La fraîcheur du matin s'estompait doucement tandis que le soleil poursuivait sa course dans le ciel d'Imladris. La sérénité avait repris le pas sur l'agitation et la dernière maison simple était redevenue un refuge pour ceux qui cherchaient la paix.
Arminas se tenait dans le fauteuil central de la salle du conseil. En réalité, la salle n'en était pas une car aucun mur n'en gardait les contours. Seules les fleurs et les plantes constituaient une barrière contre les regards indiscrets. Tant de décisions majeures avaient été prises dans ce lieu symbolique. Aujourd'hui encore, l'endroit allait être un lieu d'échanges, de débats et de décisions.
Le Seigneur d'Imladris demeurait assez serein par rapport aux événements qu'il allait falloir tirer au clair. Il n'était qu'un témoin lointain et indirect. Néanmoins, il avait bien senti que l'arrivée de Lithildren avait chamboulé l'harmonie de sa cité. Elle avait pris la vie d'elfes dont le destin était intimement lié à ceux d'autres habitants de la cité cachée. Se faisant, elle avait contribué à libérer un de ceux qui avaient failli ruiner à jamais Imladris.
Trois elfes se tenaient sur la droite d'Arminas, deux hommes et une femme. A sa gauche, un elfe solitaire et visiblement peu à l'aise tenait compagnie à un hobbit.
Des pas résonnèrent dans l'escalier tandis que le capitaine Serambeur s'approchait, menant la prisonnière vers son jugement.
Tous les seigneurs présents se levèrent à son arrivée. Serambeur la conduisit sur la gauche d'Arminas, juste à côté de l'elfe mal à l'aise. D'un geste de sa main, Arminas invita tout le monde à s'asseoir. Serambeur se tenait juste derrière Lithildren, une main sur le dossier de sa chaise, l'autre sur la poignée de son épée. Elle était venue se livrer volontairement mais le capitaine connaissait son caractère instable.
“Bien…”, commença Arminas. “Nous sommes réunis ce jour pour juger les crimes de Dame Lithildren et convenir d'une condamnation proportionnée à la gravité des faits commis. En tant que seigneur de ces lieux, il me revient de diriger ce conseil extraordinaire, d'énoncer les faits, de permettre à chacun d'exprimer ses arguments et de poser ses questions. Il reviendra au conseil, composé ce jour de Dame Eilae, Première Conseillère du Seigneur Laurelin, du Haut Conseiller Ovadiel et de Gwingloth, Maître de la Forge d'Imladris, de se se positionner quant aux charges qui pèsent sur l'accusée.. Dame Lithildren sera assistée par le Seigneur Basaclar. Sir Eugénion sera également présent, nous verrons s'il nous est utile d'entendre son témoignage.”
Le seigneur d'Imladris marqua une pause après cette introduction solennelle. D'un regard il s'assura d'avoir l'attention de toute l'assemblée.
“Je vais énumérer et rappeler les faits qui nous amènent à délibérer aujourd'hui. Suite à cela, j'énoncerai les questions auxquels les conseillers devront pouvoir répondre. L'accusée et son défenseur pourront alors s'exprimer. Chaque membre du Conseil pourra alors poser toutes les questions jugées nécessaires avant la délibération.”
Arminas marqua à nouveau une pause.
“Voici les faits. Le 28 mai de l'an 301 du quatrième âge, alors que vous aviez été recueilli à Imladris, sauvée des sédéistes de l’Ordre de la Couronne de Fer, vous avez libéré Oropher, un ennemi notable de notre cité et de notre peuple. Ce faisant, afin de faciliter vos méfaits et votre fuite, vous avez assassiné de sang-froid un garde et blessé un de vos frères d’armes.”
L’elfe millénaire laissa ses mots résonner dans l’air.
“Les questions auxquelles le conseil sera amené à répondre sont les suivantes. Tout d’abord, Lithildren était-elle en pleine possession de ses moyens au moment où elle a commis les actes qui lui sont reprochés ? Ensuite, était-elle consciente de la dangerosité d’Oropher et des conséquences de ses actes ? Enfin, Lithildren avait-elle prémédité ses méfaits ? Des réponses à ces questions dépendront la sévérité du jugement qui sera prononcé à son encontre. “
Le seigneur d’Imladris se tourna alors vers Lithildren et Basaclar.
“Je vous laisse présenter votre défense, le conseil vous interrogera par la suite.”
Invité, n'oublie pas que le regard des Rois d'Arnor porte au delà des frontières de leurs royaumes.
Dernière édition par Aldarion le Ven 9 Aoû 2024 - 9:54, édité 1 fois
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 366 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
Il s'agissait de la première pensée de l'Elfe, de la seule en réalité alors qu'elle était guidée par le capitaine jusqu'au Conseil. Le ciel d'Imladris avait quelque chose de particulier, lui qui pourtant partout ailleurs était le même. Le ciel. Une entité identique, que l'on soit pauvre ou riche, soldat ou femme de chambre, humain ou Elfe. Identique, que l'on soit à Minas Tirith dans une bibliothèque remplie de sagesse, dans des ruines elfiques, les terres sauvages ou les rues loin à l'est. Finalement, le ciel changeait certes, entre barré de nuages ou absent de toute présence, mais il restait tout de même lui-même. Identique à sa façon, au fil des saisons, au fil des années, des naissances et des deuils.
Pourtant, elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle avait admiré le ciel.Était-ce cela, l'éternité ? Cette lucidité sur le temps qui passé et l'ennui des années trop longues, qui se termine par un désintérêt de toutes choses ? Après tout, à Imladris, rien ne change non plus, comme le ciel. Les pavés sont au même endroit, la musique, les mets et les fleurs sont les mêmes. Les habitants aussi qui ne changent d'ailleurs pas d'apparence en plus du reste. Le ciel, l'éternité, tout cela ressemblait à une toile figée, un souvenir vivace que l'on admire au début avant de le ranger dans une boîte pour ne plus le regarder pendant si longtemps que l'on avait oublié qu'il était là. Pourtant le ciel ne change pas de place et l'éternité fige Imladris dans un état hors du reste du monde, un cocon intemporel ou rien n'est comme ailleurs hormis le rythme du monde - jours, heures, années, saisons...
Lithildren baissa les yeux sur l'assemblée. Son regard argenté brillait d'un éclat que nul ne pouvait percer. De l'appréhension, de la résignation, de la tristesse, autre chose ? Ou tout cela à la fois ? Elle ne comprenait pas pourquoi son voisin était si mal à l'aise. Le reconnaissait-elle ? Quelque chose en elle aurait voulu mais ses souvenirs restaient bloqués devant la porte, s'attachant dans le vide de l'oubli sans vouloir en sortir. Un seul des noms était familier : celui de Gwingloth. N'était-il pas le mentor d'Oropher, ou quelqu'un qui le connaissait ? Le souvenir était vague mais c'était sans doute proche de la réalité, n'est-ce pas ? Très vite, le regard de l'Elfe se posa sur Arminas. Elle se souvenait vaguement de lui. Elle aurait préféré voir le Seigneur Ovadiel. Peut-être était-il bien trop déçu d'elle pour avoir le cœur d'assister ou présider une telle séance ? Ou bien n'était-il tout simplement pas assez "important". Quelle ironie. Elle aimait beaucoup Ovadiel, il avait toujours été doux et indulgent, compréhensif et avait toujours tendu la main. Peut-être était-ce pour cela, il manquerait d'impartialité. Sans doute ? L'Elfe l'ignorait et y penser lui faisait écouter la moitié seulement de ce qu'Arminas disait. Elle tenta de recentrer son attention sur lui.
- Les questions auxquelles le conseil sera amené à répondre sont les suivantes. Tout d’abord, Lithildren était-elle en pleine possession de ses moyens au moment où elle a commis les actes qui lui sont reprochés ? Ensuite, était-elle consciente de la dangerosité d’Oropher et des conséquences de ses actes ? Enfin, Lithildren avait-elle prémédité ses méfaits ? Des réponses à ces questions dépendront la sévérité du jugement qui sera prononcé à son encontre. Il se tourna vers elle et Basaclar. Je vous laisse présenter votre défense, le conseil vous interrogera par la suite.
Soi-même ?
La question lui sembla étrange.
- Est-on jamais soi-même ?
Les mots coulèrent d'eux-mêmes, comme une pensée qui se prononce sans que l'on y fasse attention. Elle se posait la question. Mais, surtout, elle remettait en question son identité, son existence. Elle leva de nouveau les yeux au ciel, comme si elle espérait y voir inscrite une réponse. Lithildren afficha un air désolé en voyant cette voûte céleste vide à la fois de sens, de réponses, de nuages. La beauté qu'elle avait vu tout à l'heure lui semblait si terrible, cette simplicité déroutante qui renforçait sa solitude face à ses pensées, peurs et doutes. Probablement confus, les membres du Conseil finirent par la regarder baisser les yeux et observer le vide. Ils étaient probablement absents, des fantômes aux yeux de l'Elfe. Pourtant elle se remit à parler, quitte à couper la parole à Basaclar s'il avait osé commencer à parler.
- Je ne crois plus être moi-même depuis bien, bien longtemps... Elle leva les mains pour mettre ses poignets en évidence et tirer un peu sur ses liens, là par pure sécurité pour soulager la paranoïa - à raison - de Serambeür. Il s'est passé tant de choses depuis que j'ai commencé à perdre la mémoire. C'est si bête, une chute comme celle-ci... mais j'ai commencé à me perdre. J'ai tourné le dos à mon âme-sœur, mon Oropher, car je l'avais oublié... Et à force de déambuler je me suis perdue un peu plus chaque jour, chaque fois plus loin, chaque fois plus étrangère.
Elle ne voulait plus s'arrêter de parler. Elle avait besoin d'être entendue, à défaut d'être comprise. Elle voulait être vue et entendue, que l'on voit sa version de l'histoire, sa vision des choses, sans qu'on la force à penser ou agir d'une façon, sans qu'on lui donne des idéaux, actions et paroles auxquels elle ne croyait pas. Juste se sentir libre de s'exprimer, une dernière fois, dans cet éclair lucide auquel elle s'accrochait désespérément avant qu'elle ne replonge dans les tréfonds de la rage à nouveau.
- Mais Lithildren, l'Elfe... elle était encore là, au moins... jusqu'à ce que les rhûniens ne s'en empare, ne l'enferme, ne la forge à leur image, ne la drogue et ne la fasse se sentir si bouillonnante de rage qu'elle aurait été prête à tout... A faire n'importe quoi, sans poser de questions.
