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Le Jour de la Vengeance | |
| Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Nombre de messages : 2511 Age : 32 Localisation : Pelargir Rôle : Humaniste
~ GRIMOIRE ~ -: Humain -: 36 ans -:
| Mer 17 Juil 2024 - 22:20 | | Suite de : Les femmes sont plus traîtresses que l'alcoolOctobre 301 du Quatrième Âge, Pelargir.
- Soldats, chargez !Amanda leva l’épée que lui avait prêté le sergent, et s’élança en avant face au groupe de Pirates qui se préparaient à incendier le Terreur du Sud. Tout avait été soigneusement mis en place : les tonneaux de poix inflammable avaient été disposés stratégiquement, et ils étaient occupés à évacuer le navire dont ils avaient pris le contrôle discrètement, en éliminant les sentinelles. En réparation, ce vaisseau élégant était moins bien protégé que ceux qui étaient prêts à partir, et il offrait une cible bien plus facile. L’intuition d’Amanda ne l’avait pas trompée, et elle avait eu raison de pousser ses hommes à s’aventurer dans l’inconnu, plutôt que de suivre les fumées. Le cri de la jeune femme révéla leur position, et sema la panique chez les infiltrés, qui n’étaient qu’une poignée. Deux d’entre eux tentèrent de tirer l’épée, mais ils furent prestement massacrés par les hommes du Huitième, qui déferlèrent sur eux en un bel ensemble. Cette compagnie n’était pas la plus prestigieuse de Pelargir, et faisait partie des troupes laissées en réserve dans la cité, tandis que le gros des forces avait pris la direction de l’Anórien pour protéger Minas Tirith d’une invasion orientale. Ils voyaient dans cette nuit l’opportunité de défendre leur cité, naturellement, mais également de prouver à tous qu’ils étaient à la hauteur de leurs comparses plus renommés. Au cri de « Dans la tourmente ! », la devise dont ils étaient si fiers, ils se jetèrent sur les fuyards qui s’étaient retranchés dans le navire. Lairo fit signe à ses hommes de continuer, tandis qu’il sécurisait le hangar. - Ma Dame… Nul besoin d’insister, laissons les hommes finir le travail. Nous devons prévoir notre prochain mouvement.Elle hocha la tête, encore exaltée par la fièvre du combat. - Vous avez raison. Nous avons pris cet endroit sans difficulté, mais où vont-ils frapper ensuite ?- Les quais seront trop difficiles d’accès pour eux. Les Forces du Lebennin s’y trouvent probablement déjà en grand nombre pour protéger les navires. Considérons que l’Amirauté et les bâtiments officiels feront également l’objet d’une protection renforcée. Où auraient-ils intérêt à frapper ?Amanda essayait de réfléchir à toute vitesse. Elle était persuadée que le principal problème posé par Pelargir était lié à sa flotte, et d’après les rumeurs qui étaient parvenues jusqu’à eux, deux corvettes avaient été coulées ou lourdement endommagées déjà. Cependant, pouvaient-ils avoir d’autres cibles ? Les navires en cale sèche étaient un enjeu majeur, mais le Terreur du Sud était le seul qu’ils pouvaient atteindre aisément, les autres navires se trouvant de l’autre côté du fleuve, ce qui leur aurait demandé trop de temps. Elle se souvint alors des paroles prononcées par Barthélémy de Hauterive. « Ils ont dit qu’ils feraient du mal à ma mère si je le disais à quelqu’un ». - Ils veulent prendre des otages… murmura-t-elle pour elle-même. - Pardon ?- Des otages, sergent Lairo. Ils vont s’en prendre à la noblesse de la ville ! Ils le font déjà ! C’est comme cela qu’ils ont pu infiltrer les plus hautes sphères de la cité, et s’infiltrer dans Pelargir à notre insu. Laissez quelques hommes ici, nous devons nous mettre en route immédiatement !Elle passa en revue les cibles potentielles. Les Pirates semblaient avoir eu le temps d’étudier leur coup, et de planifier cette attaque audacieuse avec soin. Elle n’imaginait pas qu’ils se contenteraient de quelques enlèvements au hasard pour parachever leur œuvre. Les hordes qui parcouraient actuellement les rues de Pelargir chercheraient probablement à tirer profit de l’effet de surprise, et ne reculeraient devant rien pour atteindre leur objectif. - A qui pensez-vous, ma Dame ?Amanda hésita, puis se souvint d’autre chose que Barthélémy avait dit. « Ils ont dit que c’était pour ce soir… Le Jour de la Vengeance… » Quelle meilleure vengeance que de s’en prendre à leur ennemi mortel, celui qui s’était juré de détruire la puissance des Pirates d’Umbar, et de rétablir l’autorité légitime du Gondor sur les terres qu’ils occupaient actuellement ? Un homme dont le gouvernement énergique avait contribué à fragiliser la puissance des corsaires dans les mers du Sud. - J’ai peur qu’ils s’en prennent à Nerya Leontochir… La femme du Premier Conseiller.Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
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Dernière édition par Ryad Assad le Ven 19 Juil 2024 - 17:08, édité 1 fois |
