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 L'appel à l'égorgement

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Nathanael
Espion de l'Arbre Blanc
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Nathanael

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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyLun 19 Oct 2015 - 11:26
Citadelle

La peur et la folie menaçaient de rompre le fragile équilibre que les sergents et les capitaines tentaient de rétablir au sein de l’armée de Cair Andros. Les nouvelles n’étaient pas bonnes. Les hommes affluaient toujours plus nombreux au sein de la Citadelle pour chercher un dernier havre de sécurité et un peu de répit avant un trépas qui semblait inéluctable. Le fatras des soldats ressemblait à un joyeux bordel de débauchées sanguinolentes et violentées. Les compagnies étaient rompues et il était difficile de cerner le moindre bataillon. Les hommes étaient éparpillés en groupes de survivants, par affinités d’esprit : ici les courageux et les braves, là les peureux et les potentiels déserteurs, ici les blessés et les estropiés, là encore les morts ou ceux qui étaient aux portes du royaume de Mandos. Les cris et les râles de ceux qui agonisaient sur la route de la Citadelle offrait un écho morbide aux rugissements des supérieurs qui tentaient désespérément d’exhorter leurs troupes à tenir leur position ou à se réorganiser. Ceux qui avaient le moins de dignité et d’honneur offraient des visages plein de larmes, pleurant un ami perdu ou exprimant avec fébrilité l’angoisse de leur mort prochaine.

Un homme moins avisé que les autres entra parmi les derniers survivants du pont sud avec grand peine. Il trainait la jambe, couvert de sang, sans qu’il soit possible de dire s’il s’agissait de celui des orientaux ou du sien. Il avait dans les yeux la lueur des fous, de ceux qui sont capables de galvaniser une troupe de suicidaires, ou de plonger au contraire les derniers survivants dans le chaos le plus total. Sans se douter de l’impact de ses paroles, il cria comme un dément.

- Des monstres ! Ils ont des monstres. Des vampires aux longues griffes et aux yeux noirs ! Ils viennent, ils sont sur nous !

La peur franchit l’esprit des soldats comme une vague titanesque, une tempête déchaînée qui fit trembler les armures et les heaumes dans un cliquetis de métal assourdissant. Les efforts des supérieurs furent vains à calmer les esprits. Les légendes des premiers âges excitèrent les âmes. Qui n’avait jamais entendu parler de l’ombre de Thuringwethil ? Des profondeurs de temps immémoriaux, les plus grandes peurs des mortels ressurgirent et les restes de l’armée de Cair Andros s’agitèrent soudainement  face à cette nouvelle menace. La rumeur fut transportée et déformée parmi les soldats et bien des hommes effrayés et affaiblis cherchèrent à fuir le trépas. Il était impossible de dire si les plus fous et les plus sots étaient ceux qui prenaient la fuite ou ceux qui avaient choisi de rester sur place. De nouveaux ordres furent hurlés pour maintenir un semblant de cohésion, pour sauver les apparences à défaut de sauver des vies. Il n’y avait plus qu’un peu d’honneur et quelques chansonnettes à gagner dans ce combat, pour peu qu’un des leurs parvienne vivant jusqu’à Minas Tirith pour raconter ce qu’il s’était passé. Car il était également fort probable que personne ne réchappe à ce massacre et que la destruction de Cair Andros demeure un mystère pour la Cité Blanche. On parlerait d’une vague humaine et du chaos, de la défaite et des morts, mais qui chanteraient le courage et la détermination des derniers survivants, des soldats insoumis et de leur force de caractère, si, tous, mourraient dans ce dernier assaut ? Les cadavres ne parlaient pas, et il serait impossible de dire alors, face aux visages exsangues, qui étaient les héros, et qui étaient les pleutres qui s’enfuirent, terrassés par une flèche dans le dos.

Et tandis que bien des hommes tentaient encore de s’enfuir, se rendant compte trop tard qu’ils étaient cernés de toute part, les derniers combattants de la Citadelle se réunirent en une masse informe, prête à offrir une résistance désespérée à la cruauté des Orientaux. Ce n’était plus le courage qui faisait vibrer les épées et trembler les boucliers, ce n’était plus la rage de combattre qui étreignait les cœurs : le cliquetis des armures étaient plutôt le fait de membres tremblants de tétanie et des genoux fébriles agités de spasmes et de frissons d’effroi. Dans l’impasse qui s’offrait à eux, ils choisirent de combattre, les derniers regards craintifs scrutant les hauteurs des plafonds, craignant d’y voir surgir les femelles assoiffées de sang qu’on leur avait annoncé. Ils entendirent tous distinctement le dernier mot de leur Commandant et comme un seul homme, ils chargèrent leur ennemi dans un front meurtrier.

L’épée du Commandant mordit la chair molle d’un Oriental qui n’eut pas la bonne idée d’esquiver le fil de sa lame. L’étranger à la peau sombre s’écroula à ses pieds avant que d’autres ne s’avancent au devant d’eux. Ils avançaient en nombre sur les remparts, rampant comme des araignées le long des hauts murs naturels qu’offraient les soubassements rocheux de la Citadelle. Certains arrivaient avec de courtes dagues d’os entre les dents, les yeux exorbités par la rage et la folie meurtrière, offrant une dernière vision d’horreur aux soldats gondoriens qui tentaient vainement de se défendre. Un jeune soldat mourut ainsi violemment, étranglé par un Oriental dont la férocité dépassait l’entendement. L’homme de l’est s’était empalé sur la lame de son adversaire mais maintenait malgré tout la violente étreinte autour du cou du jeune homme, sans qu’il soit possible de dire s’il s’agissait de réflexes mortels ou si l’Oriental était animé par une force surhumaine et par quelques pouvoirs impalpables.

******************

L'appel à l'égorgement - Page 2 Capita10

Pont Occidental

Valmar fulminait contre la guerre et les esprits belliqueux, marmonnant d’inintelligibles jurons dont il avait le secret. Malgré la gravité de la situation et l’impasse dans laquelle il se trouvait, il ne pouvait s’empêcher de grogner et de se plaindre de la boue et de l’odeur des rôdeurs qui lui piquait les narines. Le sang de Vern était une offense à ses muqueuses nasales, et que dire de la transpiration et de l’haleine des coureurs des bois qui se concertaient aussi discrètement qu’une troupe de sangliers dans les fourrés. Une seule solution lui venait à l’esprit, désespérée et risquée, mais seule à pouvoir lui offrir une chance de survie. Car ce qu’il désirait le plus au monde, ce n’est pas d’être couvert d’honneur et de gloire, pas plus que de déambuler dans les mémoires avec de sottes paroles enjouées et glorieuses si c’était pour rentrer dans la Cité Blanche entre quatre planches à l’odeur de sapin. Non, ce qu’il désirait le plus c’était de continuer à se servir de ses deux jambes et de ses bras, de continuer à forniquer à ses heures perdues et à gratter quelques papiers dans d’obscures arrières salles, fruits de la punition qu’il subirait, il le savait. Mais tout cela valait mieux que la mort et l’incertitude absolue qui la suivait. Il préférait se conforter dans ce qu’il connaissait plutôt que d’espérer atteindre un autre monde dont personne ne savait rien et que seules les vieilles femmes couvertes de haillons semblaient connaître dans leurs vieilles histoires pour enfants mal dégrossis. La vie, voilà ce qu’il voulait, rester vivant. Et c’est uniquement pour cette bonne raison qu’il exhorta les Rangers à attaquer ces sales chiens puants de l’Est qui les encerclaient. Avec toute la démesure dont il savait faire preuve, il se gonfla des derniers soupçons de courage qui l’habitaient et prononça consciencieusement ses mots. Son visage était un masque d’honneur et de bravoure, un masque travaillé depuis longtemps face au petit miroir qui ornait ses appartements privés.

- Avec ou sans le soutien de la Cité Blanche, vous seriez prêts à baisser les armes ? Est-ce qu’il faut manquer à ce point d’honneur et de courage que vous seriez prêts à vous défroquer devant ces envahisseurs ? Je préférerai mourir debout plutôt que de vivre coucher en sachant pertinemment que j’ai tourné le dos à mon royaume.

Il espérait fermement que la déraison courageuse du soldat gorgé d’orgueil, du soldat plein d’honneur dévoué à son pays ferait mouche. Il ne croyait pas un mot ce qu’il venait de dire, mais c’était pourtant avec fougue et conviction qu’il avait parlé, sans une once de doute. Son regard de pierre était impénétrable et Valmar l’Intransigeant semblait s’être redressé dans les ronces et les orties qui lui piquaient le cul, prêt à abattre sa dernière carte sur le crâne de ses propres hommes.
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Dwolin
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyJeu 3 Déc 2015 - 18:16
-Vous avez deux minutes pour remballer votre matos, on s'en va !  

Alors que Raus, du haut du châtelet, arrosait les assaillant toujours plus nombreux avec sa baliste, les ordres résonnèrent depuis la cour. Les adversaires étaient encore loin mais le transport de la baliste nécessitait un temps certains et Raus commença à la replier. Il ne lui restait plus que deux projectiles qu'il pourrait de toute façon écouler une fois au bastion.

Un milicien se posta près de lui :

-Le capitaine Praven m'a dit de vous aider à remonter cette baliste au bastion !

Raus le regarda un moment perplexe, ah oui la baliste !

-Aide-moi à la replier, tiens là pendant que je débloque le système.

Le milicien s’exécuta, jamais Raus n'avait commandé personne et cette responsabilité au final ne faisait qu'empirer son stress. Son admiration du capitaine qui arrivait à gérer cette pression grandit d'un seul coup.

-Hé ! Qu'est-ce que vous faîtes  ?

L'un des rangers venait de faire irruption.  Raus surpris, bredouilla :

-Hein ? Euh...Eh bien... je...je...je suis les ordres, je..je suppose... je me replie sur le bastion.

Il lui posa la main sur l'épaule pour le rassurer et ajouta très calmement :

-Attends un instant si tu veux bien, on a besoin d'un peu plus de temps pour mettre en place les préparatif et également couvrir la retraite, seulement nous on a plus aucune munition. Il désigna les projectiles restant à Raus. Tu devrais avoir le temps de les tirer avant de partir.

En effet, beaucoup de troupes gondorienne se repliaient encore presque en désordre total, les rangs délaissés, laissant une traînée de matériel dans leur sillage. Une armée aussi inexpérimentée ne tiendrait pas longtemps face aux adversaires qu'ils avaient en face d'eux. Raus remit en place la baliste et la chargea avec l'un des projectiles restants.

Un !

Deux assaillants en moins, touchés en pleine tête dans leur course et désormais méconnaissables même par leurs parents. Lui s'il mourrait, ses parents s'en ficherait allègrement cela faisait maintenant plus de cinq ans qu'il n'avait pas eu de nouvelles. Un rapide coup d’œil derrière lui lui permit de voir que la manœuvre de replie était bien avancée, on entendait encore les ordres du capitaine qui s'agitait dans tous les sens. Raus tendit la corde,  le ranger lui désigna des ennemis qui  étaient déjà très près de l'entrée du châtelet, trop près d'ailleurs.

Deux !

Raté ! Raus s'était trop précipité et dans une terrible onde de choc le projectile était allé se perdre au loin sous les regards soulagé des cibles. Ces derniers n'allaient pas tarder à rentrer, à tomber sur lui et probablement le tuer. Des flèches provenant d'en bas plurent sur eux. Deux évitèrent le jeune artilleur de justesse tandis qu'une toucha le milicien en pleine tête.

Raus était sous le choc et en voyant le visage transpercé de son compagnon éphémère, il rendit son repas dessus. Le ranger dû le secouer afin qu'il reprenne ses esprits.

-Aller ! On doit mettre le feu au châtelet !

Raus reprit le contrôle de ses gestes et se jeta sur sa baliste, hélas le système de pliage s'était coincé lors du dernier tir et malgré les tentative de l'artilleur de la forcer, elle ne céda pas.

-Pas le temps, on la laisse ici !