C'était la première fois qu'elle formulait qui elle était.
- Qui suis-je, aujourd'hui ? Suis-je Lithildren Valbeön, enfant d'Imladris, âme-sœur d'Oropher ? Ou l'Ecarlate, assassin du Rhûn à la gloire deMelkor ? Qui est-ce que mon nom désigne ? Ce que j'ai été, ou le corps dans lequel vivent ces deux facettes de moi-même ?
L'Elfe se balança légèrement d'un côté et de l'autre comme pour renforcer ses paroles.
- Oropher m'avait promis que nous allions retrouver celui qui a commandité l'attaque. Qui a causé la mort de Geraïhn et de mes parents. Elle revenait enfin à un autre point des questions d'Arminas et elle se tint de nouveau immobile, fixant le centre de la salle sans bouger. Peut-être avait-il ses propres motivations. Je l'espère. Il est vrai qu'Oropher a participé aux horreurs qu'ont connu la ville qui nous a vu naître et grandir. Mais je pense qu'il était simplement, comme moi, en colère contre l'inaction et l'oisiveté des nôtres. J'ignore pourquoi il a été de ceux qui ont attaqué. J'aurais aimé le lui demander.
Elle tourna le regard et les planté droit dans ceux d'Arminas. Son regard devint intense, bouillonnant de deuil et de colère tandis que son ton demeurait calme et languissant, comme une complainte à la mélancolie douce.
- Mais, voyez-vous, pendant que les Elfes demeurent ici, des sorciers humains creusent Ost-in-Edhil et dénichent des anneaux, asservissent des paysans et réunissent des artefacts au nom de la Fraternité de Yavannamirë. Et Oropher s'est sacrifié pour me sauver la vie, dans un éclair de lucidité alors qu'il s'était mit à devenir obsédé par des galets blancs trouvés dans les souterrains d'Ost-in-Edhil. Je l'ai perdu et...
Elle leva encore une fois les yeux vers le ciel.
- Je n'ai ni regret ni culpabilité sur les vies que j'ai ôté pour protéger mon amour. Pour autant, je suis sincèrement désolée d'avoir ôté la vie des nôtres. A l'époque j'ignorais qu'il y avait un autre moyen. Je ne voyais même pas d'autre possibilité. J'ai baigné dans la violence pendant des années, où seul la mort fait office de loi suprême et je n'ai pas même songé à une autre éventualité. J'ai trahi Imladris, je ne le nie pas. J'ai tué, je ne le nie pas. J'ai libéré Oropher, je ne le nie pas.
Elle laissa un bref silence s'installer.
- Je n'ai aucune défense qui pourrait vous satisfaire. J'ai fais ce que j'ai fais. Je me suis rendue car c'était la seule chose à faire. Car je suis fatiguée d'être l'Ecarlate et car je suis fatiguée de devoir porter les conflits des Hommes sur mes épaules. Mais je me suis rendue surtout parce que fuir n'est pas être libre. Même enfermée à tout jamais dans des cachots, je serai plus libre qu'à fuir la rage de Serambeür à tout jamais, à semer désolation et mort sur mon chemin. Car, finalement, peut-être est-ce tout ce que je sais faire.
L'Elfe termina sa prise de parole en reposant ses omoplates contre le dossier de sa chaise. Elle n'était ni détendue ni soulagée. Le poids du sang sur ses mains pesait lourd sur ses épaules, les morts, visages et noms défilaient comme des dizaines, centaines de spectres vengeurs hurlant à ses oreilles leur désespoir et rancœur. C'était comme une nuage sombre au-dessus de sa tête aux cheveux de jais, le spectre voilé de la mort appuyé sur elle pour lui faire savoir, à chaque instant, ce que pensait chaque âme qu'elle avait fait passer à trépas. Rien en ce monde, hormis l'étreinte et le baiser d'Oropher, ne pouvait soulager ce fardeau.
Elle ignorait si même la mort pouvait la soulager.
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
Nombre de messages : 1082 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
L’elfe fit glisser la soie entre ses doigts, appréciant la texture de ce tissu gracieusement brodé plusieurs siècles auparavant. Après plusieurs longues secondes, il hocha lentement la tête d’un air satisfait : cette toge ferait l’affaire. À la fois sobre et élégante, d’un blanc immaculé simplement rehaussé de touches pourpres venant rappeler la couleur de sa maison.
Personnage influent au sein de la cité depuis la reconquête de la ville, le Seigneur Ovadiel avait acquis le prestigieux titre de Haut-Conseiller. Il avait l’oreille d’Arminas et des dirigeants les plus hauts placés ; sa parole était écoutée et respectée. Les crises les plus graves révélaient parfois des personnages dont les discours exaltés et les convictions affirmées parlaient au plus grand nombre. Ovadiel ne faisait pas partie de ceux-là; c’était au contraire son calme et sa bienfaisance. Loin de la fureur des combats, il avait joué un rôle-clef lors des négociations concernant le statut des réfugiés d’Imladris ayant fui à Gar Thulion à la suite de l’attaque de l’Ordre de la Couronne de Fer. Puis, il avait œuvré à la reconstruction tout en s’assurant que ceux qui avaient tout perdu ne manquent de rien entre les murs de Fondcombe. La dernière fois qu’il avait tiré l’épée remontait à un autre âge, il contribuait aux luttes des Premiers Nés d’une manière moins violente mais toute aussi importante.
La voix cristalline de sa fille le tira de ses pensées. “Atarinya. Le soleil entame son ascension, le jugement ne saurait tarder…”
Le Seigneur Ovadiel se tourna vers Yalë, fièrement vêtue de son armure. Ses longs cheveux bruns descendaient en cascade derrière son dos, encadrant un visage presque centenaire mais toujours aussi doux qu’au premier jour. Comme celui de sa mère. L’elfe enfila prestement sa tunique et ajusta le diadème qu’il portrait au front. “Le destin n’attend point pour choisir sa voie.”
D’un pas leste mais, sans effort, il quitta sa demeure qui se trouvait au pied d’un grand cyprès. Une petite silhouette familière se trouvait en bas de marches. L’Eldar écarta les bras en signe de bienvenue et sourit chaleureusement.
“Sire Ionescgrin! Mae Govannen ! Votre présence emplit mon esprit d’alégresse. Le périple pour venir à nous n’est point des plus simples à faire.”
Le Semi-Homme salua le dignitaire dont il avait profité de l’hospitalité des mois plus tôt. “Aaah ne vous-en faîtes pas. J’ai manqué de rations pour tenir le rythme des deux petits-déjeuners quotidiens sur la fin mais rien d’affolant ! Je ne pouvais me permettre de rater cela. -Votre loyauté est une source d’inspiration pour toute âme mon cher ami. Sachez cependant que la justice des Elfes est bien différente de celle pratiquée chez les mortels. Nous ne nous perdons point en des procédures figées. Votre témoignage ne sera entendu que si le Conseil le juge utile. Une aide pour trouver le chemin de la vérité et non un droit. -Vous dîtes que je suis peut-être venu juste pour compter des cacahuètes ? -Précisément Sire Ionescgrin. -Hm.”
Eugénion semblait visiblement contrarié. Tout ce voyage pour repartir le lendemain sans avoir rien fait d’autre que pester sur la nourriture qui lui avait été servie. Que de temps perdu ! Que de goûters ratés pour rien ! “Tiens ça me fait penser à une histoire…”Finit-il par marmonner. “Je n’en attendais pas moins de vous." Rétorqua Ovadiel avec un léger sourire en coin.
Ainsi, au côté de son compagnon qui lui contait un autre de ses apologues, le Haut-Conseiller prit la direction de la salle du Conseil d’Elrond.
Installé dans le fauteuil qui lui était dédié, Ovadiel n’affichait plus aucun sourire. Il observait froidement l’accusée qui se tenait devant eux, au centre du cercle. Celle-là même qui avait abusée de son hospitalité pour commettre des crimes. Celle-là même qu’il avait décidé de faire entrer dans la cité contre l’avis de Serambeür. Les évènements avaient fini par prouver que le militaire avait eu raison de se méfier de cette amnésique en quête de sens.
Le Haut-Conseiller n’était point rancunier et aucun désir de vengeance ne l’animait. Seule une immense tristesse emplissait son cœur en écoutant le témoignage de Lithildren. Triste d’abord du drame que représentait la vie de cette elfe. Chaque âme qui se perdait en ces Terres Mortelles représentait une tragédie. Triste également de ce que son discours insinuait.
Aucun remords ? Aucun regret ?
Ovadiel se redressa légèrement, indiquant qu’il voulait prendre la parole. Arminas la lui donna d’un signe discret. “Dame Lithildren. Nul amour ne peut se com plaire de la mort d’âmes innocentes. Le dernier grand voyage vers les Terres Immortelles doit représenter la fin du parcours de chaque Eldar, toute autre issue est impardonnable. L’opportunité de tout recommencer, je vous l’ai donné, mais vous avez laissé la passion et la violence vous détourner de ce futur radieux.”
Il réajusta sa toge, visiblement déçu d’avoir à se montrer aussi critique. Après l’avoir trahi, était-ce là toute la défense qu’elle comptait leur présenter ?
“Nombreuses sont les voix appelant à la loi du talion. Réclamant votre âme pour celles que vous avez ôtées. Néanmoins, réparer un mal par un autre ne représente pas notre chemin.
Dame Lithildren, la force et la volonté qui vous animent n’ont pas été canalisées. Là est votre drame. Peut-être est-ce le rôle du Conseil aujourd’hui de s’assurer que votre passion serve la juste cause ? Si les menaces dont vous parlez sont réelles, pourquoi ne pas vous y être confrontées au lieu de vous mêler aux insignifiantes querelles des mortels ? “
Revoir le Seigneur Ovadiel et entendre la voix d'Eugénion brisèrent de manière notable le visage de Lithildren. Son cœur se resserra et elle eut un léger vacillement. La gorge serrée, elle peina à déglutir à cause du Semi-Homme. Une faille si brève qu'elle ne dura qu'un battement de cil mais qui, pour les yeux avisés, représentait une faille exploitable néanmoins. L'Elfe tâcha de se ressaisir et ignorer ces sentiments, cette vague de souvenirs. Eugénion n'avait été qu'un soutien immense, un conteur hors pair qui l'avait aidée sans la connaître. Un inconnu qui, pourtant, avait bravé moults péripéties pour elle, une parfaite inconnue. Pourquoi ? La question tourna dans sa tête, tornade intense à en lui en donner le vertige. Était-ce pour cela en réalité qu'elle venait de vaciller ? Non pas qu'elle ne se souciait pas des sentiments d'Ovadiel, loin de là, mais il était Elfe. Ce fait changeait un peu ce qu'elle ressentait. Non, c'était faux. Voir le visage, le regard du Seigneur, l'affectait tout autant. Elle était celle qui déçoit et elle ne pensait pas que cela l'affecterait un jour.
