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 Naît-on mauvais ou le devient-on ?

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptyJeu 10 Déc 2015 - 22:45
La nuit était tombée sur le Harondor. Tout était calme. On entendait à peine le bruit du vent, venu de l'Ouest, qui glissait tranquillement sur les plaines. Il fallait dire que l'océan était loin. Ils étaient bien plus proches des sinistres montagnes du Mordor, lesquelles paraissaient jeter de longs doigts griffus vers le ciel. Quand on les regardait d'aussi près, on avait l'impression qu'ils allaient se replier en un poing gigantesque, avec vous au milieu. Cela suffisait à faire fuir la plupart des gens qui s'en approchaient par mégarde. Car qui pouvait bien vouloir venir faire un tour dans la région de son propre gré ?

Eux.

Un groupe de cavaliers, qui allait à petite allure. Ils étaient une douzaine, peut-être une quinzaine, difficile à dire. Ils n'allaient pas vite, mais ils se déplaçaient de manière compacte, proches les uns des autres, comme s'ils voulaient conserver le peu de chaleur que la nuit leur laissait. Hélas pour eux, cela ne suffisait pas à les épargner, et ils paraissaient fatigués, pressés de pouvoir enfin aller se reposer. Alors pourquoi diantre ne forçaient-ils pas leurs braves montures à fournir un dernier effort ? Ils n'étaient pas loin de Dur'Zork, capitale du Harondor, ou plutôt capitale du nouveau pouvoir en place que l'on peinait encore à qualifier. Fallait-il considérer que les Pirates d'Umbar régnaient sur la région ? Devait-on plutôt considérer qu'il s'agissait d'un nouvel émirat, venu concurrencer celui de Radamanthe du Gondor ? Ce dernier s'était replié à Djafa, plus loin au Nord-Est, et une nouvelle entité s'était développée sur la moitié Sud de ce qui avait été le Harondor. Une entité que tous s'accordaient au moins à qualifier de Haradrim.

Les Suderons patrouillaient dans la région, autant que le leur permettaient leurs effectifs limités, et ils essayaient d'assurer la sécurité d'une zone qui était tout bonnement incontrôlable. Sur des lieues et des lieues, s'étendaient des champs, quelques terres fertiles, puis des steppes à perte de vue. D'immenses et vastes plaines, parsemées de collines paresseuses qui ressemblaient de loin à d'immenses baleines venues à la surface de la terre reprendre leur souffle, prêtes à replonger dans l'abîme mystérieux d'où elles étaient jaillies. Si le paysage était mélancolique, et qu'il constituait une source d'inspiration certaine pour les poètes Haradrim, il représentait un véritable casse-tête pour les autorités de Dur'Zork, qu'il s'agît des anciens Sultans de la dynastie maudite des Ben Elros, de l'Emir déchu Radamanthe, ou bien du nouveau gouvernement curieux qui s'était installé depuis peu. L'absence de Taorin, détenu par le Gondor pour des motifs qui demeuraient obscurs à la plupart des gens du Sud, compliquait considérablement la situation. Le nouveau gouvernement de la ville n'avait ni son charisme, ni sa poigne de fer, ni son exceptionnelle capacité à soulever l'adhésion. Les mercenaires préféraient repartir à Umbar plutôt que de s'engager dans de fastidieuses missions de surveillance, et les prisons ne pouvaient pas fournir assez de « volontaires » prêts à échanger quelques années de détention contre un soutien indéfectible de quelques mois aux libérateurs.

En bref, l'équilibre du Sud ne tenait qu'à un fil.

Pour les cavaliers, c'était une aubaine. Ils n'auraient pas été particulièrement bienvenus en temps normal, mais avec les récents événements, c'était devenu encore pire. Les étrangers étaient considérés comme des menaces potentielles dont il fallait se méfier, dans le meilleur des cas. Au pire, il s'agissait d'ennemis, d'espions au service de Radamanthe qu'il fallait mettre à mort sans procès. Les Haradrim ne faisaient pas dans la finesse, et il valait probablement mieux être tué sur-le-champ que capturé vivant. Ils avaient des méthodes de torture particulièrement redoutables, et n'acceptaient que rarement l'idée qu'un prisonnier leur dît la vérité quand il gémissait misérablement qu'il ne savait rien.

Pourtant, les cavaliers ne savaient rien. Ou du moins, ils ne savaient pas ce qu'on eût voulu qu'ils sussent. Ils n'étaient pas des espions, ils ne cherchaient pas à apporter la guerre – quoiqu'ils fussent prêts à répondre si on venait à les menacer – et ils ne travaillaient pas pour Radamanthe le Dépossédé. Ils n'étaient, pour ainsi dire, personne. Pourtant, ils venaient au Harondor avec un but. Plus qu'un but : une marchandise…

~ ~ Talâyi, nous ne devrions pas aller plus loin. ~ ~ Lança un des hommes, dans une langue curieuse. ~ ~ Nous arrivons trop près de la ville, ils risquent de nous repérer. ~ ~

Il avait raison, bien entendu.

~ ~ Reste ici avec les hommes, Taleb. Si on vient, alertez-nous, puis prenez la fuite. Sahid, Xsera, avec moi. ~ ~

Deux cavaliers se détachèrent du lot. Ils tenaient par la bride un cheval sur lequel était installé un paquet curieux, gros comme un sac de légumes de belle taille, jeté sans douceur en travers de la monture qui le portait sans rechigner. C'était leur marchandise. Ils y jetaient des regards fréquents, et les astres qui dispensaient une lumière opalescente éclairaient leur mine inquiète et fermée. Ils avaient grande hâte de se débarrasser du colis qu'ils avaient transporté pendant trois longues journées à travers les plaines, en évitant consciencieusement les maraudeurs, les bandes armées, les pillards et les soldats du Harondor Libre. Ils arrivaient au terme de leur mission, et s'ils avaient pu abandonner leur sac au milieu des plaines, et partir à bride abattue dans l'autre sens, ils l'auraient fait.

Les trois silhouettes et les quatre chevaux s'éloignèrent donc du gros de la troupe, et continuèrent à progresser vers le Sud-Ouest, en direction des lumières de la ville qu'ils apercevaient au loin. En chemin, ils ne purent faire autrement que rompre le silence pesant qui appuyait sur leurs épaules comme les mains invisibles d'une puissance supérieure. Il faisait frais, mais ils transpiraient légèrement, et ils n'étaient guère rassurés. Un des hommes, à la barbe particulièrement imposante, souffla :

~ ~ Il sera là ? Talâyi, tu es sûre qu'il sera là ? ~ ~

~ ~ Oui, Sahid. Il nous a confirmé qu'il viendrait à notre rencontre. Seul, comme convenu. Tu veux que je te répète le message qu'il a laissé ? ~ ~

Il fit « non » de la tête. La veille, alors qu'ils marchaient vers le Sud, ils avaient envoyé Taleb faire un détour par un petit village qu'ils avaient pris soin de contourner. Il avait déclaré y avoir été très mal reçu, mais puisqu'il voyageait seul, on n'avait guère pris son arrivée comme une menace sérieuse, et on lui avait demandé ce qu'il cherchait. Il s'était fait passer pour un messager, en quête d'une missive au nom de « Talâyi ». Les gens d'ici ignoraient ce que cela signifiait, mais on ne pouvait pas inventer un mot pareil, et ils lui avaient remis le pli rapidement. C'était écrit en Westron, que Talâyi ne savait pas lire, mais qu'un autre membre du groupe comprenait. Il avait lu, et ils avaient poussé vers Dur'Zork, là où on leur donnait rendez-vous.