L'artilleur soupira en pensant à la rouste qu'il allait prendre pour avoir abandonné la baliste, avec un peu de chance cela passerait inaperçu dans la cohue générale. Il prit sa lance et porta un grand coup afin de détruire le système d’enclenchement des projectiles pour rendre l'arme inutilisable au cas où elle ne brûlerait pas comme prévu. Il n'allait tout de même pas la laisser à l'ennemi.

Il dévalèrent les escaliers et mirent le feu au châtelet assez rapidement pour ne pas être inquiétés directement par les envahisseurs, seules quelques flèches volèrent à leur encontre mais ils les évitèrent facilement.

Ils rejoignirent les derniers à se replier.  Le ranger resta avec les dernières troupes sur place autour du capitaine qui couvrait personnellement la retraite tandis que Raus courut le plus vite qu'il pu alourdit par son armure afin de rattraper le mouvement aussi désorganisé qu'il était. Au final il était bien content de ne pas avoir de baliste comme fardeau.

Il se retourna un instant devant les flammes qui s'élevaient dans le ciel. Les assaillants avaient déjà un pied sur l'île et se confrontaient aux hommes du capitaine. Raus repartit de plus belle vers le Bastion qu'il atteignit quelques minutes plus tard essoufflé. Lorsqu'il arriva des officiers guettaient les nouvelles du capitaine. Après les avoir informé de son ignorance total d'un bref signe négatif de la tête, l'artilleur remonta vers son poste où il s'affala, exténué en attendant les ordres.
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Thorseld Eodsen
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyMar 8 Déc 2015 - 17:06
Une fraction de seconde. Une minuscule fraction de seconde d'espoir. Voilà la maigre espérance qu'avait consentie le destin à Joras pour son tir ambitieux. Après cela plus rien. L'abîme, la chute et l'obscurité avant le néant.

Le sergent fut finalement réveillé par un ruissellement glacé et inconfortable. Il regarda autour de lui où les corps sans vie disputaient le pavé sanguinolent aux éclats de bois épars et aux débris de pierre. Combien de temps était-il resté inconscient de la sorte ? Il ne parvenait pas à en juger, ni ne se souvenait comment il avait été jeté à terre. Il porta machinalement sa main à son cou où ruisselait un flot de sang noir, froid et poisseux.
Le sien ? Il ne lui semblait pas. Un sourire de soulagement éclaira son visage lorsqu'il vit l'énorme bête affalée non loin de là, dans une mare brune. L'avait-il eu ? Il fallait bien croire ! Quel exploit ! Quelle réuss… Mais comment ? Qu'est-ce qui ? Son sourire se figea alors qu'il tentait de se redresser en vain. Bloqué. Insensible. Impossible. Comment se pouvait-il ? Non ! Impossible ! Ce n'est pas…  Ses pensées se catapultaient les unes contre les autres, explosant entre elles, chacune basculant dans l'oubli d'où émergeait la suivante, plus piquante, plus cinglante, plus moqueuse…

Le Ranger était paralysé. Le haut de son corps pouvait bouger alors que sa partie inférieure restait immanquablement sclérosée dans une impossibilité de se mouvoir insupportable.
Ce n'est pas possible ! Non ! NoOon ! NON !  

Son regard perdu errait autour de lui, cherchant une explication, une aide, un espoir. Les combats l'encerclaient, toujours plus rageurs, toujours plus violents, mais aussi toujours plus déséquilibrés.
Les soldats gondoriens étaient de moins en moins nombreux et les derniers prenaient la fuite, courraient se retrancher dans les hauteurs de la citadelle.
Tout était fini pour lui. Aucun espoir ne subsistait. Il périrait là, vidé de son sang et de ses dernières bribes d'espérance perdues, envolées.

Dans l'état où il était, le Ranger pouvait toujours espérer mourir d'une mort lente et douloureuse mais moins violente que celle offerte par le combat rapproché. Il périrait là, oublié de tous, passant pour mort alors qu'il ne l'était pas, ou pas encore…

Des guerriers lui marchèrent dessus en se repliant sous les flèches orientales et leurs poursuivants le piétinèrent à leur tour dans leur traque. Il ne sentit rien. On le croyait mort et il l’était déjà un peu.

C’était la fin. C’était là que devait s’arrêter sa vie. Là que sa mort se porterait à sa rencontre. Dans quelques minutes ou quelques heures. Tout n’était plus qu’une question de temps à présent. Mais on ne pouvait lutter contre l’inéluctable. On ne pouvait…

Il se sentit soudain s’élever. On le soulevait de terre ! Quelqu’un l’emmenait. Il tenta de voir qui mais sans succès. L’anonyme sauveteur l’exhortait à se battre encore, à s’accrocher à la vie, à rester avec lui, avec eux.
Le ranger fut entraîné vers l’arrière, à l’abri momentané des combats. Mais pour combien de temps ?  Là, il fut pris en charge par deux soldats de première classe qui tentèrent de lui serrer un large bandage afin de soulager sa douleur et de contenir la perte de sang. Son sauveur revint près de lui. Il pouvait enfin voir son visage. Celui d’un jeune régulier sans expérience à la peur muette enracinée sur le visage blême. Joras regarda les hommes qui se tenaient autour de lui. Tous portaient les traits de la terreur de la mort approchant. Ils furent bientôt une petite dizaine rassemblée autour de lui, attendant quelques mots de sa part. Un réconfort ? Un ordre ? Des directives ? Des remerciements peut-être…

– Merci mon gars ! , lança-t-il au jeune costaud qui l’avait traîné jusque-là. Il passa machinalement une main sur son bandage comme pour tenter d’en éprouver l’efficacité. – Merci à vous aussi ! , finit-il par lancer aux autres… Mais rien d’autre ne lui vint en tête. Il était vidé. Faible. Sans idée. Il ignorait ce qui allait advenir désormais mis à part leur mort certaine. Mais cela, il valait mieux le cacher, leur taire.

Le silence le cueillit pour ne plus le lâcher. Tout était vain.

Et face au silence de leur supérieur grièvement blessé, les soldats commencèrent à abdiquer, à comprendre… Plus rien ne pouvait plus les sauver, plus rien.

L’un d’eux brisa soudain le silence terrifiant qui s’était emparé d’eux. Il fallait parler. Il devait en avoir besoin. Et c’était tout ce qui leur restait alors : pourquoi pas ?

– Je viens d’Ithilien et j’ai passé la moitié de ma vie chez les Rangers à veiller sur les frontières du Gondor, finit par répondre Joras en plongeant son regard dans ceux des hommes qui l’entouraient. – Et toi ? D’où viens-tu ? Comment te prénommes-tu ? Et toi ? Toi, là-bas ? Toi aussi ?

Ils avaient tous besoin d’entendre le son de leur voix, de se connaître un peu avant de mourir, de savoir que quand le trépas les faucherait, ils vivraient tous un peu dans le souvenir des autres, ne serait-ce qu’un instant, qu’une seconde. Et qu’ils partiraient en compagnie de visages connus et de frères d’armes véritables.
La mort noire qui venait de l’Est les engloutirait tous bientôt mais ils ne seraient pas de ses anonymes morts pour rien et qui ne manqueraient à personne.

Tous s’écoutaient. Et, tour à tour, chacun parlait, se livrait un peu, évoquait un souvenir agréable de la vie qu’il avait eue et qu’il avait apprécié de mener.

Un cor retentit dans le lointain. La fin ? L’espoir ? La mort ? La survie ?

Nul ne savait plus dire…

Un deuxième cor résonna de l'autre côté. Les hommes se cherchaient du regard dans l'espoir vain que l'un d'eux pourrait apporter une réponse à cela.

Mais ce fut le commandant de la Citadelle qui parut, l'épée brandie. Chacun le connaissait et tous le tenaient pour un homme dur et caractériel aux colères foudroyantes. Mais tout cela n'était plus aujourd'hui. Et cela ne pouvait signifier qu'une chose…

La fin.

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Ryad Assad
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyMer 9 Déc 2015 - 19:12
Bastion de Cair Andros


Un silence malsain s'était installé dans le Bastion, qui s'élevait au-dessus de l'île enténébrée, un des deux îlots d'espoir au milieu de cette vague de ténèbres qui s'était abattue avec une brutalité sauvage sur le navire du Gondor. Cair Andros était submergée, et tous les hommes savaient que désormais, ils ne pouvaient plus se battre que pour sauver leurs vies. On avait allumé des feux, qui réchauffaient l'atmosphère à défaut de réchauffer les cœurs, et la lumière dispensée par les flammes projetait des ombres inquiétantes sur le visage des hommes assis là, qui avaient les yeux rivés sur les langues orangées, comme s'ils pouvaient s'y perdre, s'y abandonner. Ils étaient hagards, épuisés d'avoir tant combattu. Ils avaient pour la plupart des blessures, graves ou moins graves, qui n'étaient de toute façon rien par rapport à ce que d'autres avaient subi. Devant leurs yeux qui ne pouvaient s'en détourner, virevoltaient des membres déchiquetés, des éclaboussures écarlates qui leur collaient à la peau et aux vêtements, dont l'odeur répugnante les suivait partout où ils allaient, mêlée à celle de la sueur. Ici, un type essayait vainement de faire disparaître les traces de mort de son visage, en frottant comme il le pouvait sa joue avec un mouchoir que lui avait sans doute donné sa promise. Il était tâché de rouge, désormais, et la pauvre pouvait déjà se considérer en deuil. Son cher et tendre ne rentrerait pas pour dîner, et à mesure que la nuit avançait, cette pensée s'imposait dans l'esprit de chacun. Ils auraient peut-être dû fuir, quand ils en avaient le temps.

Les pauvres hommes du Bastion étaient sans chefs, et si certains parmi eux étaient partis à la recherche de leur Capitaine, probablement mort à l'heure qu'il était, ils n'avaient pas encore donné signe de vie. On avait entendu des bruits de combat, qui s'étaient tus au bout de quelques minutes, et puis plus rien. On s'était interrogé sur l'opportunité d'envoyer un autre groupe, mais beaucoup s'étaient insurgés contre cette idée. A quoi bon envoyer une mission de secours pour aider une mission de secours ? A ce rythme-là, ils mourraient tous dix par dix, sans avoir réussi à mettre la main sur le Capitaine. Non, ils étaient livrés à eux-mêmes, face à ces Orientaux déchaînés, et ils devaient se réorganiser, se rassembler, se barricader et essayer de survivre jusqu'à l'arrivée de renforts.

Certains y croyaient encore. Certains pensaient que Minas Tirith enverrait sa puissante cavalerie à la rencontre de ces manants, et on supposait que Cartogan et ses officiers étaient en train d'encercler la masse de ces Orientaux, les prendre à revers. On guettait, au loin, les signaux que la Cité Blanche enverrait pour leur annoncer qu'elle enverrait bientôt le soutien tant attendu. Mais pour l'heure, la capitale du royaume demeurait plongée dans une obscurité inquiétante, et seule sa silhouette massive se découpait légèrement dans la nuit noire. On ne voulait pas perdre espoir trop rapidement, mais il fallait bien admettre la réalité en face. Cartogan n'était pas disposé à sauver Cair Andros et sa garnison. La sécurité de l'île lui importait peu, et il pensait sans doute davantage à la violence de l'attaque des Orientaux, et à comment les écraser sur les Champs du Pelennor, quand ils mettraient un pied au Gondor à proprement parler. Les pauvres hères qui étaient encore en train de défendre ce bout de terre au milieu de l'Anduin avaient fait leur part, en ralentissant un peu la progression de leurs ennemis : ils pouvaient mourir en paix.

- Hey, vous !

Raus leva la tête, alors qu'on s'adressait à lui. C'était un officier, qui venait de repérer ce soldat sans affectation, isolé au milieu d'autres hommes isolés, mais qui paraissait tout de même plus perdu que la moyenne. L'officier lui fit signe de se lever, et d'approcher, avant de le prendre à part :

- Vous avez l'air relativement en forme, vous n'êtes pas blessé ?