- Il est vrai, Seigneur Ovadiel. Vous m'avez donnée une opportunité et je ne l'ai pas saisie. Mais avais-je vraiment conscience de cela ? Non. J'étais en mission, bien qu'oubliée sur le moment. La réalité es qu'au moment de trahir, je n'avais pas en tête la main tendue ou la justice ou quoi que ce soit d'autre que satisfaire une volonté qui m'échappait alors. Comme courir derrière une lumière qui ne cesse de s'échapper, sans faire attention au reste.
La réponse était honnête, fluide et lui semblait simple. Elle eut un sourire désolé en coin, prise d'un élan de compassion. Elle savait bien combien il était probablement inconfortable pour le Seigneur de parler de la sorte. Mais c'était un mal nécessaire. L'Elfe se tourna vers Ovadiel, pivotant légèrement sur les talons. L'observant de ses iris argentés, elle opina légèrement du chef.
- Je comprends le désir de certains, qui est de plus tout à fait justifié. Elle avait conscience de ses actes et que les plus assoiffés de justice laissaient leur deuil parler. Qui pouvait ne pas comprendre ? Pour vous répondre, Seigneur Ovadiel, j'aurais préféré. Peut-être aurais-je dû. Après qu'Oropher ait été blessé par les esclavagistes nous ayant pris en otages, nous avions un choix sur la direction à prendre. Un village dans les hauteurs ou la rumeur d'ombres dans les ruines d'Ost-in-Edhil. J'ai peut-être eu tort mais j'ai choisi les ruines. Nous y avions trouvé les derniers gardiens, Sadron et ses fils. Ils ont proposé un pacte : ils soignaient Oropher si nous chassions les humains qui fouillaient les ruines. Je ne me souviens guère plus pourquoi Sadron et ses fils avaient accepté leur présence, et au final cela n'a plus aucune importance. J'ai accepté, la suite est anecdotique. Le tout est qu'une fois sortis et les deux fils de Sadron morts par la main de ces humains, il m'a demandée d'aller voir un humain. Il m'a donnée ceci. Elle sortit pour la première fois depuis tant de temps la statuette de l'Arbre Blanc. Elle qui avait pensé l'utiliser pour acheter sa liberté en donnant Neige en pâture, elle n'avait finalement jamais eu l'occasion d'utiliser cet objet. Je n'avais nul part où aller et j'avais besoin d'accéder à Minas Tirith de toutes façons. En réalité je me suis faite embarquée dans une histoire alors que je ne le voulais pas. J'ai été obligée de participer à une rébellion dans Minas Tirith alors que je ne le voulais pas, juste parce que la Cité était close. Je n'ai pas choisit cette cause, j'y ai été placée parce que je suis une Elfe. Et lorsque j'aurais pu continuer de fuir et suivre les Hommes, je me suis arrêtée pour me tenir devant cette assemblée.
L'Elfe aux cheveux de jais inspira longuement.
- Evidemment dire que je n'ai rien choisi serait mentir. Certains choix sont forcés, d'autres prit par dépit, d'autres par les sentiments. On peut me reprocher mes torts et travers, mes choix et mes pas. Certes. Au final est-ce réellement pertinent ? Ce qui est passé, est passé. Le but de ce Conseil est de déterminer la punition pour mes crimes commis dans l'enceinte de la Cité d'Imladris, pas de ruminer sur le pourquoi du comment je suis allée où je suis allée entre mon crime et mon procès.
La Noldo se tourna de nouveau vers les membres de l'Assemblée. Elle pensait sincèrement que, si la prise de parole d'Ovadiel cernait sa personne, elle n'était pas pertinente pour le procès. Peut-être les Elfes voyaient les choses dans un ensemble, une toile tissée avec délicatesse, mais elle ne voulait pas rester des heures sur ses méfaits qui ne concernaient pas les Elfes. Qu'allaient-ils en faire, de toutes façons ? Il n'était pas chose commune pour les Elfes de lever le petit doigt tant qu'ils n'étaient pas directement menacés ou concernés. Qu'est-ce que ce qu'elle avait fait ou vécu depuis son dernier passage ici pouvait bien leur faire ?
Forlong Tribun Militaire d'Arnor
Nombre de messages : 3430 Age : 33 Localisation : En Arnor Rôle : Vieux loup au service du Royaume du Nord
~ GRIMOIRE ~ -: Dunadan d'Arnor -: Quarante Ans -:
Le seigneur Basaclar n’en était pas vraiment un. Ayant hérité du titre de son père, cet elfe relativement jeune était avant tout un érudit, un lecteur avide et un orateur amateur. Lorsque l’opportunité de prendre part à un procès si exceptionnel s’était présentée, il n’avait pas hésite une seule seconde.
N’étant pas particulièrement ravi de la tournure qu’avait pris la défense de Lithildren, Basaclar s’était empressé de profiter du silence qui s’était emparé de l’assemblée après les dernières paroles de l’accusée.
-Le sel de mille larmes se mélange aux vagues dans le Port du Cygne.
Alqualondë.
Dois-je rappeler à qui que ce soit le lieu du massacre fratricide ? A leur plus terrible, les rois et princes Noldor de jadis n’étaient-ils pas coupables d’avoir versé le sang des milliers, et sacrifié leur propre peuple dans la poursuite aveugle de leurs objectifs ? Et à leur meilleur, n’étaient-ils pas capables de forger les oeuvres les plus magnifiques, et semer la peur dans le coeur noir du seigneur des ténèbres et de ses serviteurs ?
Cette elfe – dit-il, en pointant Lithildren du doigt – vient aussi de la lignée des Noldor. La même flamme brûle dans ses veines, la rendant capable du pire tout comme du meilleur. Oui, elle admet le crime terrible qu’elle a commis. Mais savez-vous qu’elle a également risqué sa vie pour déjouer un complot qui menaçait le royaume du Gondor ? Et qu’elle s’est rendue volontairement aux autorités, prête à subir les conséquences de ses actes ?
Mes seigneurs, je ne peux prétendre que Lithildren est innocente. Mais l’histoire de notre peuple montre que nos coeurs sont facilement corrompus par la passion ou la colère. Elle n’est qu’une parmi les Eldar qui ont cru aux promesses de la Couronne de Fer. Il ne reste plus beaucoup d’elfes en Arda. Trop peu pour qu’on puisse se permettre la stratégie d’oeil pour oeil, dent pour dent.
Dame Eilae regardait Lithildren avec ses yeux gris comme la mer. Ce n’était pas facile à remarquer alors qu’elle était assise, mais la Première Conseillère du Seigneur Laurelin avait perdu l’usage de ses jambes il y a bien longtemps, et ne pouvait se déplacer que dans un fauteuil roulant ou avec l’aide de ses fidèles assistants. Cela n’enlevait rien à sa prestance. Là où Basaclar avait opté pour un ton dramatique, presque théatral, Ailae parlait d’une voix douce, qui forçait ses interlocuteurs à tendre leurs longues oreilles pour l’écouter.
-Vous parlez de choix et de liberté, Lithildren. Et si le choix vous appartenait aujourd’hui, et la liberté aussi, que feriez-vous ? Où iriez vous à présent ?
Lorsque l’accusée répondit, Dame Eilae se tourna vers l’assemblée.
-Avons-nous encore des témoignages ou des questions à entendre avant de délibérer ?
Membre des Orange Brothers aka The Good Cop
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 366 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
Elle sursauta lorsque la voix de Basaclar brisa le silence. Elle ne s'y attendait pas réellement, en vérité. Pendant un instant, elle avait même oublié qu'un des seigneurs était là pour sa défense. Lithildren observa Basaclar et sentit une vague de soulagement l'envahir. Son intervention était ce qui allait - peut-être - la sauver, espérait-elle. Elle avait tendance à se défendre en attaquant et non avec les talents d'orateur et... de... enfin, des paroles qu'elle était incapable d'avoir.
Et puis... était-ce réellement faux ? Lithildren s'était "simplement" offusquée qu'on lui reproche d'avoir agit pour les Humains. Ce n'était pas comme si elle avait eu le choix : la Cité avait été close et sa seule porte de sortie aurait été marchander avec son ennemi ou aider ses "alliés". Dire qu'elle aurait pu avoir des indices sur où était Oropher... Elle aurait pu continuer à chercher, suivre les minces pistes, mais elle avait l'impression que ce chemin s'était dérobé sous ses pieds. Elle devait repartir de zéro et, pendant ce temps, son aimé était probablement mort, enfermé quelque part ou torturé, qui pouvait le savoir ?
Son cœur se serra, alors qu'elle songeait aux paroles de Basaclar et Ovadiel. Son âme était tourmentée par les passions et elle n'arrivait plus à prendre des décisions réfléchies comme eux. A la place, elle était impulsive, émotionnelle et agissait avec le cœur, au lieu d'avec sa tête. Les Elfes prétendaient qu'il s'agissait d'un défaut mais les Humains prétendaient qu'il s'agissait d'une grande qualité. Suivre son cœur et ses principes au lieu de la logique froide d'ordres sans empathie...
- Vous parlez de choix et de liberté, Lithildren. Et si le choix vous appartenait aujourd’hui, et la liberté aussi, que feriez-vous ? Où iriez vous à présent ?
La question prit l'Elfe de court. Pourquoi ? Parce qu'elle n'en avait pas la moindre idée. Elle fut silencieuse, un long instant. Ils attendaient sûrement une réponse claire et pleine de passions, ou peut-être l'inverse. Elle n'en avait pas la moindre idée. Elle était au même point de départ que lorsqu'Eugénion l'avait conduite ici. La pensée qu'il s'agissait peut-être d'un nouveau départ tenta de la réconforter mais elle ne se sentait que perdue.
- Je... Je l'ignore.
