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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Si Vis Pacem... EmptyVen 8 Aoû 2014 - 16:34
Soupir las.

Il était épuisé, et chacun de ses pas était plus difficile que le précédent. La roche sous ses pieds, crissait chaque fois que sa botte de cuir se posait dessus, et c'était bien la seule chose avec sa respiration haletante qui rompait le calme des lieux. Malgré l'altitude, il se trouvait encore dans une zone d'ombre, le soleil n'étant visible que lorsqu'on s'élevait encore de quelques centaines de mètres. Pourtant, derrière lui, de minuscules points lumineux bien trop lointains pour être discernés avec précision, marquaient l'emplacement d'Albyor, la Cité Noire. La puissante forteresse bâtie à flanc de montagne ressemblait à une masse de ténèbres peuplée de milliers de feux, et on ne distinguait même pas les maisons des contreforts rocheux. Tout au plus percevait-on la langue sinueuse du fleuve, gris plutôt que noir, sur laquelle couraient des navires qui se succédaient en une file presque ininterrompue, apportant leur précieuse marchandise jusque dans la capitale universelle de l'esclavage. D'aucuns auraient pu penser qu'il n'y avait rien de bon ici, mais ce n'était pas son avis. Faisant jouer ses épaules pour rajuster les sangles de son sac, tournant le dos à la majestueuse ville qui l'avait vu naître, il continua son ascension, pas après pas.

Autour de la ville, le relief était montagneux, et seulement deux d'entre elles étaient dignes d'attention. La première surplombait directement la cité, et il était possible de rallier le sommet en seulement quelques heures de marche. Des marches avaient été taillées pour en faciliter l'accès, et le chemin en lui-même n'avait plus rien du pèlerinage qu'il était jadis. C'était un axe fréquenté par les bonnes gens, par l'aristocratie, et plus uniquement par les fidèles les plus convaincus qui entreprenaient l'expédition pieds nus pour montrer leur dévotion. Tout en haut, en effet, se situait un des plus importants temples dédiés à Melkor, qui avait gagné en importance depuis que la Reine avait imposé le Dieu à tous ses sujets. C'était toutefois un endroit malsain et désagréable, qu'il fallait être particulièrement courageux pour oser affronter. On y célébrait des messes sombres, et on y pratiquait des rituels des temps anciens qui nécessitaient, disait-on, du sang humain. Les esclaves y avaient toujours été acheminés, mais aujourd'hui on voyait des processions entières d'hommes et de femmes destinés à être sacrifiés.

Le second pic sur lequel un voyageur pouvait s'attarder se trouvait un peu plus loin de la cité proprement dite, et un peu moins haut que le temple Sharaman. La montagne était beaucoup moins fréquentée, assurément, et le voyage était donc paradoxalement plus long. Il fallait trois longues journées de marche pour parvenir jusqu'au sommet, en passant par un chemin sinueux et étroit qui courait sur le flanc du mont colossal qui s'élevait vers le ciel. Nulle marche taillée cette fois, seulement un mince chemin qui n'avait jamais été entretenu, et qui menaçait de s'effondrer parfois. Les dangers étaient nombreux pour se rendre au sommet, mais la récompense en valait la peine. D'une nature toute autre que le temple Sharaman, le monastère de Saprâh était un lieu de paix et de détente, où chacun pouvait venir pour y trouver la sérénité. Les prêtres qui se trouvaient là étaient au service de leurs invités, et vivaient des dons généreux qu'ils recevaient des individus qui venaient se réfugier sous leur toit. Un échange de bonté, en somme, qui n'impliquait pas de verser le sang.

Cela faisait deux jours entiers qu'il marchait, dans l'objectif de rallier ce temple en espérant sincèrement y trouver des réponses aux questions qu'il se posait, aux questions qui le hantaient. Alors que ses pas le menaient toujours plus haut, il commença à sentir l'odeur caractéristique du monastère : l'odeur de sel que l'on ne trouvait nulle part ailleurs. Inexplicablement, on avait l'impression de se trouver au bord de mer, et les mouettes qui volaient au dehors en projetant leur ombre devant les pieds du voyageur ne permettaient pas d'infirmer cette première impression, bien au contraire. Il sourit en percevant les effluves marines et iodées, et cela lui redonna du baume au cœur, le poussant à avancer encore pendant quelques temps, avant de commencer à chercher un abri pour la nuit. A l'exception des premières heures de la journée, il faisait perpétuellement sombre sur ce flanc de la montagne, et il n'était jamais aisé de savoir quand s'arrêter. Dès lors, il valait mieux être prudent, et localiser un endroit approprié pour se reposer, car lorsque la nuit s'emparait du ciel, c'était comme si les ombres s'abattaient sur les lieux en une seconde. Tout à coup, on se rendait compte qu'on ne voyait plus rien, et qu'il n'y avait pas d'autre solution que de dormir au milieu du chemin... ce qui n'était pas recommandé.

En effet, beaucoup de choses rôdaient la nuit dans ces montagnes. Des créatures volantes, d'autres rampantes, d'autres encore courantes. Elles se tapissaient dans des grottes le jour, et sortaient quand la Lune était haute pour venir se nourrir. Certaines n'étaient pas plus grandes que la main, d'autres pouvaient atteindre la taille d'un cheval d'après certaines histoires. Toutes, quoi qu'il en fût, étaient mortellement dangereuses si on n'y prenait pas garde. Il était difficile de faire la part des choses entre la superstition et la réalité, mais il était déjà venu ici une fois, et ce qu'il y avait vu l'avait incité à faire preuve d'une grande prudence. Il y avait des choses cachées dans la nuit, et elles n'étaient pas que le fruit de l'imagination de conteurs en quête de sensation. Profitant de ce que le soleil n'était pas encore tombé, il continua sa progression, et aperçut à sa grande surprise un attroupement un peu plus haut sur la route. On aurait dit un convoi, composé d'une demi-douzaine de personnes environ. Il n'était pas rare de voir des pèlerins se rassembler pour s'attaquer ensemble à l'ascension, mais en règle générale ils ne s'immobilisaient pas ainsi au milieu du sentier, l'air perplexe.

A mesure qu'il gravissait la pente raide, il pouvait distinguer les détails de la scène. De toute évidence, quatre des hommes étaient des porteurs, à en juger par leur tenue : ils étaient habillés comme des esclaves, et avaient le dos voûté de ceux à qui on confie une lourde tâche chaque jour que Melkor fait. Les deux autres étaient probablement leurs maîtres. Un homme et une jeune femme, en grande discussion devant ce qui semblait être l'objet de leurs tracasseries. Une voiture à porteurs, de toute évidence hors de prix, qui paraissait renversée, et dont l'une des prises se trouvait dans le vide, inaccessible. La situation paraissait compliquée pour les voyageurs : l'objet était lourd, et il fallait la force de quatre hommes pour le transporter. Trois ne suffiraient pas à remettre le carrosse sur le chemin, qui de toute façon se faisait de plus en plus étroit, et qui se révélerait inutilisable. Considérant la qualité de la route, la pente, et les virages incessants, il était déjà miraculeux qu'ils eussent été en mesure d'arriver si loin. Essayer davantage serait folie. Mais c'était là les considérations d'un homme qui avait déjà eu l'occasion de se rendre au temple : qu'en serait-il des autres ?

Ils finirent par le repérer, naturellement - il ne cherchait pas particulièrement à se cacher, et les pèlerins avaient pour coutume de renoncer à toute intention malveillante en entamant l'ascension -, et l'homme se porta à sa rencontre, laissant la jeune femme au bon soin des esclaves qui se rapprochèrent d'elle comme pour la protéger. Comme il était de coutume, quand un roturier rencontrait quelqu'un qui était de la noblesse - ou qui du moins semblait en être, car l'individu avait davantage l'air d'un étranger que d'un oriental -, il salua le premier, et se présenta d'une voix claire quoique mesurée... la nuit approchait :

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- Salutations messire ! Je m'appelle Shangza, d'Albyor. Vous avez l'air dans une mauvaise posture, puis-je vous apporter mon aide ?

Il avait levé les mains bien en évidence, signe universel de paix, et bien qu'il conservât un sabre à la ceinture, il ne semblait pas menaçant. Surtout pas à un contre six, alors qu'il paraissait quelque peu fatigué par sa marche. De toute évidence, cela devait suffire à l'homme, qui le laissa approcher tout en le surveillant du coin de l'œil. Cette attitude était normale partout, surtout que Shangza commençait à croire que lui aussi était un roturier, et qu'il était plutôt une sorte de garde du corps pour la jeune femme qui se tenait derrière, en retrait, encadrée par ses quatre esclaves. Ils paraissaient épuisés, mais dans leur regard brillait une lueur de détermination féroce. Ils ne laisseraient personne la toucher, dussent-ils tous y laisser la vie. Portant la main à son front, l'homme d'Albyor lança courtoisement :

- Mes respects, mademoiselle.

Il ne la voyait pas très bien à cause de l'obscurité, mais elle lui paraissait suffisamment jeune pour être appelée ainsi sans risque. Il lui adressa un sourire amical, que ses vingt-six ans rendaient presque charmeur. A vrai dire, il était loin d'être laid, même si sa beauté naturelle était estompée par un fardeau invisible qui semblait reposer sur ses épaules. Déposant son sac sur le sol, il s'approcha du carrosse, qui était en équilibre instable, même s'il ne menaçait pas de tomber de lui-même dans l'immédiat. Il était possible de le tirer à la force des bras pour le remettre sur la route - ce qui serait éreintant et fastidieux, mais il ne faudrait pas compter l'emporter plus haut. Shangza fit le tour de la scène, se penchant parfois pour examiner la situation, et il resta examiner le tout pendant quelques longues et silencieuses minutes, avant de lâcher :

- Je pense qu'on peut régler ça. Si nous associons nos cordes, nous devrions pouvoir dégager votre carrosse. Il nécessitera quelques réparations, mais rien d'insurmontable. Par contre, je pense que nous devrions réfléchir à cela demain.