Il y avait dans sa voix une forme de suspicion, comme s'il soupçonnait l'Artilleur d'avoir délibérément voulu échapper aux combats. Il ignorait sans doute qu'il avait dû abandonner la baliste qu'il manipulait activement pour contenir les Orientaux. Son regard était accusateur, mais pas particulièrement agressif. Ils n'avaient plus la force de se disputer, puisqu'ils étaient tous dans la même situation désespérée. L'officier se demandait simplement s'il avait affaire à un lâche ou à un brave, et il attendit patiemment que Raus lui répondît avant de poursuivre :

- Mouais… On a barricadé la porte du mieux possible, mais il nous manque des hommes pour défendre l'entrée. Vous en êtes.

Ce n'était pas une demande. L'entrée du Bastion était particulièrement difficile d'accès. Il fallait passer par un chemin étroit et sinueux, qui ne facilitait pas la tâche des attaquants – pas plus que celle des défenseurs, d'ailleurs –, lequel s'élevait en pente régulière. Les parois étaient de roc, si bien qu'il n'y avait aucun moyen pour les Orientaux de se frayer un chemin autre que celui-ci, et qu'ils devraient forcément s'exposer aux tirs des rares archers à avoir encore des flèches. Hélas, ils ne réussiraient pas à en tuer beaucoup avant qu'ils arrivassent à la porte. Cette dernière était assez large pour laisser passer quatre hommes de front, ce qui était à la fois beaucoup et peu. Les assaillants avaient davantage qu'une poterne, et ils pourraient se déverser comme un torrent incessant quand ils auraient défoncé la porte. Cependant, quatre hommes était un nombre bien trop faible pour submerger totalement la ligne de boucliers et de lances des Gondoriens. Du moins, pas sans mal.

L'officier poussa sans ménagement Raus vers un groupe d'hommes qui discutaient. Ils étaient pour la plupart marqués par les combats desquels ils avaient réchappé. La pointe de leurs lances était entaillée, leurs boucliers lacérés, pour la plupart ils arboraient des blessures sans gravité, qui avaient tout de même déchiré leur cotte de maille ou leur pourpoint. Ils étaient inquiets, mais on lisait dans leurs regards une peur moindre que chez d'autres. Ils étaient déjà résolus à mourir, ils n'avaient plus rien à perdre, et ils constituaient donc un danger mortel pour leurs ennemis. En voyant arriver Raus, ils le dévisagèrent sans ciller, avec des yeux quelque peu effrayants :

- Toi aussi, tu viens en première ligne ?

Ils eurent un sourire curieux. Raus resta avec eux un moment, et quelqu'un finit par lui amener un bouclier large, propre à arrêter les lames des ennemis qu'il aurait à affronter. Le jeune artilleur discuta un peu avec ses compagnons, qui de toute évidence étaient plus expérimentés que lui, pour avoir déjà eu à se frotter aux Orientaux. Cela ne les sauverait pas, toutefois, et ils étaient tous absolument égaux face à la mort, bien équipés ou pas, bien entraînés ou pas. Faire connaissance n'avait pas vraiment de sens, pour ces hommes, et ils se contentèrent d'échanger sur ce qu'ils avaient pu apprendre de leurs ennemis. Pas grand-chose, hélas :

- Leurs armures sont bizarres, ce n'est pas du métal…

- Oui, pourtant elles sont résistantes. Tous ceux qui ont été touchés par nos archers ne sont pas morts, c'est certain. Je ne sais pas de quoi elles sont faites, mais il vaut mieux leur planter une épée dans les boyaux pour être sûr de s'en débarrasser.

- Les vermines…

Le terme revenait souvent. La vermine orientale. C'était tout ce qu'ils pouvaient faire désormais : les insulter, et prier pour en tuer le plus possible. De longues minutes défilèrent alors, s'étirant à l'infini comme une pâte à pain qui semblait ne jamais vouloir se rompre. Pris dans cette bouillie temporelle, ils étaient malaxés impitoyablement par les mains expertes d'un boulanger cosmique, qui écrasait leur existence méthodiquement, avant de les jeter dans les flammes. C'était sans doute pour cela qu'ils avaient mal au ventre. Ils profitèrent de ce répit de courte durée pour boire, pour manger un morceau, certains décidèrent de fumer. Il y avait là des Rangers, qui n'étaient pas équipés pour des batailles rangées. Leurs cuirasses et leurs cottes de mailles légères ne valaient pas les solides armures des soldats réguliers, dont les boucliers d'acier formeraient un mur impénétrable sur lequel s'écraseraient les Orientaux. Théoriquement.

Les officiers dispensèrent quelques conseils, quelques mots d'encouragement à leurs hommes. Le plus gros du combat se déroulerait dans cette cour, et ils savaient que ce serait un véritable carnage. Les Orientaux avaient prouvé leur détermination, et ils ne s'arrêteraient pas avant d'avoir massacré tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Tant qu'ils n'auraient pas enlevé le Bastion, tant qu'ils ne l'auraient pas nettoyé de tous ses occupants, ils n'auraient de cesse d'attaquer, encore et encore. Ils ne feraient aucun prisonnier, ne feraient pas de quartiers. Ce n'était ni dans leurs mœurs, ni dans leur intérêt.

Plus d'une heure avait passé, quand ils entendirent soudain des cris, des ordres aboyés de l'autre côté. Leurs ennemis montaient à l'assaut du chemin étriqué où quelques rares tireurs embusqués les attendaient. Il y eut des cris, des larmes, du sang, et puis plus rien. Le silence. Le silence le plus assourdissant. Les hommes étaient tendus. On vit bientôt revenir une compagnie de Rangers, lesquels se débarrassèrent bien rapidement de leurs carquois dépourvus de munitions. Ils déposèrent leurs arcs, désormais inutiles, et vinrent rejoindre les hommes du rang. Derrière Raus, se rassemblaient les dernières forces du Bastion, à l'exception des blessés les plus graves qui avaient été placés en retrait, dans les baraquements. En face de lui, la porte qui paraissait si fine et si fragile, face à la puissance de l'ennemi qui se rassemblait derrière.

Il y eut un premier craquement sinistre, un coup de boutoir incroyable qui fit trembler chaque homme jusque dans les fondations de son être. Des regards furent échangés. Les officiers crièrent des ordres, pour intimer aux hommes de tenir leurs positions.

BOUM!

Le bélier qui s'activait de l'autre côté de la porte détruisait méthodiquement l'enchevêtrement pathétique qu'ils avaient disposé pour barrer l'entrée. Les coups se succédèrent, pleuvant comme jamais. Brutalement, la porte se déforma, pliée par la force du choc, en grinçant désagréablement. C'était le signal. Les mains raffermirent leur prise sur l'arme qu'elles tenaient, les boucliers remontèrent de quelques centimètres, tandis que les officiers brandissaient leurs épées vers l'ennemi encore invisible, prêts à déchaîner la rage et la violence des hommes du Gondor.

Il y eut un bref instant de calme absolu. Comme si tous les cœurs, au même moment, avaient arrêté de battre. Puis ce fut le chaos.

La porte vola en éclats, s'écrasant avec fracas sur le sol où elle souleva un nuage de poussière. Au même moment, les officiers du Gondor clamèrent avec une détermination sauvage :

- CHARGEZ !

Les flèches ennemies sifflèrent, fauchant quelques malheureux, tandis que la première ligne arrivait, lancée au contact des Orientaux. La vermine. Arme au poing, ils allaient la tenir en respect ici même…

Ou mourir en essayant…


~ ~ ~ ~


Citadelle


La Citadelle de Cair Andros était assaillie par les Orientaux comme le corps d'un animal blessé recouvert par des sauterelles. Des centaines, des milliers de guerriers se lançaient à l'attaque de ses murailles, de toutes parts, essayant désespérément de prendre pied sur les remparts qui se dressaient, ridicules, entre eux et les Gondoriens qui défendaient l'endroit sans le moindre espoir de survie. Les lames s'entrechoquaient, tout autant que les corps et les cœurs d'ailleurs. Les hommes se ruaient les uns sur les autres, distinguant à peine un uniforme allié d'un ennemi, frappant dès qu'ils voyaient une silhouette qui gesticulait avec des intentions menaçantes. Le Commandant, au milieu de tout ce carnage, se battait comme un champion, haranguant ses troupes dès qu'il trouvait un moment de répit pour respirer. Beaucoup avaient haï l'homme quand ils avaient été placés sous ses ordres, mais ils ne pouvaient pas nier qu'il était le chef qu'il leur fallait dans la situation : un homme capable de les inspirer, et de susciter en eux l'admiration au pire moment.

Les combats durèrent longtemps sur les remparts, bien qu'ils firent assez peu de victimes chez les assaillants qui étaient incroyablement agressifs. Chaque duel était âpre, et exigeait la concentration la plus totale de la part des défenseurs, qui auraient bien voulu, comme dans les contes et les légendes, se promener sur les remparts en tailladant tous ceux qui arrivaient à leur rencontre. Les envahisseurs, hélas, ne mourraient pas. Les lames glissaient sur leurs cuirasses curieuses, comme si elles avaient été d'acier, et il était plus sûr de viser la tête ou la gorge pour les faire passer de vie à trépas. Hélas, ils étaient très loin de se laisser faire, et sitôt qu'ils posaient le pied sur les murs de la Citadelle, ils s'arrangeaient pour ne pas mourir. Leur héroïsme était au moins aussi grand que celui des hommes de Gondor, qui tenaient leurs positions malgré leur très nette infériorité numérique. Les plus malchanceux étaient fauchés par une flèche hasardeuse, tirée depuis la pénombre en contrebas où se rassemblait le gros des troupes adverses. Arrêtés en plein mouvement, la gorge transpercée ou la poitrine perforée, ils s'écroulaient sur le côté, cédant le pas bien involontairement à de nouveaux ennemis qui progressaient toujours plus loin. Bientôt, la belle ligne de défense du Gondor ne fut plus qu'une succession de poches de résistance. Les défenseurs reculaient bien malgré eux, tandis que de plus en plus d'Orientaux prenaient position sur les hauteurs.

Ah, s'ils avaient eu des arcs et des munitions en nombre suffisant… Un bataillon de Rangers aurait décimé sans peine les hommes qui se déployaient désormais, et qui s'empressaient d'aider leurs compagnons à terminer leur ascension. Ah, si seulement… La bataille aurait très certainement tourné très différemment. Autour de Joras, les hommes se battaient avec l'énergie du désespoir, essayant de replier leur supérieur dans les meilleures conditions possibles. Leur sergent, car entre temps il s'était pris à assumer le commandement de ces hommes qui cherchaient désespérément une figure vers laquelle se tourner, s'était battu vaillamment et avait fait sa part. Il ne pouvait certes plus marcher, mais il se battait tout de même, malgré la douleur qui devait être insoutenable. Et surtout, il continuait à les inspirer. Toutefois, l'heure était au repli, ils le savaient, et pendant qu'ils résistaient, le sauveur du sergent l'emmenait progressivement à l'abri du gros des combats. Il s'appelait Henric, et le pauvre était une jeune recrue d'origine paysanne. Il avait raconté brièvement son parcours : engagé volontaire pour assurer la subsistance de ses parents qui travaillaient dans une ferme proche, il n'était ni belliqueux ni particulièrement désireux de tuer. Il voulait simplement défendre ceux qu'il aimait, et il se réjouissait de pouvoir patrouiller autour de Minas Tirith, pour veiller à la sécurité des marchands. Il n'aurait jamais imaginé vivre un tel carnage.

Lui qui avait dit en souriant tristement avoir toujours eu peur du sang en était couvert désormais, et il avait tué plus d'hommes en une seule nuit que bien des gens du Gondor en tueraient jamais dans toute leur vie. Il était devenu un « homme ». Quel exploit…

- Tenez bon, sergent, on va vous sortir de là.

Il y croyait sincèrement. Alors qu'il pensait pouvoir y arriver, ils aperçurent des Orientaux qui menaçaient de prendre à revers leurs compagnons et plus largement tous ceux qui défendaient ce secteur des remparts. Ils s'étaient imposés sur les murailles, et essayaient de faire jonction avec leurs compagnons qui poussaient de l'autre côté. La tenaille était sur le point de se refermer sur la section défendue par le Commandant et ses plus proches officiers, qui incarnaient toujours l'espoir pour beaucoup d'hommes. Ils n'eurent besoin que d'un regard pour se comprendre. Henric savait que ce sur ces murailles relativement étroites, il pourrait les retenir un peu, mais surtout il avait le temps d'alerter, de donner de la voix et de rassembler des soutiens dans son entreprise. Cela impliquait, cependant, d'abandonner pour un temps le sergent, de laisser son officier incapable de se déplacer au milieu d'un champ de bataille grouillant d'ennemis. Ils n'avaient pas vraiment le choix.