Elle rêvait de liberté, tout simplement. Faire ce qu'elle voulait, où elle voulait, quand elle voulait. Sans ordres, sans Serambeür à ses trousses, juste naviguer en Terre du Milieu et... faire quoi ? Chercher Oropher, sauver la veuve et l'orphelin, traquer l'Ordre de Yavannamirë, traquer le maudit sorcier ayant enlevé son aimé ? Etaient-ce réellement les seuls choix qu'elle avait ? Des quêtes de vengeance et violence sans jamais s'arrêter, combattre pour des peuples n'étant pas le sien, se hisser en héroïne pour laver ses péchés ? Aucune solution ne s'offrit à son esprit. Elle voulait traquer et se venger, et en même temps oublier la meurtrissure de son cœur et l'absence de son amour. Il était probablement temps pour elle de passer outre.
Elle inspira, puis soupira.
- Avons-nous encore des témoignages ou des questions à entendre avant de délibérer ?
Lithildren balaya l'assemblée de son regard argenté. La fin était proche. Quelle forme prendrait-elle, seuls les Valar avaient la réponse.
Calion Palantir Ambassadeur des Elfes - Premier Nez
Nombre de messages : 591 Age : 29 Localisation : Rohan Rôle : Elnaith de la Maison du Roi
C’était un beau matin à Imladris, l’air y était frais, les gazouillis d’oiseaux résonnaient dans la vallée. Mais lorsque, trop éloignés, le bruit des cascades les étouffait. La lumière bénie avait pénétré chaque hall, chaque maison.
Gwingloth était arrivé peu avant Arminas, il s’était levé et salué lorsque ce dernier apparut. Gwingloth était un Noldo, né à Gondolin et ayant fui avec les siens lorsque la cité de Turgon tomba. Il est Maître de la Forge d’Imladris. Il a d’ailleurs eu l’occasion d’améliorer ses compétences à Ost-in-Edhil auprès de certains des orfèvres du Gwaith-i-Mírdain.
Il connaissait le dossier et il voulait vite en finir.
Il se leva lorsque la prisonnière arriva et se rassit lorsque Arminas y invita l’assemblée. Le Maître d’Imladris rappela les faits à l’audience.
Scélérate, pensa-t-il.
Lithildren commença à exposer sa défense. Elle se donnait en spectacle, jouant sur les mots, se balançant d’un côté et de l’autre pour appuyer une possible dualité de son être.
Elle avoua, ne nia rien. Aucun remord. Aucun regret.
Gwingloth ne fut pas surpris lorsqu’elle mentionna les fouilles d’Ost-in-Edhil, ils en avaient entendu parler ici.
Des seigneurs de l’assemblée donnaient leurs avis, l’accablant peu ou la défendant. Gwingloth n'était pas du tout de cet avis, elle le dégoûtait. Lithildren jouait comme à un double-jeu, elle n’avait rien nier, elle avait tout avoué sans se remettre en question mais elle disait également qu’elle avait été emportée par les évènements, que ce n’était pas tant de sa faute que cela.
Lorsque Dame Eilae lui posa une question tout-à-fait intéressante, Lithildren répondit qu’elle ignorait ce qu’elle ferait, où elle irait.
Gwingloth demanda la parole à son tour. Il se leva et lorsque Arminas l’y autorisa, il commença.
« Je ne l’ignore pas Lithildren… L’assemblée était fixée sur lui. Votre place est aux Cavernes de Mandos afin que celui-ci soit juge, vous y retrouverez pour l’éternité Oropher. Il laissa un silence planer quelques secondes. Vous avez tué un innocent, ici à Imladris qui a si souffert. À peine pansait-elle ses blessures que vous la plantiez de nouveau en plein cœur. Il marqua une pause. Le Massacre fratricide d’Alqualondë est une tragédie et une honte. Mais parce que cela s’est produit nous devrions pardonner celui-ci ? Et tout cela pour libérer un scélérat ? Ce qu’il s’est passé à Minas Tirith n’a pas de rapport avec ici. Vous avez fait des choix Lithildren, de terribles choix. Ils ont eu des conséquences désastreuses pour notre cité. » Termina-t-il.
Il se rassit.
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
Nombre de messages : 1082 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
Pour une fois dans son existence, Eugénion Ionescgrin, logicien au génie incompris, marchand itinérant aux méthodes parfois douteuses ; n’en menait pas large. Perché sur son siège bien trop grand pour lui, il balançait nerveusement ses petites jambes d’avant en arrière. Le Hobbit triturait également son petit chapeau qu’il tenait entre ses mains, levant parfois timidement les yeux pour affronter les regards sévères de ces êtres immortels. Il s’attarda sur le Seigneur Ovadiel qui l’encouragea à prendre la parole d’un signe discret de la tête. Le noble elfe l’avait fait quémander depuis la Comté dès que la nouvelle du procès de Lithildren lui était parvenu. Il avait ensuite patienté à l’écart lors du début des délibérations avant qu’on ne se décide à l’appeler. Et pour cause, le témoignage de ce curieux petit être pouvait se révéler déterminant dans la prise de décision du tribunal elfique. Il avait été le compagnon de voyage de la principale accusée dans ce périple qui les avait menés d’Edoras jusqu’à Fondcombe, lieu du crime. Un trajet semé d’embûches et de dangers qui avaient progressivement transformé l’elfe candide et inoffensive qu’il avait d’abord rencontré. Une plongée dans un passé trouble et tortueux, fait de douleurs et de tentations, de passion et de violence. L’Ordre de la Couronne de Fer ne s’était pas contenté de brûler la Dernière Maison Simple, il avait également détruit l’âme de nombre de ses habitants.
Le Semi-Homme commença d’un ton légèrement hésitant :
“Je…je suis Eugénion Ionescgrin et c’est à mes côtés que Lithildren a voyagé jusqu’ici. J’ai conscience que le crime dont elle est accusée, et qu’elle ne nie pas, est des plus sérieux mais mon récit pourrait peut-être permettre de recontextualiser certaines choses.”
Comme à son habitude, plus il parlait, plus il gagnait en confiance. Au fur et à mesure de son récit, il retrouvait progressivement son verbe et sa bonhommie.
“Aaah ! Vous auriez dû la voir cette pauvre fille à Edoras quand je l’ai croisé pour la première fois. Complètement perdue, amnésique, incapable de se souvenir d’où elle venait, inconsciente d’où elle se trouvait, et ignorant où elle se rendait. J’ai donc décidé de l’accompagner dans ce voyage pour l’aider à se retrouver - cela ne me détournait pas trop du chemin et puis une occasion d’enfin voir une cité elfique, cela ne pouvait pas se refuser. Vous savez cela fait des décennies que j’étudie tous les peuples de ce monde, m’extasiant sur leurs prouesses, m’amusant de leurs contradictions, me délectant de leur savoir. Alors avoir accès à la plus ancestrale des civilisations du monde connu…Pensez-y !”
Au vu de la réaction des elfes qui l’écoutaient, ses digressions, caractéristiques de son esprit vif et chaotique, n’étaient guère appréciées dans ce contexte ; même s’il put observer un discret sourire sur le visage d’Ovadiel.
“Des morceaux que nous avons réussi à recoller au cours de notre voyage, le récit de Lithildren est une histoire triste, tragique même. Un passé hanté par l’Ordre de la Couronne de Fer, des parents massacrés durant l’invasion, un fiancé tué par un guerrier de l’Ordre ; celui-là même qui mit le feu aux écuries. Après un départ relativement paisible fait de bonnes histoires autour d’un feu et de longues discussions sur l’absurde de ce monde, c’est à Bree que notre affaire prit un nouveau tournant. Nous y avons croisé la route d’un ancien membre de l’Ordre repenti qui nous mis en garde contre la présence de pies dans la région, nous avons également rencontré notre nouveau compagnon de route. Un forgeron bien bougon du nom d’Erennel. C’est là aussi qu’a eu lieu notre première altercation avec les hommes de l’Ordre qui nous prirent en chasse dès notre départ de la petite ville, avec à leur tête un elfe maléfique, violent et vengeur : Oropher. De toute évidence, toute cette affaire n’était pas le simple fruit du hasard et il y avait là un compte personnel qu’il comptait régler. Nous avons donc fui, nuit et jour, pour rallier votre glorieuse citée avant de se faire rattraper. Malheureusement, Oropher et ses sbires nous tendirent un piège dans les ruines de Valdol, à quelques lieues d’ici et il fallut l’intervention in-extremis de vos cavaliers pour nous sauver la mise et mettre le renégat aux arrêts. Le Seigneur Ovadiel nous a ouvert les portes de la cité, à moi et mes compagnons malgré les réticences du Capitaine Serambeür et nous a accueilli sous son toit. Là j’ai pu découvrir une partie de la richesse de votre peuple et dans mon émerveillement je n’ai pas remarqué que mon amie sombrait de plus en plus dans le désespoir, sous l’influence néfaste de cet Oropher. De ses mots pleins de poison, il l’a séduit en employant la ruse et le mensonge, profitant de son esprit si faible ne pouvant plus distinguer le réel de l’imaginaire. Il lui a fait miroiter des sentiments passionnels : la vengeance contre le Bras de Fer, le but d’une mission retrouvée, un amour retrouvé. ”
Il marqua une pause, jaugeant la réaction des personnes présentes qui ne montraient rien dans leurs expressions faciales. Les elfes se contentaient d’attendre patiemment la fin du récit de leur témoin.
“Cela me fait penser à cette histoire où un Hobbit de Lézeau, brave mais simple d’esprit, qui fit la rencontre d’un autre, issu de la famille Mortepouc. Une famille connue pour leur ruse et manigances en tout genre. Mortepouc susurra à l’oreille de notre brave héros que l’éleveur de pommes de la ville, absent de ses champs pour maladie, avait autorisé ses amis à venir cueillir gratuitement tous ses fruits mûrs. Mortepouc paya quelques pièces à notre protagoniste pour que celui-ci lui remplisse des charrettes de fruits, qu’il pourrait revendre ensuite pour s’en faire une petite fortune. Bien entendu, quand on surprit notre candide personnage en train de voler dans les champs, Mortepouc nia tout lien avec cette sordide affaire et s’en tira sans rien tandis que l’on cribla de dettes notre simple d’esprit.
Mais qui était donc le responsable du crime ?
Loin de moins l’idée de comparer une affaire de pommes avec le meurtre d’un Premier Né mais la logique de la justice ne devrait-elle pas être équitable ? La personne qui tenait la dague ayant tué l’un des vôtres était bien celle de Lithildren, mais l’esprit derrière ce crime était bien celui d’Oropher.”
Cette fois le regard triste d’Eugénion se posa sur Lithildren. Il lui sourit. Malgré la trahison qu’il avait subie, malgré le fait qu’elle l’ait abandonné sans un mot, malgré tout cela, le petit philosophe savait qu’il y avait encore du bon dans ce cœur si sombre.