C'était un risque à prendre, mais le paiement promettait d'être intéressant, et ils savaient avoir fait du bon travail. Ils mériteraient leur récompense. L'autre cavalier, Xsera, paraissait au moins aussi anxieux que Sahid. C'était un brave guerrier, qui avait participé à la quête insensée que ce petit groupe avait mené récemment. Ils avaient poussé leur mission jusqu'à Arwa, loin au-delà de leur zone habituelle, et sur les six, seul un n'avait pas trouvé à revenir. Lokhtar avait été assassiné sauvagement, la gorge tranchée après avoir reçu une flèche dans le dos. Talâyi n'avait toujours pas digéré son décès.

~ ~ J'ai peur que ce soit un piège… Nous sommes bien trop proches de Dur'Zork, Taleb ne pourra pas intervenir si nous sommes attaqués. ~ ~

Lui aussi avait raison. Talâyi le savait. Ils s'exposaient grandement en s'approchant aussi près de la cité des Haradrim, qui pouvaient aussi bien vouloir les capturer pour les interroger. Il fallait pourtant conserver la confiance qu'ils avaient placés en leur client, même s'il était évident qu'il avait pu les avoir trahis sans le vouloir, et les mettre en grand danger alors qu'il pensait n'avoir rien fait de particulier. C'était la raison pour laquelle, Talâyi avait pris la tête des opérations, au risque de tomber entre les griffes des Suderons au même titre que ses hommes. Mais le jeu en valait la chandelle. Ils avaient besoin d'or, et ne pouvaient pas dire non à un travail apparemment facile, même s'ils avaient des raisons de s'interroger sur la raison pour laquelle on les payait si bien.

Toutefois, le doute s'installa rapidement, alors que toujours personne ne se manifestait. Il n'était certes pas évident de repérer quelqu'un dans cette obscurité glaçante, qui les enveloppait comme un châle de ténèbres les privant de leurs sens, mais insuffisant à les cacher à la vue de leurs ennemis. Au milieu de cette plaine dépourvue du moindre abri, ils se sentaient cruellement exposés, à la merci de la moindre patrouille Haradrim venue, qui aurait tôt fait de les prendre en chasse, et de les rattraper. Ils devaient faire vite, prendre une décision : continuer ou faire demi-tour ? S'enfoncer toujours plus profondément dans les terres de leurs ennemis, ou retrouver la sécurité. Ils pouvaient encore reculer : abandonner leur marchandise, mettre le cap sur leur maison, et accepter l'idée que le risque était trop grand. Leur honneur, toutefois, leur commandait d'avancer. Ils s'étaient engagés. Pour eux, cela signifiait beaucoup. Cela signifiait tout.

~ ~ Au trot ! Cette attente est insupportable ! ~ ~

Talâyi avait parlé, et les hommes l'écoutèrent, forçant quelque peu l'allure. Le sac sur le dos du cheval se mit à rebondir de manière curieuse, menaçant de tomber. Xsera répugna à mettre la main pour le tenir, et l'empêcher de basculer, et la grimace sur son visage trahit le coût de ce simple geste. Il aurait donné beaucoup pour être ailleurs qu'ici, dans cette froide nuit haradrim, si près de leurs ennemis qu'il pouvait sentir leur odeur fétide, et percevoir les échos de leurs chants guerriers. Il connaissait bien les hommes du Sud, désormais, et il les détestait toujours autant : eux et leur langue curieuse, leurs mœurs sauvages, et leur cruauté. Ils n'étaient pas très différents des hommes de Radamanthe, à ses yeux. Ses yeux. Il les leva, et scruta l'horizon. Il avait toujours eu une bonne vue, et fort heureusement pour le trio, il accrocha du regard une silhouette qui allait vers eux. Seule.

~ ~ Là, là ! Talâyi ! ~ ~

C'était bien lui. Indubitablement. Quel autre cavalier aurait pris le risque de se rendre vers eux à cette heure de la nuit, parfaitement seul dans une des régions les plus dangereuses de la Terre du Milieu actuellement ? Il fallait être fou. Les hommes eurent un sourire, et se hâtèrent dans la direction de leur client, qu'ils virent apparaître progressivement. Les deux groupes s'immobilisèrent à une certaine distance l'un de l'autre, et Talâyi mit pied à terre, en lançant :

~ ~ Restez ici, je vais négocier. S'il tente quelque chose… tirez à vue ! ~ ~

Les deux cavaliers hochèrent la tête. Ils s'étaient saisis de leurs arcs, posés en travers de leurs genoux, une flèche déjà encochée. Si l'inconnu n'était pas celui qu'il prétendait être, il risquait de le regretter amèrement. Talâyi fit quelques pas en avant, au même rythme que l'homme en face, qui était somme toute en moins bonne posture. Les deux relevèrent leurs capuchons en même temps, révélant leur visage.

Naît-on mauvais ou le devient-on ? Fille_10

Talâyi découvrit son visage, révélant les traits d'une femme qui n'avait certainement rien d'une Khandéenne. Les cheveux blonds, les yeux bleus, et la mâchoire droite, elle ressemblait plus à une fermière du Rohan, quoique son teint fût hâlé et ses cheveux abîmés par le soleil. Elle allait tête nue, mais à son côté pendait une longue lame dont le manche et la garde étaient indubitablement rohirrim. Que faisait-elle là ?

- Je m'appelle Elwyn, dit-elle dans un Commun teinté d'accent oriental. Nous avons votre « commande ». Montrez l'or, vite. Et surtout, pas de gestes brusques.

Les deux hommes derrière elle ne plaisantaient guère, mais elle n'était pas en reste. Des trois, elle ne paraissait certainement pas être la plus dangereuse, pourtant on ne lui aurait pas prêté la faiblesse caractéristique des femmes de l'Ouest. Elle semblait capable de se défendre par elle-même. Tendant la main fermement, elle scrutait son interlocuteur avec méfiance. Il ne s'était pas encore présenté…

#Elwyn


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"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptyDim 13 Déc 2015 - 17:37

Guerres, invasions, prises de pouvoir, intrigues politiques... Ces jeux auxquels s'adonnaient les hommes n'avaient que peu d'attrait aux yeux d'Idj Jlaphân. Pour ce singulier individu au nom imprononçable ce n'étaient que des pacotilles, des anecdotes dérisoires, passagères, minables. Peu lui importait que la ville de Dur'Zork soit aux mains d'un émir ou d'un pirate, d'un homme de l'ouest ou d'un homme du sud, d'un gouverneur légitime ou d'un usurpateur. D'ailleurs, que resterait-il à tous ces hommes de pouvoir quand, tout au bout du chemin, ils jetteraient un regard en arrière pour faire le bilan de leur vie ? J'ai pris telles cités, j'ai dicté ma loi à tels peuples, j'ai occis tels ennemis. Et après, quoi de mieux ? Une ville conquise sera à nouveau perdue un jour ou l'autre, puis récupérée, puis de nouveau perdue. Les lois seront faites et défaites au rythme de la succession des dirigeants. Quant aux exploits sur les champs de bataille, ils se répéteront inlassablement au cours des temps à venir, aussi monotones qu'impermanents.  Pitoyables occupations qui faisaient stagner l'humanité...

Mais ce n'était pas le cas du savoir. Le savoir était une chose puissante et inexorable. Il se transmettait d'un siècle à l'autre, sans cesse enrichi, chaque dépositaire y apportant quelque chose de nouveau. Le simple fait de découvrir une vérité, de marcher sur des sentiers que personne n'avait encore foulé auparavant, était un moteur bien plus puissant que n'importe quelle promesse de richesse ou de gloire. Les grands mystères du monde étaient cachés, et pourtant rien n'était impossible à l'esprit humain, ou tout du moins à celui des rares humains qui avaient assez de subtilité et de volonté pour chercher à les élucider. Telle était la conviction d'Idj.

