il aurait été plus logique pour lui d'entrer, et de voir comment elles allaient réagir.

L'intuition de la jeune femme était forte, et elle n'arrivait pas à se défaire de l'idée que c'était autre chose. S'emparant vivement du poignard qui pendait à la ceinture d'une des filles, elle descendit l'escalier souplement et sans bruit, essayant surtout de ne pas marcher sur les pans de sa robe, ce qui l'aurait conduite à s'étaler de tout son long dans l'entrée. Elle n'avait pas eu besoin de donner la moindre consigne, car la situation était suffisamment tendue pour cela. Si c'était bel et bien le contact, alors les deux arbalètes devraient cracher la mort sans hésiter, quitte à toucher la jeune femme. Elle était consciente du risque, mais elle pensait surtout qu'attirer l'attention du contact sur elle permettrait aux deux protectrices de mieux ajuster leurs tirs, et de faire mouche. Restait à espérer que son plan allait se passer comme prévu.

Arme en main, Sinove se glissa derrière la porte, et l'ouvrit en grand. De l'extérieur, elle était invisible, et il n'y eut aucun signe indiquant quelqu'un se trouvait derrière. Lançant un regard perplexe à Emelyne, qui se trouvait à l'étage, elle décida de vérifier plus avant, ce qui n'était pas le comble de la prudence. Elle se présenta face à la porte, et ouvrit des yeux ronds, avant de se baisser brusquement. De là où elles étaient, les trois autres femmes ne pouvaient pas voir l'objet de son trouble, mais elle les alerta immédiatement :

- C'est Vipère ! Il est blessé, venez vite !

Et c'était vrai. Il avait dû chevaucher sans s'arrêter depuis la Cité Blanche, à en juger par son état d'épuisement, et il avait probablement fait une mauvaise rencontrer avant de partir ou en chemin. Son épaule et son bras étaient ouverts, de manière superficielle peut-être, mais les bandages étaient imbibés de sang. La blessure qu'elle lui avait infligée s'était rouverte, et avait trempé sa chemise. Il faisait trop sombre pour qu'elle pût voir autre chose. Rapidement, et avec une précision militaire, elle posa trois doigts sur sa gorge pour voir si son pouls était correct, posa légèrement une main sur sa poitrine pour mesurer la force et la régularité de son souffle, puis posa ses mains froides sur le côté de sa tête, pour vérifier qu'il réagissait bien. Il n'était pas mourant, mais il semblait éreinté. Elle plongea son regard dans le sien, et lui transmit son étonnement par rapport à la situation.

Pendant un temps, ils avaient été ennemis et s'étaient affrontés dans un duel à mort. Alors, leurs regards s'étaient croisés une première fois, chacun déterminé à voir la vie s'éteindre en l'autre. Et puis ils avaient été contraints de travailler ensemble, et Vipère avait vu dans les yeux de la jeune femme la souffrance, la fatigue, et le désir d'être sauvée pour accomplir sa vengeance. Et désormais, ironie du sort, les rôles étaient inversés, et c'était elle qui devait veiller sur lui en attendant qu'il fût remis de sa blessure. En y réfléchissant bien, peut-être qu'elle aurait pu le tuer immédiatement, profitant de ce qu'Emelyne ne le voyait pas. Elle aurait prétexté qu'il était mort dans ses bras, et qu'elle n'avait rien pu faire. Il lui aurait simplement fallu échapper à Emelyne et à ses gardes du corps, pour reprendre la route de son côté, et échapper définitivement au contact qui ignorait même qu'elle était en vie. En était-il conscient ? Mesurait-il à quel point ils dépendaient l'un de l'autre ?

Elle ignorait s'il avait conscience du lien qui existait entre eux, et elle n'eût pas l'occasion de le découvrir. Sa décision était prise. Elle se redressa et s'écarta pour laisser Emelyne, Mira et Ihra venir l'examiner,  lui poser mille questions, et le faire rentrer pour essayer de le réchauffer et de lui procurer quelque soin. Leurs préoccupations étaient très immédiates, et elles laissèrent Sinove perdue dans ses pensées, regarder la nuit environnante.

A l'exception de Vipère, peut-être, elle semblait être la seule à comprendre que le retour de leur allié signifiait que le contact allait désormais focaliser toute son attention sur localiser cet endroit, et venir les débusquer. Tant qu'ils avaient été séparés, ils avaient eu un avantage, mais désormais qu'ils étaient réunis par la force du destin, ils devaient se préparer à livrer bataille d'un jour à l'autre. Et Sinove, en dépit de son regain d'énergie, ne se sentait pas encore prête à réussir là où onze des siens avaient échoué...


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Emelyne n’était probablement pas d’une excellente compagnie en ce moment et elle s’en rendait compte. Seulement elle était agacée par l’isolement forcé auquel elles étaient forcées et son inquiétude de ne recevoir aucune nouvelle de la cité blanche ne la laissait pas en paix. Ainsi, elle avait passé les deux dernières jours bien plus silencieuse qu’à l’accoutumées. Et, puisque ses compagnes étaient loin d’être loquaces par nature, l’ambiance dans l’ancien pavillon de chasse était tout sauf festive.

Elle n’avait pas la moindre idée de comment elle pourrait se protéger si le danger les suivait jusqu’ici. Elle était entièrement dépendante des capacités des deux sœurs et de Sinove et elle en avait conscience. Si elle pouvait se montrer très douées dans certains domaines, l’affrontement physique n’en faisait pas parti. Elle n’éprouverait aucun remord à tuer un homme qui leur voulait du mal mais elle s’en savait incapable. Et plus inquiétant encore, elle n’était pas certaine qu’aucune des femmes qui l’entouraient n’en soit capable non plus.

Au fond d’elle même elle espérait seulement que Vipère parviendrait à régler le problème de son côté. Mais si Sinove était toujours en vie, c’était bien car l’assassin ne pensait pas être capable de faire face au danger tout seul. Emelyne essaya d’imaginer ce qui l’attendait mais aucune des histoires qu’elle se racontait à elle-même n’arrivait à la rassurer. Le plus probable, en tous cas elle l’espérait, était que Vipère finirait par venir chercher Sinove et qu’ils s’en iraient tous les deux pour affronter cet homme. Elle voulait s’en convaincre mais cela serait trop beau pour être vrai. Et même si cela se passait ainsi, il n’était pas certain qu’ils soient de taille à eux deux. Auquel cas, elle serait encore moins en sécurité.

Il serait peut être plus judicieux que ses protectrices viennent en aide aux deux assassins, même si cela signifiait restée plus proche du danger. A quatre, ils auraient plus de chances de vaincre un homme seul. La maquerelle ne pensait pas à ce qui arriverait après. Pour l’heure, la seule chose qui lui importait était sa survie, le reste était subsidiaire.

Elle fût tirée de ses pensées alarmistes par Mira qui pensait avoir repéré un cavalier venant dans leur direction. Aussitôt, le cœur de l’ancienne prostituée s’emballa. Seule Mervine connaissait cette adresse et elle doutait fort que ce soit son employée qui avançait vers elles en ce moment. Il ne pouvait s’agir que du contact ou bien de Vipère. Tout en priant pour que ce soit la deuxième option, Emelyne laissa Ihra la conduire en sécurité (enfin autant en sécurité que possible) à l’étage. Les deux sœurs prirent position dans l’escalier tandis que Sinove se plaçait derrière la porte.

Elle ouvrît cette dernière après que des coups eussent retentis contre le bois. Emelyne se rendit compte qu’elle avait cessé de respirer et s’obligea à inspirer puis à expirer lentement. Lorsque la jeune meurtrière annonça que c’était bien Vipère, la tension diminua quelque peu et la maquerelle ordonna qu’on transporte l’assassin, qui était manifestement blessé et épuisé, dans le salon.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se mît à le bombarder de questions. Comment l’avait-il trouvée ? Est ce que Mervine allait bien ? Leur problème était-il résolu ? Et surtout étaient-elles de nouveau en sécurité ?

Le jeune homme ne répondit à aucune de ses questions car dès qu’il fût installé sur le divan, il perdît conscience. Manifestement il avait épuisé ses dernières forces à parvenir jusqu’à elles. Emelyne ordonna qu’on s’occupe de ses blessures avant toute chose. Il saignait abondamment et, si aucune de ses plaies n’avait l’air mortelle, il valait mieux stopper l’hémorragie au plus tôt.

Pendant que les femmes autour d’elles retiraient la chemise de l’assassin et commençaient à soigner ses blessures, Emelyne se rendit compte que c’était la première fois qu’elle voyait le visage de cet homme. Lui qui avait si habilement dissimulé son identité jusqu’à présent était désarmé et à moitié nu devant elle. Il ne ressemblait absolument pas à ce qu’elle avait imaginé. Elle pensait qu’il s’agirait d’un homme au visage marqué, à l’aspect un peu bourru peut être et certainement plus âgé. Qu’est ce qui lui avait donné cette impression. L’autorité dont ils faisaient preuve avec tout le monde ? Sa voix grave et menaçante ? Ou encore l’aura qu’il dégageait et qui poussait, même des criminels comme Méneï, à le respecter ?

Mais elle avait devant elle un jeune homme, plutôt avenant et à l’aspect non menaçant mais plutôt vulnérable. Il n’était pas épais et, même si son corps laissait voir des muscles bien dessinés, il ne semblait pas spécialement dangereux. Ainsi endormi, il évoquait plutôt un jeune homme doux et innocent. Et comme il était jeune. Il semblait à peine adulte, bien qu’un peu plus âgé que Sinove. Elle ne lui aurait pas donné plus de 20 ans. Elle coula un regard vers la meurtrière mais son expression était indéchiffrable. Emelyne se disait maintenant que les deux assassins se ressemblaient sur bien des points. Elle était dévorée par la curiosité mais, au fond d’elle, elle préférait ne pas savoir ce qui était arrivé à ces deux jeune gens pour les amener à ce qu’ils étaient devenus.