The Young Cop
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Arminas avait écouté patiemment les échanges entre les différents protagonistes. Certains se montraient compréhensifs, d'autres sévères… certaines paroles lui paraissaient pleine de sagesse et d'autres à peine dignes de la bouche d'un elfe.
Il avait volontairement adopté une position en retrait. Il souhaitait prendre du recul pour analyser parfaitement la situation. Il le savait, en tant que Seigneur d'Imladris et membre du conseil elfique, c'est à lui que reviendrait le devoir de décider de la culpabilité et du châtiment de Lithildren.
Il n'aimait pas se poser en juge et préférait autant que possible aborder le monde avec bienveillance. Néanmoins, il avait le sens des responsabilités et conscience que la justice devait être rétablie. Il préférait le terme “justesse” car pour être juste, les choses devaient être harmonieuses, pleine de la délicate nuance d'une mélodie bien équilibrée.
Tous les visages se tournaient désormais vers lui. Son regard fit lentement le tour de l'assistance. Alors, il se leva.
"Merci à tous.Capitaine Serambeur, veuillez raccompagner Dame Lithildren. Quant à vous, Seigneur Basaclar et Sir Eugenion, merci de laisser le conseil délibérer."
Tous s'exécutèrent sans discuter. Lithildren serait à nouveau conduite devant eux quand la décision serait prise.
“Membres de ce conseil, voici venu le temps de vous prononcer. Trois questions vous ont été soumises en préambule de cette audience. Lithildren était-elle en pleine possession de ses moyens au moment où elle a commis les actes qui lui sont reprochés ? Était-elle consciente de la dangerosité d’Oropher et des conséquences de ses actes ? Enfin, Lithildren avait-elle prémédité ses méfaits ?”
Il marqua un temps d'arrêt.
“Je vous demande, Seigneur Ovadiel, Seigneur Gwingloth et Dame Eilae, de répondre chacun à votre tour à ces questions par oui ou par non. Prenez le temps de réfléchir et répondez en votre âme et conscience.”
Invité, n'oublie pas que le regard des Rois d'Arnor porte au delà des frontières de leurs royaumes.
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 366 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
Lithildren écouta les avis des uns et des autres. Ici elle sentait l'animosité, là le doute. Elle n'ignorait pas que la situation n'était sûrement pas simple. Son destin reposait entre les mains de ce conseil et il n'y avait plus rien qu'elle puisse dire ou faire pour changer l'avis de ceux ayant déjà un esprit convaincu. Cependant, cette attitude détachée et indifférente ne put que se briser lorsqu'Eugénion entra en scène, pour ainsi dire. L'elfe aux cheveux de jais ne sentit même pas les larmes couler, de prime abord. Elle ne s'en rendit compte que lorsque sa respiration s'en retrouva saccadée. Là, seulement, elle les essuya, ses yeux d'argent fixés sur le Hobbit. Elle marmonnait en boucle, comme un refrain brisé, à quel point elle était désolée. Elle finit par se calmer, non que ses épaules ne se soient affaissées et que son regard ne se fige dans le vide. Le ciel lui semblait bien sombre désormais. Pourtant il n'avait pas changé. Elle ne regardait pourtant que le sol et inspira pour retrouver un semblant de neutralité. Pourtant les souvenirs affluaient et certaines lui donnaient envie de fondre en larmes de nouveau.
- Merci à tous. Capitaine Serambeur, veuillez raccompagner Dame Lithildren. Quant à vous, Seigneur Basaclar et Sir Eugenion, merci de laisser le conseil délibérer.
Les mots d'Arminas libérèrent Lithildren d'un poids. Si elle était resté plus longtemps, elle aurait finit par pleurer et demander l'exécution. Serambeür ne se montra pas tendre avec la criminelle et elle ne put même pas saluer Eugénion proprement, ni par un regard ni en lui adressant la parole. Lithildren traînait des pieds, abattue. Une part d'elle voulait que Gwingloth ait le pouvoir décisionnel. Elle avait énormément fauté, où qu'elle ait été. Depuis son accident, le jour où elle était censé déclarer sa flamme à Oropher, elle n'était simplement plus elle-même. Son humeur changeait du tout au tout, comme deux personnalités. Elle était parfois douce, parfois d'une violence inouïe. Elle perdait la mémoire et parfois sa lucidité.
Lithildren inspira, longuement, regardant le ciel en marchant dans la cité, un peu traînée par Serambeür qui avait sûrement hâte de se débarrasser de la compagnie de la criminelle. Lorsqu'ils arrivèrent en vue des jardins, Lithildren s'arrêta. Elle demanda, avant de rejoindre les geôles, à faire un arrêt dans les jardins, une dernière fois. Le capitaine finit par accepter, ronchonnant, gardant l'elfe sous étroite surveillance.
Le Merle Vagabond avait perdu la trace de sa petite sœur après Ost-in-Edhil. Il avait continué ses recherches dans les Terres Sauvages, en vain. Jusqu'aux rumeurs venant de Minas Tirith. Pourtant, il ne s'y dirigea pas. Il resta à proximité des rumeurs pour savoir ce qu'il se disait mais à aucun moment il n'approcha l'immense cité. Il détestait les grandes villes, et les flux de gens de manière générale. Lorsque la rumeur qu'un ambassadeur elfe venait arrêter l'elfe dans la Cité Blanche, il devina immédiatement ce qu'il se tramait. Il patienta, surveillant les routes de Minas Tirith à Imladris, jusqu'à avoir l'information qu'il attendait. Sans se presser, il suivit Serambeür et Lithildren chevaucher d'une ville à l'autre. Il emprunta quelques chemins différents, son merle dressé indiquant la voie plus d'une fois. Il avait arpenté les routes des montagnes, des plaines et des forêts pendant des siècles et, s'il découvrait encore parfois des chemins, il se vantait d'avoir une bonne connaissance des routes. Après tout, une vie de vagabondage aide...
Pendant le trajet, loin derrière ses deux guides involontaires, il songea à sa sœur. Il se disait parfois que les Valbeön portaient une malédiction. Des morts prématurés, dans cœurs prompts à partir à l'aventure, des esprits guerriers ou aventuriers. Les parents de Nodreth et Lithildren étaient sûrement les seuls depuis l'exil des Noldor à ne jamais être partis d'Imladris. Shalyna, sa tante, avait quitté la cité pour rejoindre Ithilien et mourir à Henneth Annûn. Lui, parti jeune pour vagabonder par ennui, sans pour autant jamais se mêler des conflits humains. Lithildren, sa sœur, et quoi qu'il lui soit arrivé. Il avait aussi connaissance de quelques atres Valbeön qui avaient connu des sorts peu désirables : tués par des Orcs ou bandits humains dans leur sommeil, lors de conflits ou par de bêtes accidents... La lignée s'arrêtait à Nodreth et Lithildren, les deux n'ayant pas d'enfant et Shalyna n'en ayant jamais eu.
Le Merle Vagabond entra dans Imladris alors que le procès avait déjà commencé. Il retourna dans la maison de sa famille, pleine de poussière et vide de vie. Il se demandait pourquoi personne n'y avait vécu depuis la chute d'Imladris et ses conflits. Il soupira, longuement, et dépoussiéra quelques vieux livres le temps que le procès ne se poursuive. Son merle dressé revint le voir après un long temps. Il regarda par la fenêtre et se promena alors en ville, son oiseau survolant les rues pavées, les jardins et les cours d'eau serpentant dans la cité. Il avait oublié la beauté onirique de sa cité d'enfance. Il devait bien admettre que cela lui avait manqué. Le confort elfique, la nourriture, les instruments, cette impression de vivre dans un autre monde, dans un rêve. L'air semblait plus pur, le vent plus frais, le soleil plus chaleureux. Il devrait revenir plus souvent à Imladris...
Son merle le guida vers les jardins. Là il y vit Serambeür passablement agacé de devoir attendre. Et Lithildren, assise sur un banc, le nez levé vers le ciel. Il observa sa sœur, avant d'approcher. C'était la première fois qu'ils allaient se parler. Il ne l'avait jamais vue grandir, et elle ignorait probablement son existence. Mais ils étaient très similaires de visage, sans parler des yeux bleu qu'ils partageaient avant que ceux de la criminelle ne deviennent argentés. Ils partageaient la même teinte de jais dans les cheveux, le même nez, le même sourire. Il était facile de savoir qu'ils étaient liés par le sang. Nodreth passa Serambeür, échangeant un regard soutenu avec lui, avant d'aller s'asseoir à côté de Lithildren.
Elle ne le regarda même pas. Elle était plongée dans le ciel et ses pensées.
- Ne souhaites pas rejoindre les étoiles trop tôt, onórë.
Elle pivota enfin le visage vers Nodreth, surprise, les sourcils haussés.
- Onórë ? Elle tu un temps de réflexion, suivi d'un moment d'incrédulité. Nodreth ?
Il ne put s'empêcher d'avoir un bref sourire en coin, avant d'opiner. Mais cela s'en tint là. Il n'y eut pas d'expression de joie plus avancée que la sobre surprise, le sourire en coin, un hochement de la tête.
- C'est un peu tard pour cette première rencontre, onóro. Un peu tard. Le conseil va délibérer pour me laisser en vie ou m'envoyer aux Cavernes de Mandos. Je mérite sûrement bien plus la seconde option que la première. - Je sais. Seigneur Ovadiel m'en a parlé. Pourquoi, Lithildren ? Pourquoi... - Je n'en ai pas la moindre idée. Oropher avait promis de venger nos parents. Et... je ne sais pas. Je me suis emportée. C'est comme si j'étais encore au Rhûn, à servir les Melkorites, à faire couler le sang pour eux. Je ne sais pas si je peux échapper à cette nature-là.
Les deux restèrent en silence un instant à contempler le jardin. Ils avaient tous deux oublié la beauté des fleurs, des pavés et des fontaines. Lithildren observait ce paysage magique comme si c'était la dernière fois, et Nodreth comme si c'était la première fois.
- Je ne serai pas loin tant que l'histoire ne sera pas réglée. - Merci.
Il lui serra brièvement la main avant que Serambeür ne reprenne le chemin vers les géôles.