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| Ven 19 Juil 2024 - 14:51 | | Amanda sentit distinctement la lame trancher la chair, et percuter l’os de l’omoplate qui se brisa sous l’impact, avant de poursuivre sa course un instant dans ce qui avait été un tronc. Le cri du malheureux se mua en un râle étouffé, tandis qu’un flot de sang jaillissait de son épaule largement ouverte. Elle poussa un étrange ahanement, et utilisa le poids de ce corps qui chutait pour dégager son arme d’un coup sec. C’était la première fois qu’elle prenait une vie. Elle éprouva un curieux sentiment de détachement, comme si ce geste tant redouté et tant craint n’avait été qu’un épouvantail, cachant bien mal la froideur qui l’habitait. Elle aurait cru au moins ressentir de la haine, ou un profond mépris pour ces hommes qui s’attaquaient à sa cité, mais il n’en fut rien. Elle ne ressentit qu’une pointe de dégoût pour cette chair révélée, sanguinolente, si fragile face à la violence impitoyable de l’acier. - Attention !Le cri de Lairo lui sauva la vie. Elle se retourna et interposa par réflexe son épée entre sa tête et la lame qui filait à toute vitesse. Le Pirate, qui balançait un large cimeterre, était si puissant que cette simple parade la fit reculer de plusieurs pas, l’emmenant à trébucher sur l’homme qu’elle venait d’occire. Ce trébuchement lui permit d’esquiver malgré elle le revers de taille qui siffla au-dessus de sa tête, même s’il la laissait en bien mauvaise posture. Le sergent, qui s’était débarrassé de son adversaire, bondit entre Amanda et son agresseur, parant le nouvel assaut à l’aide de son épais bouclier, et répondant par une série d’estocades destinées à le faire reculer : - Trouvez Dame Nerya ! Je m’occupe de lui !La jeune femme se releva. Ses yeux parcoururent des yeux la demeure des Leontochir, prise d’assaut par une quarantaine de Pirates, auxquels s’opposaient difficilement une douzaine de Gardes du Lebennin. Les hommes du Huitième Otharrimion, qui avaient déboulé comme des diables en hurlant pour effrayer les Pirates, avaient réussi à se frayer un chemin sanglant jusqu’à la bâtisse où s’étaient déjà infiltrés plusieurs assaillants. Ils se battaient désormais pour établir un cordon de sécurité, et tenir à distance la horde de combattants infiltrés qui essayait de s’emparer de l’épouse du Premier Conseiller. S’ils y parvenaient, ils disposeraient d’un levier incroyable pour faire pression sur un homme sinon inflexible. Amanda ne pouvait pas laisser une telle chose se produire. Elle bondit à l’intérieur, sans prendre le temps d’admirer les superbes moulures et les jolies colonnades en calcaire qui s’élevaient vers le deuxième et le troisième niveau. Ses yeux étaient rivés sur l’escalier de bois qui épousait les contours de l’immense vestibule, le long duquel trois hommes semblaient monter à l’assaut de l’étage où se trouvaient probablement les chambres. Quelques bruits de lutte provenaient de tout en haut, là où les gardes de la famille Leontochir étaient aux prises avec les Pirates. Amanda était seule, mais résolue. Elle fit tourner son épée dans sa main, et cria à l’attention des trois hommes : - Rendez-vous ! Vous êtes cernés ! Déposez les armes, et aucun mal ne vous sera fait !Depuis sa rencontre avec Nathanael le Conteur, elle avait compris que ce genre de bravades ne fonctionnaient guère, mais elle n’avait pas pu résister à l’envie d’essayer. En vain. Les trois hommes, d’abord un peu surpris par cette apparition inattendue, se dirent qu’ils n’avaient rien à craindre de cette femme fluette qui marchait vers eux en tenant son arme de manière un peu gauche. Ils descendirent l’escalier doucement, tandis qu’elle avançait à leur rencontre. Elle inspira. Lors de son entraînement, elle avait assimilé les rudiments du combat à l’épée, et elle avait toujours beaucoup impressionné ses instructeurs. Mais jamais elle n’aurait pensé se retrouver dans une telle situation. Involontairement, cependant, elle avait fait le bon choix en ne laissant pas les trois hommes quitter l’escalier et de déployer autour d’elle. Elle se dressa au pied de la première marche, adopta la posture défensive qu’on lui avait recommandée, pointe basse, les deux mains serrées sur le manche de son arme. Elle expira. Le sabre fila dans sa direction. Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