Quoi qu’il en soit, elle n’aurait pas de réponse à ces questions tant que Vipère n’aurait pas pris un peu de repos. Aussi, décida t’elle d’en faire autant et elle laissa le soin à ses protégées d’installer son associé.

/////////////

Je m’éveillais aux premières lueurs du jour. Il me fallut un moment avant de comprendre où je me trouvais. J’étais vêtu d’une longue chemise de nuit et je me rendis compte que, non seulement mes plaies avaient été bandées, mais que j’étais entièrement débarrassé de la crasse de mon voyage. A l’idée que les deux jeunes sœurs m’aient déshabillé et lavé, je fus pris de malaise avant de me reprocher ma pudeur totalement déplacée. Après tout, elles en avaient sûrement vu d’autres vue leur profession.

Un pantalon en lin ainsi qu’une chemise en soie blanche étaient étendus sur une chaise près de mon lit et je m’étonnais de leur présence et de la qualité des vêtements. Emelyne se servait-elle de cet endroit afin de recevoir d’éventuels amants ? Je m’habillais en vitesse et vérifiait que mes affaires étaient en ordre. A première vue, il ne manquait aucun poison ni aucunes plantes. De toute façon, un profane n’aurait pu distinguer ce qui était bénéfique de ce qui était mortel. Sans compter que plusieurs mélanges étaient de mon invention et que j’étais le seul à pouvoir les identifier.

Une légère odeur de nourriture et de thé chaud montait du rez de chaussée et ce n’est qu’alors que je me rendis compte que j’étais affamé. Je descendis l’escalier avec prudence, ne souhaitant pas rouvrir ma blessure une nouvelle fois, et lorsque j’atteins le palier inférieur, j’y trouvais Emelyne et Sinove attablées devant le petit déjeuner. Elles s’étaient manifestement levées à l’aube et il n’était pas bien difficile de deviner pourquoi.

La maquerelle me désigna un siège vide et je les rejoignis. Elles eurent la patience d’attendre que je mange un peu avant de commencer à me poser des questions. Enfin, seule Emelyne semblait pressée que je réponde à ses nombreuses interrogations. Sinove ne se donna pas la peine d’ouvrir la bouche mais je savais qu’elle ne perdait pas une miette de l’échange. Elle parlerait lorsque cela lui paraitrait nécessaire.

Elle semblait aller mieux que lors de notre dernière rencontre (en même temps l’inverse eût été difficilement imaginable) même si elle n’était manifestement pas au mieux de sa forme. J’avais encore du mal à me détendre, la sachant si près de moi, mais je me forçais à la regarder sous un jour nouveau. Sans prétendre être les meilleurs amis du monde, nous étions maintenant des alliés, que nous le voulions ou non. Et puisque j’avais grandement participé à la création de cette alliance improbable, la moindre des choses était que je commence à lui témoigner un peu de confiance.

Je répondis calmement et avec méthode aux questions d’Emelyne, lui expliquant les évènements qui m’avaient conduis à les rejoindre ici. Elle parut soulagée d’apprendre que Mervine était en sécurité mais je ne parvins pas à savoir si elle s’était inquiétée pour son employée ou pour sa propre sécurité. A son tour, elle m’expliqua comment elles avaient survécues à l’attaque orchestrée par Raïleh et elle parut satisfaite lorsque je lui décris la façon dont il avait péri. Puis elle posa la question que je redoutais d’entendre.

- Qu’allons nous faire maintenant ? J’imagine que vous avez un plan.

J’aurais aimé que ce soit aussi simple mais je ne voulais pas donner de faux espoirs à mes associées. Aussi décidais-je de jouer franc jeu.

- Nous sommes en sécurité pour plusieurs jours au moins. Personne ne sait où nous nous trouvons et Mervine restera introuvable, faîtes moi confiance. Néanmoins l’homme qui nous pourchasse va commencer à chercher dans toutes les directions et pour lui, vous êtes présentement dans l’Ithilien sud. Vos parents…

- sont en sécurité. Vous ne pensiez tout de même pas que je les aurais exposés ainsi ? Qu’il perde son temps dans l’Ithilien, il n’y trouvera rien qui pourrait l’amener jusqu’ici.

- Ne faîtes surtout pas l’erreur de le sous-estimer. Il finira par retrouver notre trace même si j’admets que vous ne lui avez pas facilité la tâche. Quoi qu’il se passe, nous devons être prêts lorsqu’il arrivera ici.

- Et c’est tout ? Nous attendons gentiment qu’il vienne frapper à notre porte ? Et quoi ? Nous lui offrons le thé et des gâteaux aussi ?

- Ce n’est pas la peine de se montrer sarcastique. Cela ne nous aide en rien. Maintenant si vous n’avez aucune suggestion à faire, il vaut mieux que vous n’ajoutiez rien.


Je ne souhaitais pas me montrer aussi cassant mais le ton qu’avait employé la maquerelle méritait bien une petite remontrance. Je savais bien que son attitude était justifiée par la peur et je ne pouvais l’en blâmer. Mais pour l’instant j’avais besoin de quelqu’un qui pouvait garder la tête froide. Or l’ancienne prostituée ne rentrait manifestement pas dans cette catégorie.

Je me tournais vers Sinove et l’étudiais quelques instants. Elle était restée silencieuse jusqu’à présent mais je voyais bien qu’elle était plus consciente de la réalité qu’Emelyne. Même si elle n’était pas complètement remise, je sentis que ma première intuition avait été la bonne. Elle était exactement ce dont j’avais besoin pour le moment : une tueuse froide et sans pitié. Et si j’avais été à sa place je sais ce que j’aurais commencé à faire dès mon arrivée en ces lieux : repérer le terrain.

- Je gage que vous avez eu le temps de visiter les environs. Quelle stratégie vous semble la plus appropriée ?
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Pour l'heure, tout était calme, et Sinove suivait le mouvement tranquillement. A partir du moment où les deux sœurs avaient pris en charge Vipère, elle avait passé le relais, et avait considéré que la suite n'était plus de son ressort. Non pas qu'elle fût incapable d'apporter aide ou conseil lorsqu'il était question de sauver la vie d'une personne, mais elle avait déjà pu bénéficier des bons soins des deux jeunes femmes, et elle savait qu'elles n'avaient besoin d'aucune assistance. Au lieu de quoi, elle décida de rester là, simplement à observer la situation. Elle était à demi-plongée dans l'observation des soins, et à demi-plongée dans ses propres réflexions. Son esprit coupé en deux était parfaitement conscient de ce qui se déroulait sous ses yeux, tout en analysant des dizaines d'informations qui n'avaient rien à voir, et qui pouvaient paraître sans intérêt.

Elle était par exemple en train de regarder les mains expertes des deux gardes du corps se couvrir peu à peu d'un sang écarlate, tandis qu'elles s'affairaient à recoudre en urgence les premières plaies, tout en imaginant l'ensemble des situations qui avaient pu pousser Vipère à se faire ainsi blesser. Avait-il eu un souci avec le contact à Minas Tirith ? Possible, mais il était surprenant qu'il s'en sortît. Avait-il fait une mauvaise rencontre en chemin ? Possible également, mais cela signifiait-il qu'ils devaient craindre une attaque incessamment ? A moins que le tueur n'eût éliminé tous ceux qui avaient essayé de le tuer ? Dans tous les cas, cela ne paraissait pas particulièrement clair, et il valait mieux essayer de parer à toutes les éventualités, plutôt que de se tenir inerte en attendant que la mort vînt frapper.

Sinove capta bien entendu le regard étrange qu'Emelyne lança au tueur qui avait décidé de se rallier à elle. La maquerelle semblait un peu déboussolée, et il était aussi facile de lire en elle que si elle avait énoncé ses pensées à voix haute. Elle regardait Vipère pour la première fois, et découvrait ce qui se cachait sous le masque et sous les vêtements d'un être qui jusqu'alors lui avait paru mystérieusement terrifiant. Les Douze utilisaient le même procédé : cacher leur visage derrière un masque et une tunique parfaitement identifiable, pour accroître l'impact psychologique. Et en règle générale, lorsqu'ils étaient démasqués, la surprise était de taille. Qui pouvait croire que des individus aussi jeunes pouvaient se dissimuler sous des apparences aussi cruelles et barbares ? Emelyne en arrivait vraisemblablement à cette conclusion, et le regard qu'elle portait sur le corps dénudé du jeune homme était plein de pitié et d'incompréhension. Le regard de la femme glissa un instant jusqu'à Sinove, qui le soutint sans ciller. Elle comprenait les interrogations de la maquerelle, mais ne se lancerait pas dans des explications qui risquaient d'être complexes et qui n'avaient aucun intérêt. Sa vie, et celle de Vipère probablement, devaient être très similaires, et ils devaient avoir vécu des tortures affreuses pour en arriver là. La seule différence notable entre eux, c'était que celles qui avaient conduit le jeune homme dans cette voie ne se voyaient pas sur son visage... ce qui ne signifiait pas qu'elles étaient moins douloureuses.

Plusieurs heures passèrent, et les deux guérisseuses improvisées ne lâchèrent pas l'affaire avant d'être certaine d'avoir pu stabiliser l'état de leur patient. Le diagnostic rapide de Sinove était plutôt correct, dans l'ensemble : Vipère vivrait, et il avait surtout besoin de repos. Les blessures n'étaient pas bénignes, mais ce n'était rien dont il fût impossible de se remettre. Restait à savoir combien de temps il aurait à sa disposition pour reprendre des forces... combien de temps restait-il avant l'attaque du contact ? Seul Vipère pouvait le leur dire.

