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 Les cœurs purs

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Ryad Assad

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Les cœurs purs EmptyDim 7 Fév 2021 - 18:27
Un soleil pâle et froid se levait sur Fornost, la vieille cité de l’Arnor, glissant à travers les rideaux tendus comme l’eau des rivières s’écoulait entre les rochers lissés par le temps et les éléments. Les remparts et leurs habitants accueilleraient avec un plaisir certain la venue d’un jour nouveau, qui ne se parait ni de rouge ni de noir. Cette nuit, il n’y avait eu ni alerte, ni menace. Pas un Gobelin à l’horizon, pas une seule patrouille de ces infames ennemis surgis des profondeurs de la terre. Le ciel ne s’était pas obscurci à l’approche d’une silhouette menaçante jaillie des tréfonds de la mémoire des Hommes. On pouvait avoir oublié, dans les lointaines contrées méridionales, mais les Dúnedain conservaient encore le souvenir vivace du serpent ailé qui avait déferlé sur le grand Nord. Un soupir de soulagement s’échappa de la bouche du lieutenant, qui se retourna sur sa couche et s’allongea sur le dos, l’œil vif et le souffle court.

Pour l’instant, il se fichait pas mal des dragons, des Gobelins et autres malheurs qui pouvaient s’abattre sur la cité. Il ne se préoccupait que de la douce sensation qui courait à travers ses veines. Tous ses sens étaient en éveil, et il lui semblait percevoir la caresse de l’air ambiant sur sa peau, la tiédeur du drap de soie, le parfum entêtant qui lui montait aux narines… Après deux longues semaines passées dans les terres hostiles du Rhudaur, il ne souhaitait qu’une chose.

Oublier.

Oublier pour un temps le froid, la faim, les privations, l’angoisse constante, la crainte d’être débusqué par des maraudeurs Gobelins, et d’être contraint de devoir traîner le corps d’un autre camarade meurtri par une de leurs satanées flèches empoisonnées… Dormir sur ses deux oreilles, à l’abri de murs épais… quel plaisir souverain !

- Tu veux boire quelque chose ?

Il ouvrit les yeux brièvement, et les posa sur le corps sublime d’Armance. La jeune fille allait nue avec la confiance d’une adulte, alors qu’elle n’avait sans doute pas vingt printemps. Elle était belle comme la rosée du matin prise par les rayons du soleil, et irradiait cette douceur simple qu’ont les gens au cœur pur. Il aurait sans doute pu tomber amoureux d’elle, dans une autre vie.

S’il n’avait pas été un Dúnadan, et elle une prostituée.


- Ça ira, répondit-il maussade. L’eau de la ville a un goût que je n’aime pas.

Il avait longtemps vécu dans les grandes plaines du Nord, accompagné de ses vaillants compagnons d’armes, dont beaucoup étaient morts depuis. De braves guerriers, qui lui avaient inculqué les bonnes valeurs. Le respect, l’honneur, et l’amour de l’eau claire qui coulait à flanc de montagne dans de petits ruisseaux chantant. L’eau croupie qu’on puisait à la force des bras dans les puits des villes ne lui disait rien. Il ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer qu’un type bourré avait pissé dedans la veille.

Armance n’insista pas. Elle n’insistait jamais. Elle respectait son silence quand il lui prenait l’envie de se taire pendant plusieurs heures, et l’écoutait parler quand il avait le cœur lourd. Elle l’avait consolé maintes et maintes fois quand, revenant d’une nouvelle expédition décevante, portant le corps d’un camarade déchiqueté par les Gobelins, il avait éprouvé le besoin de vider son sac. Elle parlait peu elle-même, n’en révélant jamais trop sur son passé ou sur ses idées, mais ça lui convenait. Avec le temps, elle était devenue une sorte de confidente, pour ne pas dire une amie. Elle lui coûtait moins qu’une femme à entretenir, et il trouvait chez elle le réconfort qu’il cherchait en rentrant de mission. En outre, s’il la surprenait au bras d’un autre homme, il n’éprouverait nulle jalousie, nulle trahison. Il se dirait simplement qu’elle faisait son travail – comme lui – et attendrait patiemment son tour.

- Ces bannières sont jolies, lâcha-t-elle en regardant pensivement par la fenêtre. C’est ton régiment ?

Il se leva et observa dans la direction qu’elle fixait, plissant les yeux pour s’habituer à la lumière vive qui jaillissait du dehors.

- Non, c’en est un de la capitale je crois. Des gars envoyés pour sécuriser le grand Nord, mais qui sont rentrés bien vite se terrer à Fornost. Les gars de la ville peuvent pas faire le boulot qu’on fait, tu sais. Il suffit pas d’arriver avec des bottes bien cirées pour chasser le Gobelin et collecter la taxe royale.

Elle hocha la tête :

- Ils ont l’air fatigués, les pauvres.

- Oui, apparemment ils ont eu quelques difficultés contre les Gobelins, mais je n’en sais pas beaucoup plus. Ce n’est que leur avant-garde que voilà, tu sais. Le capitaine, quelques officiers, et une escorte. Les autres doivent encore être à quelques lieues d’ici. Autant d’hommes ne peuvent pas demander asile dans une cité de l’Arnor sans avoir eu la permission du Gouverneur.

Armance hocha la tête, distraite. Toutes ces questions politiques et militaires lui importaient peu, mais il savait qu’elle aimait l’écouter parler de choses qu’il connaissait et qu’elle ignorait. Elle se sentait à l’aise dans les bras d’un homme qui lui expliquait le monde, et lui-même se sentait en contrôle de la situation quand il parvenait à mettre des mots simples sur ce qui, aux yeux de la jeune fille, demeurait un profond mystère. Cependant, il ne pouvait pas s’attarder bien longtemps. Il avait des devoirs à assurer, hélas.

- Je dois me préparer. Rentre chez toi, mais sois prudente en passant par le quartier Nord. De nouveaux soldats qui reviennent du Nord pourraient bien avoir envie de croquer tes petites fesses au passage.

Elle lui répondit par un rire joyeux, tout en enfilant ses robes. Ainsi vêtue, elle ressemblait moins à une prostituée, et davantage à une fille simple de la ville, une couturière ou une tisserande. C’était d’ailleurs toute la force de la belle aux cheveux bruns. Elle n’était pas aussi vulgaire que les autres, et dégageait encore cette innocence qui faisait fondre les hommes.

Bientôt, elle trouva le chemin de la sortie, et fut cueillie par la chaleur inhabituelle. Abandonnant son châle et son voile, elle fila prestement trouver un coin d’ombre dans la maison qu’elle occupait avec d’autres filles employées au service de la garde. D’autres prostituées, donc. Cependant, contrairement aux autres qui pour la plupart s’en allaient vomir après avoir passé la nuit avec des hommes qui n’étaient pas leurs maris, ou qui s’enfermaient pour sangloter sur leur condition, Armance avait une tâche bien plus importante à accomplir.

Avec l’application d’une écolière, elle sortit un morceau de papier fripé, un peu d’encre et une jolie plume quoique tordue. Son orthographe était bancale, ses tournures maladroites, mais elle s’efforça de consigner tout ce que lui avait confié son compagnon de la nuit. Presque rien, évidemment, mais qui méritait d’être remonté tout de même. Elle cacheta le pli, et se promit de l’envoyer par pigeon dès que possible.

Déjà, dans l’escalier, elle entendait les pas d’un nouveau client.


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Les cœurs purs Signry10
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