Paradoxalement, le récent conflit et le changement d'autorité à la tête de la ville avaient influé sur sa vie davantage qu'il ne l'aurait cru. En fait, l'arrivé de ces gens du Harad et de leurs singuliers soldats avait fait germé une idée nouvelle dans son brillant intellect. Un idée qui s'était peu à peu emparé de lui, se transformant en obsession permanente, jusqu'à troubler ses rêves ou l'empêcher purement et simplement de dormir. Une idée sur laquelle il pourrait commencer à travailler dès cette nuit, si tout se déroulait comme prévu.

– Et ainsi je serai le premier à débusquer ce qui se cache là-dessous. À remonter jusqu'à l'état originel, et à comprendre comment ça a pu en arriver là. Peut-être réussirai-je même à conserver cet état originel sur la durée. Ce sera comme si je remontais dans le lointain passé. Et alors...

Il marqua une pause, tant la pensée qui venait de traverser son esprit faisait figure de saint Graal inaccessible.

– Je pourrai accéder à la vision du monde tel qu'il était avant le Marrissement.

~~~

Le rendez-vous n'avait pas été facile à mettre en place. La situation politique instable exacerbait les tensions et, puisqu'il n'y avait pas de chef incontestable et charismatique, chaque faction influente craignait une trahison et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour surveiller les autres. Sans parler de la crainte d'une reconquête venue d'occident, voire même d'une conquête venue d'ailleurs. Conséquences de tout cela, les patrouilles de miliciens n'avaient jamais été aussi nombreuses et tout comportement suspect était interprété comme une menace potentielle. Idj savait qu'il risquait gros s'il se faisait prendre ; peut-être risquait-il même sa vie, mais le jeu en valait la chandelle. Son obsession pour la découverte était plus forte que n'importe quel danger, et il savait qu'il n'aurait peut-être pas trente-six occasions d'obtenir ce qu'il désirait, s'il ratait l'entrevue de cette nuit.

La journée passa à une lenteur insupportable. Idj ne prit ni déjeuner ni dîner, la promesse de pouvoir enfin passer à l'étape expérimentale de ses recherches était une nourriture plus que suffisante. Il se replongea dans les vieux manuscrits qu'il avait déniché sur le sujet. Même les étagères sans âge de la Tour du Savoir de Dur'Zork ne contenaient pas d'ouvrages aussi pointus sur la question. Il serait trop long de décrire ici les efforts qu'il avait dû déployer pour acquérir ces grimoires d'une rareté exceptionnelle.

– Pourtant, quand j'aurai atteint la grande vérité, à côté tous ces écrits ancestraux auront l'air de petits articles de culture générale.

Mais même ses lectures n'arrivaient plus à apaiser son impatience croissante. Le vieil homme referma le livre et le laissa retomber sur le bureau, générant un petit nuage de poussière. Passant dans la pièce d'à-côté, il vérifia une énième fois le fonctionnement de la serrure et la solidité de la grille, avant de remonter au rez-de-chaussée. La luminosité baissait. Entre-ouvrant le volet et jetant un coup d'œil par la petite fenêtre carrée, il vit qu'au-dessus des cimes de l'Ephel Duath, le ciel avait troqué sa teinte bleu azur pour un gris lugubre, qui se mua bien vite en un noir tacheté d'étoiles. Le moment était venu de se mettre en route.

Il se saisit de la sacoche en cuir, ferma la porte à double-tour et traversa la cour en direction de la remise où l'attendait sa jument grise. L'animal connaissait peu de sorties, car Idj Jlaphân ne quittait les murs de sa villa qu'à contrecœur : il ne voyageait que rarement, plongé qu'il était dans ses diverses recherches. Comme cela a été dit, il n'aimait guère le monde et sa mentalité si terre-à-terre, et se mêlait peu volontiers aux gens, sauf quand ceux-ci étaient utiles à l'aboutissement de ses projets. Volets clos, portes closes, même ses plus proches voisins ne le voyaient presque jamais, tant et si bien qu'ils se demandaient parfois s'il n'était pas mort dans sa demeure. Et dans les rares occasions où ils le croisaient, son caractère taciturne, son excentricité et son regard troublant les mettaient trop mal à l'aise pour les pousser à entamer une discussion. Il était dans son monde, et ils l'y laissaient bien.

Mais au milieu de la nuit, il n'y avait pas de risque qu'il croise le moindre voisin. Il devait toutefois rester aussi silencieux que possible tant qu'il se trouvait encore en vue des habitations. Il avait fixé le lieu de rendez-vous à l'extérieur, au-delà des champs cultivés. Par les temps troublés que connaissait la ville, on n'était jamais trop prudent.

~~~

Idj venait d'entendre une voix masculine à quelque distance devant lui, mais n'avait pu en saisir les paroles. Ce n'était pourtant pas le léger murmure du vent qui pouvait empêcher sa compréhension : l'homme devait sans doute s'exprimer dans son propre dialecte. Un étranger donc, ce qui était bon signe, assurément. L'endroit et l'heure étaient exactes, il n'y avait presque aucun doute sur l'identité de ceux qui venaient à sa rencontre : à moins d'une coïncidence inouïe, c'était bien les Khandéens à qui il avait donné rendez-vous. Le seul doute concernait leurs intentions. Ce peuple oriental était sauvage, imprévisible, belliqueux et sans allégeance certaine ; c'était en tout cas ce qui se racontait à Dur'Zork. Lui était seul, eux de toute évidence étaient au moins deux, sinon plus. Ce n'était pas la petite dague cachée dans ses étoffes qui lui permettrait de défendre son or si d'aventure ses vis-à-vis avaient décidé de le lui prendre de force. Cela dit, il n'avait pas le choix, il devait leur faire confiance. Et puis... eux seuls étaient en mesure de lui fournir le trésor qu'il recherchait.

Une voix féminine répondit à la première. Bientôt, Idj vit une silhouette apparaître, toute proche, devant lui – ses vieux yeux n'étaient pas aussi perçants que les leurs dans la nuit. C'était probablement la femme dont il venait d'entendre la voix. Une épée pendait à son côté, ce qui accentua encore les craintes dans l'esprit du savant. Dans le parler commun, elle lui dit s'appeler Elwyn. Ce n'était pas vraiment l'idée qu'Idj se faisait des noms orientaux, mais après tout il n'était pas un grand connaisseur des langues. Et puis le nom importait peu, la suite était bien plus intéressante. Elle lui dit qu'ils avaient sa commande. Voilà qui était bien, si toutefois cela était vrai. Elle ne pouvait, selon toute vraisemblance, transporter sa marchandise cachée sous ses vêtements.

Tout ceci ne plaisait guère au vieil homme : cela sentait l'entourloupe à plein nez. Elle demanda enfin à voir l'or. L'or. La petite sacoche qu'il portait en bandoulière sous sa cape en était remplie. Si cette Elwyn le menaçait de son épée et s'emparait des pièces cliquetantes, c'était une petite fortune qui s'envolait au pays de Khand. Idj avait certes des ressources à sa disposition, héritages de ses parents et bénéfices des résultats de recherches mineures qu'il avait vendu à des représentants de diverses professions : secrets sur la solidité du mortier, sur la résistance des cultures aux maladies, ou sur le travail des métaux, pour ne citer qu'eux. Néanmoins, l'idée de dilapider ses richesses ne lui plaisait guère, il ne les chérissait pas en tant que telles, mais elles étaient si utiles pour mener à bien ses projets !

– Je me nomme Dhaki, et comme vous l'avez si justement deviné je suis bien votre client.

Ses actuelles recherches étant secrètes et illégales, il n'allait certainement pas avoir la sottise de révéler son vrai nom, au risque de se faire retrouver, arrêter, et dieu sait quoi encore. Dhaki signifiait simplement intelligent. C'était sous ce sobriquet qu'il avait pris contact avec le groupe, quelques semaines plus tôt. La modestie du savant était légendaire.