Henric se porta à la rencontre de ses ennemis, qui étaient fort heureusement peu nombreux, et les engagea férocement, luttant de toutes ses forces pour préserver les siens, qui continuaient de se battre derrière, inconscients du danger. La recrue bloqua un coup violent porté sur son bouclier, et riposta d'un coup de poing qui percuta la mâchoire de son adversaire, lequel partit à la renverse. Il n'était plus temps de faire usage de méthodes honorables, et il avait bien failli succomber dans les premières minutes d'engagement, surpris par la violence des Orientaux. Tout ce qu'il avait appris dans ses exercices ne lui servait plus guère qu'à donner une forme aux mouvements erratiques de son épée, et il remerciait plutôt les Valar de lui avoir fait le bras solide, car il était au bord de l'épuisement et pourtant il continuait à frapper avec la même hargne.

Joras, lui, n'avait pas la chance de pouvoir compter sur son corps, et sa blessure le clouait au sol. Toutefois, il ne pouvait pas rester inactif. Premièrement, parce que son sauveur se battait seul contre des ennemis toujours plus nombreux, et qu'il risquait de succomber à tout moment. Mais il y avait pire. Maintenant qu'il avait davantage de recul sur la situation, il pouvait voir que la Citadelle était sur le point d'être débordée, et que toujours aucun ordre n'avait été donné pour se replier au centre, et former un dernier carré héroïque. Peut-être les officiers étaient-ils morts, ou bien trop occupés à se battre pour réaliser la gravité de la situation. Enfin, et cela personne ne semblait en être conscient, les Orientaux étaient en train de défoncer la porte principale, qui leur permettrait d'envahir totalement la place-forte, et de mettre fin à la résistance acharnée des hommes du Gondor. Toutefois, il y avait un choix à faire : sauver Henric ou sauver l'ensemble des défenseurs.

Y avait-il seulement un bon choix ?

Y avait-il seulement un choix ?


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Evart Praven
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyDim 27 Déc 2015 - 0:35
~ Chevalier Klargus Praven, fils de Regan Praven de Delgas ~

Oscillant étrangement entre une sensation de vide et une douleur difficilement supportable, Klargus aurait largement préféré mourir tant ce sentiment étrange le hantait. Il sentait chacune des actions des médecins qui s’affairaient. Dans un moment de lucidité, il reconnut l'intérieur du châtelet. Ainsi ces hommes n'avaient pas pu mettre le feu au châtelet et ils étaient probablement morts maintenant. Petit à petit, le chevalier revenait à lui en constatant qu’il ne sentait plus rien en dessous de sa taille. Puis un grand homme fit son apparition. Celui-ci était sans conteste le chef, ne serait-ce qu’au regard de sa taille et de son attitude. De manière étrange, cette voix grave, très désagréable, parlait la langue commune de manière étonnamment propre. Malgré un langage soutenu, Klargus pouvait voir qu’il restait malgré tout une brute, loin des idéaux de chevalerie de la noblesse gondorienne. Ne sachant pas où il était et qu’ils étaient, il balbutia quelques questions :

Qui êtes-vous ? Prenant une petite pause, il continua. Pourquoi nous attaquez-vous ? Un râle lui prit la gorge et il continua. Que faites-vous ici et d’où venez-vous ?

L’esprit embué du jeune homme n’était pas tout à fait clair, il était traversé par des sensations contraires. Un instant, il suait à grosses gouttes puis, l’instant suivant, il grelottait. Malgré tout, il cherchait à comprendre ce qu’il s’était passé et pourquoi ils avaient subi cette redoutable attaque. Crachant du sang, il tenta d’écouter l’officier qui était venu le voir. Quelques minutes plus tard, il prit connaissance de la proposition du chef de guerre qui était tout bonnement inacceptable. En temps normal, Klargus aurait pu l’accepter si elle émanait d’un commandant respectable et honorable et s’il était lui-même en position de diriger mais tout allait à l’encontre de ça. Déjà tout indiqué le manque d’honneur des agresseurs et lui n’était qu’un officier en second ici. Ayant du mal à parler, le jeune homme balbutia :

- Je ne pourrais donner cet ordre. Prenant une inspiration, il continua : Vous n’êtes pas un homme d’honneur. Il prit une pause. Attaquer sans déclaration de guerre, ayez honte.

Crachant du sang, le chevalier avait fini sa diatribe. De toute façon, n’étant pas le commandant suprême de Cair Andros, il ne pouvait absolument pas prendre cette décision qui risquait de compromettre toute la défense de l’île. Tout ceci était tout simplement impossible et il s’y refusait catégoriquement …
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Thorseld Eodsen
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyVen 1 Jan 2016 - 18:39
Les combats redoublaient de violence en tous lieux et, malgré la fatigue et la mort qui décimaient leurs rangs, les gondoriens jetaient leurs dernières force dans la bataille dans un sursaut pour la survie.
Le commandant était de ceux-là. De ces ultimes combattants pour la subsistance et la vie, si maigre pût elle paraître désormais. Et il fallait bien reconnaître que l'apparition inespérée du commandant, si insignifiante fût-elle, avait contribué à redonner un peu de courage et d'envie à tous ceux qui guerroyaient en tous recoins de la Citadelle.

Du sommet du rempart où il avait été hissé par Henric, son jeune sauveur, Joras pouvait mesurer l'étendue du déséquilibre de la résistance que les hommes du Gondor offraient.
Les Orientaux les surpassaient en nombre -et de loin- et étaient parvenu à s'introduire jusque dans les derniers retranchements que pouvait offrir la citadelle à ceux qui la défendaient si bravement.

Comme soudain hypnotisé par le l'horizon, le ranger se surprit à laisser son esprit s'égarer dans la dérisoire contemplation du lointain depuis lequel il espérait encore sottement voir émerger les blancs étendards de Minas Tirith et de la délivrance…
Mais rien. RIEN. Seuls le néant obscur et la danse scintillante des torches par centaines encerclant la forteresse se complétaient pour lui interdire tout droit au rêve ou à l'espoir d'un sauvetage miraculeux.

La citadelle commençait à présent à être envahie par les Orientaux. De toutes parts émergeaient les silhouettes noires et menaçantes de ces assaillants assoiffés de sang. Comment pouvaient-ils ? Ils allaient… Nous serons bientôt pris en tenaille !, songea subitement Joras. Et le Commandant aussi ! Lui qui suscitait encore l'espoir ne pouvait périr si tôt ! Il en allait de leur survie à tous !

L'ennemi tentait de faire la jonction sur les remparts tels deux bras assassins tentant de se refermer sur la gorge d'une victime que l'on tente d'étouffer.

Sans réfléchir ni se concerter un instant, le valeureux Henric se précipita au devant des premiers Orientaux. Son réflexe avait été le bon et l'étroitesse du chemin de ronde pouvait permettre l'espoir à deux hommes seuls de retarder le moment où la tenaille se refermerait sur les défenseurs.

Le sergent était seul désormais. Henric, parti à l'avant l'avait laissé sur place comme l'inutile débris qu'il rageait d'être devenu. Cette maudite bestiole m'a anéanti !, tempêtait Joras en repensant au monstre qu'il avait pourtant réussi à abattre.

Il faut que je serve à quelque chose !, se morigénait le ranger. Il le faut coûte que coûte ! Je ne peux pas laisser le môme seul face à ces tarés ! Rhhaaa ! Si seulement j'avais un arc et des flèches !

Las ! Joras ne disposait plus que d'une épée bâtarde au tranchant émoussé par la mort dispensée à tour de bras ! Alors que le jeune soldat se battait comme un beau diable pour retarder l'inévitable, Joras cherchait désespérément un moyen de se rendre utile. – Vas-y Henric ! Explose-leur la tronche à ces fumiers ! Violemment frappé au visage par le jeunot, un oriental bascula dans le vide alors même que Joras tentait d'insuffler toute l'ardeur qu'il pouvait à son sauveur…

En l'observant chuter, Joras pouvait voir l'étendue des dégâts en contrebas. A ce rythme-là, les Orientaux auraient bientôt défoncé la porte principale et la place-forte serait totalement envahie…

Joras décida alors de donner l'alerte, quitte à délaisser le soutien visuel et vocal qu'il tentait d'apporter à Henric en le prévenant d'un coup qui venait de la droite ou d'un assaillant qui se relevait près de lui.

– Attention !, hurla-t-il, – La porte va bientôt céder ! Du monde à la porte ! Vite !, poursuivit-il de plus belle...
 
Joignant le geste à la parole, il planta férocement son épée dans la muraille à l'endroit où il avait aperçu une importante fissure dans le mortier reliant de grosses pierres blanches.

Après quelques efforts supplémentaires, la partie supérieure du créneau contre lequel il s'acharnait céda en crissant et un lourd bloc de pierre se descelle enfin du rebord de la muraille.

Joras reprit son souffle quelques instants et mobilisa toutes les forces de son buste pour balancer la lourde pierre par dessus le rebord crénelé du chemin de ronde et observa avec espoir le bloc de pierre choir sur la tête des orientaux qui grimpaient à l'assaut de la muraille.
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Forlong
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyLun 4 Jan 2016 - 23:12
Le géant s'approcha de Klargus, s'élevant comme une montagne au dessus du chevalier à moitié allongé. Ses joues étaient à présent teintées de rouge par la colère, et cette vue était aussi terrifiante que les tâches de sang gondorien qui recouvraient son épée.

-Honneur?! Vous osez parler d'honneur? Vous, qui êtes censés être les héritiers du roi Elessar, la richesse et la paix vous ont rendu corrompus et aveugles. Vous parlez de honte, mais même une mort honorable ne pourra laver la votre, celle d'avoir abandonné vos compatriotes, d'avoir fermé vos portes alors que nous appelions à l'aide!

-Drar.

Un seul mot, prononcé d'une voix calme par l'homme qui venait d'entrer dans la pièce. Il était svelte, et vêtu d'une veste en peau de bête plutôt bien taillée. Son teint était basané, et ses yeux brillaient comme deux émeraudes.

-Laisses-moi avec l'officier du Gondor. Il a besoin de comprendre. Et tes hommes ont besoin de toi au front. Vas, inspires les. Que le courage des hommes de Ouesternesse soit avec toi.

Drar était presque deux fois plus large que son interlocuteur et semblait capable de lui briser les côtes avec la force seule de ses bras, pourtant il inclina légèrement la tête avec respect, et quitta la pièce sans regarder le malheureux membre de la famille Praven.

Lorsqu'ils se retrouvèrent seuls, l'homme aux yeux verts s'approcha du blessé, et s'assied par terre en face de lui, les jambes croisés. Son regard était perçant; dépourvu de colère mais aussi de compassion. Il parla avec un accent fort bien que mélodieux:

-Quel est votre nom, chevalier du Gondor? Je suis Threvedir, et à deux reprises à présent j'ai traversé les terres désolées et maudites de Gorgoroth afin de redonner l'espoir à mon peuple. Au peuple d'Elessar. Vous croyez que le sang versé aujourd'hui est sur nos mains? Je pleure la mort de chacun de mes compatriotes qui a péri aujourd'hui, peu importe de quel côté de la barricade il combattait. Mais je n'ai pas choisi ce massacre. J'ai bravé les terreurs de Gorgoroth il y a plusieurs lunes, afin de demander de l'aide au Roi de tous les Hommes, et celle de votre Général Kart'o'ghân. Nous, descendants de la grande Marwen qui jadis guida le peuple des Quatre Fleuves en rébellion contre Sauron, n'avons pas abandonné nos alliés gondoriens lorsque le Sud et l'Orient se révoltèrent contre les héritiers d'Elessar. Nous avons payé le prix de notre loyauté, pris entre tenailles par les peaux-vertes, les esclavagistes et les guerriers de la reine du Nord. Pourtant le Gondor, riche et puissant, a refusé de nous venir en aide. Accueilli par la moquerie et l'incompréhension par vos généraux, j'ai du retourner auprès de mon peuple les mains vides. Alors je les ai guidé! Hommes et femmes, vieillards et enfants, guerriers et fermiers. Je les ai mené à travers le désert des cendres vers une nouvelle patrie. Et vous, guerriers du Gondor, nous avez barré la route. Refusant une fois de plus dans votre orgueil non seulement de nous venir en aide, mais même de nous laisser traverser le Grand Fleuve en paix! Il n'y a pas de retour possible pour mon peuple, chevalier. Nous marcherons vers l'avant, même si je laisserai couler une larme pour chaque goutte de sang versé inutilement. Alors dites-moi Sire. Allez-vous suivre aveuglement l'orgueil d'un général qui choisit de ne pas venir en aide à ses alliés, et condamner vos frères d'armes et les miens à mort?