• • • • •
Lithildren s'assit sur le sol froid et humide de sa cellule. Elle ferma les yeux et médita, immobile. Sa vie allait peut-être se finir et elle voulait s'y préparer. Au moins avait-eut l'opportunité de rencontrer son frère aîné. Elle n'en avait qu'entendu parler, rumeur d'un fantôme qui n'avait jamais existé. Mais il était bien réel. Elle en avait douté, parfois. Il lui ressemblait. Mais il était plus sage, plus calme, plus vieux. Elle se demanda si elle allait vivre pour devenir ainsi, apprendre à maîtriser ses impulsions et changements d'humeur. Peut-être. Ou alors les Cavernes de Mandos l'attendaient. De nouveau, elle inspira, et se plongea dans le monde vide, froid et sombre de la méditation. Elle vida son esprit et calma sa respiration.
Encore un peu de patience.
Forlong Tribun Militaire d'Arnor
Nombre de messages : 3430 Age : 33 Localisation : En Arnor Rôle : Vieux loup au service du Royaume du Nord
~ GRIMOIRE ~ -: Dunadan d'Arnor -: Quarante Ans -:
Dim 30 Juin 2024 - 15:33
Le seigneur Basaclar inclina la tête en entendant les instructions d'Arminas, puis regarda autour de lui, gêné, et chiffonna pendant un instant le bord de sa tunique, avant de s'adresser à Eugénion. C'était un allié inespéré dans la défense de l'accusée.
-Venez, maître hobbit. En attendant le verdict, nous devrions nous rendre aux cuisines. Je crois qu'il est l'heure de ce que vous appelez le deuxième petit-déjeuner non? Même si j'avoue que j'ai pas d'appétit, je me sens tout tendu avec cette affaire. Peut-être que quelques-unes de vos histoires de la Comté m'aideront à me changer les pensées pendant quelques instants.
Quelques serviteurs discrets apportèrent des coupes de Miruvor pour rafraîchir les membres du jury. Il était encore tôt, mais ils s'étaient tous levés à l'aube. Quelques gorgées du miraculeux liquide ambré effaceraient toute trace de fatigue et les aideraient à canaliser leurs pensées pour atteindre un verdict.
Eilae trempa ses lèvres et ferma les yeux pendant un moment. Les arbres ancestraux offraient un peu d'ombre et le vent apportait de la fraîcheur malgré la chaleur de cette journée ensoleillée de printemps. Elle se laissa détendre pendant un moment par les gazouillis d'oiseaux, le son lointain des cascades, et le murmure du vent dans les feuilles. Puis elle ouvrit les yeux, et regarda lentement ses trois compagnons: Arminas, Ovadiel et Gwingloth.
Elle savait plus ou moins quel serait le verdict de ce dernier. Le tempérament du Noldo était brûlant comme les feux de sa forge. Lithildren avait beau faire partie du même peuple que lui, elle ne devrait pas s'attendre à une quelconque clémence de sa part. Quant à Ovadiel, et surtout Arminas à qui la décision finale appartenait, elle ne savait pas à quoi s'attendre.
Elle expira lentement. Elle aurait bien aimé que le seigneur Laurelin soit présent. Eilae prit enfin la parole - elle était la première des trois seigneurs à répondre aux questions d'Arminas:
-Voici mes conclusions après avoir entendu les témoignages. Lithildren était-elle en pleine possession de ses moyens au moment où elle a commis les actes qui lui sont reprochés ? Non, je ne pense pas qu'elle l'était. Les témoignages d'Eugénion et de l'accusée se rejoignent sur ce point. Souffrant d'amnésie, traumatisée par la mort de ses parents et de son fiancé, entrainée dans des actes sombres sur les terres lointaines de Rhûn...Je ne suis même pas certaine que je la qualifierais comme étant en pleine possession de ses moyens au jour d'aujourd'hui.
Était-elle consciente de la dangerosité d’Oropher et des conséquences de ses actes ? - La voix de la première conseillère de Laurelin se durcit - Oui, je le pense. Même si elle avait pu être dupée au début, au moment où les événements tragiques se sont déroulés le voile était déjà tombé. Alors qu'Oropher était emprisonné dans les cellules d'Imladris, le seigneur Ovadiel lui-même n'avait-il pas expliqué à Lithildren qu'il s'agissait d'un traître et d'un criminel? Malgré cela, et malgré qu'elle avait été accueillie à Fondcombe, l'accusée décida de libérer cette ordure.
L'elfe marqua une longue pause avant de répondre à la dernière question. C'était celle à laquelle elle avait le plus réfléchi, en analysant les réponses de l'accusée.
-Lithildren avait-elle prémédité ses méfaits ? Non. Je ne le crois pas. Basaclar m'irrite avec son ton théâtral mais il n'a pas tort sur ce point. L'accusée semble être facilement corrompue par la passion et la colère. Je pense que, victime de son trauma elle agit sur l'instinct, facilement manipulée par les êtres plus rusés qu'elle. Vous avez vous-même pu constater qu'elle était incapable de répondre à ma question sur ce qu'elle ferait si on lui rendait la liberté. Si elle avait été calculatrice ou rusée, elle nous aurait parlé de rédemption. Après un mois de captivité et de voyage silencieux entre Minas Tirith et Fondcombe, elle n'a même pas préparé sa défense à proprement parler. Lithildren ne sait pas elle-même comment elle va agir d'un moment à un autre; un conflit interne infernal semble se dérouler en elle. Elle semble être incapable de préméditation, pour le meilleur ou pour le pire.
Membre des Orange Brothers aka The Good Cop
Calion Palantir Ambassadeur des Elfes - Premier Nez
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Gwingloth sentait que son intervention avait déplu mais il n’en avait que faire, un Elfe ne se doit pas d’être naïf mais sage et la sagesse voudrait que Lithildren disparaisse pour tout le mal qu’elle avait causé.
Il écouta néanmoins avec attention le Semi-Homme répondant au nom de Eugénion Ionescgrin car il venait d’assez loin pour être entendu. Gwingloth se tenait le menton et tandis que le Hobbit racontait l’historique de ses péripéties avec Lithildren, il porta son regard sur cette dernière. Elle avait abandonné son ami Eugénion. Gwingloth n’en fut pas surpris, quelle confiance pouvait-on accorder à une telle scélérate ?
Le Hobbit termina sa déclaration avec une comparaison d’une affaire de chez lui ce qui déplut assez à l’Elfe qui n’aimait pas tout ce parallèle entre une histoire de vol de culture dans un champs hobbit et un meurtre.
À la demande d’Arminas, Lithildren fut raccompagnée par le Capitaine Serambeur. Le Seigneur d’Imladris posa de nouveau les trois questions du début auxquelles l’assemblée se devait ici de répondre.
Gwingloth laissa Dame Eilae commencer, il la connaissait suffisamment et se doutait qu’elle ferait preuve de clémence. Sans surprise, elle l’épargnait de ses mots mais Gwingloth fut pris d’étonnement lorsque Eilae accabla l’accusée à la deuxième question. Quand elle eut terminé, le Maître de la Forge d’Imladris demanda la parole.
« Je serai bref. À votre première question je répondrai qu’effectivement elle était en pleine possession de ses moyens. Elle était de retour dans notre refuge, secourue par nos cavaliers qu’elle a accepté de suivre. Elle n’a pas agi sous la contrainte. Elle était… Du bon côté de la geôle si je puis dire. Elle a décidé de se présenter à lui. Il marqua une pause. Elle a de son propre chef libérer Oropher et tuer son garde. Était-elle consciente de la dangerosité du prisonnier ? Evidemment. Le Semi-Homme nous a confirmé qu’il les avait pris en chasse par ses sbires et elle a aussi su qu’il avait participé à l’attaque de notre cité dans les rangs de l’Ordre… Gwingloth eut envie de cracher à l’issue de ce mot tant il lui laissait un goût amer dans la bouche. Et enfin… Je ne pense pas que ses agissements aient été prémédités. Je pense comme vous Ma Dame… Sans doute ne partait-elle pas libérer ce traitre mais elle l’a fait. Elle l’a fait. Noble assemblée, je terminerai par citer l’accusée : "je n’ai ni regret ni culpabilité sur les vies que j’ai ôtées." ... Même les animaux peuvent avoir des remords. »
Gwingloth en termina ainsi. Il n’était pas de ce genre à partir dans des fulgurances, il avait tenté d’être le plus bref possible tout en expliquant ses choix. Il n’espérait que deux choses : que Lithildren disparaisse et qu’Imladris retrouve sa quiétude, une fois pour toute.
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
Nombre de messages : 1082 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
Un léger mouvement des doigts tapotant sa coupe de Miruvor, un discret pincement des lèvres, un ton un brin plus aigu dans la voix. Les signes de l’inconfort que ressentait le Seigneur Ovadiel étaient quasiment invisibles pour le commun des mortels, mais certains de ses camarades qui le connaissaient depuis de longs siècles auraient clairement pu remarquer que le Haut-Conseiller ressentait un certain malaise face à cette affaire sordide.
Et pour cause.
Il avait été celui qui, par l’intermédiaire de sa fille, avait pris la décision d’ouvrir les portes de la cité à Lithildren et ses compagnons. Contre l’avis du Capitaine Serambeür. Peut-être que sans lui, ce pauvre garde serait encore en vie. Bien entendu, il ne pouvait le savoir quand il avait fait le choix de l’hospitalité pour une enfant de la ville en errance mais il avait été, malgré lui, l’instrument d’une funeste destinée. Une perspective des plus effrayante. Même l’immortalité ne pouvait percer certains mystères de ce monde et de son fonctionnement.
D’une oreille distraite, il écouta le témoignage d’Eugénion. Une histoire qu’il connaissait bien pour en avoir été un des acteurs. Lithildren avait mangé à sa table quelques minutes seulement avant de commettre son crime. Le Semi-Homme ne put s’empêcher d’illustrer son propos par l’une des petites histoires dont il avait le secret. À la fin de son plaidoyer, Ovadiel échangea un regard avec Sire Eugénion et hocha la tête en guise d’approbation. Le philosophe-marchand Hobbit avait parfaitement rempli son rôle et malgré la trahison subie, c’était le pardon qui habitait son cœur.
Un bien curieux personnage. À l’image de son peuple. Il lui faudrait, un jour, se rendre en Comté. Une région qu’il n’avait jamais eu l’occasion de voir au cours de sa longue vie. Une erreur qu’il lui faudrait réparer.
Le procès touchait désormais à sa fin et les acteurs ne siégeant pas au Conseil désigné par le Seigneur d’Imladris quittèrent les lieux pour laisser place aux délibérations. Trois questions pour décider des responsabilités de l’accusée. Trois réponses qui détermineraient l’avenir de cet enfant de la cité.