Sinove regagna sa chambre pour y passer une nuit aussi brève que vide de rêves, et elle se réveilla aux aurores, pour vérifier que tout allait bien dans les parages. Il n'était pas facile de faire la grasse matinée quand une telle épée planait au-dessus de leurs têtes, et à l'exception des deux gardes du corps qui dormaient encore après assuré la surveillance du malade une bonne partie de lui, personne n'avait vraiment envie de garder les yeux fermés. Ainsi, Emelyne était déjà réveillée, et elle s'affairait dans la cuisine avec empressement, comme si s'occuper les mains était une façon pour elle d'évacuer son stress. A côté, Sinove ressemblait à une véritable statue, presque immobile. Elle prit place avec raideur à la table, et commença à manger avec lenteur. Cette fois, la maquerelle n'avait même pas pris la peine de lui mettre de couverts, et ce fut à peine si la tueuse le remarqua.

Les deux femmes, assises côte à côte, n'échangèrent pas une seule parole de tout le petit déjeuner, et Sinove resta absorbée par ses songes, visualisant intérieurement une série d'éléments qui pour elle formaient l'entrelacs complexe de ses pensées soigneusement ordonnées. Pour n'importe qui d'autre, cela aurait ressemblé à un chaos indescriptible. Elle levait les yeux de temps à autre vers Emelyne, et l'observait sans se cacher, mais sans toutefois être toujours repérée. Elle ne la voyait pas véritablement en tant que personne, mais plutôt en tant qu'une boule d'émotions très diverses, qui se mélangeaient et évoluaient à chaque seconde. Mais en règle générale, le duo qui s'affrontait avec le plus d'éclat était celui qui opposait son inquiétude dévorante et son besoin de se rassurer. Elle paraissait être aux prises avec la terreur absolue, et l'envie de partir en courant immédiatement, et elle devait faire un usage immodéré de sa raison pour penser à autre chose. De toute évidence, elle était aussi très impatiente d'avoir des nouvelles de Vipère, et ses souhaits furent exaucés par l'homme fit son apparition dans la cuisine assez tôt dans la matinée.

Sinove l'avait entendu approcher, et l'avait identifié à son pas lent et précautionneux. Toutefois, elle ne prit la peine de tourner la tête vers lui que lorsqu'il franchit l'entrebâillement de la porte. Le regard glacial qu'elle lui lança était éloquent, et s'il était surpris d'avoir été changé la veille, il dut se sentir déshabillé par l'inspection généralisée de la tueuse. Elle nota qu'il avait l'air d'avoir retrouvé des forces, mais qu'il paraissait encore très affaibli. Des conclusions relativement évidentes, pour elle, mais qui pouvaient être plus compliquées à tirer pour d'autres, puisqu'il était évident qu'il faisait un effort pour dissimuler sa faiblesse. Il y avait probablement un peu de fierté là-dedans, mais surtout la volonté de ne pas inquiéter outre mesure la maquerelle, qui pour l'heure avait besoin d'être rassurée. Sinove l'observa une paire de secondes, sans lui adresser un seul signe amical, pas même une ébauche de sourire, avant de retourner à son repas, laissant les "bonjour" et les "asseyez-vous" à d'autres qu'elle.

Elle continua à manger sans cérémonie, et apparemment sans faire cas de la présence du tueur, qui attaqua son repas avec appétit. En réalité, son esprit était empli de questions qui fusaient à la vitesse des comètes traversant parfois le ciel étoilé. Elle n'en attrapait qu'une partie au vol, et essayait d'y répondre pour l'exercice, avant de les laisser s'envoler et disparaître hors de sa portée, mais pas hors de son esprit. Elle respecta ainsi le silence de plomb imposé dans la pièce, probablement avec moins de difficulté qu'Emelyne, qui paraissait terriblement impatiente de connaître les détails de l'histoire du tueur. Son regard envers lui, d'ailleurs, semblait avoir quelque peu changé, et le fait de voir un jeune homme attablé à côté d'elle, qui selon les standards du Gondor n'était pas déplaisant à regarder et qui paraissait en outre bien élevé - mieux que Sinove qui continuait à manger avec les doigts - paraissait lui plaire. C'était comme si pour la première fois depuis une éternité, elle avait une présence amicale et civilisée à table... ce qui était le cas, en vérité. On ne pouvait pas dire que Ihra et Mira étaient des modèles de relation sociale, et si elles effectuaient leurs tâches de protection avec une efficacité et un zèle louable, elles n'étaient pas des esprits avec qui Emelyne pouvait discuter ouvertement. Sinove était hors compétition, car elle semblait fermée à tout ce qui venait de l'extérieur. Vipère, dès lors, apparaissait comme une personne relativement abordable.

Ce fut probablement pour cette raison qu'elle entreprit de le noyer sous un déluge de questions. Sinove les écouta toutes avec une grande attention, et nota soigneusement les détails de son récit, pour se faire une idée aussi précise que possible du tableau. Elle manquait probablement des éléments centraux, mais s'attachait exclusivement à ce qui avait un lien avec son objectif final : tuer le contact. Ainsi, le contact avait affronté Vipère, et avait découvert son identité, ce qui avait poussé ce dernier à fuir Minas Tirith. Il avait toutefois réussi à se débarrasser d'un des lieutenants de leur ennemi, ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Emelyne paraissait ne voir que le bon côté de la chose, mais le regard que lança Sinove à Vipère ne contribua pas à faire remonter l'enthousiasme général. Préoccupée, elle avala une gorgée de thé brûlant et écouta la suite du récit.

Il dériva vers les parents de la maquerelle, élément négligeable de l'équation. Si le contact mettait la main dessus, il aurait un élément de pression qui ne lui serait d'aucune utilité. Il pouvait bien les tuer, ce ne serait qu'un acte contribuant à enrager Emelyne, et à la rendre plus dangereuse. Mais Sinove ne s'en émouvrait pas le moins du monde, et ne changerait pas son attitude d'un iota. Elle était prête à parier qu'il en serait de même pour Vipère, et à eux deux ils parviendraient à empêcher leur hôte de faire une bêtise. Ce serait un coup dans l'eau de la part du contact. Mais il était visiblement rassurant pour la maquerelle de montrer qu'elle aussi avait pris des initiatives dans cette affaire, et qu'elle avait su placer ses parents en sécurité pour un temps. Elle paraissait en tirer une certaine fierté, que ne releva même pas Vipère. Ce dernier, à l'instar de Sinove, était beaucoup plus concentré sur l'affrontement inéluctable. Que ce fût dans deux jours ou dans deux semaines, le contact viendrait frapper à leur porte et faire couler le sang dans cette demeure. Ils avaient choisi le lieu de l'affrontement, et ils avaient décidé de laisser à leur adversaire le soin de choisir le moment.

De toute évidence, Emelyne ne paraissait pas ravie de cette situation, et elle était particulièrement tendue à l'idée de devoir attendre tranquillement qu'on vînt essayer de les tuer. Mais quel autre choix avaient-ils ? Sortir à découvert ? Annuler leur meilleur avantage en essayant de jouer aux héros ? Elle ne semblait pas mesurer réellement le danger que représenter leur adversaire, et c'était le plus grand risque. Avec une efficacité qui ne laissait pas beaucoup de place au tact, Vipère renvoya la maquerelle dans ses quartiers, lui expliquant sans détour qu'il valait mieux qu'elle se tût plutôt que de dire des stupidités. L'objectif était de rentabiliser le peu de temps qu'ils avaient, pas de le perdre en mesquinerie verbale. L'efficacité devait être leur maître mot désormais. Ce fut ainsi que Vipère demanda à la tueuse quelle était la stratégie qu'elle comptait appliquer. Une question pertinente, qui appelait une réponse pertinente.

Sinove s'empara de l'assiette d'Emelyne sans lui demander son avis, et la tira au centre de la table. Elle attrapa couteau et fourchette de la maquerelle, et les disposa perpendiculairement, pour former une route. La salière fut vidée sur la table, et son contenu affiné pour lui donner la forme grossière de la rivière qui passait sur le côté de la demeure. La tasse de la tueuse servit à matérialiser les écuries, attenantes au bâtiment, et qui constituaient la dernière pièce du décor. Elle n'avait pas ouvert la bouche, et n'avait pas présent les différents éléments, mais il paraissait clair qu'elle fouillait simultanément dans sa mémoire pour essayer de rendre un compte-rendu aussi fidèle que possible. Sa capacité d'analyse était prodigieuse, et aurait été particulièrement utile si la jeune femme avait eu l'occasion de recevoir une quelconque instruction. Ses talents, toutefois, étaient employés dans un autre but, qui pouvait les conduire à la survie.

Elle acheva son œuvre, et tendit l'index et le majeur au niveau des couverts, remontant jusqu'à l'assiette qui symbolisait la maison :

- Une seule voie d'accès sûre et non couverte de neige. Ici (elle désignait les écuries) le seul angle mort de la maison. Là (elle montrait la rivière) une protection naturelle à renforcer. Derrière (elle montra un grand espace vide), la forêt, et une porte de sortie.

Elle leva les yeux un bref instant, et dévisagea ses deux interlocuteurs, pour s'assurer qu'ils avaient bien compris la situation de départ. De toute évidence, Emelyne connaissait bien son domaine, et elle semblait reconnaître les lieux. L'esprit affûté de Vipère, de son côté, ne semblait pas avoir de mal à imaginer la scène. Elle reprit alors, essayant d'être aussi claire et concise que possible :

- Trois options d'attaque : la porte, les écuries, l'arrière. Deux possibilités : une attaque isolée, ou une attaque en groupe. Premier cas, la porte est trop prévisible, l'arrière trop difficile d'accès. Reste les écuries. Aucune fenêtre, possibilité de tuer les chevaux, et de s'approcher de la maison sans être repéré.

Elle réfléchissait intensément, comme si elle se mettait physiquement à la place du tueur qui venait les chercher, et qu'elle évaluait avec lui les options à considérer.

- A partir des écuries, on peut accéder à l'étage. Vous (il montra Emelyne) serez sa première victime. Puis vos gardes, puis moi et Vipère. Il comptera sur votre mort pour nous faire douter, et nous désunir. Il aura pris notre défense à revers, et il aura déjà gagné.