Il s'était approché de son sac, pour le charger de nouveau sur ses épaules. De toute évidence, il ne considérait pas qu'on pût opter pour une autre solution que la sienne, et si quelqu'un était d'avis de tenter le sauvetage du carrosse en l'instant, il n'y prêterait pas son concours. Levant les yeux vers le ciel, il essaya de voir à travers les nuages sombres si la nuit était déjà tombée. C'était difficile à dire, mais il devenait de plus en plus difficile de se repérer, et il n'avait aucune envie de traîner dans les parages quand l'obscurité serait totale... ce qui devrait arriver d'ici peu de temps.

- J'ai repéré un endroit où on devrait pouvoir se cacher, un peu plus bas... Suivez-moi.

Et, sans attendre, il commença à descendre. A dire vrai, il se fichait un peu de savoir si quelqu'un allait venir avec lui ou non. Ce qui lui importait présentement, c'était de rejoindre un abri sûr. Il avait repéré un renfoncement dans la roche, où il était possible de se glisser discrètement, et qui était invisible depuis l'extérieur. Les créatures les plus grosses ne pouvaient s'y faufiler, et celles plus petites pouvaient être bloquées par un simple sac, ou quelques vêtements roulés en boule. Mais encore fallait-il y arriver, car descendre une pente raide était particulièrement difficile quand on voyait à peine où on mettait les pieds. En tête, Shangza essayait de ne pas glisser, et de limiter le crissement de ses pieds sur la roche. Il s'arrêta un instant pour reprendre son souffle, et constata que les crissements continuaient. On aurait dit un raclement régulier contre la pierre, comme les pieds d'un voyageur... ou les pattes d'un prédateur. Et étrangement, ils ne venaient pas de derrière lui.

- En arrière ! Cria-t-il tout bas. En arrière, ne faites pas de bruit !

Ce qui se trouvait devant lui, il n'en avait aucune idée, et il ne voulait pas le savoir. Tout ce qui comptait, c'était de s'enfuir avant d'être repéré. Se retournant prestement, il fit de grands gestes pour inviter les silhouettes qu'il ne parvenait pas à reconnaître à faire demi-tour. Il reconnut le garde du corps à qui il avait parlé un peu plus tôt. Il se tenait à côté de la jeune femme, ne la lâchant pas d'une semelle, conscient des risques qu'ils encouraient. La situation n'avait pas encore dérapé, et ils avaient encore un peu de temps devant eux, mais la tension était palpable. Shangza lui saisit le bras pour attirer son attention :

- Passez devant, et trouvez-nous une cachette. Et surtout, n'allumez pas de torches ! Allez !

Dans le lointain, un hurlement étrange se fit entendre. Cela ressemblait à un loup, mais ce n'en était pas un. Leur imagination respective leur faisait imaginer des créatures terrifiantes, et Shangza songea à un loup immense, difforme et incroyablement rapide, venu pour les traquer. Il préférait ne pas voir sa théorie se confirmer, et il emboîta le pas au groupe qui remontait péniblement le chemin. Sa main s'était instinctivement refermée sur le manche de son sabre, mais il ne l'avait pas encore dégainé, comme si en s'abstenant, il repoussait le moment fatidique du combat. Tant qu'il n'aurait pas sorti son arme, cela signifiait qu'ils étaient en sécurité, et c'était mieux ainsi. Dans un silence de plomb, ils remontèrent la pente, chacun ouvrant les yeux à la recherche d'un abri. Shangza, qui fermait la marche, se retourna en entendant une créature renifler le sol dans son dos. De toute évidence, ils n'avaient pas été assez discrets. Pressant les esclaves en les poussant dans le dos, il siffla à voix basse :

- Vous avez trouvé quelque chose ? Dépêchez-vous !

Une vague de crainte s'était emparée de lui. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? En dépit de tout ce qu'il avait vécu, il n'était pas préparé à affronter une menace dont il n'avait aucune idée. Quand la mort se présente sous une forme inconnue, sérénité et calme s'évanouissent. On confie alors sa vie à n'importe qui : un étranger à peine rencontré, et une jeune femme bien mystérieuse.

#Shangza


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Si Vis Pacem... EmptyMar 12 Aoû 2014 - 3:26
Quelques jours auparavant.

C’était une belle journée hivernale. Le ciel était d’une beauté sublime, d’un bleu aigue-marine intensif. Pas un seul nuage ne pouvait se faire voir à l’horizon, et l’odeur des fruits et légumes frais se répandait dans toute la ville d’Albyor, comme en était coutume lors des jours de marché. Accompagné d’Atogwe, mon garde du corps et ami depuis mon arrivée en la Cité Noire, je me faufilais dans le souk, vif et plein de vie, visitant des marchands exotiques et autres fermiers. Certains d’entre eux me voyait chaque semaine, et avait fait ma connaissance, du moins celle de mon masque. Comme il était mon habitude, j’achetais de quoi réalimenter les cuisines, munis d’une liste écrite par notre cuisinier, Rouge, un esclave du Rhovanion, dont le tempérament était explosif, et demandais après chaque achat à ce que nos courses soient emmenées jusqu'au domicile de Maître Shaytan.

Ybliss Shaytan, mon hôte et gardien, s’avérait être un membre reconnu dans l’enceinte de la ville taillée dans la montagne même. Etant un banquier et patron d’importance, beaucoup des citadins le connaissaient, au moins de nom, et son influence faisait de moi, son convive, le bruit d’une multitude de rumeurs. Selon mon déguisement, j’étais supposé être sa nièce. Cependant, les commères disaient de moi son amante, ou bien une escorte venue de Vieille-Tombe, ou bien encore une esclave de luxure. Pour vous dire vrai, il n’était pas faux que je me sentais enfermé, claustrophobe. Je n’avais pas quitté cette satané ville sombre et toxique depuis mon arrivée, il y avait cela bientôt trois ans.

« Regardez ! On peut voir le monastère aujourd’hui ! », me dit Quaron, un marchand d’épices qui m’offrait de temps en temps des piments. Il pointait le doit vers les montagnes, désignant de son index un tout petit point lumineux dans l’ombre de la roche. Un feu lointain, mais visible, non loin de la cime même des monts envoisinant. Je me retournai faire face au vendeur, acquiesçant d’un hochement de la tête, et continua mon chemin en travers les étalages. Sous peu, nous nous dirigions enfin vers la haute ville, en direction vers la maison que nous appelions notre. En chemin, je ne pus m’arrêter de penser à cet édifice montagnard, cette parfaite escapade.

« Atogwe… », commençais-je, « Combien de temps faut-il pour se joindre au monastère de Saprâh ? »

« Trois jours pour y aller, tout autant pour revenir. », me dit le Haradrim, « Une fois la haut, beaucoup de pèlerin y reste. Un, deux, voire même trois jours. »

Il s’arrêta brièvement, me regardant, comme s’il comprenait l’étreinte que Shaytan forçait sur moi. Il comprenait, car il en avait été la victime autrefois. Ex-esclave, Atogwe avait était gladiateur dans les fosses d’Albyor, faisant couler le sang de ses pareils pour le plaisir de la foule. Après presque dix ans au service malsain des citoyens de la ville noire, l’homme venant d’extrême-Harad avait remporté sa liberté, au prix de centaines de morts.

Il me prit par le bras, s’assurant d’avoir mon attention pleine.

« Shaytan doit t’en donner la permission. Tu ne peux pas partir sans, tu m’entends !? », m’expliqua t’il, un sentiment alarmant dans la voix. Il m’aimait beaucoup, et ça je le savais. Nombreuses fois m’avait-il sorti du pétrin, mentant pour moi à son maître lors de ses folies. Je ne voulais pas lui infliger de mal ; il était sans doute le mon derniers, et meilleur ami. Et puis, qu’avais-je à nuire à un homme capable de me briser en deux en me serrant dans ses bras ?

Troisième jour du pèlerinage.

Le pas de nos quatre esclaves était de plus en plus lent, la fatigue rattrapant nos courageux porteurs comme des chiens après un lièvre. Nous avions pris du retard, autant qu’Atogwe, qui avait sa place dans le carrosse, l’avait délaissé pour faciliter la tâche de nos porteurs. Il marchait toujours quelques pas devant nous, s’arrêtant souvent pour se retourner et nous attendre. C’était grâce à lui que j’avais réussi à convaincre Shaytan de nous laisser partir une dizaine de jours. En effet, mon garde du corps et ami avait tout arrangé ; du matériel aux provisions, en passant par les meilleurs hommes pour l’expédition. Il avait choisi auprès des esclaves du banquier quatre des plus forts hommes ; Rouge, Asticot, Brique et Le Nez, cuistot, tailleur de pierre, maçon et braconnier respectivement. Ce n’était bien sûr pas leurs vrais noms, mais comme tout esclave ayant le malheur un jour d’entrer dans l’enceinte d’Albyor, ils virent leurs appellations remplacer par un adjectif ou autre mot les décrivant. Bien que le travail qu’on leur ai demandé soit difficile, ils avaient tous été d’accord pour venir, ne laissant pas cette opportunité de prendre l’air frais s’envoler. Le Haradrim leur avait donné une liste de règle à suivre, mais l’une été maître comparé aux autres. Quoi qu’il arrive, rien ne devait m’arriver.