– Madame, je ne vois nullement pourquoi vous êtes si circonspecte. Voyez, je suis un vieil homme et contrairement à vous je ne porte point d’épée. Il me plairait d'avoir ma commande sous les yeux et de pouvoir juger de son état avant de donner quelque paiement que ce soit. Après tout que risquez-vous, vous êtes clairement en position de force.

Néanmoins, pour prouver sa bonne foi, il déploya un pan de sa cape de sa main gauche et, de la droite, agita la petite sacoche qui pendait contre son flanc. Le tintement de l'or contre l'or résonna dans l'air. Maintenant que la rohirro-khandéenne était assurée sur ce point, il espérait qu'elle fasse preuve de bon sens et lui apporte la preuve qu'elle et son ou ses compagnons n'étaient pas que des bandits de grand chemin. Si les choses tournaient mal, il pourrait toujours sortir sa petite lame. Les négociations n'étaient pas son fort, mais ce qui était certain, c'est qu'il n'hésiterait pas à abîmer le joli visage de son interlocutrice si elle se montrait trop polissonne.


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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptyLun 4 Jan 2016 - 0:29
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Elwyn frissonna.

Pas uniquement à cause du froid.

La personne qui se trouvait en face d'elle ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Elle le dévisagea en essayant de ne pas trahir son dégoût. Il avait l'air… rabougri, ramassé, comme une charogne qui aurait passé trop de temps à pourrir au soleil. Le soleil, d'ailleurs, il ne devait pas le voir beaucoup. Il faisait sombre, mais elle devinait bien sa peau parcheminée, et son teint blafard. Cependant, ce qui la mettait mal à l'aise, c'était bien le regard de l'individu. Il semblait… obsédé. Pas par les plaisirs de la chair, non, mais obsédé quand même. Focalisé sur quelque chose d'absolument, d'infiniment plus important que tout ce qu'elle pouvait imaginer. En l'occurrence, elle devinait que la commande très spéciale qu'ils lui avaient demandée comblerait un peu son besoin irrépressible, même si elle ignorait encore tout à fait de quelle manière. Peut-être, d'ailleurs, valait-il mieux ne pas savoir, ne pas plonger dans le puits de noirceur qui semblait se déverser de cette silhouette apparemment inoffensive, mais qui en réalité la mettait bien plus mal à l'aise que la perspective d'être surprise sur les terres du Harondor par une patrouille de miliciens de Dur'Zork. Tout cela semblait dérisoire en comparaison de la crainte irrationnelle de voir ce drôle de personnage soudainement devenir agressif, voire pire.

Le clan Aqil, auquel elle appartenait désormais, n'aimait pas particulièrement la folie. Oh certes, quand le soleil tapait trop fort sur leurs têtes pourtant protégées par des turbans, ou qu'ils chevauchaient trop longtemps dans le désert qui les assoiffait en quelques minutes, il leur arrivait parfois d'avoir des hallucinations, de croire discerner des gens, des choses. Certains levaient parfois le nez au ciel, en étant certains d'avoir vu un oiseau, alors que ce n'était qu'une illusion du désert qui les appelait à s'égarer. Cela n'était pas de la folie, simplement la manifestation de la puissance de leur environnement, qui leur envoyait ses sortilèges pour les attirer dans ses griffes et engloutir leurs corps et leurs âmes. La véritable folie, celle que l'on pouvait observer même quand le soleil était couché, celle qui se manifestait alors que les hommes étaient au repos dans leurs familles, était bien plus terrifiante. Les hommes du Khand s'en méfiaient comme d'une peste curieuse, et dès lors que l'un d'entre eux manifestait les signes d'un mauvais sort, il était pris en charge par des guérisseurs qui faisaient de leur mieux pour faire sortir les esprits de sa tête. S'ils y parvenaient, le malade remis de sa possession était acclamé… Dans le cas contraire…

Elwyn n'avait assisté qu'à un seul bannissement depuis qu'elle était arrivée – les cas de folie étant somme toute assez rares – et elle savait pertinemment que le malheureux n'avait que très peu de chances de survivre. On l'avait laissé aller avec ses armes et des vivres, seul dans le désert, où il pouvait prendre la direction de son choix. Dès ce moment, il avait été considéré comme un étranger, voire même un ennemi du clan Aqil, et on n'avait plus entendu parler de lui. Sans doute qu'il n'avait pas survécu plus de quelques jours, sans un groupe pour le protéger, et sans la possibilité de trouver des vivres. Et, s'il avait réussi à échapper à la mort, il avait probablement rejoint un autre clan qui avait bien voulu l'accepter, à moins qu'il eût tout simplement quitté les frontières du Khand. Le type étrange qui venait leur acheter cette marchandise tout aussi étrange n'aurait pas vécu jusqu'à ses vingt ans dans le clan Aqil, d'où il aurait été chassé très rapidement. Son regard dérangé ne pouvait que trahir le stade avancé de sa déchéance intérieure, et Elwyn ne tenait pas particulièrement à s'approcher de lui. Elle avait affronté maints dangers dans sa courte existence, en témoignait une belle cicatrice sur l'épaule qu'elle avait reçue à la Bataille d'Assabia, mais elle préférait de loin revenir à cette bataille sanglante et douloureuse que de devoir traiter avec un fou.

Alors Dhaki, puisque c'était son nom – celui sous lequel il s'était présenté, aussi bien que celui sous lequel il les avait contactés, ce qui arrangeait les choses –, lui rendit sa politesse en lui demandant de présenter d'abord la marchandise avant de lui montrer l'or. Elle pouvait comprendre, mais surtout elle fut soulagée de sa proposition, consciente que cela lui permettrait de prendre quelques distances avec lui, de peur que son mal se transmît simplement en restant proche de lui. Cependant, en dépit de son dégoût et de sa méfiance, elle ne pouvait pas s'empêcher de l'analyser quelque peu pour essayer de savoir à qui elle avait affaire. Il était excessivement poli, peut-être même trop au regard des circonstances qui les amenaient à se rencontrer. C'était sans doute un homme bien éduqué, et il utilisait des mots compliqués, des tournures élaborées pour dire des choses simples. Elle ne maîtrisait pas le Commun aussi bien que lui, et curieusement, elle avait l'impression de se sentir rabaissée par le simple fait qu'il la dominât dans une langue qu'elle aurait dû parler parfaitement. Une langue qu'elle avait parlé couramment pendant longtemps, mais qu'elle utilisait seulement ponctuellement désormais, au point d'avoir totalement intégré l'accent Khandéen.

Elle ne put le cacher lorsqu'elle lui répondit sur un ton sec :

- Très bien, comme vous voudrez. Restez ici.

Il parut satisfait, et rabattit sa cape sur la bourse remplie d'or qu'il venait de lui montrer. Elle avait légèrement laissé glisser son regard vers celle-ci, avant de revenir à ses affaires. De toute façon, ce n'était pas le plus important. Elle savait depuis qu'il s'était avancé vers eux qu'il n'y avait que deux issues à leur négociation. Soit il les payait convenablement, soit ils se rembourseraient sur sa vie pour lui faire passer l'envie d'essayer de rouler des Khandéens. Eux n'avaient aucun intérêt à se débarrasser de lui s'il commerçait bien. Les hommes des plaines désertiques du Khand étaient peut-être des guerriers farouches, que beaucoup qualifiaient de brutes, mais ils commerçaient volontiers et étaient de très bons partenaires en affaire. Une fois qu'ils s'étaient engagés, ils allaient jusqu'au bout : or ils avaient promis de livrer la marchandise à l'heure dite, ce qu'ils avaient fait. Une grande partie de leur capacité à dénicher des contrats tenait à leur réputation de loyauté et d'efficacité, laquelle renvoyait à leur sens de l'honneur très prononcé. S'ils n'avaient aucun scrupule à poignarder leur prochain, il leur déplaisait davantage d'être considéré comme des traîtres, des menteurs ou des lâches. Trois contre un, ce n'était pas un combat honorable, et ils n'auraient pas pu se regarder dans un miroir s'ils avaient tué un vieil homme pour un or qu'il allait de toute façon leur donner.