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Ryad Assad
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyLun 11 Jan 2016 - 3:40
Un bloc de pierre solitaire gisait au bas de la muraille de la Citadelle. Sous lui, un cadavre, et un blessé dont la jambe avait été brutalement écrasée lors de la chute. Le malheureux ne retrouverait pas facilement l'usage de son membre blessé, et pour l'heure il pouvait se féliciter d'avoir succombé à la violence du choc. Inconscient, il l'était, et il le resterait suffisamment longtemps pour donner le temps à ses compagnons de le dégager. Par contre, quand il se réveillerait, il regretterait amèrement de ne pas être mort, tant la douleur fulgurante de ses os brisés lui rappellerait à quel point la vie dans ce monde était injuste et violente. Lui-même le savait bien, pour avoir déjà pris la vie de nombreux ennemis au cours de cette bataille. Quatre hommes du Gondor avaient succombé sous ses coups à la porte, dont deux qu'il avait tués de ses mains nues, privé de son arme restée bloquée dans le corps d'un troisième. Les autres avaient fui avant qu'il eût retrouvé celle-ci, et il s'était retrouvé frustré de ne pas pouvoir donner la chasse à ces couards en armure métalliques qui filaient devant leur progression. Cette pensée serait bien le cadet de ses soucis dans les années à venir, et il pouvait déjà se féliciter d'être en vie. Beaucoup, autour de lui, ne pouvaient pas en dire autant.

Il régnait un silence oppressant sur le champ de bataille. Un silence particulièrement désagréable. Ici ou là, on entendait le cri d'un blessé ou d'un mourant, mais il semblait que même si dix mille hommes s'étaient essayés à crier de toutes leurs forces, ils n'auraient pas pu déchirer le voile étouffant qui reprenait ses droits. Des silhouettes solitaires marchaient, enjambant les corps brisés de défenseurs jetés à bas des remparts, ou d'assaillants tombés pour ne plus se relever en essayant d'escalader les parois. Des flèches à pointe d'os, brisées pour la plupart, jonchaient le sol. Et du sang, toujours plus de sang. Les silhouettes avaient le nez baissé, et examinaient les corps, à la recherche de survivants. Parfois, ils en trouvaient un, et faisaient de grands gestes pour appeler des secours. On évacuait alors le malheureux – ou la malheureuse, car quelques femmes faisaient partie des miraculés que l'on arrachait presque à la tombe qui leur tendait les bras –, toujours dans un silence macabre qui paraissait surréaliste, après le déchaînement de violence qui avait agité la nuit. Le soleil pointait à l'horizon, et semblait découvrir peu à peu l'étendue du carnage. Des milliers de silhouettes se trouvaient encore sur la rive orientale de Cair Andros, n'ayant pas eu le temps de traverser. Rien ne les empêcherait, désormais. Si le pont central avait été abattu à temps par les hommes du Gondor, les deux autres étaient parfaitement utilisables, et une colonne ininterrompue se déversait dans la forteresse, prenant possession des lieux.

Du haut des remparts de la Citadelle, des hommes observaient tout cela, la main en visière. Avec une facilité déconcertante, ils faisaient abstraction des corps étendus auprès d'eux. Des Gondoriens, pour la plupart, dont le visage figé dans une expression de pure souffrance trahissait la fin tragique qu'ils avaient connus, au fil d'une lame ennemie. Leurs armures étincelantes étaient couvertes de poussière et de sang séché, ternies, éraflées. Allongés ainsi, face contre terre, ils n'étaient plus les redoutables soldats du plus puissant royaume des hommes. Ils n'étaient que des gamins fauchés trop tôt par la folie du pouvoir, arrachés à l'avenir qui leur tendait les bras et à une famille aimante. Combien de ces jeunes rêveurs laissaient derrière eux une veuve qui, quand elle apprendrait la nouvelle, fondrait en larmes en implorant les Valar de leur rendre leur époux ? Combien ne verraient jamais grandir leurs enfants, qui évolueraient dans ce monde cruel privés de la présence rassurante d'un père dont ils pourraient être fiers ? Combien de mères éplorées viendraient se lamenter sur la tombe que l'on érigerait en mémoire de ces braves combattants, tombés au combat contre une menace que personne n'avait vu venir ? Et pourquoi ? Pourquoi une telle violence ?

Par vanité ?

Par orgueil ?

A cause de l'orgueil du Gondor ?

Un souffle de vent, léger, balaya la Citadelle, charriant avec lui une odeur suffocante de mort et de désolation. Les soldats s'y étaient habitués, et ceux qui restaient dans la place-forte ne paraissaient pas particulièrement incommodés. Eux aussi avaient grandis. Ils avaient remporté leur première victoire, et ils étaient devenus des hommes. Les jeunes garçons idéalistes qui s'étaient approchés de la forteresse avaient vu leur lot d'horreurs, et ils étaient suffisamment endurcis, désormais, pour protéger leurs familles dignement. Cependant, même si leurs bras étaient forts, même si leur esprit était affûté et résolu, ils n'en demeuraient pas moins des hommes au cœur sensible. Beaucoup pleuraient silencieusement, conscients que cette victoire s'était payée avec le sang de leurs frères. Le peuple d'Elessar s'était entre-tué à cause de la folie d'un seul, et ils ne pouvaient se sentir heureux de ce qu'ils venaient de commettre. Ils avaient été contraints de perpétuer ce massacre, car les Gondoriens n'avaient pas voulu se rendre. Jusqu'au dernier, ils s'étaient battus, et dans la folie des combats personne n'avait entendu parler de reddition. On murmurait que certains avaient imploré, avaient supplié qu'on les laissât en vie quand leur Commandant était tombé. Ils n'avaient pas été écoutés, et les guerriers les avaient fauchés sans merci. Il n'y avait pas eu de pardon, pour la trahison du Gondor, et même si l'acte était horrible, il n'était rien en comparaison de l'infamie du Général. On pouvait pardonner à des hommes désespérés de se conduire de manière déraisonnable, mais on ne pouvait pas pardonner les actes du Général.

Il y eut un crissement, celui du métal sur la pierre. Des regards se tournèrent. Se détournèrent. C'étaient les armes que l'on ramassait. Les cadavres en étaient systématiquement dépouillés, de même que les baraquements étaient vidés de tout ce qui pouvait être utile : épées, lances, casques, mais aussi vivres, fers à chevaux, cordages. On récupérait tout, inventoriait tout avec une précision méticuleuse. Cair Andros était purement et simplement vidée. Les hommes pénétraient jusque dans l'intimité des soldats qu'ils venaient de passer par les armes, plongeant dans leurs effets personnels. Ils n'avaient guère d'intérêt pour les lettres qu'ils recevaient de leurs familles, et qu'ils gardaient précieusement dans un coin, lesquelles étaient jetées de côté, comme le reste. Ils n'étaient pas des monstres, et n'avaient pas d'intérêt à détruire ce qu'ils ne pouvaient pas réutiliser. Ils se contentaient simplement d'écarter de leur chemin les bibelots, les souvenirs et les cadeaux que les militaires recevaient. Le tout terminait en vrac, pêle-mêle sur le sol, à tel point qu'il devenait impossible de dire à qui avait appartenu quoi. Ce désordre était presque aussi insupportable à soutenir que si on avait fait brûler irrémédiablement tous ces effets.

Une silhouette marchait au milieu des cadavres, elle s'arrêta au pied d'un escalier, et se pencha vers le visage d'un jeune soldat, qui était tombé comme les autres. Dans son regard, on lisait une tristesse infinie qu'il emporterait avec lui, sans jamais pouvoir apaiser ses tourments. Son corps avait été percé par deux épées, qui avaient mis fin à son existence. Dans cette vie, il s'était appelé Henric, et il avait combattu de toutes ses forces pour ce qu'il croyait juste. Il avait lutté jusqu'à son dernier souffle, et avait fini au bas de ces escaliers froids et nus. Son nom glissait d'ailleurs déjà dans l'oubli. Nul n'avait survécu au carnage de la Citadelle. Nul n'avait eu la vie sauve lors de cet affrontement aussi terrible que cruel, acte pathétique d'une tragédie mal écrite. Où étaient les héros ? Où étaient les méchants ? De quel côté de la barrière se trouvait le Bien, le Mal ? Tout cela avait-il un sens ? Pas certain.

Des vies éteintes aussi simplement qu'on éteint une bougie. Des histoires auxquelles on avait mis un point final, avant de refermer le livre. Les braves qui avaient donné leur vie n'étaient plus. Les combats continuaient encore au Bastion, chuchotait-on. Les Gondoriens étaient retranchés, et refusaient encore de se rendre. Mais à quoi bon ? A quoi bon lutter ? Que restait-il encore à défendre ?

Cair Andros était déjà prise…


__________

HRP : Voilà Thorseld, ton personnage aura lutté jusqu'au bout, mais malheureusement la fin était écrite Wink. Je te laisse poster pour détailler comment s'est achevée sa lutte : tu as le droit de lui donner la fin qu'il te plaît, c'est le minimum ^^. Quant aux autres, n'hésitez pas à poster si vous voulez subir le même sort !

Amitiés New Yorkaises !


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Mardil
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyDim 31 Jan 2016 - 19:05
HRP : Un immense désolé pour ce retard innaceptable que je vais essayer de combler ces prochains jours^^

Vern tentait d’apercevoir en vain la gravité de sa blessure dans la nuit noire. La seule chose qu’il aurait voulu pour le moment était de s’allonger dans un lit confortable et une potion contre la douleur. Cependant, il savait qu’il était très peu probable qu’il obtienne l’une ou l’autre de ces choses dans un avenir immédiat… si tant est qu’il lui restât un avenir. L’arrivée de l’officier leur annonçant que l’île était désormais perdue ne fît que le conforter dans son pessimisme de circonstance, celui-ci n’étant en rien arrangé par la douleur qui allait et refluait sans cesse dans tout son membre.

Vern avait une certaine expérience de ce genre de situation et la vérité lui sautait aux yeux : il était maintenant un poids mort, un fardeau pour ses compagnons d’armes. La meilleure chose qu’il leur restait à faire était de le laisser ici et d’essayer de quitter Cair Andros au plus vite. Et pourtant, il ne pouvait se résoudre à leur proposer cette solution (bien qu’il ne pensât pas une seconde que ses frères d’armes ne l’abandonneraient à son sort). Au fond de lui, il refusait d’admettre l’odieuse vérité : il ne verrait plus jamais le soleil se lever. Il voulait vivre encore un peu, pas seulement pour voir une nouvelle aube mais car il était inacceptable que son chemin se terminât en cet instant.

Il fût interrompu dans ces sombres pensées par une attaque soudaine de leurs ennemis. Ils ne pouvaient rien faire de mieux que d’essayer de se mettre autant à couvert que possible (ce qui s’avérait une tâche hautement improbable). Vern faisait de son mieux pour ramper grâce à l’aide de l’un de ses frères mais chaque mouvement lui arrachait une grimace de douleur et des gémissements étouffés. Il était inconcevable qu’il puisse faire plus de quelques dizaines de mètres dans ces conditions.