Il devait être deux heures quand nous nous arrêtâmes pour déjeuner, et bien qu’il fasse plein jour, la façade titanesque de la montagne nous plongeait dans l’ombre. Atogwe nous expliquait que bien qu’il fasse froid et sombre à cette altitude, nous devrions être heureux que le vent ne frappe pas, sans quoi cette même brise, aussi forte qu’elle soit, nous gèlerait les os. Autour d’un feu, le Haradrim distribua des tricots de laine grise aux esclaves. Nous ne pouvions pas nous permettre à ce qu’ils attrapent la mort, sous forme d’une toux grasse, d’une rhinopharyngite ou d’une pneumonie. Nous attendîmes le retour du Nez et de l’Asticot, nos deux esclaves Rhûniens, qui étaient allé chercher de l’eau de source, pour commencer notre repas. Il se comportait d’une tomate chacun, d’une tranche de pain noir garnis d’un fromage de chèvre, et de viande de bœuf sèche. Rouge, notre esclave Rhovanionais, et l’un des cuisiniers de Shaytan, avait aussi préparé une tisane montagnarde, à base d’herbe qu’il avait dût récolter dans les environs. Après nos forces regagnés, pas que j’en ai vraiment perdues, nous reprîmes le chemin. Selon le Suderon, il nous faudrait passer une autre nuit sur la route, afin d’atteindre le monastère dans la matinée du lendemain. Au son des pas rythmés de mes porteurs, et avec un estomac plein, je m’assoupis sur la voiture…

Je me réveillai aux alarmes et cries de ma compagnie, et à la déplaisante sensation de tomber dans le vide. Brique, qui se trouvait à l’arrière droite du carrosse, s’était tordu la cheville sur le sentier, et avait basculé par la falaise, trainant avec lui ce qu’il portait. Par pure détermination, il s’était avéré de garder prise au manche qu’il utilisait pour porter la voiture, et s’accrochait, car sa vie en dépendait. Il se débattait avec ses jambes, tentant avec beaucoup de mal de se hisser dans la navette. Les autres esclaves, pris aux dépourvus, ne purent que limiter les dégâts, en essayant de ne pas nous faire chuter, moi et Brique.

Atogwe bondit, quelques mètres devant nous, accourant à notre aide. Il m’attrapa en premier, me jetant d’un mouvement rapide en dehors de la voiture qui sombrait. Je tombai sur le chantier rocailleux, regardant cette scène surréelle, incrédule. Le Haradrim sauta sur l’instrument qui me servait de transport, tendant sa main forte vers l’esclave Gondorien en difficulté. Brique agrippa sa main, et de toutes ses forces, l’homme noir le souleva, à bout de bras. Il le traina jusqu’en dehors de l’épave, le laissant à mes côtés avant de s’assurer à ce qu’on ne perde pas notre matériel.  

« Je suis vraiment désolé ! », me dit le Gondorien dans la langue commune. « C’était un accident ! Je vous promets ! »

J’apaisais le blessé, tout en me relevant en regardant le reste de notre compagnie tenter de tracter la voiture jusqu’à bonne distance de la falaise, sans effet. Le carrosse était en équilibre instable, mais ne semblait pas en danger de chuter, du moins, pas pour le moment. Atogwe signala aux autres de lâcher prise, et de se reposer, tandis que lui restait debout, à contempler le problème que nous avions devant nous. Je parvins à ses côtés, regardant le porteur à moitié dans le vide.

« Comment va-t-il ? Rien de casser ? », me demanda le Suderon.
« Une petite entorse, rien de grave. Je pense qu’il avait plus peur pour moi qu’autre chose… », lui répondis-je.
« Bien. », il fit une pause, toujours devant l’accident. « Il nous manque un tonneau de provisions, un a dût tomber. Il faut qu’on sorte les havresacs, et qu’on distribue le matériel. Le reste du chemin est encore plus dangereux, je ne veux pas risquer votre vie, ni celle des esclaves. »
« Heureusement que tout le monde s’en ai bien sorti. »
« Heureusement. »


Le Nez était en train de bander la cheville du Gondorien, avec une descente de tissue arrachée de son pantalon. Atogwe, Rouge, l’Asticot et moi commencèrent la récupération du matériel sur l’épave. Nous répartîmes entre nous six ; quatre havresacs et deux cartables, deux fourrures, nos six couvertures, assez de provisions pour le reste du voyage, un arc de chasse avec carquois, une hachette, deux petits couteaux de chasse, et une petite marmite en fonte. Atogwe se munis aussi de son épée, qu’il avait stocké sur la caravane, et n’eût pas finit de boucler le fourreau de son arme qu’il vu, quelques dizaines de mètres plus bas, un voyageur approcher.

« Quoi qu’il arrive, ne le laissez pas s’approcher d’Ellia », murmura le Haradrim à ses compagnons.

Mon garde du corps se porta à la rencontre de l’inconnu, un homme aux traits de Rhûn et tout vêtu de noir. Il portait une épée, lui aussi, à son flanc, et bien qu’une rencontre violente ne soit pas commune en pleine montagne, les routes Orientales étaient pleines de bandits. Cependant, le pèlerin, car il semblait en être un, ne montrait aucun signe de mauvaises intentions. D’ailleurs, il fut le premier à hausser la voix, saluant de son bras droit Atogwe, avant de prendre la parole.

« Salutations messire ! Je m’appelle Shangza, d’Albyor. », commença t’il, « Vous avez l’air dans une mauvaise posture, puis-je vous apporter mon aide ? »

Rien qu’à la posture physique d’Atogwe, je savais qu’il était non-tranquille, et qu’à la moindre faute, il tomberait sur l’Oriental comme une enclume. Je ne le plaignais pas, l’étranger était armé, et bien qu’il semblait jeune, on pouvait voir qu’il savait manier son sabre. Le Haradrim lui fit signe de le suivre, le menant jusqu’à notre véhicule. Plus ce Shangza se rapprochait, et plus les esclaves serraient le cercle qu’ils formaient autour de moi. Une fois tout proche, il s’adressa à moi, de façon courtoise, portant une main à son front, comme le devait les coutumes de la région.

« Mes respects, mademoiselle. »

A ces mots, je ne pus m’empêcher de baisser mon regard. Je ne voulais pas qu’un homme, dont nous ne savions toujours rien, puisse m’identifier. Trois ans s’étaient passés depuis le drame qui avait touché ma famille, et certes, je les avais passé dans l’anonymat, mais les espions de la reine étaient partout, et certain avaient même faillit me retrouver.

Le jeune homme s’arrêta devant la scène de l’accident, et déposa son sac par terre. Il resta quelques instants immobile, portant sa main à son menton, comme si il évaluait la situation. Il fit deux pas vers la droite, puis tout autant vers la gauche, se penchant et examinant de plus près la disposition du carrosse. Atogwe, les bras croisés, se trouvait juste derrière lui, le regardant, les yeux froncés, regardant Shangza à l’œuvre.

« Je pense qu’on peut régler ça. », dit-il, « Si nous associons nos cordes, nous devrions pouvoir dégager votre carrosse. Il nécessitera quelques réparations, mais rien d’insurmontable. Par contre, je pense que nous devrions réfléchir à cela demain. J’ai repéré un endroit où on devrait pouvoir se cacher, un peu plus bas… Suivez-moi. »

A peine eu t’il finit qu’il reprit le pas, descendant vers ce que nous pensions serai notre logement pour cette nuit. Atogwe se laissa trainer, laissant les quatre esclaves le dépasser, pour rester auprès de moi. Il me mit en main une dague, qu’il venait tout juste de sortir de son gilet, me regardant droit dans les yeux comme pour communiquer avec moi psychiquement. Etrangement, je compris exactement ce qu’il voulait me dire. Soudainement, la troupe s’arrêta, et je rentrai tout droit dans le dos de Brique, qui boitait depuis son accident. Nous entendîmes la source de notre arrêt brusque ; Shangza nous implorait de faire demi-tour rapidement ! On pouvait comprendre dans sa voix une certaine urgence, ainsi qu’une goutte de peur. Instinctivement, la panique me prit le cœur, et cela pouvait se faire voir. Atogwe mit alors sa main sur mon épaule, me la serrant fortement, pour me montrer que je n’étais pas seul. Le jeune Oriental s’avança rapidement, prenant mon garde du corps par le bras.

« Passez devant », lui dit-il, « Et trouvez-nous une cachette. Et surtout, n’allumez pas de torches ! Allez ! »

Atogwe se retourna net, me prenant par la main. Au loin, un hurlement bestial se fit entendre. Ce n’était pas un loup, mais presque. Avec tout le savoir que j’ai pu lire, apprendre et voir, qu’un seul mot ne venait à mon esprit. Une bête terriblement réputée pour laisser carnages derrière elle. Rapides, agiles, forts et massifs, ces monstres étaient vraiment faits de cauchemars et d’horreur. Je déglutis.

« Warg… Ce sont des wargs !? »

Je pouvais entendre derrière moi la respiration lourde de mes compagnons. La peur n’avait pas touché que moi, et en regardant brièvement par-dessus mon épaule, je vis la terreur dans chacun de leurs yeux. Shangza, en fin de marche, pressait les esclaves, les poussant dans le dos.

« Vous avez trouvé quelque chose ? Dépêchez-vous ! »

Atogwe me tirait toujours par le bras, et j’allais où il me menait. J’avais confiance en ce Suderon, et aux quatre esclaves qui nous suivaient. Cependant, cet étranger, bien que débrouillard, ne m’avait pas encore montré ce dont il était capable, ce qui me donnait une certaine crainte, comme une boule au fond de mon estomac. Brusquement, je sentis mon corps être tiré vers la gauche, suivant de près les mouvements du Haradrim.

« Ici !»

L’homme du Harad nous avait menés dans une fissure dans la roche, à peine assez large pour que nous puissions y entrer, de travers plutôt que de face. Nous nous sommes ensevelis de plus en plus profond dans cette crevasse, ce creux dans la roche, jusqu’à ce que Shangza, le dernier de la troupe, ne rentre lui aussi dedans. Sculpté dans le calcaire même, notre cachette avait été rongée par la pluie et les ruisseaux pendant des siècles, pour que nous y trouvons refuge ce jour ci. La chance était avec nous.