Elwyn se retourna vers ses compagnons, et leur fit signe d'approcher. Ils s'exécutèrent sans un mot. Elle n'eût pas à leur expliquer la marche à suivre, ils étaient suffisamment intelligents pour comprendre ce qu'elle avait voulu leur signifier. Sahid trancha les liens qui retenaient la marchandise en selle, et laissa cette dernière retomber sur le sol où elle chuta avec un bruit mat. Rien de grave, même si la seule femme du groupe discerna un léger changement d'expression sur les traits de Dhaki. Elle aurait trouvé étonnant qu'il s'émût pour si peu, mais il était peut-être particulièrement attentif à la qualité de sa cargaison, laquelle devait lui être fournie dans un excellent état. Il l'avait bien précisé. Fort heureusement pour lui, les Khandéens avaient fait du bon travail, et ils n'avaient rien à se reprocher.

La jeune femme se pencha auprès de ce qui ressemblait désormais à un gros sac tout en longueur, et dévoila son contenu au commanditaire qui s'approcha pour mieux observer la cargaison. Il demeura un moment silencieux, scrutant, étudiant, ses yeux vifs glissant sur le moindre détail avec une rapidité affolante. A n'en pas douter, il réfléchissait intensément en parallèle, mais Elwyn aurait été bien en peine de dire à quoi. Elle finit par mettre un terme à tout ceci, en rabattant le tissu, arrachant la commande aux yeux de Dhaki qui sembla revenir à la réalité :

- Bon, vous avez assez regardé. Maintenant, vous devez nous payer, d'accord ? Dépêchons !

Elle était un peu inquiète. Ce qui devait n'être qu'une transaction de routine à la lisière du territoire contrôlé par le Harondor s'était transformé en une périlleuse mission d'infiltration, et la négociation prenait une drôle de tournure. Elle s'éternisait bien plus que de raison, ce qui ne faisait pas les affaires des Khandéens, lesquels auraient préféré se trouver loin d'ici. Alors qu'Elwyn attendait que l'homme prît sa décision – mais quel choix avait-il, sinon les payer maintenant ? – elle entendit derrière elle Xsera qui l'interpellait :

~ ~ Talâyi, on vient. Depuis le Nord, vois. ~ ~

Elle se tourna dans cette direction, bientôt imitée par Dhaki, qui n'avait probablement pas compris l'échange, mais qui n'eût qu'à tourner la tête dans la même direction que la jeune femme. Effectivement, de là où ils se tenaient ils pouvaient voir les silhouettes d'un groupe de cavaliers qui approchaient à allure réduite. Ils étaient encore loin, et s'ils partaient maintenant ils auraient une avance suffisante pour ne pas leur donner la moindre chance de les rattraper. Toutefois, cela signifiait mettre un terme à la transaction, et ne pas traîner en route. De toute évidence, ce qu'ils faisaient était illégal pour les deux parties, aussi n'avaient-ils pas le choix que de conclure cette transaction, sinon de repartir chez eux avec leur marchandise, et à Melkor les conséquences !

- Alors, Dhaki, que dites-vous de cela ? Nous avons un accord, comptez-vous l'honorer ? Si vous en êtes, Sahid chargera votre marchandise sur votre jument.

Ils se regardèrent dans les yeux pendant une brève seconde, et elle soutint son regard fou aussi longtemps qu'elle put, seulement sauvée par un grognement dans son dos. Un grognement rauque et puissant, qui l'horripila littéralement. Elle se retourna rapidement, portant la main à la poignée de son épée sans avoir le temps de la dégainer. Xsera avait été le plus rapide, et son pied était allé frapper une extrémité du sac.

Le silence revint.

Dhaki n'avait sans doute pas apprécié, mais Elwyn n'en avait cure, et elle voulait partir d'ici au plus vite. Tendant la main de manière toujours aussi pressante, elle décida qu'elle n'ajouterait rien, et que ses prochaines paroles seraient une promesse de mort ou des remerciements.

Le choix appartenait à son interlocuteur.

Si choix il y avait…


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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptyJeu 14 Jan 2016 - 22:17
Naît-on mauvais ou le devient-on ? Savant11

Le grognement déchira le silence de la nuit, aussi soudain qu'un éclair tombant du ciel, aussi terrible qu'un roc dévalant les contreforts des montagnes. Idj était pourtant plus captivé qu'effrayé. Et il était aussi soulagé, car cette vaine protestation était la preuve de la fraîcheur et de la vivacité de sa marchandise. Il connaissait peu les khandéens et leurs méthodes, et ne savait au juste comment ce clan procédait pour transporter un chargement aussi atypique. Il avait eu peur, dans un premier temps, que les orientaux n'aient utilisé la solution de facilité pour maintenir la victime tranquille pendant le voyage. Il avait eu peur qu'ils ne lui aient administré quelque drogue, dont les infimes symptômes extérieurs lui auraient échappé lors du bref examen effectué à la lueur des astres un instant auparavant. Le grognement n'excluait pas totalement cette hypothèse, mais rassurait au moins au savant sur le fait que, si drogue il y avait eu, ses effets commençaient à s'estomper. Le prisonnier retrouverait bientôt son état normal, l'état de base sur lequel travailler pour trouver... ce qu'il avait à trouver. Et c'était bien là l'essentiel.

Presque tout doute avait maintenant quitté son esprit : après tout, si ces gens avaient voulu lui extorquer son or, pourquoi auraient-ils pris la peine de trimballer cette chose depuis les steppes arides de leur pays, alors que lui tendre un guet-apens aurait suffi ? Non, cette Elwyn et ses discrets acolytes étaient sincères malgré leurs manières rudes.

Ce soudain soulagement lui avait presque fait oublier l'urgence de la situation. Des cavaliers venaient du Nord, de Dur'Zork, de là où il était venu. Il venait de voir clairement les silhouettes d'un groupe d'individus montés se détacher sur les lueurs de la ville. Leur allure était certes relativement réduite, mais Idj gageait que ce n'était pas pour chaparder quelques légumes qu'ils traversaient les chemins champêtres. Non, qu'il y ait ou non coïncidence, que ces cavaliers l'aient suivi de loin ou soient simplement en mission de surveillance à l'extérieure de la cité, le résultat serait le même : le chemin qu'ils suivaient les mèneraient droit sur le lieu des marchandages, et cela signerait la fin de sa vie, et, encore pire, la fin de ses projets.

– Miliciens... chuinta-t-il. Se méfient de tout ce qui sort de l'ordinaire. Mauvais pour moi... et mauvais pour vous.

Ses phrases saccadées et pour la plupart non-verbales trahissaient une certaine fébrilité. Une fébrilité qu'il avait caché du mieux qu'il le pouvait depuis le début avec son discours chaloupé, mais qui transparaissait très nettement à l'occasion de cette réaction spontanée. Idj savait qu'il n'avait guère le choix désormais, il fallait faire vite, surtout maintenant que le bruit avait révélé leur position exacte. Gérer des situations de ce genre n'était pas dans ses habitudes. Il sentait son cœur battre de plus en plus vite, son souffle devenir plus court. Oh, quand il était plongé dans ses recherches, au fin fond de sa demeure, et qu'il était sur le point de mener à terme l'un de ses nombreux projets ou de mettre au jour quelque grande vérité, une sorte de tension le gagnait parfois, qui faisait palpiter les veines de ses tempes et teinter ses pâles oreilles d'un rouge cramoisi. Mais là, c'était encore différent : ces tractations avec ce groupe d'inconnus, et, pour couronner le tout, la menace des cavaliers, le sortaient pour ainsi dire de sa zone de confort. L'intelligence pure n'était pas toujours synonyme de confiance en soi. Tâchant de reprendre son calme, il réussit à retrouver son aisance d'élocution pour faire sa réponse à sa vis-à-vis :

– Je pense en effet qu'il est grand temps de vous décharger de votre fardeau, de peur que vous ne lui ôtiez, hum, que vous ne lui enleviez, définitivement toute valeur par une réaction un peu trop instinctive, lança-t-il en tournant son regard dérangé sur la garde de l'épée.