C’est alors que la proposition de leurs assaillants leur parvînt à travers la nuit noire. Vern ne savait pas s’il était possible de faire confiance à ses hommes venus de nulle part afin de les massacrer sans la moindre raison. Cependant, il était épuisé et dans l’incapacité totale de combattre. En cet instant, cette proposition sonnait agréablement à son oreille. Et si cela était une erreur et qu’ils se débarrassent d’eux sans la moindre hésitation, cela ne ferait pas une grande différence. Leurs chances de survie s’ils s’obstinaient à vouloir continuer le combat étaient quasi-nulles de toute façon.

Vern se tourna instinctivement vers son capitaine. La décision viendrait de lui mais il savait que ce dernier leur laisserait une chance de donner leur avis. Il n’était pas de ces gradés désireux d’envoyer à une mort certaine et inutile de surcroit ses propres hommes. C’est pourquoi le ranger ne fût pas surpris du discours que ce dernier leur tînt. Il s’apprêtait d’ailleurs à abonder dans son sens mais Valmar prît la parole avant lui.

Son petit discours eût un certain effet sur le petit nombre d’hommes rassemblés autour de lui. Vern lui-même sentît son courage s’élever de nouveau. Mourir pour les idéaux du Gondor ? Pouvait-il y avoir une plus noble fin que celle-ci ? Ce sursaut patriotique fût pourtant de courte durée, mis à mal par une nouvelle pointe de douleur dans sa cuisse. Un suicide, voilà ce que proposait Valmar. Vern ne voulait pas mourir dans ces conditions. Il aurait accepté sa fin si celle-ci s’était révéler utile (il ne voulait pas admettre à lui-même que le terme exact qu’il recherchait était héroïque).

Il n’eût pas le temps de chercher les mots qu’il voulait employer afin de marquer son désaccord. Le visage du capitaine des rangers s’était figé dans une expression de dégoût qu’il ne cherchait même pas à dissimuler à Valmar. Il s’approcha de ce dernier et lui décocha un magistral coup de poing en plein visage. Le capitaine Valmar s’effondra en arrière et ne se releva pas. Le coup avait été suffisamment puissant pour le plonger dans l’inconscience. Le capitaine des rangers ne prît pas la peine d’expliquer son geste mais plusieurs de ses hommes hochèrent la tête en silence. Il se tourna ensuite vers leurs adversaires invisibles et sortît de son mutisme :

- Nous acceptons vos conditions et déposons les armes si vous me donnez votre parole qu’aucun mal ne sera fait à mes hommes.
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Thorseld Eodsen
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyLun 8 Fév 2016 - 13:09
[HRP : Voilà donc mon dernier post ! La mort de Joras. J'avais fini par m'attacher à lui !^^
MERCI à tous et surtout à toi, Ryad, pour cet excellent MJtage d'event ! J'ai pris beaucoup de plaisir à y participer !]



Le bloc de pierre décroché de la muraille crénelée et balancé en contrebas pas le Rangers avait attrapé un assaillant dans sa chute. Un de moins !, pensa alors Joras malgré l’aspect dérisoire de son décompte. Bientôt ils seraient tous morts et Cair Andros serait prise. Mais il ne serait pas dit que les défenseurs n’auraient pas opposé la plus héroïque des défenses à cette armée dix fois supérieure en nombre.

La chute de la pierre sur l’oriental avait par contre attiré l’attention de ses congénères vers l’auteur de cette attaque inattendue. Et en observant plusieurs orientaux se pencher sur le cadavre du combattant écrasé par le bloc de muraille avant de lever le nez vers sa position, Joras pensa un peu tard qu’il venait là de signer son arrêt de mort pour les toutes prochaines minutes… Mais hélas, qu’aurait-il pu faire d’autre ? Il était complètement diminué, à moitié paralysé et ne pouvait désormais plus se déplacer un tant soit peu que par l’entremise d’une âme charitable que charrier un infirme ne rebutait pas. A quelques mètres de là, l’âme charitable en question venait de succomber sous le nombre des attaquants qui tentaient de prendre possession des remparts.

Un dernier coup d’œil en contrebas permit au ranger de constater qu’une poignée de sauvage se lançait dans l’ascension de l’escalier de pierre qui menait à lui pour venir grossir les rangs de ceux qui étaient déjà là-haut et qui avait eu la peau de ce brave Henric. Quelle dérision ! Une dizaine d’orientaux assoiffés de sang et armés jusqu’aux dents face à un soldat infirme et paralysé des membres inférieurs ! C’était trop drôle !

Les orientaux foncèrent sur la loque que Joras représentait encore. Le premier d’entre eux s’écroula avec la lame du ranger en pleine gorge. Joras n’avait plus de jambes mais il savait encore lancer ! Sauf qu’à présent il n’avait plus rien sous la main… Les autres arrivèrent et, un durant un instant Joras pensa qu’il serait peut-être mieux de se jeter dans le vide afin de ne pas leur donner la satisfaction de pouvoir l’embrocher. Un bras épuisé tenta de le faire se hisser entre deux créneaux de pierre mais, que ce soit par manque de force ou d’envie, il ne parvint pas à achever sa pitoyable tentative.

La dernière chose à laquelle il pensa fut qu’il regarderait bien la mort en face. Il voulut se retourner vers les orientaux qu’il sentait maintenant juste dans son dos mais n’eut pas l’occasion d’achever son mouvement.
Une douleur sourde et brutale le heurta entre les épaules et il crut sentir une lame se frayer un chemin entre ses omoplates. Cela ne dura qu’une fraction de seconde car il eut soudain très froid et vit le ténèbres étrécir son champ de vision puis brouiller sa vue où le pourpre et le noir se disputaient déjà la fin de l’histoire.

Et puis ce fut le néant.
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Evart Praven
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyMar 16 Fév 2016 - 23:37
Chevalier Klargus Praven, fils de Regan Praven de Delgas

Alors que le chef de guerre barbare semblait au point de l’étriper, Klargus se redressa un peu au fond de ce qui lui tenait de lit. Fort heureusement, un homme coupa court à toute discussion. Le guerrier Drar semblait respecter profondément cet homme qui n’était pas si grand, ni impressionnant. De manière étonnante, cet homme avait de grands yeux verts dénués de toute expression. Se présentant, Klargus commença :

- Messire Klargus Praven de Delgas pour vous servir.

Ecoutant attentivement les mots de l’homme, le jeune chevalier vécut cela comme une sorte de profonde résignation. Il était dommage qu’un tel massacre soit simplement dû à une incompétence. Le général ne semblait pas en avoir retiré de bonnes manières de sa noble ascendance. N’importe quel petit hobereau de campagne ou ridicule commis de ministère n’aurait pas commis cette erreur. L’homme en face de lui ne semblait pas être non plus un homme du monde. D’une voix lasse sans vraiment d’émotions, il lui dit :

- Je vous concède que la situation est douloureuse pour nous tous. Je ne peux toujours choisir de dire à mes hommes de se rendre, cette décision ne peut appartenir qu’à notre chef à Cair Andros et ce n’est pas moi. J’espère que vous comprenez.

Il est si triste que tout ce massacre soit dû à cela. Vous ne connaissez pas assez nos coutumes, hélas. Cependant vous avez traversé tout le Mordor, les terres de Gorgoroth avec femmes, enfants et vieillards, êtes venus jusqu’ici seulement pour échapper aux attaques de vos voisins ? C’est donc la seule chose qui vous a poussé jusqu’aux portes du Gondor ? Que fuyiez-vous ? Je ne veux pas diminuer vos souffrances mais si ce n’est que ça, je serais un peu étonné, messire.

Où comptez-vous aller par la suite ? Vous ne pourrez pas prendre Minas Tirith et, si j’ai bien compris, vous ne souhaitez pas verser de sang inutilement. Piller et massacrer Osgiliath et Pelargir ne doit donc avoir aucun intérêt pour vous. Vous espérez désormais négocier avec le Roi ? Vous voulez partir plus loin ? N’est-ce pas une fuite en avant vers bien d’autres déboires ? Qu’espérez trouver ici après pareil massacre ?


Les questions se brouillaient dans la tête du jeune chevalier. Il sentait la vie doucement sortir de son corps. Peut-être pourrait-il comprendre cette nuit d’enfer quelques minutes avant sa mort. Ce serait déjà ça de pris, quitte à mourir, autant ne pas mourir tout à fait pour rien.
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptySam 20 Fév 2016 - 3:26
L'homme aux yeux verts resta impassible face aux paroles de Klargus Praven. Il dit, en le regardant dans les yeux:

-Sir Klargus Praven -le nom du chevalier fut prononcé avec un accent lourd-Connaissez vous l'histoire du Roi et de l'Aveugle?

Voyant l'incompréhension dans le regard de l'officier, il continua:

-C'est l'histoire d'un ancien Roi des Hommes. Il avait en lui la force et le courage des Premiers Hommes, la sagesse des Premiers-Nés et les étoiles brillaient dans son regard. Dans ces temps lointains, les souverains ne restaient pas dans leurs palais tels des oiseaux dans des cages dorés. Ils vivaient parmi leur peuple afin de le soutenir dans sa misère. Ce jour là, le Roi se promenait dans la grande forêt, parsemée des villages de son peuple. Il vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Un des compagnons du Roi dit alors: «Seigneur, voyez-cet homme. Quel est son destin, pourquoi les Dieux l'envoient-ils sur terre? Que peut-il accomplir s'il ne voit pas?». Le Roi répondit: «Crois-tu que seuls ceux privés de vue sont aveugles? Beaucoup d'hommes vivent dans les ténèbres, et bien d'autres vivent jusqu'à la fin de leurs jours sans accomplir rien d'honorable. La nuit est tombée sur les terres des Hommes, et l'on m'a donné le don de la Lumière des Arbres des Terres Immortelles pour les éclairer». Le Roi s'approcha alors de l'homme aveugle, et posa une main sur son épaule. Des larmes coulèrent le long de sa joue, car son coeur saignait pour ceux qui ne pouvaient voir la lumière des étoiles. Il se pencha sur le sol, irrigué par ses larmes, et prit une poignée de terre humide. Puis il appliqua la terre sur les yeux de l'aveugle, et lui dit: «Va, et lave-toi dans les eaux de l'Anduin qui se déversent dans la grande mer. Va, et ouvre les yeux, car la vie des hommes est courte, et suffit à peine pour contempler la beauté de ce monde». L'aveugle plongea la tête dans les eaux du fleuve, et lorsqu'il en sortit, il pleura à son tour, car il vit pour la première fois la lumière des étoiles. Il ne quitta plus jamais les côtés du Roi, et accomplit des actes de courage qui restèrent longtemps gravés dans la mémoire des Hommes, car il sortit des ténèbres, et ne regarda plus jamais en arrière.


Threvedir se tut pendant un long moment, en observant le visage de Klargus Praven, et en lui laissant le temps de réfléchir à ce qu'il venait d'entendre. Il finit par rajouter:

-Ce massacre dont vous parlez, les événements d'aujourd'hui. C'est du pain quotidien pour nous, sur les terres desquelles nous venons. Aujourd'hui, des guerriers sont morts. Inutilement sans doute. Mais de l'autre côté de Gorgoroth, ce sont des femmes et des enfants qui meurent jour après jour. Tués par des orcs, enlevés et vendus par des esclavagistes. Où comptons-nous aller? Vers l'avant. Vers l'avant, car rester en place signifie mourir. Avancer c'est espérer. Espérer, c'est vivre.

Vous parlez de tristesse, de douleur. Mais ce ne sont que des mots que vous prononcez sans comprendre. Vous, comme beaucoup d'hommes du Gondor, êtes aveugle. Vous vivez dans les ténèbres sans le savoir, et le Roi n'est pas parmi vous pour vous ouvrir les yeux.


Threvedir se releva avec agilité, et frappa dans les mains. Trois hommes entrèrent dans la pièce. Deux avaient une apparence assez typique de ce peuple étrange, ils étaient barbus et vêtus d'armures légères atypiques. Le troisième...le troisième était complètement différent, s'il s'agissait bien d'un homme...une silhouette revêtue de la tête aux pieds de vêtements épais en cuir. Aucune partie de son corps n'était visible, car il ou elle portait des gants ainsi qu'un masque étrange imitant le museau d'une bête, cachant son visage et l'intégralité de sa tête. Même les yeux du personnage n'étaient pas visibles, car les trous dans le masque étaient recouverts d'une maille très fine.