Nous nous fîmes silencieux, retenant à même nos souffles. Dans la fenêtre de la crevasse, je remarquai plusieurs ombres dérobées à toutes allures, grognant et reniflant sauvagement. Les bêtes, de profile, ne se distinguaient pas, de par l’absence totale de lumière. La seule chose vraiment visible, était ces yeux fluorescents, brillant au moindre rayon lunaire. On aurait dit des perles dans la nuit. Un, deux, trois, quatre. Ces animaux se déplaçaient tellement rapidement qu’ils n’étaient que flash depuis notre impasse. Cependant, un membre de leur meute, seul, reniflait l’entrée de notre cachette, impulsivement. Lentement, il se tourna, pour nous faire face, ses deux yeux désormais visible. Il grognait de plus en plus fort, sa gueule apparemment ouverte. Soudainement, plus loin, un autre hurlement se fit entendre, et la bête qui se trouvait à notre porte se retourna, faisant face à l’appel, et disparu rapidement. C’allait être une longue nuit…
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Si Vis Pacem... EmptyMer 13 Aoû 2014 - 20:12
Si Vis Pacem... Homme_10

Le souffle court, Shangza s'engouffra dans l'interstice que le garde du corps avait réussi à trouver. C'était une chance inouïe que d'avoir réussi à trouver un passage suffisamment large pour qu'ils pussent passer, sans que les créatures qui les traquaient fussent en mesure d'en faire autant. Le Rhûnadan se fraya un passage, malgré son sac qui le gênait, et il se retrouva à l'intérieur avec un soupir de soulagement non dissimulé. Autour de lui, l'obscurité était totale, et il distinguait à peine les silhouettes de ses compagnons. Par contre, il pouvait percevoir sans difficulté leur respiration haletante, et la crainte que l'on entendait dans leurs cœurs qui battaient la chamade, et qui paraissaient résonner entre ces remparts de roc qui les séparaient d'une mort certaine. Chaque fois qu'un bruit suspect se faisait entendre au dehors, chacun se recroquevillait davantage, essayant de se montrer aussi silencieux que possible. Ils ne savaient pas où ils se trouvaient, et ils craignaient naturellement qu'il existât une autre entrée à leur grotte, ou qu'une créature dangereuse s'y tapît. Ils n'étaient que des invités ici, et ils devaient faire preuve d'une grande discrétion, s'ils ne souhaitaient pas être chassés.

Alors qu'ils pensaient être tirés d'affaire, une paire d'yeux jaunes s'arrêta devant leur cachette, traquant leur odeur. Bien entendu, le passage était trop étroit pour permettre à la créature de les menacer, mais chacun fit un pas en arrière, portant la main à tout ce qui pouvait servir à se défendre. Shangza n'avait pas lâché son sabre, et il dut faire un effort de volonté pour ne pas le dégainer et essayer de pourfendre la bête. Il avait de bonnes chances de la toucher, mais très peu de la tuer directement, et encore moins de se débarrasser d'elle sans alerter toutes les autres créatures du coin. Non, il valait mieux faire profil bas, attendre, et se montrer discret. Le monstre, répondant à un appel lointain, s'éloigna et libéra l'entrée de la cavité dans laquelle se terraient les humains, terrifiés.

- Ce ne sont pas des Wargs, murmura Shangza en réponse à la remarque de la jeune femme qu'il avait captée un peu avant. D'après ce que l'on dit, les Wargs sont intelligents, ils vivent et chassent en meute. Ces créatures-ci sont différentes. Elles sont stupides et vicieuses : si elles ne trouvent pas à se nourrir, elles se dévorent entre elles.

C'étaient du moins ce que racontaient les légendes, et il n'avait rien qui permettait de prouver le contraire. Il préférait d'ailleurs leur faire confiance, car elles permettaient en général aux voyageurs de survivre au pèlerinage, et de rentrer chez eux en vie. Beaucoup s'amusaient de voir qu'il croyait aux racontars, mais il était le genre d'homme à écouter les conseils, et à vérifier lui-même leur validité, plutôt qu'à les mettre en doute sans avoir de preuves concrètes. La bête partie, les bruits de leur traque continuèrent à planer dans l'air. Les monstres semblaient chercher quelque chose, et Shangza devinait de quoi il s'agissait : la voiture à porteurs. Elle devait sentir l'homme à des kilomètres, et être une curiosité pour ces créatures qui n'avaient pas l'habitude de voir pareilles choses laissées sur le bord du chemin. De loin, on entendait d'ailleurs très nettement les craquements du bois, et les grognements sauvages des monstres, qui devaient s'acharner dessus pour l'ouvrir.

Fatalement, ce qui devait arriver arriva, et tous purent entendre un raclement sourd, suivi quelques secondes plus tard d'un choc fracassant. La voiture avait basculé dans le vide sous le poids des monstres, et avait dû aller s'écraser sur le flanc de la montagne. Réduite en pièces, il était vain de songer à aller la récupérer, et les esclaves devaient faire le deuil de la raison de leur présence ici. Les monstres semblèrent s'agiter après la chute de la voiture, et ils poussèrent une série de hurlements effrayants, avant de s'éloigner à la recherche d'une nouvelle proie, probablement. Shangza - et il n'était pas le seul - se détendit largement, conscient qu'ils avaient échappé au pire, même si la nuit n'était pas finie, et qu'ils devaient trouver un moyen de s'installer confortablement, et de sécuriser l'endroit. Le voyageur examina à tâtons autour de lui, et finit par poser les doigts sur la paroi. Elle était humide, et couverte d'une sorte de mousse gluante dont la texture lui tira une grimace de dégoût. La pierre devait absorber et retenir l'eau, permettant à ces plantes d'exister. Mais ce n'était pas le seul inconvénient. Leurs pieds étaient plongés dans une eau glacée, ce qui les empêchait de s'asseoir, ou même de déposer leurs bagages. Chargés comme des mules, attendre debout jusqu'au petit matin semblait être leur seule solution.

Shangza se déplaça en suivant le mur, s'excusant quand il bousculait quelqu'un sans le vouloir. Il essaya de ne pas perdre le contact visuel avec les silhouettes qu'il entrevoyait de mieux en mieux, à mesure que ses yeux se faisaient à l'obscurité. Il finit par repérer ce qui semblait être un passage, assez large pour qu'un homme s'y frayât un chemin de face. Il remontait progressivement vers le sommet, mais avait le mérite d'être un peu plus sec, d'après ce qu'il pouvait en dire. Il ne voyait strictement rien, et il devait se fier à ses autres sens pour déterminer s'il y avait du danger ou non à s'aventurer dans cet endroit. A voix basse, il souffla :

- Attendez-moi, je vais explorer cet endroit.

Des voix lui répondirent, protestations ou encouragements, il s'en fichait. Il était totalement concentré sur sa mission, et il était conscient qu'il était impossible de rester où ils se trouvaient plus longtemps. S'ils finissaient trempés, ils n'attendraient jamais le sommet de la montagne. Les vents devenaient de plus en plus froids et de plus en plus violents à mesure que l'on approchait le pic, et ils avaient encore une journée de marche avant d'y être. Sans une bonne nuit de sommeil, au chaud et au sec, ils risquaient de commettre des erreurs fatales, de déraper sur le chemin sinueux, et de faire une chute mortelle. Si le temple était un lieu de paix et de repos, il devait son calme et sa tranquillité aux difficultés de l'ascension, qui pouvait se révéler extrêmement dangereuse quand on n'y prenait pas garde. Malheureusement, ils avaient été surpris par les circonstances et par la tombée de la nuit, ce qui risquait de compliquer les choses.

Shangza, s'aidant de ses deux mains pour ne pas déraper, s'avança un peu dans le passage. Il fallait se baisser pour ne pas heurter le plafond bas, et rapidement ses genoux touchèrent le sol. Le boyau se rétrécissait perceptiblement, mais il y avait bel et bien une issue. Il s'y engouffra en rampant, et déboucha sur une salle où l'air était plus frais. Il n'était pas monté de plus d'un mètre, mais l'atmosphère avait changé du tout au tout. De toute évidence, il se trouvait dans une grotte naturelle, et un petit ruisseau serpentait non loin - il le percevait distinctement à l'oreille. Il ne voyait aucune source de lumière, ce qui ne signifiait pas qu'il n'y avait aucun chemin vers l'extérieur. Toutefois, en se penchant pour tâter le sol, il put constater que celui-ci était sec. Ils étaient sur de vrais rochers bien durs.

La grotte n'était pas suffisamment haute pour qu'il pût se tenir debout, mais elles ferait tout de même l'affaire pour la nuit. Se penchant vers le boyau, il héla ses compagnons, jusqu'à obtenir une réponse. De toute évidence, ils l'entendaient bien, le conduit devant canaliser les sons et les porter jusqu'à eux. Elevant la voix, il leur lança :

- J'ai trouvé un endroit sûr, venez !

Sûr était un bien grand mot, considérant qu'il ne l'avait pas exploré de fond en comble, mais on pouvait dire que c'était toujours mieux que la grotte humide et sombre dans laquelle ils se trouvaient. Accroupi dans les ténèbres, il ouvrit son sac et en retira à l'aveugle une torche, ainsi qu'un petit briquet rustique mais efficace. Tandis que les bruits d'une progression pénible et épuisante lui parvenaient depuis le boyau, il s'escrima à faire partir une étincelle, qui accepta finalement d'embraser sa torche. La lumière se répandit brusquement autour de lui, formant un halo orangé qui n'était pas désagréable, et qui lui donna du baume au cœur. Penché en avant, il entreprit une rapide exploration des lieux, et ne repéra pas de chemin indiquant que les monstres pouvaient approcher par là. C'était donc une cachette tout à fait appropriée, et il était probable que d'autres voyageurs l'eussent utilisé dans le passé pour s'abriter des monstres. Revenant à l'ouverture qui descendait vers le chemin, Shangza tendit la main au garde du corps qui s'extirpait tant bien que mal du passage. Il était plus grand et plus costaud, si bien qu'il avait été un peu à l'étroit dans le boyau.