Telle était l'un des traits de caractère d'Ijd, il pouvait passer en très peu de temps d'un état mental à un autre, et en l’occurrence d'un début de panique à une attitude arrogante à l'encontre de la khandéenne, de son manque de maîtrise d'elle-même, de son manque de vocabulaire. À peine étaient-ils sortis de sa bouche qu'il regretta ses propos. Que jouait-il avec celle qui lui apportait ce dont il rêvait depuis des mois, au risque de la vexer et de tout faire capoter. Heureusement, elle devait maîtriser trop peu le Commun pour réussir à saisir les sarcasmes de sa dernière tirade... Il se jura toutefois d'éviter ce genre de risques et prit un ton plus sobre.

– C'est d'accord.


Les yeux rivés dans ceux de la jeune femme, il dénoua le cordon qui maintenait sa cape sur ses épaules, et elle tomba sur le sol. Plût au ciel qu'Elwyn ne laissât pas son esprit la transporter vers de hideuses imaginations. Quoi qu'il en soit, Idj se contenta ensuite d'enlever la petite sacoche qu'il portait en bandoulière, fléchit les genoux pour la poser au sol, en profita pour récupérer son capuchon et le remit en place. Il se pencha une nouvelle fois pour ramasser la sacoche tintinnabulante et fit quelques pas jusqu'à l'ex-rohirrim pour la lui remettre.

– Il y a la quantité convenue. J'espère que je n'aurai pas de mauvaises surprise dans les jours à venir.

Idj la vit ouvrir la sacoche, regarder à la lueur des étoiles et de la lune s'il s'agissait bien d'or et non de vulgaires pièces de ferraille, remuer un peu le contenu, soupeser le tout. La circonspection de la jeune femme était presque risible, pourtant le savant comprenait aisément son comportement : il aurait sans doute fait la même chose, sinon davantage, à sa place. Exercer de telles activités, avec les risques que cela impliquait, devait exacerber la méfiance. Son métier, il le lui laissait bien, préférant de loin son isolement et sa science.

Il vit sa vis-à-vis tourner la tête vers l'homme barbu qu'elle appelait Sahid, et lui adresser un léger signe de tête, auquel l'intéressé répondit en opinant subrepticement du chef à son tour. La signification de ces échanges tacites devait être définie au préalable, ou peut-être se connaissaient-ils assez pour se comprendre sans avoir besoin de mots. Ou encore avaient-ils vécu des situations similaires par le passé et avaient-ils développé des automatismes. Idj ignorait laquelle de ses hypothèses était la bonne, et il s'en moquait bien. Tout ce qui comptait pour lui, c'est que ces échanges soient de bon augure et que l'on passe à la dernière étape de la transaction, à savoir le chargement de la marchandise. Ce qui ne tarda guère. Sahid s'approcha du sac et, le saisissant par une extrémité, le fit glisser sur le sable jusqu'à la jument, dont la robe grise paraissait presque noir dans la semi-obscurité. Bien qu'il ignorât au juste si cet homme comprenait le Langage Commun, il ne put s'empêcher de produire une litanie de mises en gardes et de remontrances, comme si l'autre manipulait un fragile vase oriental qui eût pu se briser en menus morceaux sur un simple faux-mouvement. Les réactions de ces gens étaient parfois instinctives, Idj venait d'en être témoin, et il craignait que ce Sahid ne prenne un coup de sang si la marchandise venait à remuer un peu trop à son goût. Fort heureusement, rien de tel ne se produisit, à son grand soulagement. Le vieil homme aida le khandéen à hisser le fardeau sur la croupe de son équidé, et il fut bientôt ficelé, prêt à être emmené par son nouveau propriétaire. Ou plutôt son nouveau maître.

Idj Jlaphân ne mit pas longtemps à attraper la bride de sa monture. Que son cheval se mette à galoper sans lui dans les étendues sans fin du territoire harondorien aurait été la catastrophe ultime. Ainsi rassuré, il se dirigea vers Elwyn pour ce qui apparaissait comme un au revoir, ou même un adieu, mais qui en fait était un tout petit peu plus que cela :

– Madame, voilà ce que j'appelle une affaire honnêtement menée. Serrons-nous la main.

Était-ce sa soudaine euphorie qui le faisait agir ainsi, ou trouvait-il la situation amusante ? Avec un personnage aussi étrange que lui, on ne savait jamais sur quel pied danser.


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Ryad Assad
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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptySam 16 Jan 2016 - 22:20
Naît-on mauvais ou le devient-on ? Fille_10

Elwyn baissa les yeux sur la main tendue, signe de paix relativement universel, sans cacher son dégoût. Ses sourcils légèrement froncés, le pli de sa bouche caractéristique d'une indécision profonde. Ses pupilles ne décelaient qu'une main, cinq doigts, un morceau de chair fripée apparemment inoffensif. Son esprit, pourtant, semblait discerner des tentacules visqueux qui s'empareraient de son bras pour ne plus le lâcher, si elle avait le malheur d'entrer en contact avec eux. Son hésitation devint quelque peu gênante, et elle leva le nez vers Dhaki, qui attendait toujours, son air satisfait plaqué sur son visage immonde comme s'il se plaisait à la tourmenter. Elle n'arrivait tout simplement pas à feindre pouvoir se rapprocher de cet homme qui la répugnait absolument, et la simple perspective de le toucher lui donnait la nausée. Il la regardait toujours, les yeux dans les yeux, comme si de cette poignée de main apparemment anodine pouvait dépendre la conclusion de leurs négociations.

Elle ne comprenait pas.

Elle revoyait dans son esprit leur conversation, et tout s'était déroulé à peu près normalement. Non ? Elle lui avait apporté la marchandise qu'il voulait, et il avait emmené l'or. Dhaki avait fait la conversation seul, principalement, pendant que les Khandéens le regardaient faire son petit manège. Il avait eu l'air perturbé par l'apparition des cavaliers inconnus qui approchaient au loin, ce qui indiquait qu'il n'était en rien responsable de leur venue. Ce n'était pas un piège pour capturer trois mercenaires des lointaines terres du Khand venus s'égarer aux alentours de Dur'Zork, capitale du nouveau pouvoir pirate au Harondor, ce qui était une bonne chose. Enfin, relativement, car la situation n'était tout de même pas brillante. Elle avait cru qu'il allait presser le pas, enfin, et que la perspective d'être attrapés par les autorités locales allait accélérer considérablement les tergiversations qui semblaient l'animer.

