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Sujet: Naît-on mauvais ou le devient-on ?
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Dur'Zork   Tag jlaphân sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Naît-on mauvais ou le devient-on ?    Tag jlaphân sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 13 Déc 2015 - 17:37

Guerres, invasions, prises de pouvoir, intrigues politiques... Ces jeux auxquels s'adonnaient les hommes n'avaient que peu d'attrait aux yeux d'Idj Jlaphân. Pour ce singulier individu au nom imprononçable ce n'étaient que des pacotilles, des anecdotes dérisoires, passagères, minables. Peu lui importait que la ville de Dur'Zork soit aux mains d'un émir ou d'un pirate, d'un homme de l'ouest ou d'un homme du sud, d'un gouverneur légitime ou d'un usurpateur. D'ailleurs, que resterait-il à tous ces hommes de pouvoir quand, tout au bout du chemin, ils jetteraient un regard en arrière pour faire le bilan de leur vie ? J'ai pris telles cités, j'ai dicté ma loi à tels peuples, j'ai occis tels ennemis. Et après, quoi de mieux ? Une ville conquise sera à nouveau perdue un jour ou l'autre, puis récupérée, puis de nouveau perdue. Les lois seront faites et défaites au rythme de la succession des dirigeants. Quant aux exploits sur les champs de bataille, ils se répéteront inlassablement au cours des temps à venir, aussi monotones qu'impermanents.  Pitoyables occupations qui faisaient stagner l'humanité...

Mais ce n'était pas le cas du savoir. Le savoir était une chose puissante et inexorable. Il se transmettait d'un siècle à l'autre, sans cesse enrichi, chaque dépositaire y apportant quelque chose de nouveau. Le simple fait de découvrir une vérité, de marcher sur des sentiers que personne n'avait encore foulé auparavant, était un moteur bien plus puissant que n'importe quelle promesse de richesse ou de gloire. Les grands mystères du monde étaient cachés, et pourtant rien n'était impossible à l'esprit humain, ou tout du moins à celui des rares humains qui avaient assez de subtilité et de volonté pour chercher à les élucider. Telle était la conviction d'Idj.

Paradoxalement, le récent conflit et le changement d'autorité à la tête de la ville avaient influé sur sa vie davantage qu'il ne l'aurait cru. En fait, l'arrivé de ces gens du Harad et de leurs singuliers soldats avait fait germé une idée nouvelle dans son brillant intellect. Un idée qui s'était peu à peu emparé de lui, se transformant en obsession permanente, jusqu'à troubler ses rêves ou l'empêcher purement et simplement de dormir. Une idée sur laquelle il pourrait commencer à travailler dès cette nuit, si tout se déroulait comme prévu.

– Et ainsi je serai le premier à débusquer ce qui se cache là-dessous. À remonter jusqu'à l'état originel, et à comprendre comment ça a pu en arriver là. Peut-être réussirai-je même à conserver cet état originel sur la durée. Ce sera comme si je remontais dans le lointain passé. Et alors...

Il marqua une pause, tant la pensée qui venait de traverser son esprit faisait figure de saint Graal inaccessible.

– Je pourrai accéder à la vision du monde tel qu'il était avant le Marrissement.

~~~

Le rendez-vous n'avait pas été facile à mettre en place. La situation politique instable exacerbait les tensions et, puisqu'il n'y avait pas de chef incontestable et charismatique, chaque faction influente craignait une trahison et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour surveiller les autres. Sans parler de la crainte d'une reconquête venue d'occident, voire même d'une conquête venue d'ailleurs. Conséquences de tout cela, les patrouilles de miliciens n'avaient jamais été aussi nombreuses et tout comportement suspect était interprété comme une menace potentielle. Idj savait qu'il risquait gros s'il se faisait prendre ; peut-être risquait-il même sa vie, mais le jeu en valait la chandelle. Son obsession pour la découverte était plus forte que n'importe quel danger, et il savait qu'il n'aurait peut-être pas trente-six occasions d'obtenir ce qu'il désirait, s'il ratait l'entrevue de cette nuit.

La journée passa à une lenteur insupportable. Idj ne prit ni déjeuner ni dîner, la promesse de pouvoir enfin passer à l'étape expérimentale de ses recherches était une nourriture plus que suffisante. Il se replongea dans les vieux manuscrits qu'il avait déniché sur le sujet. Même les étagères sans âge de la Tour du Savoir de Dur'Zork ne contenaient pas d'ouvrages aussi pointus sur la question. Il serait trop long de décrire ici les efforts qu'il avait dû déployer pour acquérir ces grimoires d'une rareté exceptionnelle.

– Pourtant, quand j'aurai atteint la grande vérité, à côté tous ces écrits ancestraux auront l'air de petits articles de culture générale.

Mais même ses lectures n'arrivaient plus à apaiser son impatience croissante. Le vieil homme referma le livre et le laissa retomber sur le bureau, générant un petit nuage de poussière. Passant dans la pièce d'à-côté, il vérifia une énième fois le fonctionnement de la serrure et la solidité de la grille, avant de remonter au rez-de-chaussée. La luminosité baissait. Entre-ouvrant le volet et jetant un coup d'œil par la petite fenêtre carrée, il vit qu'au-dessus des cimes de l'Ephel Duath, le ciel avait troqué sa teinte bleu azur pour un gris lugubre, qui se mua bien vite en un noir tacheté d'étoiles. Le moment était venu de se mettre en route.

Il se saisit de la sacoche en cuir, ferma la porte à double-tour et traversa la cour en direction de la remise où l'attendait sa jument grise. L'animal connaissait peu de sorties, car Idj Jlaphân ne quittait les murs de sa villa qu'à contrecœur : il ne voyageait que rarement, plongé qu'il était dans ses diverses recherches. Comme cela a été dit, il n'aimait guère le monde et sa mentalité si terre-à-terre, et se mêlait peu volontiers aux gens, sauf quand ceux-ci étaient utiles à l'aboutissement de ses projets. Volets clos, portes closes, même ses plus proches voisins ne le voyaient presque jamais, tant et si bien qu'ils se demandaient parfois s'il n'était pas mort dans sa demeure. Et dans les rares occasions où ils le croisaient, son caractère taciturne, son excentricité et son regard troublant les mettaient trop mal à l'aise pour les pousser à entamer une discussion. Il était dans son monde, et ils l'y laissaient bien.

Mais au milieu de la nuit, il n'y avait pas de risque qu'il croise le moindre voisin. Il devait toutefois rester aussi silencieux que possible tant qu'il se trouvait encore en vue des habitations. Il avait fixé le lieu de rendez-vous à l'extérieur, au-delà des champs cultivés. Par les temps troublés que connaissait la ville, on n'était jamais trop prudent.