- Faites attention à la tête, c'est assez bas. Tenez, prenez la torche si vous voulez vérifier qu'il n'y a pas d'issue.

Shangza avait cru déceler une méfiance supérieure à la moyenne chez l'étranger, et il l'expliquait par la présence de la jeune femme, qu'il devait vouloir protéger. Il savait que chez les hommes investis de pareille mission, le besoin de tout contrôler était fort, et il ne voulait surtout pas lui faire entrave, au risque de s'attirer ses foudres. Considérant la situation, toutefois, il n'y avait rien à craindre : il aurait fallu être fou pour mentir à ses compagnons alors que des dizaines de créatures incroyablement dangereuses rôdaient dans les environs. Le garde du corps s'empara de la torche, et s'éloigna quelque peu, silencieux, probablement absorbé par ses pensées. De toute évidence, il n'imaginait pas que son voyage allait se dérouler de la sorte, et il devait ruminer quelque chose. En tout cas, à sa place, Shangza aurait réagi de la sorte.

Pendant que l'homme était éloigné, le voyageur tendit la main à la prochaine personne qui allait sortir du boyau. Il s'attendait naturellement à voir sortir un esclave, épuisé de porter autant de sacs de voyage, mais la main qui saisit la sienne était bien plus petite et bien plus douce que celle d'un esclave chargé de porter sur ses épaules une voiture. L'obscurité cacha sa surprise, et il se reprit avec empressement, aidant du mieux qu'il le pût la jeune femme à s'extirper du passage. Elle en sortit finalement, traînant derrière elle les sacs qui lui avaient été confiés, et qui pesaient tout de même leur poids :

- Toutes mes excuses, mademoiselle... J'aurais préféré vous éviter d'avoir à ramper dans ce conduit sombre et froid. Je n'ai pas eu l'occasion de me présenter dans les formes : je suis Shangza Jahanshah, à votre service. A qui ai-je l'honneur ?

Il ne savait pas pour quelle raison, mais faire la conversation en cet instant précis lui semblait être tout à fait approprié. Ils avaient échappé à des créatures sauvages et sanguinaires, trouvé une cachette suffisamment confortable pour envisager d'y passer la nuit, aussi converser avec une jeune femme lui paraissait-il parfaitement naturel. Peut-être y avait-il également l'expression d'une curiosité dévorante. Car après tout, il ne savait rien d'elle. Il avait à peine entrevu son visage, alors qu'elle se tenait derrière ses quatre esclaves qui faisaient barrage de leur corps pour la protéger de toute attaque. De toute évidence, pour entreprendre pareil voyage avec cinq hommes à son service, elle devait être plutôt riche, ce qui amenait par voie de conséquence à une interrogation : pourquoi avait-elle pris le chemin du monastère, en dépit de tous les dangers qui existaient sur le chemin ? Abandonnant ses manières, peut-être parce que l'obscurité et la proximité rendaient normal de poser ce genre de questions à une parfaite inconnue, il osa :

- Je dois admettre que je me demande ce qui vous amène dans ces montagnes hostiles. On dit du monastère de Saphrâh qu'il apporte guérison et paix de l'âme à ceux qui s'y rendent, mais je peine à imaginer ce qui pourrait tourmenter une si jeune demoiselle.

Tandis que les esclaves continuaient à émerger du conduit, il attendit patiemment qu'elle répondît, se demandant même si elle allait accepter de lui parler directement...


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Orodyn
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Si Vis Pacem... EmptyJeu 4 Sep 2014 - 17:22
Quelques jours auparavant.

« Shaytan doit t’en donner la permission. Tu ne peux pas partir sans, tu m’entends !? »

J’hochai de la tête, lui montrant que je comprenais son sentiment d’inquiétude, si je vagabondais sans l’accord du banquier. En effet, Ybliss Shaytan n’était pas un homme qu’il fallait tromper. Le noble était des plus intelligents de Rhûn, et aussi vicieux que la vipère qui volait sur notre étendard. Longue était la liste des hommes et femmes qui l’avait croisé, et nombreux d’entre eux avaient leurs noms gravés dans la roche d’une pierre tombale. Il était dangereux, mais se trouvait de mon côté ; du moins, je l’espérai. Le Caïd d’Albyor, certains l’appelait. Un homme toxique, et pourtant, tant se tenaient au creux de sa main, demandant conseil, prêt, ou même protection.

Nous continuâmes l’ascension des rues d’Albyor, et comme chaque semaine, je m’efforçai de grimper sans l’aide d’esclaves. Bien que les marches soient rudes et s’étendent pendant des miles, je ne pouvais agréer à la vente et l’abus d’un être humain. J’étais, dans ce cas particulier, exactement comme mes feus parents, totalement contre ces atrocités bien trop courantes dans notre région de la Terre du Milieu. Et pourtant, ce n’est pas pour manque d’opportunité ; avant chaque aller-retour, je devais me battre avec Ybliss pour ne pas user de ses hommes.

Une fois de retour au domicile, au sommet des rues hautes de la Cité Noire, et avec les provisions en cuisine, je me dirigeai directement à la cour, prenant place devant la fontaine, scintillante sous le soleil éclatant de la journée. Sous l’ombre d’un des figuiers, qui munissaient la pièce centrale de la villa en chaque coin, je ne pus m’empêcher de plonger mon regard vers le sommet des montagnes avoisinantes, pensant à la discussion que nous eurent quelques instants auparavant. Le Monastère de Saprâh, un endroit qui, selon les dires et écrits, apporterait paix, bonheur et liberté d’esprit à ses visiteurs, n’était qu’à portée de bras. Et dieu sait, ces qualités me manquaient depuis la prise au pouvoir de l’Usurpatrice.

Je pris mon courage en main, et sortis de mes rêveries, en direction du bureau de Shaytan. Depuis la cour, il fallait traverser la salle à manger, ainsi qu’un petit salon de thé, avant d’arriver en face d’une haute porte d’ébène massif. Devant cette dîtes porte, j’hésitai brièvement, avant de frapper deux petits coups contre le bois, et fût invité sous peu à pénétrer dans l’office du banquier.

« Ah ! Ellia, bonne surprise ! », commença-t-il. « Que me vaut le plaisir de ta présence très chère ? »

Je déglutis, anxieux et pourtant tant excité. Je n’avais pas réfléchis comment exprimer mes pensées, mais me lança timidement dans un charabia incompréhensif. Mon hôte, maître Shaytan, ne comprenait vraisemblablement pas la moindre phrase qui sortait de ma bouche.

« Du calme mon enfant ! Respire, calme toi, et continu. »

Je pris une petite pause, aspirant un grand coup avant de reprendre mes dires.

« Je voudrais aller visiter le monastère de Saprâh. », lui dis-je, rapidement. Il me regarda, pensivement quelques instants, sans la moindre expression sur le visage. Le fait qu’il soit totalement imberbe, manquant même de sourcils, n’aidait pas, et j’appréhendais sa réponse négative. Il leva l’index, s’apprêtant à parler, mais s’arrêta aussitôt. Il baissa légèrement son doigt, en réfléchissant à nouveau, puis le remonta brusquement.

« Pourquoi pas. », me dit-il. J’étais soulagé et heureux de cette décision hors norme pour cet individu. « Mais tu devras prendre des hommes avec toi. Les chantiers ne sont pas tous sûres, des bêtes y rodent. Atogwe ira avec toi, avec une poignée d’esclaves et un transporteur. Sommes-nous clairs ? »

Je ne voulais pas débattre avec lui sur l’esclavagisme à nouveau, et décida d’agréer à ses termes. Je lui souris, puis, après lui avoir exprimé ma gratitude, m’empressa d’aller porter la nouvelle à Atogwe. Le Haradrim, tout comme moi, était surprit de la réponse du maître de maison, mais aussi, je pensais, content de me voir heureux à ce point. Il partit recevoir sa missive auprès de Shaytan, me laissant aller dans ma chambre planifier et préparer ce dont j’allais avoir besoin durant l’excursion.

Temps présent

Le jeune Rhûnadan avait été le dernier à pénétrer le gouffre, montrant, tout comme le reste de notre compagnie, des signes d’épuisement. Vraisemblablement, nous ne pouvions pas courir pour échapper ces monstres toute la nuit. Ils étaient plus rapides, plus endurants, et beaucoup plus nombreux que nous. En dehors de notre refuge, nous étions des proies faciles.

« Ce ne sont pas des Wargs », murmura Shangza, en réponse à la remarque que j’avais faites quelques instants plus tôt, « D’après ce que l’on dit, les Wargs sont intelligents, ils vivent et chassent en meute. Ces créatures-ci sont différentes. Elles sont stupides et vicieuses : si elles ne trouvent pas à se nourrir, elles se dévorent entre elles. »

En effet, plus j’y pensais, et plus je me rendais compte que ces créatures n’étaient pas ce dont je pensais. Par exemple, un Warg nous aurait chassé jusqu’à notre trou, et ainsi appeler le reste de sa meute. En groupe, ils auraient sans aucun doute inspectés l’impasse, et aurait trouvé moyen de nous atteindre, d’un moyen ou d’un autre. Ce n’était pas les monstres de légendes que l’on pouvait entendre enfant, mais ces bêtes n’avaient rien de moins apeurant, du moins de par leurs hurlements, n’ayant pas vraiment vu l’un des leurs de plein jour.