Il était agité, fébrile, comme s'il n'avait pas l'habitude de se retrouver dans ce genre de situations. Bon, il fallait dire que pour Elwyn et ses compagnons, ces tractations crépusculaires n'avaient rien de nouveau, et ils avaient déjà eu suffisamment d'occasions de négocier des choses plus ou moins honnêtes, pour ne pas dire franchement illégales. Parfois les choses s'étaient bien déroulées, parfois ils avaient dû achever les discussions à la pointe de l'épée. Dans tous les cas, ils s'en étaient sortis, et ils n'imaginaient pas se faire piéger ici par ce personnage curieux qui ne leur inspirait aucune confiance, mais qui ne paraissait pas représenter à lui seul une menace. Ils avaient vu trop de gens dangereux pour encore se laisser abuser facilement. L'homme à qui ils avaient affaire n'était pas là pour leur tendre un piège, mais à cause de sa méfiance et de son excentricité, il risquait bien de les faire tomber entre les griffes d'une menace bien réelle. Savait-il au moins estimer combien de temps ils avaient à leur disposition avant d'être repérés ? Etait-il suffisamment expérimenté pour dire s'il rentrerait en ville avant qu'on lui mît la main dessus, en tenant compte du fait que son cheval allait devoir porter un chargement supplémentaire ? Apparemment, non, car il prenait son temps pour examiner sa commande, comme s'il se trouvait tout simplement dans la boutique d'un antiquaire, à l'abri du moindre danger. Elwyn ne pouvait pas cacher son impatience et son agacement. Elle était tendue, car les choses ne se passaient pas aussi rapidement que d'habitude. Il les retardait inutilement, à cause de son inexpérience, et il se permettait encore de la prendre de haut.

Elle trouvait son attitude franchement hautaine, et terriblement déplaisante. Surtout vis-à-vis d'elle. Il savait pourquoi. Elle était une femme, et la plupart des hommes – que ce fût ici au Harondor, ou plus au Nord dans son Rohan natal – n'appréciaient pas de devoir traiter d'égal à égal avec une femme. Encore moins quand elle menait les débats, et qu'elle était armée. S'il avait su… Elle s'était imposée difficilement parmi les Aqil, et ne devait sa situation qu'à la volonté d'un chef particulièrement visionnaire qui avait tenu à ce qu'elle servît d'instructrice à son fils et héritier. Elle avait d'abord été la « tutrice de », avant de devenir la « fille adoptive de », et elle pouvait désormais se prévaloir du titre de « petite sœur de ». Petite sœur du Clan, en l'occurrence, et tous les hommes qui l'entouraient la considéraient à la fois comme une voix à écouter, mais aussi comme une personne fragile et précieuse qu'il fallait protéger. Bien qu'elle eût fait ses preuves à de nombreuses reprises, elle savait que cela ne serait jamais suffisant, et qu'elle demeurait toujours sous leur surveillance, car ils n'imaginaient pas qu'il pût en être autrement.

En un sens, Elwyn ne s'en formalisait pas plus que cela. Elle avait expérimenté bien pire au Rohan, où son statut de femme avait été à l'origine de bien davantage de problèmes. Elle avait fait des choses que la société dans laquelle elle avait grandi n'avait pas pardonnées, et elle s'était exilée pleine de haine et de ressentiment envers ce pays qui lui avait tout pris. Ici au moins, au Khand, elle était quelqu'un. Elle n'était peut-être pas indépendante et aussi libre qu'elle le souhaitait, elle resterait peut-être toujours une fille à sauver, mais au moins elle avait un nom. Talâyi, qu'ils l'appelaient affectueusement. Un surnom qui comptait beaucoup plus qu'il pouvait paraître, pour la jeune femme. Au moins grâce à lui, elle existait indépendamment de son passé… Ils lui avaient donné une nouvelle chance dans la vie, et avaient ainsi accompli ce que personne d'autre n'avait fait pour elle. Ce n'était pas Dhaki, assurément, qui lui aurait donné l'opportunité de faire valoir ce dont elle était capable.

Elle le soupçonnait d'être célibataire – elle n'imaginait pas comment une femme aurait pu vouloir vivre avec un homme pareil – mais surtout elle le voyait comme un misogyne amer et aigri, caustique au point d'abhorrer la gente féminine qu'il devait accuser de tous les maux. Il la provoquait ouvertement, et en dépit de la courtoisie dont il avait fait preuve par moments, elle n'avait pas pu manquer de remarquer qu'il prenait un malin plaisir à la rabaisser. Certes, elle ne parlait pas le Commun parfaitement, mais elle connaissait tout de même le sens du mot « ôter » ! Elle n'avait pas relevé, préférant ne pas rentrer dans un débat avec ce fou. Elle savait comment les choses allaient évoluer. Plus elle lui parlerait, plus elle risquait de se laisser contaminer par son mal intérieur. Il allait lui sortir un charabia incompréhensible, qui allait progressivement faire sens dans son esprit, et elle allait peu à peu céder. Il valait mieux se tenir éloigné de tels êtres, qui apportaient le malheur partout où ils passaient. Elle voulait simplement son or, et ne plus jamais avoir affaire à lui de nouveau…

Son paiement, justement, paraissait conforme. Elle aurait aimé pouvoir l'examiner en détail, avec une meilleure lumière que celle, chiche, dispensée par les étoiles et la lune penchés sur leur rencontre avec attention. C'était déjà mieux que rien, et elle pouvait se féliciter de ne pas avoir à allumer une torche qui aurait immédiatement signalé leur position au groupe de cavaliers. On célébrait la moindre petite victoire, quand la situation prenait un tour compliqué. Elwyn ne savait pas compter suffisamment bien pour faire l'inventaire détaillé de la bourse, mais elle avait depuis longtemps appris, comme tout un chacun, à soupeser relativement convenablement une bourse. Elle la fit jouer dans sa main, examina le contenu minutieusement, avant de lancer la sacoche à Xsera qui se chargerait de valider son avis. Selon elle, tout était conforme. Secrètement, elle espérait que Xsera ne donnerait pas un avis contraire, car il lui aurait déplu souverainement de s'être fait berner par ce type. S'il méprisait les femmes, elle ne voulait pas lui donner de raison supplémentaire de se moquer. Elle fut heureuse quand son compagnon fit un signe de tête positif pour lui dire que tout était en ordre.

Pendant ce temps, Sahid effectuait le gros œuvre, traînant le sac à la force de ses immenses bras aux muscles noueux. C'était un grand costaud, mais même lui peinait sous le poids. Son travail de force était accompagné par une litanie interminable de mises en gardes et d'avertissements plus ou moins agressifs lancés par leur acheteur qui semblait tenir particulièrement à l'état de sa marchandise. Le Khandéen finit par grogner dans sa langue :

~ ~ Mais qu'est-ce qu'il raconte, à la fin ? ~ ~

~ ~ Rien d'intéressant ~ ~ Répondit Elwyn, avant d'ajouter : ~ ~ Continue, ne t'occupe pas de lui. ~ ~

Il haussa les épaules, avant de hisser d'un seul bloc la cargaison sur le dos de la jument qui n'en demandait pas tant. Le vieux fou lui procura son aide, mais Sahid s'arrangea pour toujours se tenir le plus loin de lui que possible. Il ne tenait pas non plus à inhaler les relents de son dérangement mental. Quelques nœuds réalisés avec expérience suffirent à maintenir l'équilibre précaire du colis compromettant, assurant un transport à peu près sûr jusqu'à Dur'Zork. Si Dhaki ne se lançait pas dans un triple galop effréné, son chargement ne tomberait normalement pas. A priori, que pouvait-il bien vouloir de plus de la part des Khandéens, maintenant qu'il avait obtenu sa marchandise, et qu'il s'était délesté de l'or promis ?