~~~

Idj venait d'entendre une voix masculine à quelque distance devant lui, mais n'avait pu en saisir les paroles. Ce n'était pourtant pas le léger murmure du vent qui pouvait empêcher sa compréhension : l'homme devait sans doute s'exprimer dans son propre dialecte. Un étranger donc, ce qui était bon signe, assurément. L'endroit et l'heure étaient exactes, il n'y avait presque aucun doute sur l'identité de ceux qui venaient à sa rencontre : à moins d'une coïncidence inouïe, c'était bien les Khandéens à qui il avait donné rendez-vous. Le seul doute concernait leurs intentions. Ce peuple oriental était sauvage, imprévisible, belliqueux et sans allégeance certaine ; c'était en tout cas ce qui se racontait à Dur'Zork. Lui était seul, eux de toute évidence étaient au moins deux, sinon plus. Ce n'était pas la petite dague cachée dans ses étoffes qui lui permettrait de défendre son or si d'aventure ses vis-à-vis avaient décidé de le lui prendre de force. Cela dit, il n'avait pas le choix, il devait leur faire confiance. Et puis... eux seuls étaient en mesure de lui fournir le trésor qu'il recherchait.

Une voix féminine répondit à la première. Bientôt, Idj vit une silhouette apparaître, toute proche, devant lui – ses vieux yeux n'étaient pas aussi perçants que les leurs dans la nuit. C'était probablement la femme dont il venait d'entendre la voix. Une épée pendait à son côté, ce qui accentua encore les craintes dans l'esprit du savant. Dans le parler commun, elle lui dit s'appeler Elwyn. Ce n'était pas vraiment l'idée qu'Idj se faisait des noms orientaux, mais après tout il n'était pas un grand connaisseur des langues. Et puis le nom importait peu, la suite était bien plus intéressante. Elle lui dit qu'ils avaient sa commande. Voilà qui était bien, si toutefois cela était vrai. Elle ne pouvait, selon toute vraisemblance, transporter sa marchandise cachée sous ses vêtements.

Tout ceci ne plaisait guère au vieil homme : cela sentait l'entourloupe à plein nez. Elle demanda enfin à voir l'or. L'or. La petite sacoche qu'il portait en bandoulière sous sa cape en était remplie. Si cette Elwyn le menaçait de son épée et s'emparait des pièces cliquetantes, c'était une petite fortune qui s'envolait au pays de Khand. Idj avait certes des ressources à sa disposition, héritages de ses parents et bénéfices des résultats de recherches mineures qu'il avait vendu à des représentants de diverses professions : secrets sur la solidité du mortier, sur la résistance des cultures aux maladies, ou sur le travail des métaux, pour ne citer qu'eux. Néanmoins, l'idée de dilapider ses richesses ne lui plaisait guère, il ne les chérissait pas en tant que telles, mais elles étaient si utiles pour mener à bien ses projets !

– Je me nomme Dhaki, et comme vous l'avez si justement deviné je suis bien votre client.

Ses actuelles recherches étant secrètes et illégales, il n'allait certainement pas avoir la sottise de révéler son vrai nom, au risque de se faire retrouver, arrêter, et dieu sait quoi encore. Dhaki signifiait simplement intelligent. C'était sous ce sobriquet qu'il avait pris contact avec le groupe, quelques semaines plus tôt. La modestie du savant était légendaire.

– Madame, je ne vois nullement pourquoi vous êtes si circonspecte. Voyez, je suis un vieil homme et contrairement à vous je ne porte point d’épée. Il me plairait d'avoir ma commande sous les yeux et de pouvoir juger de son état avant de donner quelque paiement que ce soit. Après tout que risquez-vous, vous êtes clairement en position de force.

Néanmoins, pour prouver sa bonne foi, il déploya un pan de sa cape de sa main gauche et, de la droite, agita la petite sacoche qui pendait contre son flanc. Le tintement de l'or contre l'or résonna dans l'air. Maintenant que la rohirro-khandéenne était assurée sur ce point, il espérait qu'elle fasse preuve de bon sens et lui apporte la preuve qu'elle et son ou ses compagnons n'étaient pas que des bandits de grand chemin. Si les choses tournaient mal, il pourrait toujours sortir sa petite lame. Les négociations n'étaient pas son fort, mais ce qui était certain, c'est qu'il n'hésiterait pas à abîmer le joli visage de son interlocutrice si elle se montrait trop polissonne.
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