En dehors de notre cachette, nous pouvions entendre les cris de chasses de ces monstres sans noms. Au bruit qu’ils faisaient, tous savions qu’ils s’étaient attaqués au transporteur, de par la bruit craquant du bois. Ils le renversèrent, envoyant la voiture que nous avions eût tant de mal à sauver, dans le vide et hors de notre porté. Il faut le dire, bien que nous soyons en danger imminent, je souris un peu. J’avais horreur de cet instrument de voyage, le détestait avec tout mon cœur. L’entendre se dégringoler dans une chute pareille m’apporta un peu de joie dans ce moment sombre, et en apporta tout autant à mes porteurs, Rouge, le Nez, Asticot et Brique. D’ailleurs, le dernier d’entre eux ricanait silencieusement, se tenant la cheville qu’il avait endommagée durant la chute du véhicule, vraisemblablement, elle lui faisant toujours mal.

Shangza, qui se trouvait toujours en fin de marche, traversa le couloir de roche étroit, s’excusant en passant chacun de mes aides, puis moi, et enfin Atogwe. Il semblait examiner la paroi rocheuse, cherchant sans doute une autre issue. Tâtant le mur, il en vint à trouver un conduit, assez grand pour y laisser un homme s’aventurer. Il observa l’édifice un instant, avant de nous faire face, et nous demander de l’attendre pendant qu’il explorait notre potentiel salvation.
« Il va nous laisser crever dans ce trou ! », s’exclama Rouge, voulant le suivre. Atogwe le bloqua de son bras, l’empêchant de suivre le jeune aventurier. Le Rhovanionais s’arrêta net, ne voulant pas énerver un homme ayant gagné sa liberté dans les jeux de sang.

« Laissons-le s’aventurer seul… », murmura-t’il, comme pour ne pas à ce que Shangza ne l’entende. « S’il ne revient pas, nous saurons à ne pas nous y aventurer. »

« Ou qu’il a trouvé la sortie… », remarqua un autre des esclaves, cette fois-ci l’Asticot. Bien la noirceur des lieus, je pouvais remarquer le regard strident qu’apporter l’ex gladiateur, comme pour éviter d’autres remarques de la part de ses hommes. Le Haradrim avait fait sa décision ; il ne continuerai pas après l’étranger, sans la certitude que le chemin que nous allions prendre soit sans danger.

Dans l’absence du jeune Oriental, nous fîmes silencieux. C’est d’ailleurs dans ce silence même que je m’aperçus de l’eau glaciale qui se trouvait sous nos pieds. L’adrénaline de notre fuite venait de s’estomper, et je ne venais qu’à présent de me rendre compte de notre situation ; nous étions tous trempés. Rester une nuit entière, les pieds dans l’eau, était risqué. Attraper froid dans une telle situation pouvait vraiment faire la différence entre la vie et la mort. Soudainement, nous entendîmes Shangza. Il avait, dans ses propres mots, trouvé un endroit sûr où passer la nuit. Atogwe en premier, nous nous enfilâmes, l’un après l’autre, dans ce conduit minuscule. Au bout, je pouvais apercevoir la lumière d’une torche, qui, je le soupçonnais, avait été allumé par le Rhûnadan.

Atogwe, qui était en tête, sorti du couloir difficilement. De bonne taille, il ne pût sortir sans heurter sa tête au plafond, qui était vraiment bas. L’homme d’Albyor lui offrit alors sa torche, que le Haradrim s’empressa de prendre la torche, une grimace, sans doute dût à la bosse qu’il portait sur le front, au visage. Ensuite, il en vint mon tour à sortir du tunnel. L’aventurier me tendit la main, et m’aida à m’extirper du passage étroit. Il s’occupa de mes sacs, avant de m’adresser la parole.

« Toutes mes excuses, mademoiselle », commença-t’il. « J’aurais préféré vous éviter d’avoir à ramper dans ce conduit sombre et froid. Je n’ai pas eu l’occasion de me présenter dans les formes : je suis Shangza Jahanshah, à votre service. A qui ai-je l’honneur ? »

« Je m’appelle Ellia Shaytan, nièce du banquier Ybliss Shaytan. Mon ami et garde du corps se nomme Atogwe, et voici Rouge, l’Asticot, Brique et le Nez, nos aides pour le voyage. »

« Je dois admettre que je me demande ce qui vous amène dans ces montagnes hostiles. », reprit-il, « On dit du monastère de Saphrâh qu’il apporte guérison et paix de l’âme à ceux qui s’y rendent, mais je peine à imaginer ce qui pourrait tourmenter une si jeune demoiselle. »

Chacun des quatre esclaves lui sera la main en sortant du chantier. Ils étaient tous de meilleure humeur, se trouvant à présent au sec. Pour ma part, je pris du temps à réfléchir à sa question, ne voulant pas tout dévoiler de moi, surtout à un parfait inconnu. Je lui souris quand même, pour ne pas paraître impoli, et aida Brique à marcher sur sa cheville douloureuse pour éviter de répondre tout de suite. Atogwe, de l’autre extrémité de la grotte, était toujours méfiant. Il faisait le tour de cet édifice naturel lentement, recourbé sur lui-même pour ne pas se frapper le crâne à nouveau. Il ne nous portait plus vraiment attention, se concentrant sur sa tâche.

Nous nous installâmes dans un coin, tout prêt de l’issue par laquelle nous étions sortis. Nous déposâmes nos sacs en demi-cercle, épuisés. Le Nez, qui connaissait quelques choses en matière de premiers soins, se posa aux côtés de Brique, pour inspecter sa cheville, que nous supposions, avait une entorse. Rouge et l’Asticot, eux, s’empressèrent d’enlever leurs bottes humides. Je suivis leur exemple, déposant mes souliers devant moi. Les deux esclaves commencèrent à sortir quelques morceaux de bois sec, qu’ils avaient mis dans leurs havresacs après l’accident. Avec l’aide du briquet de Shangza, et de quelques grosses pierres qu’ils avaient trouvées aux alentours, ils commencèrent un feu de bois. Sans tarder, ils sortirent quelques provisions, et firent part de cuisiner une soupe ou autre babiole. L’aventurier Rhûnadan prit place à ma droite, me regardant directement dans les yeux, demandant, sans un mot, une réponse à sa question.

« Vous savez, Rouge n’est pas mon vrai nom ! », interrompu l’esclave, me rendant un beau service. « Je m’appelle Briand Osgroth, d’Esgaroth. Maître Shaytan m’a surnommé Rouge à cause de mes cheveux roux. » Il montrait sa barbe d’une main, et remuait la soupe de l’autre, un grand sourire à la bouche. Je sentais que cette remarque avait désamorcé la question de Shangza, du moins, pour le moment.

Atogwe revînt sous peu, et prit place entre le Rhûnadan et moi. Il avait l’air satisfait, la grotte devait lui convenir. Il déposa son sac, et y sortit une pomme verte, croquant dans le fruit aussitôt. Il regardait dans les flammes, puis interrompu l’Asticot, qui se présentait, à son tour, à Shangza.

« Nous allons rester la nuit ici, et auront besoin de faire la garde. Je me propose de faire les premières quelques heures. »

« Je me porte volontaire pour le début », je lança, « J’ai dormis dans la voiture pour la bonne partie de l’après-midi, et ne suis pas fatigué pour le moment. Je te réveillerai avant de m’endormir, ou si, à dieu ne plaise, les monstres nous attaquent ! »

L’homme d’extrême-Harad acquiesça de la tête. Il était flagrant qu’il était épuisé, et il ne fallut pas long avant qu’il ne s’endorme, une couverture sur lui, et prenant son sac comme oreiller.
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Ryad Assad
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Si Vis Pacem... EmptyLun 8 Sep 2014 - 14:56
HRP : Désolé du retard, j'ai été surpris par des imprévus Wink. /HRP

Si Vis Pacem... Homme_10

Pour l'heure, les aventuriers en quête de la quiétude du Monastère de Saphrâh étaient en sécurité, au sec, et à l'abri des monstres qui rôdaient à l'extérieur. Pourtant, il régnait une tension qui demeurait inexplicable, entre eux... et plus particulièrement autour de la jeune femme qui paraissait être le centre de toutes les attentions. Ses quatre serviteurs exténués lui étaient entièrement dévoués, et aucun d'entre eux n'aurait hésité à donner sa vie pour la protéger, c'était évident. On le voyait à leur manière de se déplacer autour d'elle, de la regarder constamment comme s'ils avaient peur qu'elle s'évanouît sous leurs yeux. Cela avait attiré la curiosité de Shangza, qui n'avait pas pu s'empêcher de demander l'identité de la jeune femme. Il ne connaissait pas très bien la haute société d'Albyor, mais lorsqu'elle lui répondit, il hocha la tête pesamment, en comprenant à qui il avait affaire.

Ybliss Shaytan était un homme assez influent dans le Cité Noire, un banquier de renom relativement puissant, qui avait très certainement les moyens de mettre à la disposition de sa nièce cinq serviteurs parfaitement dociles, dont quatre porteurs chargés de la convoyer au sommet d'une montagne. Une idée particulièrement étrange, mais après tout l'argent permettait de tout s'offrir... Ellia, puisque c'était là son nom, lui présenta les hommes qui l'accompagnaient dans son voyage jusqu'au sommet de la montagne, à commencer par le seul qui portait une arme. C'était son garde du corps, comme l'avait très justement supposé Shangza, et cela expliquait pourquoi il était le plus méfiant de tous - il continuait d'ailleurs son inspection des environs, avec beaucoup de méticulosité. Il avait le type des gens du Sud, et son nom n'avait rien de Rhûnien, ce qui confirma les soupçons du voyageur quant à son origine. Les quatre autres, qui sortaient progressivement du boyau, avaient renoncé à leurs noms - sans avoir vraiment le choix de le garder, d'ailleurs - , et ne portaient plus que des sobriquets plus ou moins flatteurs qu'avait dû leur donner leur nouveau maître. Charmant.