L'homme aux cheveux verts s'adressa aux deux gardes:

-Emmenez le chevalier, mettez-le avec les autres...il prétend être incapable de nous aider.


Les deux hommes forcèrent le prisonnier à s'allonger sur un brancard provisoire, et l’emmenèrent vers la sortie. Avant de quitter la pièce, Klargus put entendre Threvedir s'adresser au personnage masqué:

-Nous aurons besoins de tes services pour en finir...


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Ryad Assad
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyVen 26 Fév 2016 - 7:39
Les cors de guerre avaient cessé de résonner dans la forteresse. Cair Andros était tombée, et l'heure n'était plus à l'appel aux armes, mais bien aux préparatifs qui ne rendraient pas cette bataille désolante absolument vaine. Les guerriers exténués, du moins ceux qui avaient été relativement épargnés, profitaient d'un repos bien mérité après avoir bataillé sans relâche. Ils savouraient intérieurement le fait d'avoir survécu à cette intense nuit de combats, essayant de ne pas céder à la culpabilité et à l'anéantissement. En effet, tous n'avaient pas eu la même chance, hélas. Quelques uns pleuraient en silence la disparition d'un être cher, un frère ou un ami fauché par la violence et la stupidité des hommes du Gondor. Pourquoi avait-il fallu qu'ils refusassent d'ouvrir les portes de l'île-forteresse à leurs frères qui leur demandaient asile, assistance et protection ?

A Cair Andros, nul ne célébrait la victoire. Nulle danse, nulle musique, nul chant joyeux entonné pour commémorer cet épisode glorieux. En aucun cas les braves qui avaient chargé parmi les premiers, animés par la fureur du juste, n'avaient envie de ripailler après un tel carnage. Ils avaient fait ce qu'ils devaient faire pour enlever la Citadelle des mains de ses défenseurs, lesquels étaient morts jusqu'au dernier pour la défendre. Pour quelques pierres, ils s'étaient entre-déchirés de la plus horrible des manières. Les colonnes de familles, de vieillards, d'enfants, d'estropiés et de malades qui prenaient abri sur l'île afin de se prémunir contre d'éventuels dangers n'avaient pas davantage envie de succomber à une joie malvenue. Tous étaient conscients de l'immense sacrifice que leur avait coûté cette bataille, et la cicatrice de cette nuit resterait gravée en eux à jamais.

Ils n'avaient pas eu le choix, cependant. Derrière eux, la plaine s'ouvrait immense, et ils pressaient le pas pour prendre position sur l'île et l'abri qu'elle représentait. Le soleil qui se levait loin à l'Est, rouge pâle, jetait les ombres menaçantes des gigantesques pics du Mordor jusqu'à leurs pieds. Les dangers de ces terres impitoyables étaient derrière eux désormais… mais qui pouvait savoir à quelle distance ?

Les premiers arrivés avaient déjà déployé des tentes de fortune qui, serrées les unes contre les autres, fleurissaient de toutes parts. La colonisation de l'île prenait forme, et le peuple innombrable entendait entrer tout entier sur cette bande de terre en forme de navire. Des femmes avaient déjà allumé de grands feux, que les hommes alimentaient en pillant les ressources en bois de la Citadelle. Pareils à une nuée de sauterelles, les conquérants dévoraient tout ce qu'ils trouvaient, sans rien laisser derrière eux.

Il n'était pas rare de voir des individus isolés arpenter le champ de bataille silencieux, et se pencher vers les cadavres encore chauds avec parfois un couteau à la main. Peut-être était-il préférable de ne pas savoir ce qu'ils faisaient des victimes déjà dépouillées de tout ce qui avait de la valeur depuis longtemps. Nécessité faisait loi, mais même dans ces moments douloureux les traditions perduraient. Peu de mots étaient échangés entre ces gens à la peau de charbon. Les terres du Mordor leur collaient à la peau, littéralement, et ils étaient souvent sales de cette poussière crasseuse dont les vastes plaines de Gorgoroth étaient couvertes. Elle était comme incrustée dans le grain de leur épiderme qui n'avait rien de doux ou de velouté, et il semblait que ce peuple était le plus misérable de la Terre du Milieu. Leur organisation était incroyable toutefois, et ils travaillaient avec efficacité, chacun connaissant son rôle à la perfection. Du plus âgé au plus jeune, nul ne rechignait à la tâche, et leurs dos voûtés montraient qu'ils vivaient ainsi depuis de nombreux siècles.

Soudain, rompant la quiétude de l'aube, la plainte déchirante d'un cor se fit entendre. Chacun tourna son regard vers ce pic de ténèbres qui se dressait encore, inexpugnable. Cair Andros était tombée, certes, mais la bataille pour son contrôle était encore loin d'être achevée.


~ ~ ~ ~


- Repliez-vous ! On se replie !

Les assaillants marquèrent le pas et rompirent l'assaut, abandonnant derrière eux les corps d'une quinzaine des leurs. Quinze de plus. Ils reculèrent prudemment en brandissant leurs boucliers devant eux, et se placèrent hors de portée des Gondoriens qui continuaient à lutter farouchement pour leur vie. Leur résistance était louable. Celui qui avait donné l'ordre de cesser le combat observa de nouveau cette porte qui lui résistait depuis si longtemps. Contrairement aux hommes qu'il commandait, ce n'était pas de la lassitude que l'on voyait au fond de son regard, mais bien une profonde rage.

- Cela ne sert à rien ! Tempêta-t-il. Cela ne sert à rien, et nous courons au massacre si nous continuons ainsi !

Il avait certainement raison, mais l'entendre de sa bouche mina le moral des moins téméraires. Leur avantage s'était transformé en inconvénient, et ils ne pouvaient que constater leur impuissance. Les représentant de ce clan formaient une masse compacte, quoique manquant sans doute de la discipline des bataillons sur-entraînés du Gondor. Ils avaient pour eux le nombre et sans doute la chance d'être en meilleure forme, mais s'ils avaient su forcer le verrou que représentaient les trois ponts de Cair Andros, leur écrasante supériorité numérique ne leur servait absolument à rien au Bastion. L'enlever n'aurait pourtant posé aucun problème à une armée de métier, mais les fermiers et les tanneurs n'étaient pas des soldats. Ils n'avaient pas pour eux l'équipement ou la science suffisante pour percer la défense acharnée de la dernière poche de résistance de l'île.

Les hommes ne cédaient pas encore au désespoir, mais ils commençaient à perdre la motivation qui les avait menée jusqu'ici. En ce qui les concernait, l'île était prise, et ils ne voyaient aucun intérêt à sacrifier leur vie pour ôter celle de leurs frères du Gondor, alors que ceux-ci étaient condamnés à assister impuissants à l'invasion. Ils ne souhaitaient pas sortir ? Eh bien ils n'avaient qu'à rester où ils étaient, et à profiter du spectacle. En plus d'être des traîtres, ils étaient des lâches. Cela ne surprenait pas les assaillants.

- Laissons ces misérables tomber en déliquescence derrière ces portes ! Cria l'un d'eux.

Il y eut quelques hochements de tête, et on reprit sa proposition avec force dans les rangs. Les guerriers s'efforçaient toutefois de parler suffisamment bas pour que les Gondoriens n'entendissent pas de quoi ils discutaient : ils n'auraient pas voulu qu'ils sussent que l'inquiétude les gagnait. Ils ne leur feraient pas ce plaisir.

- Oui, renchérit un autre, barrons-leur toute sortie de sorte qu'ils ne représentent plus une menace pour nous !

Cet appel recueillit l'adhésion du plus grand nombre, sauf celle de leur commandant qui éleva la voix pour se faire entendre. C'était un homme respecté, et il ne mit que quelques secondes à faire le silence :

- Non, répéta-t-il. Nous ne pouvons simplement les laisser tenir ce bastion. Voyez-vous ces machines de mort qui ont fauché tant des nôtres aux portes ? Qui peut affirmer qu'ils n'en détiennent pas d'autres, prêtes à l'emploi, juchées sur cette saillie rocheuse ? Nos familles, mes frères, risquent de constituer leurs prochaines cibles. Voudriez-vous voir une de leurs grandes flèches s'abattre au milieu de nos pères, de nos fils et de nos femmes ?

Il avait rassemblé ses soldats autour de lui, et alors qu'il se lançait dans sa tirade, il tournait sur lui-même pour les regarder tour à tour, pour conquérir leur cœur autant que leur raison. Il leur posait une main sur l'épaule, les forçait à observer ses yeux pour voir qu'il disait la vérité. Conscients qu'il avait raison, honteux d'avoir pu oublier pour un temps ceux pour qui ils se battaient, beaucoup baissaient la tête, mais il les relevait à chaque fois :

- Je comprends votre fatigue, je comprends votre peur. Ne cédons pas à la tentation d'abandonner, mes frères, alors que derrière ces portes chaque minute d'accalmie les renforce.

- Mais comment franchir leurs défenses ? Leurs arcs sont demeurés silencieux, mais leurs épéistes et leurs lanciers ont pour l'heure repoussé chacune de nos tentatives. Ne pouvons-nous pas appeler les trois sœurs ? Leur puissante magie serait sans doute suffisante pour éteindre ce foyer de résistance.

Il y eut quelques murmures. La proposition était audacieuse, mais elle était intéressante, et surtout elle pouvait fonctionner. Les hommes du Gondor avaient oublié les enseignements du passé, ils avaient oublié d'où ils venaient. Ils ne pensaient plus qu'en termes de rouages et de mécanique. Ils érigeaient de grandes cités, construisaient de grands navires, et commerçaient sur de longues distances. Leur esprit était tourné vers l'or, et l'argent, vers le fer et l'acier. Ils n'étaient que métal. Le commandant secoua la tête négativement, toutefois, et ses hommes parurent déçus :

- Aucune des trois n'est présente à Kheran Drauss, hélas. Quand les fils du Gondor ont décidé de nous refuser leur aide, j'étais présent auprès des chefs. Leurs ordres ont été clairs, et elles ont eu pour consigne de tenir notre flanc-garde. Cependant je crois que ceux de Threvedir ont marché au combat avec leur ensorceleur.

Il ne fut pas nécessaire de donner davantage d'explications. Chacun voyait très bien de qui il s'agissait, et cela n'augurait rien de bon pour les défenseurs du Bastion. Un malaise particulièrement perceptible se déposa tel un voile sur les assaillants, qui paraissaient réprouver l'idée dans un sens, tout en ayant envie de l'accepter pour pouvoir en finir rapidement.

- Est-ce là bien raisonnable ? Je veux dire, les hommes du Gondor ne méritent peut-être pas …

Il ne termina jamais sa phrase. Le commandant le coupa d'une voix ferme, avec une autorité qui ramena ses troupes dans le rang. Sèchement, il rétorqua :

- Nous leur avions offert de se rendre. Ils n'auraient jamais dû refuser…


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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyVen 1 Avr 2016 - 1:37
- Allez chercher les trois sœurs, je vous en supplie ! Vite !

Son appel fut emporté dans un cri de douleur, alors que ses mains se refermaient brutalement sur le drap blanc où elle était étendue. Une silhouette s'empressa de quitter la petite tente de fortune. C'était Mille, dont l'apparition fit reculer les hommes qui se tenaient près de la tente, arme au poing. Elle leur jeta un regard agacé, mais elle comprenait leur réaction. Après tout la toile n'arrêtait pas les plaintes, et après avoir vu tant d'horreurs au cœur des combats, entendre des hurlements n'était pas pour les rassurer. L'un d'entre eux vint pour lui demander des nouvelles, mais elle l'écarta d'un bras et fila à toutes jambes vers le Sud de l'île. Ses pas étaient lestes, et sa jeunesse la rendait vive et alerte. Elle n'avait pas fermé l'œil depuis une éternité, et le soleil qui se levait lui brûlait la rétine, mais elle faisait de son mieux pour ne pas se prendre les pieds dans une racine ou sur un cadavre allongé malencontreusement. Elle croisa un grand nombre de gens de son peuple, qui continuaient à affluer. La plupart avait pris position sur l'île désormais, mais il restait encore des guerriers qui assuraient la sécurité, et il fallait trouver à accommoder tout le monde, ce qui prenait encore plus de temps que de faire franchir aux vieillards les portes de Ker Androz.