Les conclusions n'étaient pas particulièrement réjouissantes, mais la jeune femme essaya de leur fournir une réponse aussi fiable qu'il était possible... ce qui était un doux rêve. Comment, après tout, pouvait-on concevoir une stratégie quand on n'avait pas la moindre information fiable :

- Il y a trois choses à faire : déplacer les chevaux, piéger les écuries, et vous cacher au sous-sol.

Le dernier point était peut-être le moins logique, car en règle générale, on poussait toujours les individus à se réfugier à l'étage, là où leurs assaillants auraient le plus de mal à les atteindre. Mais contre un tel adversaire, il valait probablement le coup d'essayer de le surprendre. Toutefois, si ce plan ne marchait pas, Emelyne risquait d'être coincée, sans issue de secours. Avant que quiconque eût pris la parole pour protester, elle poursuivit :

- Second cas, attaque en groupe (elle ferma les yeux, et s'immergea dans les pensées du contact), j'ordonne aux mercenaires d'encercler la maison et d'attaquer depuis toutes les directions. Je reste à distance. Je compte le nombre de défenseurs : trois, dont deux à l'étage. Arbalètes, cadence faible. J'attaque dans l'angle mort. Les écuries sont piégées, je me rabats sur la porte principale. Trois arbalètes, trois hommes avec moi. Un meurt, deux s'occupent du premier adversaire. Je monte à l'étage. Une des filles sort pour prêter main-forte, je la surprends et la tue. J'avance. Un tir d'arbalète dans le dos, et j'abats la seconde fille. Reste Sinove, elle m'attaque par surprise. Un contre un, je la tue. Je tue Emelyne, je redescends pour affronter Vipère. Je le tue.

Elle marqua une pause. Et réfléchit aux options à envisager. Il n'y en avait pas beaucoup, et tout dépendait du nombre d'hommes que pouvait mobiliser le contact. Mais, en repassant le scénario dans sa tête encore et encore, en imaginant toutes les situations possibles, elle ne voyait qu'une seule situation qui pouvait être suffisamment surprenante pour se débarrasser de leur ennemi. Une seule chance de pouvoir le frapper de manière décisive, sans qu'il pût rien faire pour parer à cela. Et cette solution ne serait certainement pas la plus simple à mettre en œuvre. Elle s'expliqua :

- Il y aurait un moyen... Il entre, Vipère se replie à l'étage, nous l'attendons. Il monte, les filles affrontent ses hommes. Nous affrontons le contact. Nous le bloquons, et vous l'abattez avec une arbalète.

Sinove planta ses yeux d'un bleu pâle droit dans ceux d'Emelyne. Elle n'était pas une combattante, elle n'avait a priori aucune raison d'être une menace, et si le contact la voyait sans arme au moment d'engager le duel, il l'écarterait de ses pensées. Elle aurait alors tout le loisir de s'emparer d'une arbalète, de viser et d'abattre leur ennemi. Mais les inconvénients étaient nombreux. Premièrement, il n'était pas certain que le tir touchât sa cible, et la maquerelle ne savait pas comment recharger. Il lui faudrait apprendre pour la forme, mais en pratique elle n'aurait probablement pas le temps de tirer deux fois. En outre, le risque était grand - pour ne pas dire immense ! - qu'elle touchât Vipère ou Sinove à la place. Dans le chaos de la bataille, un faux pas ou une belle réaction de la part du contact pouvait transformer leur tentative en désastre. Et alors, ils auraient épuisé leur meilleure chance. Mais y avait-il une option qui n'impliquait pas de mettre leur vie en danger au-delà du raisonnable ? Sinove était convaincue que non, et elle jeta un regard appuyé à Vipère, lui adressant véritablement la parole pour la première fois :

- Je sais que vous voudrez me tuer quand cette histoire sera finie. Si quelqu'un doit prendre ce carreau, ce sera moi. Avec de la chance, cela le surprendra assez pour que vous puissiez lui porter un coup mortel avec vos lames empoisonnées.

Elle sentit qu'Emelyne essayait de dire quelque chose, peut-être de manifester son désaccord avec le plan, mais Sinove et Vipère étaient dans une bulle, s'adressant l'un à l'autre à l'exclusion de toute autre personne. Elle remettait sa vie... ou plutôt sa mort entre les mains de cet inconnu dont elle voyait le visage pour la première fois. Il lui rappelait incroyablement les membres de sa confrérie, et il aurait facilement pu faire partie des Douze, si le destin en avait décidé autrement. Ils étaient étrangement proches, et elle était certaine qu'il comprenait son pragmatisme à toute épreuve :

- Si nous devons en arriver là... si je suis blessée et qu'il n'y a plus d'espoir...

Elle ne finit pas sa phrase. Par crainte ? Craignait-elle vraiment de mourir ? Cela paraissait bien improbable. On aurait plutôt dit qu'il n'y avait rien à ajouter, et que les mots n'auraient pas décrit assez bien ce qu'elle pouvait lui demander. Un service, une faveur, un dernier honneur. Encore une fois, elle était convaincue qu'il comprendrait sa décision... mais était-ce réellement le cas ? Vipère était-il vraiment le tueur impitoyable qu'il voulait paraître ?


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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptySam 7 Juin 2014 - 18:20
Les papiers étaient tous très bien rangés et il était évident que la maîtresse des lieux était quelqu’un de très organisé. La prostituée, bâillonnée et ligotée, sanglotait de temps à autre mais le contact continuait sa fouille méthodique des documents d’Emelyne sans lui prêter la moindre attention. Il s’était fait passer pour un client et, dès qu’ils avaient été seuls dans la chambre, il l’avait attaquée et elle l’avait conduit aux appartements de sa patronne.

Son bras le faisait toujours souffrir mais le pire était passé. Il ne lui restait que peu des remèdes miracles de Rezlak mais cela avait été suffisant. Enfin il trouva ce qu’il cherchait. Une facture qui n’avait pas encore été rangée. Celle-ci concernait une livraison de bois de chauffage pour une demeure de l’Emyn Arnen. Or, il n’avait vu nulle part qu’Emelyne possédât une maison dans cette région. Si celle-ci était secrète alors c’était probablement là qu’ils se cachaient.

Il avait perdu deux semaines à les chercher sans succès dans l’Ithilien sud avant de renoncer et de revenir à Minas Tirith. Mais sa patience allait enfin être récompensée. Il se mettrait en route le jour même et d’ici deux jours tout au plus, ses ennemis seraient morts et enterrés et il pourrait mettre toute cette histoire derrière lui. Son regard se tourna vers la jeune femme terrorisée qui pleurait en silence dans l’angle de la pièce. Pourtant il ne lui avait guère fait beaucoup de mal mais elle était jeune et craintive et il n’avait pas été difficile de la faire parler.

Il en avait appris bien plus qu’il ne l’espérait et surtout que la dernière employée de Mirallan avait rejoint les rangs de ses ennemis même si elle était dans un état critique. Néanmoins plusieurs semaines s’étaient écoulées et il savait bien la résistance hors norme qui caractérisait les membres de cette confrérie. Il avait hésité un instant à contacter Néhélac à ce sujet, car c’était elle qui l’avait mis au courant de l’existence de 1512 il y avait bien longtemps. Néanmoins, cela n’aurait servi qu’à mettre au courant Rezlak de ses déboires actuels.

Sans compter qu’il préférait ne pas avoir affaire à la jeune femme. Il devait bien avouer qu’il ne se sentait pas en sécurité avec elle et c’était là un fait absolument sans précédent. Il n’était pas surpris qu’elle soit devenue la numéro deux de leur petite organisation même s’il avait cru un instant que Rezlak privilégierait leur amitié. Mais son vieil ami était un pragmatique avant toute chose et il fallait bien s’assurer de la loyauté de cette femme si dangereuse.

Il se rendit compte que ses pensées avaient divergé de leur cours et il se leva lentement. La jeune fille n’eût pas le temps de se débattre. Il laissa son corps sans vie dans le bureau de la maquerelle et sortit lentement de la maison close. Il grimpa sur son cheval et se mit en route. La confrontation qu’il attendait allait enfin avoir lieu. Il ne se sentait pas effrayé. A vrai dire, il ne se sentait même pas en danger. Il avait perdu son sang froid lors de sa dernière rencontre avec Mardil mais il avait eu le temps de se calmer et cette fois-ci, il ne ferait aucune erreur. Les occupants de la maison de la proxénète ne le savaient pas mais ils n’avaient plus que deux jours à vivre. Un sourire cruel éclaira son visage couvert de cicatrices et il lança son cheval au galop.

///////////

Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 Emelyn11

Emelyne fît le vide dans son esprit et se concentra sur la cible. Le carreau attînt le centre et un sourire éclaira son visage. Il lui avait fallu deux bonnes semaines mais elle ne ratait plus que rarement sa cible. Bien sûr, il serait autrement difficile d’atteindre une cible en mouvement mais elle ne s’était jamais sentie aussi puissante. Elle commençait à comprendre pourquoi certains hommes prenaient tellement soin de leurs armes, allant même jusqu’à les baptiser. A l’idée que l’un de ses carreaux touche, non pas une cible inanimée mais leur ennemi, elle ne ressentait plus de la crainte mais de l’excitation.

Elle ne l’aurait pas avoué à qui que ce soit, mais elle ressentait une tension presque érotique à l’idée de faire couler le sang d’un homme. Elle n’aurait jamais cru ressentir de telles émotions en maniant une arme mais les faits étaient là. Oh bien sûr, elle n’était pas idiote et elle savait bien qu’il serait autrement compliqué de se servir de son arbalète au moment venu.

Elle avait d’abord été terrifiée lorsque Sinove avait dévoilé son plan et plus encore lorsque Vipère avait abondé en son sens. S’en était suivi une période de doutes et de fatigue. Elle avait passé le plus clair de son temps à s’entraîner avec Mira, ne progressant que trop lentement à son goût. Mais les jours avaient passé, puis les semaines, et toujours aucun signe de leur ennemi.