Visiblement hésitant, Ovadiel laissa ses confrères prendre la parole avant lui. La clémence relative de Dame Eilae tranchait nettement avec l’intransigeance de Gwingloth. Ainsi son jugement serait déterminant. “En pleine possession de ses moyens…Voilà bien un mystère que nul être de chair ne pourra véritablement percer. Un esprit errant, incapable de se souvenir d’un passé trouble. Voilà ce que j’ai trouvé en ouvrant les portes de la ville. Pourtant…pourtant tout au long de son séjour et grâce aux soins prodigués par les miens, ses capacités lui sont progressivement revenues. Ainsi que ses souvenirs. Ceux de sa famille, de sa vie d’avant.”
Ses paroles condamnaient-elle l’elfe ? Dans une certaine mesure, oui et cela lui infligeait une grande peine. Mais en prenant place au sein de ce Conseil, il avait juré de rester vrai et il ne comptait remettre cela en question. Imladris avait trop souffert des mensonges et calomnies ; seuls des dirigeants éclairés et droits pouvaient permettre à leur foyer de retrouver son lustre d’antan. “Quant à la dangerosité du prisonnier…Le doute ne peut être invoqué. Lithildren a été poursuivie, des jours durant, par Oropher et connaissait son implication dans l’attaque de notre ville. Ainsi que dans le meurtre de ses parents…”
D’un geste qui se voulait sûr, pour masquer son malaise, il reprit une gorgée de Miruvor.
“Pourtant, je ne pense pas que Lithildren ait planifié son crime. Elle était sur la voie de la guérison et une âme encore fragile, en quête d’amour et de réconfort dans un monde où tout lui semblait hostile. Une décision impulsive, venant rajouter au malheur de notre monde. Elle n’est ni une animale, ni un être infaillible. Son crime mérite châtiment. “
Se tournant vers Gwingloth il ajouta :
“Assez de larmes vermeilles n’ont-elles pas profanées les pierres de la Dernière Maison Simple ? Une mort doit-elle nécessairement être réparée par une autre ? Quand notre monde cède à la furie et la violence, les Eldars ne doivent-ils pas incarner une autre voie ?”
Son regard se porta ensuite vers Arminas. De la décision de celui-ci, l’avenir de Lithildren dépendait.
The Young Cop
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Après que le dernier membre du conseil ne se soit exprimé, Arminas demeura un instant plongé dans ses pensées. La situation était complexe et la nuance était de mise. Lithildren représentait un danger, une menace pour l’harmonie des choses, mais il n’était pas tant question de lui faire payer ses crimes que de chercher à protéger le monde et de la protéger d’elle-même.
Son esprit vagabonda un instant, se souvenant de longues chevauchées sous la bannière de la confrérie de Giltirnoth. La puissance des elfes et de leurs créations représentait un danger que l'âge des hommes ne pouvait affronter seul. Il avait, comme d’autres, fait vœu d’aider les hommes à contenir ces menaces. Aujourd’hui, la montée en puissance de Rustor, Maître de la Confrérie, avait permis d’agir directement et de manière moins détournée, réduisant la nécessité de cette association.
Néanmoins, le vœu du Seigneur d’Imladris demeurait et il se devait d’agir en conséquence. Lithildren ne pouvait pas simplement être laissée dans le monde des hommes sans aucune précaution. Doucement, une idée se mit à naître dans son esprit. Une idée qui nécessitait néanmoins un peu de temps.
“Dame et Seigneurs, je vais prendre ma décision et celle-ci sera la plus juste possible. Pour ce faire, je vous demande quelques jours de réflexion. Retrouvons-nous ici dans sept jours et alors je rendrai mon jugement.”
***
Sept jours plus tard, alors qu’on avait laissé Lithildren sous bonne garde dans les cachots d’Imladris, le Conseil se réunit à nouveau. On avait peu vu le maître des lieux ces derniers temps tandis que des rumeurs couraient sur une activité frénétique au niveau de la forge.
Arminas fût le dernier à arriver au conseil, suivi par un de ses plus proches conseillers qui portaient un coffret de bois finement ouvragé. Lithildren, toujours sous bonne garde, fut admise au centre du conseil, accompagnée de son défenseur.
Le seigneur d’Imladris se redressa et prit la parole.
“J’ai pris le temps, le temps de réfléchir à un jugement et à une peine à la juste mesure des crimes commis et des conséquences de ceux-ci.”
Toute l’assemblée avait le regard fixé sur l’elfe à l’âge canonique.
“J’ai entendu vos paroles à tous. J’ai entendu, avec amertume, ramené à nos jours, le massacre de nos proches à Alqualondë. J’ai entendu que l’on évoquait l’ombre qui menace nos cœurs et à laquelle nombre de nos frères ont succombé par le passé. J’ai également entendu le souvenir de la flamme de la passion qui consume nos cœurs jusqu’à nous faire perdre la raison.”
Il marqua un instant de pause, nombreux étaient ceux qui se demandaient où il voulait en venir.
“Coupable, Lithildren l’est indéniablement. Coupable, face à l’ombre et à la peur d’avoir succombé à la Flamme d’Udûn, le feu destructeur de la passion qui détruit, blesse et porte la mort. Coupable de ne pas avoir su trouver la voie de la Flamme d’Anor, qui apporte le réconfort, la paix et la lumière dans le monde. Notre pouvoir est grand, nos colères sont terribles… et quand elles sont injustes et guidées par la peur, la haine ou l’ignorance, elles abîment le monde. Nous ne pouvons prendre le risque que demain, ce type de folie nous touche à nouveau.”
Le regard du noldo était dur tandis qu’il exprimait la culpabilité de Lithildren. La colère pouvait être juste et dirigée contre ceux qui servaient le mal mais ce n’était pas le cas ici.
“Par conséquent, Lithildren doit être contenue.”
Il fit un signe à son assistant qui s’approcha avec le coffret. Arminas l’ouvrit délicatement. A l’intérieur se trouvait un gorgerin, finement ouvragé. Des motifs représentant des flammes couraient sur toute la surface tandis qu’au centre était gravé un soleil.
“Nous avons travaillé sans relâche avec ceux parmi les forgerons de la cité qui maîtrisent le mieux l’art de la joaillerie et de l’enchantement. Maître Gwingloth est de ceux-ci et je le remercie d’avoir contribué à cet ouvrage.”
Gwingloth, l’un des plus durs opposants à Lithildren avait été le premier à connaître le jugement d’Arminas. Il avait fini par l’accepter et par contribuer à sa réalisation.
“Ce collier, Lithildren, vous accompagnera nuit et jour. Il est fait d’un alliage léger dont nos forgerons ont le secret et doublé du tissu le plus doux qui se puisse trouver. La plupart du temps, vous oublierez même son existence. Néanmoins, si une parole ou une pensée de haine, de colère ou de violence franchit la barrière de votre esprit ou de votre bouche, le collier vous rappellera la douleur que celle-ci provoque chez autrui. Nous espérons que cet artefact vous permettra de retrouver la sagesse et la justesse. Si ce n’est pas le cas, son étreinte contribuera cependant à protéger autrui de votre violence.”
Les paroles étaient habilement tournées mais les enjeux étaient clairs. Si Lithildren perdait le contrôle, le collier l’étranglerait jusqu’à la neutraliser complètement si cela s’avérait nécessaire.
Arminas fit signe à Gwingloth de fixer le collier à Lithildren et de le sceller magiquement à son cou. Tandis que le Maître de Forge s’avançait, la condamnée étant maintenue fermement, Arminas continue à parler.
“Voilà donc votre peine. Vous porterez ce collier jusqu’à ce que la flamme d’Anor reprenne le contrôle de votre cœur et de votre âme. Une quête digne de vous. Vous serez également bannie de l’ensemble des cités elfiques et ce durant les dix prochaines années. Ce jugement sera transmis à l’ensemble de notre peuple mais également aux seigneurs des plus grandes cités des hommes. Espérons pour vous que ceux-ci sauront se souvenir de vos exploits et vous démontrer leur gratitude.”
Invité, n'oublie pas que le regard des Rois d'Arnor porte au delà des frontières de leurs royaumes.
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 366 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
Il faisait si froid dans la cellule. Le sol, les murs, la porte, tout était gris, froid, distant, triste.
Lithildren restait assise, à méditer. A penser, songer, se remémorer. Elle faisait le point sur sa vie très remplie, pas forcément en bien. Innocence puis douleur, bonheur puis perte. Elle avait souffert mais s'était enfermée également dans le cercle vicieux de la violence, comme si elle n'avait connu que cela. Pourtant, elle avait connu la lumière. L'amour. Mais cela aussi, elle les avait rejeté. Elle était devenue ce qu'elle haïssait tant : égoïste, violente, irascible, centrée uniquement sur ses envies. En rejetant la politique elfique, elle l'avait en réalité adoptée en y ajoutant la violence propre aux Hommes sur laquelle elle crachait tant. Elle qui était apparue si noble, si lumineuse, alors que pourtant son âme s'était assombrie par la haine.
Lithildren soupira. Les jours s'enchaînaient et elle était là à attendre soit la mort soit le pardon, ou un entre-deux qu'elle ignorait. Dans tous les cas, tout allait prendre fin, d'une manière ou d'une autre. Elle ignorait simplement le pourquoi, le comment. Des milliers de pensées lui vinrent. Mais une question, surtout. Celle de Dame Eilae. Si Lithildren survivait à son procès, qu'allait-elle faire ? Où allait-elle aller ? Quelle quête poursuivre ? Si elle survivait, l'elfe serait libre - enfin sûrement plus ou moins. Mais elle aurait au moins le choix. Le choix de quoi accomplir, quoi faire. Elle pourrait se terrer dans un trou, poser les armes et devenir ermite. Ou elle pourrait enfin devenir ce que Neige, et d'autres, avaient vu et dit d'elle. Lithildren ne voulait pas devenir une héroïne, ni même sauver la veuve et l'orphelin pour se repentir. Alors, la question était : le voulait-elle réellement ? Voulait-elle réellement devenir cette figure elfique, cette épée qui sauve, celle qui apporte le bien et la lumière de son peuple ? Ou bien voulait-elle se mettre en retrait et enfouir son existence comme ses sentiments au plus profond de son être, méditer sur ses actes comme sa personne et chercher le pardon par la solitude ? Que valait-il mieux, au final ? Lithildren savait qu'elle ne supporterait pas une telle solitude. Elle savait que, en peu de temps, son repenti se changerait en lamentation. Non. Elle ne voulait pas cela. Mais elle ne voulait pas non plus chercher la gloire pour la gloire, le bien pour le bien, cela juste pour mériter le pardon ? Enfin, tout cela était si elle survivait à son procès. Mais elle devrait un jour ou l'autre se décider de quoi faire quand même.