Elle les désigna, curieusement, comme des "aides", se refusant à employer le mot adéquat pour les qualifier, celui d'esclaves. Le Rhûnadan eut un léger sourire, amusé, devant une telle pudeur qui n'avait pas lieu d'être dans une cité comme Albyor, qui vivait et s'enrichissait sur les milliers d'esclaves qui travaillaient dans les mines, qui travaillaient au port, qui travaillaient dans les maisons privées qui parsemaient la cité. Tout le monde connaissait l'importance de la cité dans le transit des cargaisons humaines qui sillonnaient le pays, et tout le monde connaissait le triste sort qui était réservé aux prisonniers captifs, aux traîtres qu'on voulait punir brutalement, et globalement à tous les ennemis du trône qui ne méritaient pas explicitement la mort. Ne pas oser les appeler par leur nom, c'était comme refuser d'appeler "ennemi" un individu portant le drapeau du Gondor, au beau milieu d'un champ de bataille. C'était... curieux.

Le voyageur ne chercha pas à explorer la question plus que ça, toutefois, davantage par discrétion et tact que parce qu'il ne s'intéressait pas à la question. Il avait vraiment envie d'obtenir une réponse à ses questions - et cela se voyait un peu sur son visage -, mais il savait que cette femme était la nièce d'un personnage riche et puissant, et il ne voulait pas se montrer inconvenant. Il était toujours déconseillé de se mettre à dos de telles figures d'une ville, si on ne voulait pas se retrouver dans les ennuis jusqu'au cou. Surtout qu'ici, les ennuis pouvaient vite se révéler mortels. Il s'inclina donc respectueusement en face de la jeune femme, avant de s'écarter d'elle pour aider ses esclaves à sortir du trou. Malheureusement, cette intervention inopinée l'avait privé de la réponse à sa seconde interrogation. Et de toute évidence, la jeune femme paraissait ne pas trop regretter de ne pas avoir pu lui donner une explication satisfaisante. Elle lui adressa un sourire de circonstance auquel il répondit sans joie, et s'éloigna légèrement pour s'installer tranquillement à côté des sacs.

Shangza l'imita, mais la présence des esclaves le gênait, l'empêchait de parler à sa guise, et il ne fut pas en mesure de s'approcher davantage de la jeune femme pour poursuivre la conversation. Ces hommes, par leur simple présence, s'érigeaient comme un mur d'acier entre lui et elle. Résigné à supporter la présence des serviteurs qui semblaient épuisés d'avoir tant marché, et d'avoir dû porter leur maîtresse, il les observa s'installer à leur tour. Ils se rassemblèrent, et commencèrent à se préoccuper de la cheville blessée de leur camarade, qui s'était de toute évidence fait une petite entorse sans gravité, mais qui les ralentirait considérablement le lendemain. Décidément, ils n'avaient vraiment pas de chance. Mais au moins, ils étaient tous en vie, et ils pouvaient s'estimer heureux qu'aucun d'entre eux n'eût chuté avec la voiture. Ils auraient pu être tous emportés dans le vide, et on aurait retrouvé leurs cadavres des mois après, par un hasard extrême. Beaucoup n'avaient pas survécu au voyage vers le Monastère, et avec une telle organisation, on pouvait dire qu'Ellia et ses hommes l'avaient échappé belle.

Installé autour du feu de bois qui venait de faire son apparition, Shangza sentit la chaleur et la vie revenir progressivement dans son corps frissonnant, alors que les flammes s'élevaient peu à peu, et que la lumière revenait dans cette grotte naturelle. Les ombres projetées sur les visages de chacun déformaient leurs traits, et leur donnaient un air hagard, éreinté, qui était révélateur de ce qu'ils éprouvaient au fond. Car ici, retranchés dans une caverne obscure qui constituait leur seul abri contre les créatures de cauchemar qui couraient là au dehors, ils ressentaient pleinement le poids de leurs jambes lourdes d'avoir tant marché, et leurs épaules douloureuses d'avoir supporté de si lourdes charges. Ils avaient beau être tous de bonne constitution, solides et endurants, ils accusaient le coup de ce pèlerinage difficile, et ils seraient tous heureux de trouver le repos au Monastère. Pour l'heure, la seule chose qu'ils voulaient faire, c'était prendre un bon repas chaud, et ensuite s'installer aussi confortablement que le leur permettrait le sol en pierre, pour attaquer au mieux la journée du lendemain. La dernière, avec de la chance.

Mais Shangza, qui était quelque peu tenace, s'installa tout à côté de la jeune femme avec un grand sourire chaleureux, qu'il espérait pouvoir faire fondre ses réticences à lui parler. Cela pouvait paraître un peu cavalier, voire même complètement déplacé, mais au vu des circonstances, il estimait que ce genre de rapprochements était moins suspect que dans un cadre civil. Il se savait plutôt avenant, et on lui faisait facilement confiance au premier abord, si bien qu'il espérait qu'elle ne verrait pas son initiative comme une agression. Avec un peu de chance, elle serait encline à lui parler, à lui raconter ce qu'elle avait sur le cœur, et qu'elle paraissait ne pas vouloir lui dire spontanément. La curiosité était un vilain défaut, disait-on, mais lui ne pouvait pas résister à explorer la vie des gens qu'il croisait, car il était convaincu de pouvoir trouver quelque chose d'intéressant. Et puis, dans cette grotte sombre et froide, que pouvaient-ils faire d'autre que parler pour combattre le silence pesant qui les entourait ?

Toutefois, alors qu'il sentait qu'elle allait bientôt devoir lui répondre, un des esclaves prit la parole avec un enthousiasme tout à fait malvenu. Le sourire de Shangza se fissura en un clin d'œil, et il se retourna vers l'homme qui venait de l'interpeler directement, alors qu'il n'était même pas libre. Son visage afficha une surprise quelque peu outrée, comme si la perspective de voir quelqu'un qu'il considérait de toute évidence comme un sous-homme venir lui parler était intolérable. Il n'avait rien en particulier contre les esclaves, mais il lui semblait qu'il était peu élégant de la part d'un esclave, non Rhûnadan de surcroît, de lui adresser la parole de manière aussi décontractée et naturelle. Il dévisagea l'homme, qui de toute évidence venait d'un royaume de l'Ouest, et lui fit un sourire pincé qui exprimait toute la gêne contenue qu'il éprouvait face à cette situation. Un esclave occidental parlant à un homme libre Rhûnadan... une association bien malheureuse.

Se tournant vers Ellia, il lança avec un sourire :

- Eh bien, vous me voyez surpris... Vous laissez vos esclaves parler seuls ? J'ai rarement rencontré maître aussi tolérant envers ses meubles.

C'était une remarque totalement naturelle, et qui n'avait aucun but polémique. En réalité, il était très surpris de voir le laxisme de la jeune femme, qui faisait confiance à ces quatre hommes comme s'ils étaient ses amis, comme s'ils n'étaient pas là simplement pour échapper aux coups de fouet ou à des conditions de vie plus difficiles dans une autre maison. Elle les laissait s'exprimer sans entraves, et elle leur permettait même de sourire ouvertement, comme pour lui faire comprendre à quel point leur situation était agréable. S'ils n'avaient pas été dans une situation aussi délicate, il aurait cru qu'elle essayait de lui démontrer à quel point ses serviteurs étaient bien traités, ce qui n'était pas une preuve de bienveillance et de compassion. Ici, à Albyor, les esclaves trop libres étaient une marque de faiblesse et de mollesse. Très certainement qu'Ybliss Shaytan n'aurait jamais accepté une telle familiarité de la part des hommes qu'il avait achetés, mais puisque c'était sa nièce qui était aux commandes...

Le garde du corps, après avoir terminé son inspection, revint autour du feu de camp qui crépitait joyeusement, et prit place entre Ellia et Shangza. De toute évidence, il avait perçu l'intérêt singulier de ce voyageur inconnu pour la jeune femme qu'il devait protéger, et il avait décidé d'y couper court par sa seule présence physique. L'aventurier, peu querelleur, s'écarta légèrement pour laisser le Haradrim s'installer, et décida de ravaler sa curiosité et son trouble vis-à-vis du comportement ultra-protecteur autour de la jeune femme. Il y avait décidément une aura de mystère qui l'entourait, et au lieu de se dissiper autour du danger et des épreuves traversées ensemble, elle semblait s'épaissir et se développer dans les ténèbres de la caverne qu'ils avaient choisi pour abri cette nuit. Les questions n'avaient pas disparu pour autant, bien au contraire. Elles se complexifiaient, se ramifiaient, et l'aventurier était de plus en plus décidé à percer les secrets de cette bien étrange compagnie.

Peu après avoir commencé à manger, il fallut décider des tours de garde pour passer la nuit. De toute évidence, Atogwe paraissait ne pas faire confiance à leur cachette temporaire, et Shangza ne pouvait qu'abonder dans son sens. Ils avaient certes exploré brièvement les environs, mais ils ne savaient pas qui pouvait se terrer dans cet endroit, et ils pouvaient tout aussi bien avoir mis le pied dans le nid de créatures qui attendaient patiemment leur heure pour leur sauter dessus. On ne pouvait jamais être trop prudent dans un environnement aussi hostile, l'expérience le leur avait appris. A la surprise du voyageur, ce fut la nièce qui se proposa pour prendre le premier tour. Il la dévisagea intensément, incrédule. D'ordinaire, bien qu'elles sussent se battre, les femmes nobles ne se donnaient jamais la peine de participer aux activités militaires. Ils étaient sept, et son concours n'était pas nécessaire pour assurer la sécurité de ceux qui se reposaient. Elle, étonnamment, semblait vouloir participer, vouloir ménager les hommes censés tout sacrifier pour son confort. Et si Shangza trouvait cela insolite, il n'était pas au bout de ses surprises.