Emelyne se sentait plus confiante maintenant que ces dernières semaines, peut être parce qu’elle avait été témoin des progrès des deux assassins. Sans être totalement remis, Sinove et Vipère étaient bien mieux portants et semblaient en état de se battre. Lorsqu’elle les voyait s’entraîner ensemble, elle n’imaginait pas comment il était possible qu’ils soient vaincus. Elle savait pourtant qu’ils retenaient tous les deux leurs coups afin de ne pas se blesser inutilement mais cela restait très impressionnant.

Et pourtant ni l’un ni l’autre ne semblait partager son enthousiasme. Cela n’était pourtant pas de la fausse modestie. Ils auraient paru monstrueusement dangereux à la plupart des guerriers que l’ancienne prostituée avait croisés dans sa vie et pourtant ils jugeaient leurs performances physiques comme totalement insuffisantes. Même s’il était vrai qu’Emelyne n’avait jamais vu les deux assassins au sommet de leur puissance et qu’elle n’avait jamais rencontré le contact, il lui semblait improbable qu’un homme seul puisse venir à bout de ses alliés.

Malgré le froid ambiant elle déboutonna le haut de sa chemise et laissa le vent caresser sa peau en frissonnant. Souriant à moitié elle souleva de nouveau son arbalète et entreprît de réaliser à nouveau son petit exploit.

//////////

Les jours passaient et mon contact ne s’était toujours pas manifesté. Sinove et moi restions en permanence sur nos gardes mais nous étions désormais suffisamment remis pour réagir s’il se décidait à attaquer. Plus le temps passait et plus mon admiration pour la jeune femme grandissait. Non seulement pour ses aptitudes physiques exceptionnelles mais aussi pour son esprit. Elle était singulière à bien des égards mais on ne pouvait nier que son intelligence était vive. Et qu’elle savait en faire usage aussi bien que de ses muscles.

Nous avions commencé à nous entrainer ensemble, laborieusement tout d’abord puis de façon de plus en plus fluide. Et pourtant nous retenions tous les deux nos coups. Afin de ne pas se blesser inutilement tout d’abord mais également afin de ne pas trop en dévoiler l’un à l’autre. Car, s’il était indéniable que nous étions alliés, il n’était pas encore question de confiance entre nous et il ne le serait probablement jamais. Nous nous savions tous les deux bien trop dangereux pour que nous ne soyons pas sur nos gardes l’un avec l’autre. Et pourtant je ne pouvais nier que nous nous comprenions bien mieux que nous ne souhaitions l’avouer.

En d’autres circonstances, nous serions peut être devenus amis. Mais l’issue de la confrontation était tellement incertaine qu’il était inutile de dresser des plans pour l’avenir. Sinove était toujours persuadée que j’avais l’intention de la supprimer si jamais nous venions à l’emporter et je ne l’avais ni confortée dans son opinion ni affirmé le contraire. Cela était dû en grande partie au fait que je ne savais pas moi-même ce qu’il convenait de faire. Ma première intention avait été de me débarrasser d’elle mais plus je passais de temps en sa compagnie et moins cette idée me semblait être la bonne.

Ce n’était certes pas car je m’attachais à elle mais il aurait été impardonnable de gâcher l’opportunité qu’elle représentait. Nous n’avions que peu échangé sur nos expériences respectives (étant l’un comme l’autre habitués à tout garder secret) mais elle m’avait un peu parlé de ses anciens camarades et de l’organisation qu’ils représentaient. Je n’en savais trois fois rien, pas même le nom, mais j’en avais compris l’intérêt majeur.

Si nous venions à nous en tirer et que je la laisse partir, elle retournerait auprès d’eux. Et si jamais je me retrouvais à avoir besoin d’une tueuse expérimentée (et que je puisse m’offrir ses services bien sûr), je saurais à qui m’adresser. Je ne pouvais nier que l’idée me paraissait séduisante. J’avais beaucoup réfléchi ces deux dernières semaines et j’étais maintenant décidé à vivre pour moi-même. Je ne comptais pas trahir Rezlak mais rien ne m’empêchait de faire les deux. Il pourrait même m’y aider si je présentais les choses de la bonne façon.

Un nouvel horizon s’ouvrait devant moi. Un horizon qui m’apparaissait étrangement plus profitable que tout ce que j’avais connu. Néanmoins je ne pouvais oublier qu’un dernier obstacle se dressait sur mon chemin. Un obstacle qu’il ne serait pas aisé de briser. Notre plan était risqué mais il était le seul qui avait une chance de réussite. Il ne fallait surtout pas que je perde de vue mes objectifs. L’anéantissement de mon contact était nécessaire. Pour que je mène à bien mes projets tout d’abord mais aussi pour venger Elgyn.

Je stoppais un instant l’élaboration du piège que je fabriquais et m’arrêtais sur mes dernières pensées. Quelque part en chemin, ma vengeance était devenue secondaire. Elgyn n’était plus la raison principale qui me pousser à lutter. Même ma survie n’était plus la raison principale. Je ne savais que trop que survivre n’était pas la même chose que vivre et, pour la première fois depuis des années, j’avais un objectif, un but dans la vie.
Pourtant je ne pouvais nier que la perte de mon amant avait été le déclencheur de toute cette folie. Il y avait pourtant peu de chance que ce dernier eût apprécié la direction que je m’apprêtais à prendre. Et je découvrais, à ma grande stupeur, que je n’avais que faire des opinions imaginaires d’un mort. Si je n’avais pas l’intention de bâtir mon existence future afin de plaire à Rezlak, je ne comptais pas plus la construire autour du souvenir d’un mort.

Si cette perte avait été horriblement douloureuse (et continuait de l’être), elle avait au moins eu le mérite de m’aider à ouvrir les yeux. Un sourire cruel se dessina sur mon visage. Il faudrait que je pense à en informer mon contact avant que je le tue.

!!!!!!!!!

La nuit était tombée depuis longtemps et Emelyne et Ihra se reposaient à l’étage. Mira était de garde devant la porte de la chambre de sa maîtresse. Sinove se trouvait dans la cuisine et je luttais de mon côté pour ne pas sombrer dans le sommeil. Pourtant je n’avais aucune raison de ne pas dormir, la tueuse montant la garde pour la première moitié de la nuit.

Néanmoins je ne pouvais me défaire d’un sentiment de malaise grandissant. Tous mes sens m’indiquaient un péril imminent alors qu’aucun signe ne semblait confirmer cette impression. Je dérivais donc quelque part entre le sommeil et l’éveil, confortablement assis dans un fauteuil devant le feu de cheminée qui perdait peu à peu de sa puissance. Il s’était remis à neiger pendant la journée et la visibilité était quasi nulle. Le froid semblait avoir pris d’assaut la maison et la maigre chaleur du feu ne suffisait pas totalement à dissiper mes frissons. Fort heureusement, la maison était plus que bien pourvue en couvertures.

Alors que j’allais succomber au sommeil, Sinove s’approcha de moi et posa une main sur mon épaule. Elle me fît signe de ne pas parler et m’indiqua la fenêtre. Je m’approchai silencieusement et tâchai de repérer ce qu’elle souhaitait me faire voir. Il me fallut quelques secondes avant de voir le cheval solitaire qui s’approchait de la demeure. La jeune tueuse devait avoir d’excellents yeux pour l’avoir vu si rapidement. D’un commun accord, nous nous déplaçâmes vers la cuisine afin d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur l’avant de la maison.

Le cheval était seul, près des écuries, mais il était évident que ce n’était pas une bête sauvage. Il avait encore sa selle et tout l’attirail d’un cavalier. Mais de son cavalier, justement, il n’y avait aucune trace. Sinove m’indiqua le côté droit de la maison et j’inclinais la tête en signe de compréhension. Elle partit vers la gauche et nous commençâmes à scruter silencieusement les abords de la maison, sans se risquer à sortir. Notre ennemi n’attendait vraisemblablement que ça.

C’est seulement alors que je revenais dans le salon que je vis la trace sur le tapis près de la fenêtre qui donnait sur l’arrière de la propriété. Il avait été si silencieux que nous ne l’avions pas entendu. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il avait réussi à passer par l’arrière de la maison. Une seule chose était maintenant certaine : il était à l’intérieur.
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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptyMar 10 Juin 2014 - 12:56
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Quand le temps paraît se déliter, quand la vie paraît s'enfuir par le moindre interstice, quand les mots n'ont plus aucun sens et que les gestes ne portent plus aucun message, on atteint ce moment hautement paradoxal où l'on se sent mort à l'intérieur, sans toutefois l'être physiquement. Sinove connaissait bien cette sensation, et elle était devenue naturelle chez elle, ce qui expliquait probablement pourquoi elle était à ce point de marbre devant ce que la vie avait à lui offrir. Elle savait à chaque instant que son existence pouvait s'arrêter, que sa misérable vie, inconnue et insignifiante aux yeux du monde pouvait s'achever n'importe où, dans une ruelle sombre, dans un caniveau rempli de détritus, ou bien dans une maison luxueuse en campagne, perdue au milieu des arbres. Quelle différence cela pouvait-il bien faire, après tout, de savoir où l'on allait mourir ? Y avait-il une différence ? Pouvait-on s'y préparer ? Comme si cela changeait quelque chose. A qui aurait-elle voulu dire au revoir, elle qui au final n'était proche de personne ? Qu'aurait-elle voulu léguer, elle qui au final ne possédait rien ? Qui aurait-elle voulu serrer dans ses bras elle qui au final n'aimait personne, car elle était incapable d'aimer ?

Alors, pour combler le temps, et donner encore un peu de sens aux derniers instants de vie qu'il lui restait, elle s'entraînait inlassablement avec Vipère. Elle n'échangeait pas deux mots avec lui chaque jour, mais elle avait pourtant l'impression de le connaître de mieux en mieux, et quelque part, il lui rappelait ses compagnons d'armes tombés au combat contre lui et le contact qu'ils allaient tenter de tuer. Il avait dans les yeux la même lueur de détermination froide, mais elle ne décelait aucun espoir de survie. Au fond, il était déjà condamné, et il le savait. Survivre serait pour lui un miracle, et peut-être qu'alors il apprendrait à aimer la vie, mais en attendant il devait trouver que rien n'avait de saveur sinon la perspective de faire face honorablement à la mort qui approchait dans l'obscurité.