Si elle y survivait.
Elle continua de se dire cette possibilité, comme un espoir mince. Une lueur au bout du tunnel. Elle pria les Valar alors qu'elle faisait le chemin de la prison au lieu de son procès. Ils étaient tous de nouveau réunis. Evidemment, elle ne vit pas son frère dans l'assemblée, mais elle le savait proche.
Vint le moment du jugement.
Lithildren suivit #Arminas du regard lorsqu'il apparut. Son regard se fixa sur la boîte finement ouvragée portée par son conseiller derrière lui. Son cœur se mit à battre la chamade. Elle imagina sans peine une dague venue lui ouvrir la gorge mais chassa bien vite ses pensées. C'était une coutume du Rhûn, pas des Elfes. Non. Il devait y avoir autre chose...
- J’ai pris le temps, le temps de réfléchir à un jugement et à une peine à la juste mesure des crimes commis et des conséquences de ceux-ci.
L'elfe aux cheveux de jais retint son souffle. Ses mains tremblaient.
- J’ai entendu vos paroles à tous. J’ai entendu, avec amertume, ramené à nos jours, le massacre de nos proches à Alqualondë. J’ai entendu que l’on évoquait l’ombre qui menace nos cœurs et à laquelle nombre de nos frères ont succombé par le passé. J’ai également entendu le souvenir de la flamme de la passion qui consume nos cœurs jusqu’à nous faire perdre la raison.
Allez, crachez le morceau !
- Coupable, Lithildren l’est indéniablement. Coupable, face à l’ombre et à la peur d’avoir succombé à la Flamme d’Udûn, le feu destructeur de la passion qui détruit, blesse et porte la mort. Coupable de ne pas avoir su trouver la voie de la Flamme d’Anor, qui apporte le réconfort, la paix et la lumière dans le monde. Notre pouvoir est grand, nos colères sont terribles… et quand elles sont injustes et guidées par la peur, la haine ou l’ignorance, elles abîment le monde. Nous ne pouvons prendre le risque que demain, ce type de folie nous touche à nouveau.
Lithildren n'en pouvait plus d'attendre. Elle était nerveuse et ses doigts n'avaient de cesse de se contracter en un poing puis de relâcher. Elle fixait Arminas avec l'angoisse, impatience, nervosité, curiosité. De nombreuses émotions et pensées traversaient le regard de l'elfe coupable.
- Par conséquent, Lithildren doit être contenue.
Le mot tomba comme une épée coupant la corde d'un pendu. "Contenue" ? Pas "morte" ? Elle sentit une explosion dans sa poitrine, qui la fit fit visiblement vaciller pendant qu'Arminas poursuivait.
- Nous avons travaillé sans relâche avec ceux parmi les forgerons de la cité qui maîtrisent le mieux l’art de la joaillerie et de l’enchantement. Maître Gwingloth est de ceux-ci et je le remercie d’avoir contribué à cet ouvrage.
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Elle n'allait donc pas mourir ? Sa tête tournait, ses pensées filaient et se succédaient en une cascade impossible à stopper. Elle se sentit vaciller de nouveau, prise d'un vertige soudain.
- Ce collier, Lithildren, vous accompagnera nuit et jour. Il est fait d’un alliage léger dont nos forgerons ont le secret et doublé du tissu le plus doux qui se puisse trouver. La plupart du temps, vous oublierez même son existence. Néanmoins, si une parole ou une pensée de haine, de colère ou de violence franchit la barrière de votre esprit ou de votre bouche, le collier vous rappellera la douleur que celle-ci provoque chez autrui. Nous espérons que cet artefact vous permettra de retrouver la sagesse et la justesse. Si ce n’est pas le cas, son étreinte contribuera cependant à protéger autrui de votre violence.
Entendre son nom la ramena violemment à la réalité. Elle écouta avec attention Arminas. Le regard de l'homme fit comprendre à l'elfe de quoi il en retournait. Elle allait ressentir ce qu'elle faisait ressentir aux victimes, enfin potentielles victimes, de ses... "passions destructrices". La vision de cette pauvre fille, massacrée à coups de poings, cachée sous un lit de taverne, effleura son esprit. Elle eut un violent frisson d'effroi. Si elle avait eut ce collier, cette jeune femme vivrait encore. Lithildren dû se rattraper en se sentant vaciller encore. Ses jambes manquaient de céder sous le poids du soulagement. Elle fut soudainement maintenue alors que l'on approchait pour lui fixer le collier au cou. Elle ne résista pas.
C'est une fois porté qu'elle sentit le poids à la fois s'alourdir et s'alléger. Son corps abandonna. Son esprit abandonna. Elle leva les yeux au ciel et éclata de rire. Un rire à la fois sincère et forcé. Soulagé et frustré. Elle montra là toute l'étendue de sa folie alors que le rire se mêla à des larmes. Dans son regard ne brillait aucune rage, ni haine, ni tourment. Simplement le soulagement le plus intense, le bonheur le plus simple, la reconnaissance la plus pure. L'elfe peina à articuler un mot. Un seul, qui trancha entre ses larmes et son rire.
- Merci !
Elle joignit ses mains, manquant de tomber à genoux. Elle se fichait qu'Arminas annonce son exil des cités elfiques, le refus probable des cités humaines à l'accueillir. Elle se fichait de tout.
Sauf d'être en vie.
Alors que le silence retombait, le rire de l'elfe s'estompant peu à peu, son sourire se muant en moue soulagée, elle descendit le regard sur Arminas. Un air sérieux remplaça le soulagement.
- Si mon exil m'amène à quelconque lutte où ma vie est menacée. Ce collier va-t-il également m'empêcher de protéger ma vie ou celle des autres ? La colère, la rage, la contenir je l'accepte. Mais si elle est dévouée à protéger ma vie ou celle d'autrui, cela va donc m'étreindre également, n'est-ce pas ?
L'elfe tapota le gorgelin, puis glissa ses doigts le long des détails ouvragés.
- Je me suis rendue pour me repentir. J'ai décidé d'abandonner le passé pour avancer vers l'avenir. Elle se redressa, se mettant droite, le regard fixé sur Arminas, voguant parfois sur le Seigneur Ovadiel. Mais le monde n'est pas aussi pure que les eaux d'Imladris. Aussi si l'avenir le souhaite, je vais sûrement devoir défendre mon existence, ou celle de ceux que j'aurais juré protéger, qu'ils soient humains, elfes, nains ou hobbits. Et, si je suis convaincue que certains ici seraient soulagés de voir mon âme rejoindre les Cavernes de Mandos, j'estime que mon existence gardera un semblant de valeur jusqu'à ce que les Valar décident de me reprendre, en témoigne la décision prise aujourd'hui.
L'elfe marqua une courte pause.
- Aussi, si ce collier m'empêche de me battre pour les idéaux que je choisirai de défendre, alors autant me tuer maintenant. La colère n'est pas toujours sombre. Elle est parfois le fruit d'un bon sentiment. Ce collier va-t-il faire la différence et laisser la colère saine d'une frustration normale s'exprimer, ou bien réprimer toute émotion ? Car il ne sera jamais mieux de réprimer les effluves du cœur, tout comme un barrage peut tuer les gens qui dépendent des eaux du fleuve.
Forlong Tribun Militaire d'Arnor
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~ GRIMOIRE ~ -: Dunadan d'Arnor -: Quarante Ans -:
La Première Conseillère de Laurelin écouta en silence Arminas prononcer son verdict, puis Lithildren se mettre à rire et à pleurer. Le seigneur Arminas et Maître Gwingloth restèrent de marbre face aux interrogations de la condamnée, mais Eilae prit la parole:
-Ettul hinya*
*Approche-toi, mon enfant.
L'elfe était dans son fauteuil roulant aujourd'hui, ses jambes dissimulées par une cape aux couleurs des feuilles d'automne. Un membre de sa suite se tenait dans son dos, prêt à l'aider à se déplacer. D'un geste de la main délicat mais majestueux, elle demanda à Lithildren de s'abaisser pour se mettre à sa hauteur.
-Non, tu as raison, le monde n'est pas aussi pur que les eaux d'Imladris. Mais des milliers d'hommes, elfes, nains et hobbits vivent leurs vies entières sans jamais verser le sang, sans jamais sentir le manche d'une épée entre leurs doigts. Regarde-moi, incapable de me déplacer. Me qualifierais tu d'impuissante? De faible? D'inutile? Tu penses que je suis incapable de me battre pour mes idéaux? Devrais-tu me tuer sur place?
Le regard de ses yeux gris comme la mer était perçant.
-Il est difficile pour un animal carnivore de contempler la possibilité même de changer de régime. Mais cette capacité d'envisager l'impossible, de passer au-delà de nos instincts, c'est ce qui nous distingue des bêtes.
Eilae posa ses doigts sur les motifs du gorgerin qui décorait à présent le cou de la Noldo.
-Je n'ai pas de réponse à tes questions. Même Gwingloth, qui a pourtant façonné cet artefact, ne la connaîtra pas, et je doute que n'importe lequel de nos sages qui vivent encore en Terre du Milieu puisse y répondre. Une fois que le dernier coup de marteau est tombé le collier à obtenu sa volonté propre, alimentée par les enchantements. Lui-seul connaît les limites. Tu seras celle qui subiras les conséquences si tu t'en approches trop.
Elle soupira, pensive.
-Tu détesteras sans doute cet objet, mais saches qu'il s'agit d'un don. Les enchanteurs et forgerons d'Imladris ont choisi de verser leur puissance et leur savoir dans ce collier plutôt que de te condamner à mort. Maintenant vas. Il y a des endroits à Arda où défendre son existence n'est pas nécessaire, et d'autres où le passé d'une personne n'a que très peu d'importance. Puisse ton chemin t'y mener.
***
On ne lui donna ni épée, ni dague, ni arc. Elle reçut des vêtements de voyage simples mais de bonne qualité, et des provisions pour plusieurs jours. On lui donna également un cheval, qui lui permettrait de parcourir plus de route ou de fuir le danger. Il ne s'agissait pas d'une monture elfique; la selle et la bride étaient également de confection humaine. Elle ne faisait plus partie de son peuple.
Les battement des sabots sur les pavés retentirent lorsque son cheval traversa la passerelle menant vers le monde extérieur. Elle quittait Fondcombe vivante, mais elle n'était pas prête d'y retourner.