C'était la question que se posait Elwyn, tandis qu'elle le dévisageait avec une grande attention. Elle sentit sur elle le regard de Sahid et de Xsera, qui se demandaient sans doute ce qu'elle attendait. Ils devaient percevoir son malaise, qu'ils auraient également ressentis s'ils avaient été à la même place, et elle savait pour bien les connaître qu'ils ne lui en voudraient pas de se montrer discourtoise avec cet homme. Qui était-il, pour eux ? Rien de plus qu'un énième client dont ils venaient de satisfaire la lubie – laquelle était particulièrement curieuse, pour ne pas dire sordide – et qu'ils ne reverraient jamais plus. Ils n'étaient, après tout, que de vulgaires mercenaires. C'était ainsi qu'on les regardait, et personne n'attendait d'eux qu'ils fissent preuve d'une quelconque courtoisie ou d'un semblant d'éducation. Des brutes épaisses, que l'on payait cher pour qu'elles accomplissent convenablement le travail qu'on leur confiait. Rien de plus. Elle n'avait pas à lui serrer la main si elle ne le voulait pas.

Elle pouvait partir, tourner le dos, et retourner au désert et aux steppes dans lesquelles elle était bien plus à l'aise. Il ne la suivrait pas là-bas, leurs chemins se sépareraient pour ne plus jamais se recroiser… Mais alors pourquoi était-elle absolument incapable de faire un pas en arrière, et d'échapper à son regard ?

~ ~ Talâyi ? ~ ~

Elle revint brusquement à la réalité. Elle devait prendre une décision. N'importe laquelle. Elle ne réfléchit pas vraiment. Un pas en avant. Une main tendue. Un contact qui la fit frissonner de dégoût. Elle y était. Elle avait mis la patte entre ses griffes, mais ne pouvait déjà plus le supporter. Craignant la souillure et la malfaisance qui pouvait la contaminer, elle fit un mouvement pour se dégager. Un simple mouvement, qu'il perçut immédiatement.

Elle n'aima pas du tout la lueur qui passa dans son regard…


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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptySam 30 Jan 2016 - 12:05
Naît-on mauvais ou le devient-on ? Savant11

Cette femme avait peur de lui, cela se sentait à plein nez. Il ressentait la gêne qu'avait occasionnée en elle sa demande de lui serrer la main pour sceller leur transaction. De la voir en pareil état, cela procurait à Idj une certaine satisfaction, certes mesquine, certes pitoyable, mais une satisfaction tout de même. Car il ne l'aimait pas non plus. Il n'aimait pas ses manières directes, non plus que l'application qu'elle avait mis à dicter le déroulé de l'entrevue. Elle se décida finalement à lui serrer la main. Ce contact, si furtif soit-il, éveilla en lui la vision de ce qu'aurait pu être sa vie s'il n'avait pas fait le choix de l'ermitage, s'il n'avait pas eu sa vocation dévorante pour la connaissance, s'il s'était mêlé davantage avec les habitants de sa ville, avec le monde, avec la gent féminine. En une fraction de seconde, cela le mit de fort mauvaise humeur, et cette réaction fut exacerbée par l'attitude de la jeune femme, qui venait de donner une petite secousse nerveuse vers l'arrière pour se dégager de la poignée de main. On aurait dit qu'elle le prenait pour un pestiféré. Il la regarda dans les yeux, son regard asymétrique se plongeant dans celui d'Elwyn, porteur d'une antipathie soudaine et féroce, mélange d'aversion et de frustration. Et puis il la lâcha, et toutes ces émotions inhabituelles se dissipèrent comme une brume dans le vent, remplacées par la préoccupation plus pragmatique de la mise en sûreté de sa marchandise.

Car les inconnus approchaient.

I
dj monta son pied jusqu'à l'étrier de sa jument et se hissa sur son dos sans donner de coup à son chargement. À son âge, l'exercice était devenu douloureux, ses articulations n'étant plus aussi souples qu'avant. Ce n'était pas seulement le fait de monter sur un cheval qui était devenu plus difficile : de manière générale, sa vigueur physique n'était plus la même que durant sa jeunesse, et cela se ressentait sur toutes les activités qui en demandaient. En l’occurrence, cela pouvait le pénaliser si poursuite il devait y avoir avec ces troubles-fête, et il le savait bien. La seule option raisonnable était de mettre un terme à cette entrevue, de se séparer définitivement de ces khandéens et de les laisser regagner les steppes d'où ils venaient – et de regagner lui-même sa propre demeure. Il n'avait que trop tergiversé, il s'en rendait maintenant compte. L'euphorie avait eu raison de sa prudence, la passion avait triomphé de son pragmatisme. À présent, un seul cri impromptu comme celui de tout à l'heure, et il se ferait prendre à coup sûr. Mais il avait maintenant retrouvé sa lucidité.

Il tourna bride, et jeta un dernier regard au trio avec lequel il avait fait affaire.

– Si tout se passe bien, nous ne nous reverrons jamais, lança-t-il en flèche du parthe.

E
t, éperonnant doucement sa monture, il se dirigea vers l'est et disparut bientôt de leur champ de vision, comme un vieux fantôme qui voudrait non pas hanter les vivants, mais au contraire les fuir. Même la lune, même les étoiles avaient bien du mal à révéler son cheminement : la robe grise de son animal, même si elle n'avait pas le même pouvoir que celle du légendaire Scadufax, se discernait fort peu dans la nuit, et il en était de même pour la propre cape sombre du savant. Qui plus est, si les khandéens ou les cavaliers regardaient dans sa direction, ils avaient en face d'eux la masse sombre des montagnes qui empêchait sa silhouette de se détacher sur l'horizon. Et le sol sableux absorbait en grande partie le bruit des sabots tant qu'il ne faisait pas l'erreur de céder à la panique et de prendre une allure trop élevée. Et il ne fit pas cette erreur.

Fort heureusement, les parcelles agricoles qui entouraient la ville étaient nombreuses et séparées par des chemins assez larges qui permettaient le passage des charrues pour le travail de la terre, et des chariots pour la récolte des produits. Idj n'eut donc aucun mal à trouver un passage qui contournât d'assez loin la position hypothétique des cavaliers. Il est parfois difficile de trouver des raccourcis, mais les possibilités de détours, elles, sont légions. Il tourna la tête vers la gauche et s'aperçut qu'il ne voyait plus aucune ombre se détacher nulle part. Avec un peu de chance, les nouveaux arrivants se seraient lancés à la poursuite des khandéens, et lui-même serait tranquille.

Que ce fût le cas ou non, il réussit à atteindre les portes de Dur'Zork sans encombre et, un peu tremblant, choisit d'opter pour les ruelles les plus sombres et étroites. Les pas de sa jument étaient moins silencieux que dans les champs tout à l'heure, et l'écho de ses sabots arracha au vieillard de fantastiques terreurs. Ce ne fut que lorsqu'il pénétra enfin dans la cour de sa maison qu'il commença à se sentir un peu plus rassuré. Il referma le portail derrière lui en vérifiant au préalable que personne ne l'avait suivi. Les différentes factions de la ville avaient beau être sur les nerfs, elle n'avaient pas non plus les moyens de faire surveiller chaque passage et chaque recoin. Dur'Zork n'était pas un petit hameau que l'on pût surveiller en postant un homme au centre ; non, Dur'Zork, c'était Dur'Zork, et il y avait toujours des zones d'ombre à exploiter.

Maintenant, il en était à la dernière étape : descendre le précieux fardeau au sous-sol, dans la cage prévue à cet effet. Il ne pouvait espérer le faire seul, ne disposant pas de la force de géant de ce Sahid. Aussi avait-il prit ses précautions.

– Tu es là ? murmura-t-il sèchement.

Elle fit quelques pas en avant pour sortir du coin de la cour dans lequel elle se tenait cachée. Le clair de lune révéla sa silhouette. Une femme, chez lui, voilà qui était pour le moins inhabituel. Elle avait honoré le rendez-vous qu'il lui avait fixé, malgré l'heure incongrue. Elle avait l'air de savoir respecter un ordre.

C'était un point crucial pour le bon déroulement de leur collaboration.


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Ryad Assad
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Naît-on mauvais ou le devient-on ? EmptyVen 12 Fév 2016 - 8:08
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