Ils s'entraînaient quotidiennement, essayant par là de retrouver leurs forces, de surpasser leurs blessures respectives. Ils s'arrêtaient fréquemment pour laisser à Vipère le temps de retrouver son souffle, tandis qu'il portait une main sur les plaies récemment refermées qui le tiraillaient encore, ou bien pour laisser à la jeune femme pliée en deux le temps de se remettre d'une quinte de toux douloureuse et incapacitante qui la laissait en nage, le souffle court et les idées embrouillées. Mais quand une main se posait sur son épaule pour s'enquérir de sa santé, elle mettait un point d'honneur à se relever, et à faire face courageusement, consciente que si son corps l'abandonnait au moment du combat final, elle n'aurait d'autre choix que de puiser au plus profond d'elle-même la volonté de survivre, sans quoi elle serait une cible facile, un agneau devant un loup.

Alors elle s'entraînait sans relâche, encaissant les coups de Vipère en serrant les dents, esquivant ses assauts avec la souplesse qui la caractérisait, puis ripostant comme une tigresse déchaînée. Elle virevoltait comme un feu follet, bondissait en tous sens, et s'ils ne s'étaient pas affrontés à mains nues, son fouet à lames aurait accompagné sa danse avec une grâce et une élégance mortelles. Mais elle ne désirait pas tuer son vis-à-vis, et lui souhaitait la garder en vie pour l'instant. Tant qu'il aurait besoin d'elle. Elle était persuadée qu'elle serait la prochaine sur la liste, une fois que le contact aurait été éliminé, et quelque part elle acceptait son sort avec philosophie, tout en se disant que la tuer signifierait officiellement que Vipère était bien comme elle : impitoyable et mort à l'intérieur, insensible à tout ce qui l'entourait. Elle mourrait alors, certes, mais avec la certitude d'être remplacée sur cette terre par un être bien pire encore.

Emelyne était là également, s'entraînant inlassablement à l'arbalète. Ce n'était pas une arme complexe, et n'importe quel idiot pouvait la faire fonctionner, mais il fallait un minimum de pratique pour arriver à en tirer de bons résultats, et encore bien davantage pour réussir à tuer un individu surentraîné, et bien déterminé à les anéantir tous autant qu'ils étaient. Elle les regardait du coin de l'œil, visiblement impressionnée par leurs prestations qui leur auraient effectivement valu quelques pièces s'ils s'étaient produits dans une rue de la capitale, mais qui ne leur permettraient probablement pas de survivre à l'attaque du contact, comme le rappela plusieurs fois Mardil, soutenu par un hochement de tête appuyé de la part de la tueuse silencieuse.