Il était sur le point de se porter volontaire pour le troisième tour, quand elle laissa échapper quelque chose qui lui parut particulièrement suspect. Il dissimula son étonnement à grand peine, bien aidé en cela par l'obscurité qui les entourait, et qui lui permettait de ne pas trop en révéler sur le contenu de ses pensées. Et pourtant, il était tout à fait perturbé par ce qu'il entendait. Dieu ? Avait-elle bien dit "dieu" ? La religion était un élément complexe en Rhûn, car traditionnellement les différents clans croyaient dans les forces élémentaires de la nature, ou dans des dieux qui appartenaient à leur mythologie particulière, tout dépendait des régions. Le royaume était ensuite tombé sous la coupe de Melkor, puis de Sauron, et tout le monde connaissait cette histoire : jadis, dans le passé, le royaume avait connu son heure de gloire sous le règne de ces deux éminences, qui avaient finalement été vaincues par les peuples de l'Ouest, le Gondor à leur tête. C'était à cause des occidentaux que le royaume du Rhûn avait décliné, et il avait longtemps été occupé par des hommes arborant le blason de l'Arbre Blanc.

Depuis le retour de Lyra, la religion Melkorite était revenue au premier plan, et elle l'avait instaurée comme religion d'Etat. Shangza était loin d'être un fidèle parmi les fidèles, mais c'était parce qu'il appartenait à une famille pauvre, et que ses croyances personnelles n'étaient pas une gêne pour les intérêts de la Reine. Toutefois, les familles puissantes devaient faire allégeance au culte suprême de Morgoth, et les écarts étaient parfois perçus comme des manifestations de pensées séditieuses. Pourtant, cette femme venait en toute liberté de convoquer un dieu qui n'était pas Melkor - que tous appelaient communément par ce nom dans leurs prières et leurs suppliques. Le voyageur, perplexe, ne répondit rien, mais le regard qu'il lança à la jeune femme était éloquent, et elle capta de toute évidence son coup d'œil insistant, car elle détourna la tête par après. Il y avait décidément bien des choses suspectes chez ces gens, qui paraissaient par trop différents de ce que l'on trouvait communément à Albyor, ville d'esclavage et dédiée entièrement au culte de Melkor - dont le temple occupait le sommet de la cité. Ravalant ses commentaires, Shangza se contenta de lancer :

- Soit, je prendrai donc le troisième tour de garde si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Si Melkor le veut, nous passerons la nuit sans encombres.

Sur ces belles paroles, il s'allongea aussi confortablement que le lui permettait la configuration des lieux, serra son sabre contre lui, ferma les yeux, et s'endormit comme une pierre.


~~~~


- A genoux ! A genoux !

Les hommes, alignés en rang, tombèrent plus qu'ils ne s'agenouillèrent devant l'individu qui défilait devant eux. Ils étaient exténués, amaigris, et ils avaient de toute évidence traversé de nombreuses épreuves avant d'arriver où ils étaient. En revanche, celui qui marchait en les toisant du regard paraissait en bonne santé, et son sourire suffisant trahissait le sentiment de supériorité qui l'habitait à mesure qu'il observait les misérables qui se tenaient sous ses yeux. Il était vêtu d'une superbe cape carmin, et il portait sous le bras un document enroulé sur lui-même, frappé du sceau royal. Il portait la parole de la Reine, et à voir son visage glaçant, les mots qui étaient inscrits sur cette lettre deviendraient réalité par sa main. Il rompit le cachet de cire qui garantissait le secret de la missive, et déroula le document avec un geste emphatique. Sa voix de stentor résonna, et les hommes agenouillés baissèrent la tête, attendant le verdict :

- Par la présente, et au nom de Sa Majesté notre bonne Reine Lyra...

Il marqua une pause, se délectant de l'espoir ou de la crainte qu'il suscitait chez son auditoire. De toute évidence, il se complaisait à manipuler le pouvoir, et en tant qu'émissaire de la femme la plus puissante du pays, il avait l'impression d'être quelqu'un, d'être investi d'une autorité qui le rendait meilleur que le commun des mortels. Et pour l'heure, en effet, il les dominait totalement. Il reprit, d'une voix douce et suave, presque amicale :

- Je vous condamne à mort, pour haute trahison envers le royaume.

La sentence était terrible, et devait sans doute paraître justifiée aux yeux de Lyra, qui souhaitait se donner l'image d'une souveraine forte et juste, sévère avec ses ennemis, bonne avec son peuple fidèle. Il y eut des frémissements dans les rangs, alors qu'un bourreau choisi pour l'occasion approchait. Il n'était pas de ceux que l'on imagine habituellement, masqué et armé d'une épée gigantesque, prête à vous couper la tête. Il était petit, malingre, et on voyait parfaitement les traits de son visage couturé de cicatrices. En guise d'épée, il n'avait qu'une petite dague, à la lame effilée. Il fit se relever le premier condamné, et lui planta son arme dans l'estomac.

Un cri de souffrance.

Une mort atrocement lente.

Le début du calvaire...



~~~~


Shangza se réveilla en sursaut, et attrapa fermement la main qui s'était posée sur son épaule. Le feu s'était presque éteint, faute de bois, mais le visage du Haradrim était toujours clairement visible. Le Rhûnadan, dont les traits laissaient entrevoir la violence du cauchemar qui avait agité sa nuit, prit quelques secondes pour se calmer, et pour s'habituer à l'obscurité oppressante qui les entourait. Pendant un instant, il s'était senti perdu, absorbé dans les ténèbres. Il passa la main sur son visage, comme pour en chasser définitivement les doigts crochus de la peur et du dégoût qui s'y accrochaient. Il avait vu tellement de sang couler ce jour-là, il avait vu tellement d'horreurs, qu'il en resterait traumatisé à jamais, très certainement. Chassant cette image de son esprit, il se redressa, et laissa le Haradrim aller retrouver sa couchette. Il n'y avait pas de raison de le retenir plus longtemps, alors qu'il avait pris soin de tout le monde plusieurs heures durant. Le voyageur s'installa près des flammes, enroulant sa couverture autour de ses épaules, avant que ses yeux ne s'égarassent sur le visage apaisé d'Ellia Shaytan.

Elle paraissait dormir paisiblement, et récupérer d'une journée riche en émotions et en aventures. Cela devait bien la changer de son quotidien. Mais en l'observant, il avait l'impression de voir sur ses traits, rendus mystérieux par les ombres qui y dansaient, une forme de gravité qu'il n'arrivait pas à s'expliquer. C'était comme si elle était perpétuellement triste, ou perpétuellement anxieuse. A moins que ce ne fut son imagination, mais il avait vu ce regard chez tellement de gens... Chez tous ceux qui, dans son souvenir, avaient perdu la vie durant ce jour tragique. Il se souvenait de leurs yeux, de l'âme qu'il voyait à travers. Une âme brisée, terrifiée, recroquevillée, mais qui semblait défier la vie et le monde. Et puis la lame plongeait dans leur corps, et ils mouraient dans d'atroces souffrances. Ils mouraient par sa faute.

Hanté par de noires pensées, et de rouges souvenirs, Shangza ne vit pas les heures défiler, et il ne vit pas le jour se lever. Il comprit qu'il était temps de bouger quand il vit ses compagnons de route commencer à s'éveiller, après ce qu'ils devaient considérer comme une bonne nuit de sommeil. Dans l'obscurité de la grotte, il n'y avait aucune lumière naturelle, et ils perdaient facilement la notion du temps, si bien que s'ils n'avaient pas remué, il aurait continué à veiller sur eux sans se poser davantage de questions. Il tendit l'oreille, et ne perçut aucun bruit au dehors, comme si les créatures étaient parties. Cela signifiait probablement que le jour s'était levé, et donc qu'ils devaient se mettre en route s'ils voulaient atteindre le Monastère avant lui nuit. L'aventurier lança à ses compagnons, qui émergeaient progressivement :

- Mangeons un morceau, et partons. Je crois que le soleil est haut dans le ciel, et nous pouvons arriver à destination avant ce soir, si nous commençons sous peu.

Il jeta un regard à Ellia, qu'il apercevait à peine, mais dont il pouvait deviner la posture. Curieusement, elle paraissait en forme... ou à tout le moins, plus en forme qu'il en l'aurait cru. Toutes les femmes apprenaient à se battre, certes, mais cela ne signifiait pas qu'elles étaient formées pour fuir des bêtes sauvages terrifiantes, pour ramper dans des conduits naturels étriqués, et pour dormir dans des grottes obscures à même la pierre. Pourtant, en dépit de ses robes et de ses atours, elle paraissait s'accommoder fort bien de la situation. Trop bien pour la nièce d'un riche banquier d'Albyor. Shangza fronça les sourcils mais ne dit rien, se contentant de manger avec les autres, avant de descendre dans le boyau qui les mena à la petite cavité naturelle  où ils avaient trouvé refuge.

Effectivement, il faisait jour dehors, et quand il se glissa dans le passage pour retrouver le chemin sinueux qui serpentait à flanc de montagne, il dut se protéger le visage des rayons du soleil. Il ouvrait la marche, naturellement, tandis qu'Ellia et son garde du corps demeuraient légèrement en retrait, comme s'ils avaient peur de lui. Il avait noté leur attitude distante vis-à-vis de lui, ce qui pouvait s'expliquer dans une certaine mesure, mais il ne comprenait toujours pas pourquoi la jeune femme se refusait à lui adresser la parole, alors qu'elle se montrait si familière avec ses esclaves. Il se retourna innocemment, et capta une conversation qu'ils avaient à voix basse. Les mots étaient chuchotés, si bien qu'il ne comprit pas le sens de leurs paroles, mais il devina qu'ils parlaient de lui. Ils s'interrompirent immédiatement, sans rien lui dire, ce qui ne fit qu'accentuer son trouble. De quoi pouvaient-ils bien discuter ainsi, secrètement ? Il haussa les épaules, préférant se concentrer sur l'instant présent, et fit face à la route qui s'élevait sensiblement vers le sommet :

- En avant chers compagnons. Ne traînons pas !

Il sourit pour lui-même. Il finirait bien par avoir ses réponses, ce n'était que partie remise.


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