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Taorin
Emir du Harondor Libre
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Taorin

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Une vie EmptyDim 15 Nov 2020 - 15:57
« J’parie qu’t’es pas cap’ ! »

Les rouleaux s’écrasaient dans des monceaux d’écumes sur la plage désertée. Le ciel était bas : de lourds nuages grisâtres faisaient comme un manteau sur le monde. Il ne tarderait pas à pleuvoir. Et en cet après-midi lugubre, face aux vagues de plus en plus grosses de la marée montante, un groupe de jeunes enfants se défiaient les uns les autres de sauter dans l’eau. Ils grelottaient, éclaboussés par les embruns. Le jeune Sam regarda une dernière fois ses amis, et, tremblant, s’avança dans l’eau. Le premier rouleau le renversa. Il but la tasse, fut retourné dans tous les sens, ne savait plus où était le ciel et où était le sol. Il réussit à sortir la tête de l’eau, et à s’extraire de l’eau, toussant et crachant. Puis il éclata de rire, et tous les enfants se jetèrent dans l’eau.

Ils finirent par sortirent, dans un mélange de rires, de quintes de toux, de crachats et d’exclamations. Aran, qui pouvait passer pour le chef de la bande du haut de ses douze ans, tapa dans le dos de Sam. « Bien joué l’avorton ! »

Le ciel s’assombrissait au loin, derrière les dunes. Il fallait rentrer au village, se réchauffer auprès du feu, et manger pour se remettre de ces émotions.

« Sam ! Viens ici tout de suite ! »


L’appel résonna dans l’air frais du soir. Le jeune Sam soupira. Sa mère n’aimait pas le voir revenir de la plage, ses vêtements trempés, les cheveux blonds goûtant de l’eau salée, mais un grand sourire allant d’une oreille à l’autre. Elle le grondait, lui disant de faire attention à ses vêtements, qu’il lui fallait laver et repriser à chaque fois. Que les marées pouvaient être traîtresses, que déjà de nombreux jeunes enfants avaient été avalés par la mer. Mais comment pouvait-elle comprendre ? C’était tellement mieux que de rester à la maison pour faire la vaisselle ou laver encore un fois le sol ! Et bientôt, il serait assez grand pour monter dans le bateau de son père pour partir vraiment en mer ! Il avait huit ans, quand même ! Il était assez grand pour y aller, non ? Mais comme à chaque fois, il allait encore être puni. Qu’est-ce que ça allait être ce soir ? Au lit avec du pain sec et de l’eau ? Nettoyer la porcherie ? Repriser les filets ? Il soupira de nouveau, et rentra en traînant les pieds.

*** *** *** *** ***

Le ciel était d’un bleu profond, infini. Une légère brise marine agitait les hautes herbes vertes et jaunes parsemant le sommet des dunes. Aussi loin que pouvait porter le regard, la plage séparait la terre de la mer. C’était cet espace inqualifiable d’entre-deux mondes, ce mélange des herbes folles, de l’écume des vagues, des quelques galets, des coquillages abandonnés par les mouettes. C’était ces hautes dunes protégeant l’intérieur des terres des vents marins, ces terres néanmoins humides, aux multiples étangs et cours d’eaux traversant la barrière des dunes. C’était le bleu vert de la mer aussi loin que pouvait porter le regard, le bleu azur du ciel qui, à l’horizon, se mêlait à celui du Belegaer. C’était le bruissement des hautes herbes sous le vent, le grondement des vagues se brisant sur la plage. C’était là où étaient échoués les frêles esquifs des pêcheurs du village, guère plus que de grosses barques munies d’une petite voile, ainsi que d’une éventuelle gabare permettant d’acheminer des marchandises jusqu’au bourg côtier le plus proche. De cette flottille de yoles, de gabares ou de barquettes, il ne restait que l’épave du vieux Tom, pareille à une baleine échouée sur la grève.