A mesure que les jours passaient, toutefois, l'espoir rejaillit dans la petite demeure, comme si chaque seconde gagnée sur la mort était un pas de plus vers un avenir radieux. Vipère paraissait de plus en plus serein, et ses performances physiques étaient de plus en plus satisfaisantes, si bien qu'il commençait à sourire de temps en temps, en regardant dans le vague, comme si des pensées d'avenir le motivaient encore davantage à survivre à cette confrontation. Sinove aurait bien voulu partager son enthousiasme, mais son avenir à elle était un grand vide obscur que l'on appelait la mort. D'ailleurs, à chaque fois qu'elle le surprenait dans ces moments de détente - ce qui arrivait assez fréquemment, puisqu'elle était particulièrement discrète sans en avoir conscience -, il changeait subitement d'attitude, et elle lisait des doutes dans ses yeux, lorsqu'il la regardait. Il avait l'air de ne plus trop savoir quoi faire, mais jamais il ne lui confia quels pouvaient être ses projets, comme si les formuler à haute voix risquait de les faire s'évanouir dans le lointain.


~~~~


Des jours passèrent ainsi, chacun ressemblant au précédent, et annonçant le suivant, jusqu'à cette fameuse soirée au coin du feu où tout avait dérapé. Sinove montait la garde, à la fenêtre comme d'habitude pour la première moitié de la nuit, tandis que Vipère se reposait non loin. Emelyne était dans sa chambre, surveillée par ses deux gardes du corps, qui paraissaient gagnées par l'ennui, mais que la perspective d'une attaque imminente parvenait à conserver attentive. La jeune tueuse scrutait avec attention le paysage monotone qu'elle connaissait désormais bien. Elle l'avait découpé méthodiquement en zones à observer successivement, et elle balayait scrupuleusement ces secteurs, quand elle repéra soudain une forme inhabituelle. Contrairement à la réaction naturelle que quiconque aurait pu avoir, elle ne bougea pas d'un centimètre, et continua à observer la forme qui avançait tranquillement, jusqu'à l'avoir identifiée formellement. Un cheval.

Alors, sans un bruit, elle se glissa jusqu'à Vipère qu'elle réveilla doucement, et lui indiqua furtivement qu'il y avait du danger. Il avait peut-être été surpris de la voir aussi silencieuse, mais il s'était depuis habitué à la voir communiquer essentiellement par gestes, et il n'eut pas de difficultés à comprendre ce qu'elle voulait lui dire quand elle lui indiqua du doigt d'aller vérifier dans un coin de la maison qu'il n'y avait rien de suspect. Sinove se dissimulait en passant devant les fenêtres, pour éviter de donner à leur adversaire - car qui d'autre que le contact pouvait bien approcher ainsi ? - sa position. Elle ne l'imaginait pas assez rapide pour la surprendre à travers une vitre, mais elle préférait être prudente, et considérer qu'il était extrêmement dangereux.

Souple comme un chat, tous ses sens étaient aux aguets, et elle déploya toute son attention pour percevoir le moindre bruit suspect. Bruit qu'elle finit par percevoir, avec un brin de satisfaction, bien que celle-ci fût noyée sous une vague de perplexité et d'inquiétude, quand elle remarqua que le bruit venait de derrière elle. Venait de la maison. Sans prendre le temps de prévenir Vipère, elle tourna les talons et s'approcha de l'escalier juste à temps pour voir une silhouette sombre glisser dans la chambre d'Emelyne. Un cri résonna.

Les pieds de la jeune femme étaient déjà en l'air, tandis qu'elle gravissait en trois enjambées les marches qui la séparaient du premier étage, où elle trouva le corps gisant de Mira, la gorge ouverte vomissant un flot de sang qui s'enfonçait profondément dans le parquet. Elle avait sur le visage l'expression figée d'une surprise horrifiée, et ses grands yeux ouverts fixaient le plafond comme si elle cherchait désespérément la réponse à la question muette que formaient ses lèvres pulpeuses déjà blanchies par l'absence de sang : "comment est-ce possible ?".

Sinove enjamba le cadavre, et se précipita dans la chambre où elle découvrit Ihra aux prises avec son assaillant, essayant de l'abattre à l'aide d'une dague. Au fond de la pièce, Emelyne hurlait de terreur pour appeler à l'aide les deux vigiles du rez-de-chaussée, tout en essayant d'attraper son arbalète que ses doigts fébriles semblaient ne pas réussir à trouver dans l'obscurité. En un clin d'œil, le contact se débarrassa de la jeune garde du corps. Il bloqua son bras, tordit son poignet avec une violence inouïe, puis la jeta au sol et lui enfonça profondément sa lame dans le cœur. La petite guerrière cria, mais la botte de l'assassin vint rapidement lui écraser la gorge pour étouffer toute plainte. Tout était allé trop vite pour Sinove, qui de toute façon n'aurait rien pu faire pour sauver la jeune fille, mais elle bénéficiait désormais d'un avantage certain : son adversaire était de dos, et elle pouvait le prendre par surprise.

Se jetant comme une furie, elle tenta de le frapper avec la dague qu'elle gardait toujours sur elle, et dont l'extrémité était brisée, restant coincée dans le corps de Vipère lors de leur premier affrontement. Elle était persuadée de réussir son coup, mais le contact se retourna à une vitesse prodigieuse, para son attaque, et profita de son élan pour la projeter au sol par-dessus son épaule. Elle se retrouva sur le dos, et tendit son bras valide pour bloquer la lame de son adversaire qui filait droit vers sa gorge. Avant-bras contre avant-bras, elle réussit à arrêter l'assaut, et elle se dégagea d'un coup de pied à l'aveugle qui lui donna le temps de se relever. Mais le contact était redoutable, déterminé, et incroyablement rapide. Il fonça derechef sur la tueuse, et lui asséna successivement trois coups de poing au visage qui lui éclatèrent l'arcade sourcilière, avant de la lancer violemment contre la porte.

Avait-il perçu l'arrivée de Vipère ? Etait-ce un coup de chance ? Quoi qu'il en fût, la jeune femme percuta le montant au moment où son compagnon tentait de pénétrer dans la pièce, lui envoyant la pièce de bois en plein visage alors qu'il s'attendait à entrer discrètement. Sinove en eut le souffle coupé, et, aveuglée par le sang qui lui coulait sur le visage, elle chercha à retrouver son équilibre pour continuer à livrer bataille. Le contact tenta de la poignarder à l'abdomen, mais elle bloqua par pur réflexe son bras, et focalisa toute son énergie sur cette menace à l'exclusion de toute autre. Il se saisit impitoyablement de ses cheveux, tira sa tête en arrière, puis l'envoya de toutes ses forces contre la porte, une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce qu'elle lâchât enfin prise. Sa pommette droite venait d'éclater, de même que sa lèvre, et elle avait le visage tuméfié. Le contact frappa de sa lame, mais manqua la gorge et toucha le bras qu'elle venait de tendre pour se protéger, creusant un profond sillon dans la chair et le tissu, qui se mit à saigner abondamment. Toujours dos à la porte, Sinove était malheureusement le dernier obstacle qui empêchait Vipère de venir la secourir, et elle était incapable de se déplacer de côté pour dégager l'accès. A demi consciente, elle tenta tout de même de charger de front, désespérée. Soulevée du sol, elle y retourna avec une rare violence quand le contact la projeta de nouveau, et son épaule émit un craquement sinistre en rencontrant le plancher. Mais au moins, cette fois, la porte était libre, et Vipère pouvait entrer. Au moment où celui-ci enfonça enfin le battant, elle avait réussi à se remettre debout, et le contact de lui asséner un magistral coup de pied en pleine poitrine qui l'envoya se briser contre la fenêtre derrière elle. Elle hurla de douleur en sentant les éclats de verre et de bois se planter dans son dos mais, pire que tout, elle sentit son corps entraîné dans le vide. Le gouffre qui s'ouvrait derrière elle l'absorba totalement, et elle bascula sans que personne ne pût rien y faire dans les ténèbres.

Son corps désarticulé rebondit d'abord sur l'avant-toit, avant de se prendre dans les branches d'un arbre proche où elle gagna de multiples coupures, et un hématome gigantesque au niveau des côtes, avant de percuter brutalement le sol, fort heureusement couvert de neige. Inconsciente, elle tenait encore entre ses mains le poignard qu'elle avait volé au contact pendant leur duel, et qu'il ne trouverait pas à sa ceinture lorsqu'il en aurait besoin. Cette fois, c'était au tour de Vipère de jouer, et il n'aurait personne pour le couvrir. Il devrait faire face seul à son passé.


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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptyMar 10 Juin 2014 - 21:20
Je me précipitai dans l’escalier et montai les marches quatre à quatre en direction de la chambre d’Emelyne. Je faillis trébucher sur le cadavre de Mira mais je l’enjambai d’un bond et me retrouvai devant la porte de la chambre de la maquerelle qui n’en pouvait plus de hurler. La raison m’en apparût bien rapidement : le corps sans vie d’Ihra gisait sur le sol et Sinove était le dernier rempart entre le tueur et elle. Alors que j’allais pénétrer à mon tour dans la pièce, mon contact s’empara de la jeune tueuse et la balança violemment contre la porte qui se referma avec un claquement sourd.

Je me jetai contre cette dernière mais, de toute évidence, Sinove était acculée contre la porte et j’étais dans l’impossibilité de l’ouvrir. J’enrageai d’être si proche et à la fois si impuissant. De la pièce attenante ne me parvenaient plus que les cris d’Emelyne et les chocs sourds et mous d’un corps que l’on roue de coups. Je m’acharnais contre le battant, tentant désespérément de le faire céder, lorsque la porte s’ouvrit soudainement.

Déséquilibré, j’entrai dans la chambre au moment où Sinove basculait par la fenêtre. Mon contact identifia tout de suite la nouvelle menace et, avant que j’aie eu le temps de réagir, il s’élança contre moi. Sous le choc, nous roulâmes tous les deux à terre et je lâchai mon poignard. Celui-ci atterrît à moins de deux mètres de nous mais il aurait pu tout aussi bien se trouver dans une autre salle. Je me débattais comme je le pouvais, me tortillant comme un beau diable afin d’échapper à l’étreinte mortelle de l’espion oriental.

Un premier coup m’attînt à la tempe droite et un suivant à la mâchoire. Je réussis alors à dégager l’une de mes jambes et mon genou frappa l’abdomen de mon assaillant qui partît à la renverse. Libéré de son étreinte, je me précipitai sur le poignard mais il fût plus rapide que moi et il l’envoya dans le couloir d’un coup de pied. Je passai à l’offensive en alternant coups de poings et de pieds afin de l’obliger à reculer. Il para mes coups sans la moindre difficulté apparente mais petit à petit, il recula en direction de la fenêtre.

- Baissez-vous !

Le cri d’Emelyne retentît dans la pièce et, sans réfléchir, je me jetai contre le sol. J’entendis distinctement le bruit de la détente de l’arbalète mais mon contact fût tout aussi réactif. Il se déporta sur la droite et le carreau fila dans la nuit noire à travers la fenêtre brisée. Je me relevai mais il me crocheta les jambes et je chutai à nouveau sur le sol. J’eus le temps de le voir lancer un coup d’œil chargé de mépris à Emelyne puis il m’attrapa et me souleva du sol comme si je ne pesais rien. D’un geste vif, il me lança dans le vide.

Je tendis désespérément la main et je parvins à me raccrocher au cadre de la fenêtre. Le verre cassé m’entailla la main mais, ignorant la douleur, je me hissai de nouveau dans la chambre. Il s’était déplacé vers Emelyne qui essayait tant bien que mal de recharger son arbalète. Il lui arracha des mains avant qu’elle n’arrive à ses fins et lui envoya un coup de poing en plein visage. L’ancienne prostituée s’effondra mais avant qu’il n’ait pu la frapper de nouveau, je pris mon élan et mon pied l’attînt dans le bas du dos. Il fût projeté contre le mur et, sans lui laisser le temps de se relever, je fis demi-tour en direction du couloir.

Il se releva immédiatement, parfaitement conscient de mon objectif, et au moment où mes mains se refermaient sur mon poignard, il me rentra dedans de plein fouet. Une fois de plus, je lâchai ma précieuse arme, que j’entendis chuter dans l’escalier. Mon contact pesait sur moi de tout son poids et je ne pouvais rien faire pour me libérer. Ses mains tenaient solidement mes poignets contre le sol et on aurait presque pu croire qu’il s’apprêtait à m’embrasser. Mais son regard était suffisamment éloquent pour que je n’aie aucun doute sur ses intentions. Il prît même le temps de me narguer une dernière fois.

- Je dois avouer que je suis surpris. Tu t’es mieux battu que je ne l’aurais cru. Mais tu ne pensais pas sérieusement l’emporter, n’est-ce pas ?

Il ne me laissa pas le temps de répondre (attendait-il seulement une réponse ?) et sa main se porta à sa ceinture. Seulement l’arme qu’il comptait utiliser ne s’y trouvait pas et, alors qu’il jetait un coup d’œil pour s’en assurer, j’en profitai pour lui envoyer un coup de tête de toutes mes forces. Il tomba en arrière et je me jetai sur lui. M’attrapant par les épaules, il se servit de la force de mon élan pour me jeter dans l’escalier. Seulement, je le tenais fermement et nous dégringolâmes tous les deux jusqu’à l’étage inférieur.