- Poussez-vous ! Cria-t-elle à un groupe de soldats qui discutaient au milieu du chemin. Ils s'écartèrent prestement de sa route, et lui lancèrent en retour :

- Où courez-vous comme cela ?

- Je cherche les trois sœurs !

L'un d'entre eux fut assez rapide pour lui attraper le bras au passage. Elle essaya de se dégager, commençant à lui expliquer que c'était une question de la plus haute importante, mais il tendit la main pour l'apaiser et glissa :

- Elles ont quitté notre flanc-garde, elles sont auprès des chefs : ils discutent dans la Citadelle. Par là.

Mille s'en voulut d'avoir réagi avec tant de brusquerie. Elle posa une main sur l'épaule du guerrier, et le remercia chaleureusement avant de bifurquer et de courir encore plus rapidement vers la Citadelle. Les hommes la regardèrent filer, suivant sa silhouette jusqu'à ce qu'elle disparût au loin. La jeune femme arriva bientôt devant les portes de la Citadelle, lesquelles étaient soigneusement gardées. On l'arrêta une nouvelle fois, mais elle était trop près du but pour se laisser distraire par des hommes zélés qui voulaient lui barrer la route.

- Je dois passer, c'est très urgent !

- Bien entendu, mademoiselle… Nous n'avions nulle intention de vous barrer la route. Toutefois, la Citadelle n'a pas encore été réhabilitée, et les traces du combat sont encore visibles. Je doute que vous souhaitiez passer par là.

Elle fronça les sourcils, sans trop comprendre :

- Je cherche les trois sœurs, elles sont bien ici ?

- Oui, mais…

- Alors c'est là que je me rends.

Elle ne leur donna pas davantage de temps, et se glissa entre eux. Ils ne posèrent pas la main sur elle pour la retenir, et la laissèrent passer avec sur le visage une expression indéchiffrable. Ils étaient admiratifs de son courage, mais ils se rendaient aussi compte qu'elle ne mesurait pas la violence qui avait déchaîné ses passions au cœur de la Citadelle. Ses yeux innocents allaient se poser sur un spectacle terrible, et elle n'était sans doute pas prête à affronter une telle ignominie. Mille ne l'était pas, en effet. En pénétrant dans la Citadelle, la première chose qu'elle remarqua fut l'odeur répugnante qui lui monta aux narines, et la força à mettre sa manche sur son nez pour ne pas suffoquer. Elle avait déjà senti la mort, mais jamais avec une telle intensité. Elle fit deux pas en avant, et posa les yeux sur un carnage sans nom. Des dizaines de cadavres étaient empilés sans grâce, les yeux vides et révulsés, dont certains la regardaient bizarrement. Bien d'autres jonchaient encore le sol, attendant d'être débarrassés par les infortunés qui avaient la charge de les hisser dans une charrette pour désencombrer la voie.

La jeune femme frémit d'horreur. Elle avait entendu dire que les combats avaient été particulièrement violents ici, mais elle était loin d'imaginer à quel point. Hélas pour elle, elle devait traverser cet enfer pour rejoindre les chefs. Elle était incapable, cependant, de détourner les yeux du carnage. Ces regards morts l'obsédaient, et elle sentit une nausée l'envahir. Elle allait vomir !

- Mademoiselle ? Tout va bien, tout va bien.

Elle se retourna : c'était le garde de la porte. Il était entré à sa suite, pressentant qu'elle aurait besoin d'un peu de soutien. Il ne s'était pas trompé. Galamment, il la prit par les épaules et elle se blottit contre lui pour ne pas voir l'atrocité du spectacle. Cela n'enlevait rien à l'horreur de la situation, mais ne pas la voir la rendait supportable.

- Avez-vous combattu ici ? Demanda-t-elle.

- Oui.

Il n'ajouta rien. Cela n'aurait pas été utile. Elle conçut toutefois un respect nouveau pour ces hommes qui avaient enlevé la forteresse au péril de leur vie. Ils avaient littéralement marché dans la boue et le sang pour protéger leurs familles et leur peuple. Ce qu'ils avaient vu ici les marquerait à jamais. Le garde l'abandonna au pied d'un bâtiment à l'écart, non sans ordonner aux hommes qui le gardaient de la laisser passer. L'édifice devait être une écurie à en juger par les selles et la paille que l'on voyait ici ou là. C'étaient là que les chefs s'étaient réunis pour discuter de la suite, ce qui attestait de l'état de leur situation. Ils n'avaient pas d'endroit plus digne que des écuries pour accueillir la réunion de leurs plus éminents représentants. Mille remonta une allée plongée dans la pénombre, et rejoignit un box aménagé où il y avait de la lumière. Elle y entra avec simplicité, inclinant le buste devant ses chefs. Ils étaient en grand nombre, à tel point que certains étaient assis à même le sol quand d'autres se tenaient debout au fond. Tous n'étaient pas de la même importance, bien entendu. Alaric, Threvedir ou encore Kaara se trouvaient au centre, discutant de la suite des événements. L'arrivée de Mille jeta le silence sur l'assemblée, et tous les regards se tournèrent vers elle, l'écrasant de leur poids combiné.

- Que veux-tu, ma fille ? Demanda Kaara de sa voix chaleureuse.

- Noble Kaara, je suis ici pour parler aux trois sœurs. Leur présence est requise.

L'assistance se retourna silencieusement vers les trois intéressées. Elles étaient au fond de la pièce, adossées à un mur, leurs sombres silhouettes aux visages masqués projetant des ombres inquiétantes autour d'elle. Sans un mot, elles s'avancèrent, et chacun s'écarta prudemment de leur chemin, sans oser les effleurer. Ce n'était pas véritablement de la crainte, plutôt une forme de respect et de révérence. Ces femmes étaient sacrées. Elles ne prononcèrent pas une seule parole, mais leur gestuelle était claire, et elles firent signe à Mille de les guider. L'assemblée les laissa partir, et poursuivit ses débats. Les quatre femmes retournèrent donc auprès de la tente, traversant la forteresse en marchant d'un bon pas. Personne n'osa les arrêter, cette fois.

Même autour de la tente, les hommes rassemblés reculèrent prudemment en voyant les trois sœurs arriver, et beaucoup baissèrent la tête respectueusement devant elles. Elles n'adressèrent pas le moindre regard à quiconque, se contentant de suivre Mille à l'intérieur, où elles découvrirent une femme en plein travail. D'autres femmes étaient là, occupées à l'apaiser et à préparer tout ce qui serait nécessaire à la prise en charge du bébé à naître. Toutefois, l'accouchement semblait mal se passer, et les trois sœurs étaient là pour essayer de sauver et la mère et l'enfant. Elles ne firent aucun commentaire, et se contentèrent de prendre la place des accoucheuses qui s'écartèrent devant elles. Tandis que la première des trois se mettait à l'ouvrage auprès de la mère, les deux autres rassemblèrent quelques ingrédients, et commencèrent à préparer des potions qui faciliteraient l'arrivée du bébé.

- Sœur Wyrda… Est-ce que nous pouvons faire quelque chose ?

Mille était pétrifiée, mais les mots étaient sortis de sa bouche sans qu'elle s'en rendît compte. Aucune des trois ne tourna la tête pour lui indiquer qu'elle l'avait entendue, mais une voix résonna bientôt :

- Ce sera un garçon. Il sera grand et fort comme son père. S'il est bien nourri, il accomplira de grandes choses.

Les femmes se regardèrent. La consigne était limpide, elles savaient quoi faire.


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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyDim 3 Avr 2016 - 17:09
[HRP : Il était temps, la mort n'aime pas attendre ]

Boum !

La porte avait encore tenu, mais ce n'était que quelques secondes de répit pour les défenseurs. Néanmoins, quand on était aussi tendu que Raus, ces secondes semblaient durer des heures. La main crispée sur sa lance, il se repassa les derniers événements de sa vie. Tous ceux qui l'avaient conduit ici, face à la mort. Son entrée dans l'armée, ses amis artilleurs, son affectation à Cair Andros et ses nouveaux camarades. Et puis cet assaut rapide, violent, le feu, le sang. Et il était maintenant posté en première ligne, sans échappatoire possible. Sans doutes le pire endroit où il pouvait se trouver à cet instant. Peut-être à part sous un troll ou avec un banquier. Enfin il était très mal.

Boum !

Son pouls s’affola, sa vision commença à se troubler légèrement et ses membres se mirent à trembler. Raus jeta un coup d’œil derrière lui. Les autres soldats, placés derrière lui, l'empêchaient de s'enfuir, de plus les officiers présents s'assureraient bien qu'ils se battent tous jusqu'au dernier. Il regarda fixement la porte et essaya de se convaincre. Si telle devait être sa fin, autant qu'elle soit honorable, qu'on se souvienne de lui et de ses derniers instants comme nobles et courageux. Après tout, il était soldat du gondor, qu'importe ce qui passera cette porte, il maintiendra la position. Il le devait car c'était pour défendre son pays et les êtres qui lui étaient chers. C'était ça ! Il ne pouvait pas fuir et il devait au nom de tout cela s'en convaincre.

Mais il n'y parvint pas. Ils allaient tous mourir là inutilement, personne ne se souviendrait d'eux, pas même leurs proches. Non vraiment, ça ne pourrait même pas être la fin héroïque dont rêvait les soldats. Ce serait juste une fin parmi tant d'autres et qui plus est qui ne servirait à rien.

Il devait fuir, fuir pour sa vie.

Boum !

La porte vola en éclat dans un énorme fracas et l'ennemi chargea, stoppé net par les solides boucliers des gondoriens. Du moins pour le moment. Raus tremblait désormais de tout ses membres, mais, sous la pression des soldats derrière lui, il avança tout de même vers le danger. On avait même l'impression qu'il reculait en avançant. Sorti du contexte certains aurait pu trouver à ce mouvement quelque chose d'esthétique. Mais dans ce dernier, Raus faisait peine à voir. Le danger, et soit dit en passant, la mort, avançait droit sur lui, résolue, foudroyante et inévitable.

Schlang !

Un ennemi venait de tester la résistance de son bouclier. Raus le tint fermement, bien haut, pour continuer à parer. Un, deux, trois, les coups s'enchaînaient. Tétanisé, Raus n'arrivait pas à envisager quelque chose pour sortir de cette situation, difficilement tenable sur le long terme. La perspective de riposter ne lui effleura même pas l'esprit. En fait au bout d'un moment il lâcha totalement prise et son instinct reprenant le dessus, il lâcha ses armes et s'effondra sur le sol.

Lorsqu'il reprit conscience juste après, les combats continuaient et personne ne faisait attention à lui. Mieux que ça, on le prenait pour mort et il avait maintenant la possibilité de se replier plus loin dans le bastion et de là, trouver un moyen de fuir !

Il rampa comme il pu hors de la zone des combats et se releva. Plus qu'une dizaine de mètres et il allait survivre encore un temps.
Neuf
Il reverrait sa femme et l'enfant qu'elle attendait.
Huit
Il quitterait l'armée, ne ferait plus jamais la guerre et ne connaîtrait plus ses atrocités.
Sept
Il deviendrait charpentier et construirait une belle ferme pour sa famille.
Six
Et ils ne manqueraient de rien.
Cinq
Elric si c'est un fils, Eslie si c'est une fille.
Quatre
Ils deviendraient de grands et beaux enfants dont il serait très fier.
Trois
Ah !
Deux
Une flèche s'était planté dans le dos de Raus et avait transpercé sa poitrine
Un
En voyant cela, ses prévisions redevinrent plus pessimistes jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une.
Zéro
Il était mort.
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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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L'appel à l'égorgement - Page 2 EmptyDim 15 Mai 2016 - 8:24
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