Le silence n’était perturbé que par les quelques mouettes qui se laissaient porter par le vent. Les hommes du village étaient en mer, les enfants jouaient dans les champs et pâturages en gardant les quelques bêtes. Mais un éclat de rire vint perturber le calme des lieux. Un observateur curieux aurait alors pu apercevoir, en prêtant attention, des mouvements dans les hautes herbes ayant de toute évidence d’autres causes que le vent. En effet, deux corps enlacés roulaient dans les herbes. La jeune Eawyn, du haut de ses dix-sept printemps et d’un an l’aînée du jeune Sam, avait jeté son dévolu sur le jeune homme.

*** *** *** *** ***

Il y avait tout d’abord eu des cris et des pleurs, mais finalement, il avait bien fallu se rendre à l’évidence. Eawyn était tombée enceinte, et avait osé avouer le nom du père. On avait donc dû organiser un mariage entre les deux jeunes, leur libérer une maison pour le jeune couple, et, après la surprise et la colère, tout le monde s’était dit que, finalement, ce n’était pas une si mauvaise chose. Certes, les deux jeunes rêvaient sans doute d’autre chose, et les deux familles étaient en froid depuis de nombreuses années, mais ça aurait pu être pire. Elle aurait pu fricoter avec l’un de ces voyageurs que l’on voyait parfois passer.

La dot avait été dure à rassembler, mais la famille avait pu se séparer d’une vache à lait et de quelques pièces, suffisamment pour assurer à la jeune famille un bon départ. Le jeune homme avait été engagé par son oncle sur sa yole de pêche, et allait pouvoir assurer la subsistance de sa jeune femme et de son enfant à naître. Et les deux jeunes s’aimaient bien, à défaut d’avoir voulu passer le restant de leur vie ensemble.

La fête rassembla tout le village. Une centaine de personnes, attablées autour d’un grand banquet. On avait tué deux cochons, sélectionné les meilleurs fûts de vin, et on avait sorti les instruments de musique. L’un dans l’autre, ça avait été une bonne fête, où tout le monde s’était amusé, avait bu plus que de raison, avait mangé également plus que de raison.

Désormais, dans la petite maison au bord du village, la jeune mariée attendait que son mari arrive porté par ses amis, pour qu’ils l’installent dans le lit nuptial. Lit qui n’était guère qu’une paillasse, mais tout de même, une paillasse nuptiale. La troupe avinée arriva devant la porte, l’ouvrit, et porta le jeune blondinet jusqu’à sa femme. Ils finirent par quitter la maison, non sans quelques dernières blagues grivoises.

Les deux jeunes se regardèrent, et soufflèrent la bougie…

#Sam


Dernière édition par Taorin le Mar 2 Mar 2021 - 18:25, édité 2 fois
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Une vie EmptyVen 20 Nov 2020 - 20:58
Le soupir d’une femme qui dort.
Un reniflement.
Le bruit de draps emmêlés entre les jambes d’un dormeur agité.
La douce chaleur des braises qui imprègne la pièce.

Le stridulement des grillons.
Le bruissement des hautes herbes sous le vent.
Le claquement des habits sur la corde à linge, derrière la maison.
Le grincement de la porte de la grange.
Le ronflement des cochons dans leur fange.

La pleine Lune suspendue au milieu d’un ciel dégagé.
Un astre illuminant les minces volutes de fumée sortant des cheminées.
Un village endormi.

Les rouleaux sur la grève.
Des multiples navires échoués sur la plage.
De sombres silhouettes sur la dune.
Un reflet métallique.

Le gémissement d’un chien.
Chtonc !

Le grincement d’une porte.
Le jonc craquant sous des pas.
Un coup sourd.
Un cri.

Deux cris.
D’innombrables cris.
Et des rires.

Des aboiements.
Des coups sourds.
Un toit enflammé.
Des silhouettes démoniaques courant d’une chaumière à une autre.
Riant.

Et encore des cris.
Et des pleurs.

Puis, après un certain temps, le silence.
Une bille blanche dans le ciel, surplombant les ruines calcinées d’un hameau côtier.

Un brasier sur la plage.
Et, entre les vagues, un navire noir d’Umbar.
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