Ma cheville gauche se tordît violemment et je poussai un cri de douleur. Lui aussi d’ailleurs et lorsque je regardais dans sa direction, j’en compris aussitôt la raison. Il s’était déboité l’épaule gauche et le rictus de douleur que je lisais sur son visage était tout sauf feint. Cela ne l’empêcha pas de se jeter à nouveau sur moi et je rampai sur quelques mètres afin d’essayer de lui échapper et d’attraper mon poignard que j’avais repéré, échoué sur le plancher non loin de là. Il fût plus rapide que moi et me lança un coup de pied dans les côtes, à l’endroit précis de la blessure que j‘avais récoltée contre Sinove. Si celle-ci était cicatrisée, l’os de la côte était encore fragile et le craquement que j’entendis ne laissait pas beaucoup de place à l’imagination. J’eus le souffle coupé par la douleur et lorsque j’essayais de me relever, je n’en fus pas capable.

Il avait entre temps ramassé le poignard et se tenait non loin de moi. Nous échangeâmes un regard et je sus à ce moment là que tout était fini. Je devais m’avouer qu’il était plus fort que moi. Je n’avais jamais eu la moindre chance contre lui. Mais il était hors de question que je le laisse me tuer si facilement. Il s’élança contre moi et lorsqu’il arriva à ma hauteur, je parvins à le déséquilibrer et nous roulâmes une fois de plus sur le plancher. Le poignard se trouvait entre nous et je sentis le sang couler entre nos deux corps. Dans la fureur de la bataille, je ne pus même pas dire lequel de nous deux était blessé. Probablement les deux.

Nous avions roulé jusqu’à devant la cheminée et, une fois de plus, il se trouvait au dessus de moi. Il tenta de se relever mais je réussis à passer ma main entre nos deux corps et mes doigts se refermèrent sur le poignard. Je m’y agrippai de toutes mes forces et d’un large mouvement latéral, je parvins à lui enfoncer dans son épaule déjà martyrisée. Il hurla de douleur mais, loin de s’avouer vaincu, ses mains se refermèrent autour de ma gorge. Il commença à serrer et je manquais rapidement d’air. Il m’écrasait toujours de tout son poids et je n’avais plus la force de me dégager. Presque à bout de souffle, je réussis à dégager ma main droite et je tâtonnai sur le sol à la recherche d’une arme.

La seule chose qu’elle rencontra fût le feu de cheminée encore vif et, malgré la douleur atroce que cela provoqua, je plongeai ma main dans les flammes et saisis une bûche à moitié calcinée. Je ramenai ma main vers son visage et il hurla de douleur. La salle s’était remplie de l’odeur de la chair brûlée, mais je savourai juste la possibilité de respirer à nouveau. Il se tourna vers moi et je vis l’atroce brûlure sur le côté gauche de son visage déformé par la haine. Il arracha le poignard de son épaule et s’élança contre moi. Je le regardai s’approcher, incapable de faire le moindre geste, paralysé par la douleur dans ma main, qui semblait avoir remonté tout le long de mon bras jusqu’à mon cerveau. Arrivé à ma hauteur, il leva l’arme bien haut et je compris que je n’avais fait que gagner un peu de temps. Il était impossible qu’il rate son coup à cette distance.

Mais alors que je pensais ma dernière heure arrivée, il s’écroula soudain en avant, un carreau d’arbalète planté dans le dos. Emelyne se tenait aux pieds des escaliers, l’arbalète solidement maintenue entre ses mains. Elle avait la lèvre inférieure fendue et le sang qui coulait sur son menton avait tâché sa magnifique chemise de nuit en dentelle. Elle s’approcha de moi et m’aida à me relever. La respiration laborieuse de mon contact m’indiqua qu’il vivait encore. Néanmoins, la position du carreau ne laissait aucune place à l’interprétation. Ce n’était plus qu’une question de minutes. Des minutes qui allaient lui sembler une éternité. La maquerelle essaya de me relever mais je souhaitais rester seul avec mon contact pendant ses derniers instants.

- Laissez-moi. Je ne suis pas en danger de mort. Allez plutôt voir si Sinove est encore en vie.

A la pensée de la jeune tueuse qui avait basculé dans le vide, je vis Emelyne perdre le peu de couleurs qui lui restait sur le visage. Elle s’élança dehors, non sans jeter un coup d’œil horrifié sur ma main. Je n’avais, de mon côté, pas encore trouvé le courage de faire la même chose. La douleur était plus horrible que toutes celles que j’avais endurées jusque là. J’étais même incapable de savoir si j’avais encore une main au bout de mon bras. Mon membre s’était transformé en une immense boule de souffrance.

Je me remis péniblement debout et me dirigeai vers la sortie lorsque la voix faible et sifflante de mon contact s’éleva.

- Quoi que tu décides maintenant Mardil, ne Le trahis pas.

Je me retournai et le regardai dans les yeux. Il avait roulé sur le côté pour pouvoir me regarder mais il était incapable de se relever. Il ne le pourrait plus jamais. Même s’il allait de soi que je ne devais rien à cet homme, je décidai que je lui devais au moins de clarifier les choses avant qu’il ne meure.

- Je n’en ai jamais eu l’intention. Je lui resterai aussi fidèle que je l’ai toujours été.

- Me rendras-tu une faveur s’il te plaît ?


Ravalant la fureur qui menaçait de m’envahir (comment osait-il me demander cela !), je préférai me taire et attendre qu’il s’explique davantage.

- Dis Lui que j’aurais fait n’importe quoi pour Lui. Dis Lui que je ne L’ai jamais abandonné. Il m’a sorti de l’enfer et pour cela, je Lui en serai toujours reconnaissant. Dis Lui que Urik Le remercie pour tout.

- Je le ferai.


Je crus voir un mince sourire se dessiner sur le visage de mon contact et il cessa de respirer. Ses dernières pensées avaient été pour Rezlak et pour nul autre. Il m’avait confié son nom afin que notre mentor connaisse la vérité sur sa mort. Mais la vérité, c’était désormais à moi de l’écrire.
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Mardil - Qui paie ses dettes... - Page 2 EmptyMer 11 Juin 2014 - 21:49
Je finissais d’écrire mon rapport lorsqu’Emelyne vînt me prévenir que Sinove s’était réveillée. Trois jours avaient passé depuis notre affrontement contre mon contact et il nous faudrait encore du temps avant de récupérer. Seule l’ancienne prostituée s’en sortait sans dégâts apparents, si ce n’est l’hématome violacée qui lui marquait la pommette gauche et qui disparaîtrait d’ici quelques jours. Sinove et moi, en revanche, étions en bien piteux état.

La tueuse souffrait de multiples fractures, dues aussi bien à son combat qu’à sa chute dans le vide. Elle n’avait pas repris conscience et lorsque j’avais vu l’énorme bosse qu’elle avait au niveau du crâne, j’avais craint le pire. Le plus préoccupant restait la possibilité qu’elle souffrît de blessures internes dues à sa chute. J’avais partagé équitablement entre nous le peu de poudre miracle qu’il me restait mais cela avait suffit à éviter le pire.

De mon côté, je n’avais que deux blessures sérieuses. J’avais de nouveau une côte cassée et il allait falloir que je prenne un repos bien mérité si je voulais espérer qu’elle se ressoude correctement un jour. Quant à ma main, ou plutôt ce qu’il en restait, la situation était catastrophique. Lorsque j’avais enfin trouver le courage de m’en occuper, j’avais pu constater l’ampleur des dégâts.

Dans un premier temps, je n’avais rien pu faire de mieux que d’appliquer un baume pour aider à la cicatrisation et pour éviter que la plaie ne s’infecte. J’étais incapable de bouger mes doigts ou même de tourner le poignet. Il ne me restait que de la chair à vif et je crus même un instant que l’amputation allait être nécessaire. L’extérieur avait été le côté le plus atteint. Mon annulaire et mon auriculaire avaient plus ou moins fusionnés. Je savais que l’opération serait inévitable si je voulais récupérer ma motricité mais je m’occuperai de ça plus tard. Malgré ma préparation qui limitait les cicatrices, je savais déjà que de telles marques de brûlures ne disparaîtraient jamais. Je pourrais déjà m’estimer heureux si je retrouvais le contrôle de ma main dans son ensemble.

Mais, encore plus que mes craintes, le plus dur à supporter était la douleur qui ne me quittait pas. Le moindre choc me causait des souffrances atroces et j’aurais donnée n’importe quoi pour atténuer la douleur. Seulement je n’avais pas ce qu’il fallait ici, aussi je n’avais d’autre choix que d’endurer stoïquement la souffrance.

Si Emelyne m’apportait son aide pour les soins, aussi bien ceux pour ma main que ceux de Sinove, elle s’était complètement renfermée sur elle-même depuis que nous avions mis en terre Ihra et Mira. Elle ne pleurait pas mais son regard était complètement éteint, comme si elle ne se trouvait pas vraiment avec nous.

Je cachetai ma lettre avant de monter les escaliers pour voir Sinove. Heureusement que mon entrainement avait aussi compris la faculté d’écrire avec mes deux mains car sinon j’aurais été incapable de mener à bien, même une tâche aussi simple. J’avais couché sur le papier ma version des évènements qui différait quelque peu de ce qui s’était réellement passé mais nous n’étions que trois à connaître la vérité et les chances que Sinove ou Emelyne en parle à qui que ce soit étaient plus que minces.

Dans cette version revue et corrigée, le rôle qu’avait joué Sinove se résumait à m’avoir blessé lors de notre affrontement. Le poison avait rempli son office et elle était morte dans d’atroces souffrances. Emelyne nous avait seulement fourni des informations sur Mirallan et m’avait aidé à mettre sur pieds le nouveau réseau avec Méneï. Elgyn n’avait jamais existé et n’avait par conséquent pu jouer aucun rôle dans toute cette histoire. Cette version officielle expliquait qu’Urik était venu me trouver après avoir découvert que Mirallan les avait trahi, en détournant une partie de l’argent et en vendant de la marchandise de nos concurrents du Sud.

Mon aide lui avait été nécessaire à cause des douze serviteurs hors du commun du marchand. Ces derniers avaient massacrés les Dunarion qui s’étaient liés à nous afin de venger la mort de l’un des leurs. Ils avaient aussi tué Raïleh, que mon contact venait de recruter pour remplacer Mirallan. Nous les avions éliminé mais Urik y avait laissé la vie et j’avais récolté ma brûlure à la main. J’avais retranscrit mot pour mot, les dernières paroles de mon contact.

Je finissais ma lettre par une demande. Etant donné mon rôle dans la formation d’un nouveau réseau de distribution, je demandais à récupérer l’ancien poste d’Urik. Je restais assez vague sur la formulation, décidant de laisser Rezlak seul juge de la position qu’il souhaitait me confier dorénavant. Emelyne n’ayant pas vraiment la tête à discuter de nos projets, je lui avais juste fait savoir que je la tiendrai informée au plus tôt des dispositions à prendre pour notre association. La seule chose qu’il me restait à faire désormais c’était d’attendre et de me reposer. Enfin, une fois que j’aurais réglé mon tout dernier problème.

Je toquai doucement à la porte de la chambre de Sinove et entrai sans attendre de réponse. La jeune femme était étendue sur le lit, le teint affreusement pâle. Mais c’était une battante et j’en savais quelque chose. Elle devait souffrir atrocement mais qu’était-ce par rapport à ce que je lui avais infligé récemment ? Je pris une chaise et m’installai à côté de sa couche. Il me fallait maintenant décider de son sort. Si je sortais mon poignard maintenant et lui plongeais dans le corps, aurait-elle la force de se défendre ? Mais au fond de moi, je savais que je ne la tuerai pas aujourd’hui. Si j’avais dû le faire, elle ne se serait tout bonnement jamais réveillée.

Je commençai tout d’abord par l’informer de la façon dont le contact avait péri puis je lui narrai les soins que nous lui avions prodigué. Etant loin d’être idiote, elle comprît parfaitement où je voulais en venir. Je ne l’avais pas tuée et j’avais même hâté sa guérison. Peut être même lui avais-je sauver la vie mais nous n’aurions jamais l’occasion de le vérifier. En la laissant partir, elle devenait ma débitrice. Et c’était là une dette dont elle devrait s’acquitter un jour ou l’autre.

- Je vais partir pour Minas Tirith aujourd’hui même avec Emelyne. Vous pouvez rester ici jusqu’à ce que vous soyez remise. Mais soyez sûre que nous serons amenés à nous revoir un jour, Sinove.

Il n’y avait rien de plus à ajouter. Si notre accord tacite du jour était assez clair pour nous deux, il en allait autrement de notre relation. Qu’étions-nous au juste réellement désormais ? Nous n’étions plus ennemis. Nous n’étions certainement pas non plus amis, pas même alliés. Et pourtant, l’un comme l’autre, nous ne pouvions nier que nous étions bien plus proches l’un de l’autre que nous ne souhaitions l’admettre. Peut être fût-ce pour cela que je me tournai une dernière fois vers elle avant de quitter sa chambre.

- Merci. Je n’aurais jamais réussi sans vous.

Je ne restai pas pour voir sa réaction. Je ne sais ce qui m’aurait le plus fait mal de sa gratitude ou de son indifférence.


HRP Et voilà c'est fini. Franchement je ne savais vraiment pas où aller nous mener ce RP lorsque je t'ai exposé mon idée la première fois. Ca a vraiment été génial. Merci^^

Edit Ryad : Un plaisir partagé, c'était vraiment haletant et j'ai adoré ça (en particulier l'hécatombe de personnages langue). A bientôt pour la suite Wink.
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