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| Sam 20 Juil 2024 - 16:45 | | Les tremblements incontrôlables de ses bras et son regard qui semblait fixer la mort elle-même cédèrent brusquement la place à une bouffée d’angoisse lorsqu’elle poussa du coude la porte entrouverte. Celle-ci glissa sur ses gonds sans un bruit. Amanda ferma les yeux. Le visage des Pirates fondant sur elle lui revint en mémoire. Le duel terrible, âpre, la longue estafilade dont elle souffrait encore, sur son bras mal protégé par une garde manquant de souplesse. Elle sentait encore la peur gorger ses veines de ce poison paralysant dont elle peinait à se défaire, en repensant à cette langue d’acier mortelle qui fondait sur elle à toute vitesse. Une, puis deux, puis trois. Et elle, effrayée, terrorisée par la perspective de la mort, courant à travers les couloirs de la maison pour placer n’importe quel objet entre elle et ses poursuivants. Retour au présent. La chambre était un chaos sans nom. Des draps et des vêtements éparpillés de toutes parts témoignaient de la violence des combats, les coups et les corps ayant percuté l’immense armoire en chêne, qui s’était lourdement écrasée au sol. Un corps inerte gisait au-dessous. Mort. La flaque de sang qui formait une auréole autour de son crâne enfoncé ne laissait aucun doute à ce sujet. Un sang rouge sombre, que le parquet soigné absorbait goulûment. Un sang visqueux, au parfum métallique. Elle ferma les yeux. Les lames s’entrechoquaient à intervalle régulier, lorsqu’elle s’arrêtait pour ferrailler avec un des envahisseurs. Ils l’asticotaient, se riaient d’elle et de ses pathétiques tentatives pour leur échapper. Elle frappait d’estoc et de taille, ils reculaient brièvement, pour mieux revenir. Quand elle croyait en toucher un, un autre venait à la charge, la forçant à rompre l’engagement et à se replier. Elle était exténuée, son esprit au bord de la saturation tant elle était déchirée par la peur la plus primaire. Elle avait essayé de bondir sur une table pour se jeter vers la porte ouverte. L’un des hommes l’avait saisie par la cheville, l’envoyant s’étaler de tout son long à travers la pièce.
Il avait cru l’emporter.
Elle l’avait tué presque sans s’en rendre compte, d’un revers rageur qu’elle n’imaginait pas capable de le toucher. Elle lui avait fendu le visage au niveau de la bouche, si nettement, si proprement, qu’il avait fallu une seconde infinie avant que le sang ne commençât à couler de sa bouche, et que son corps ne basculât lourdement en arrière. Le sang. Le bruit du choc contre la table de bois. Le cri furieux des deux autres, estomaqués.
Le bruit de ses pas, qui prenaient déjà la fuite sans prendre le temps de savourer cette victoire.
Elle avait couru.Dans son esprit, elle courait encore. Même alors que son corps immobile et silencieux observait les environs, une part d’elle-même continuait à fuir cet endroit maudit. A fuir le plus loin possible, loin de ces souvenirs qui la hanteraient jusqu’à la fin de ses jours. Elle fit quelques pas à l’intérieur. Prudemment. Une porte enfoncée s’ouvrait vers un balcon duquel provenait un courant d’air frais. Elle s’y engouffra, s’attendant à chaque instant à voir un nouveau sicaire surgir et lui porter le coup de grâce. Chaque pas était une plongée dans l’incertitude, et un effort de volonté surhumain qu’elle consentait pour le seul bien de sa mission. Elle enjamba un corps. Un serviteur de la maison Leontochir, qui avait visiblement essayé de fuir, et qu’on avait tué dans le dos d’un cruel coup de sabre. Combien d’innocents étaient morts, ce soir, par la folie de ces Haradrim déchaînés ? Elle poursuivit son exploration. Le balcon traversant connectait à une autre pièce, dont la porte était également ouverte. Deux cadavres gisaient là. Deux Umbarites, le premier fauché par un carreau, le second cueilli par une dague qui ressortait encore de son flanc. Les gardes avaient fait leur travail, et s’étaient battus jusqu’au bout. Amanda suivit les traces de combat, les empreintes boueuses sur le sol perlé de taches de sang, le chaos du mobilier renversé et des bibelots éventrés. Quelques fenêtres brisées jetaient à l’intérieur de la pièce un murmure qui lui faisait remonter un frisson le long de l’échine. Elle devait faire un immense effort de volonté pour l’ignorer. Elle continua son exploration, remontant un couloir le long duquel un combat terrible avait eu lieu. Une demi douzaine de Pirates et moitié moins de gardes gisaient là, dans des positions diverses, morts fauchés par la furie de leurs adversaires. La jeune femme avisa une porte, fermée cette fois… Un silence de mort habillait les murs de la demeure. Elle comprit, et pressa le pas, les yeux fermés, priant pour que rien de grave ne se fût produit. Elle poussa l’huis, qui résista d’abord, puis céda progressivement. Il y eut un bruit sourd, et elle sursauta, lâchant un cri involontaire. - Qui va là ? Lâcha une voix à la fois impérieuse et épuisée. Une voix portant un accent qui lui semblait familier. Des hommes du Gondor respiraient encore entre ces murs. Elle entra, en levant les mains bien haut, tenant son épée par le pommeau pour montrer qu’elle n’était pas un danger. En pénétrant dans la pièce, qui avait été barricadée maladroitement, elle posa les yeux sur deux gardes privés, deux hommes de toute évidence éreintés, qui avaient combattu jusqu’au bout de leurs forces. - Je m’appelle Amanda… Amanda de Guivre. Je suis venue sauver… Dame Leontochir.Une silhouette solitaire se leva, et s’avança vers elle. Nerya, en chair et en os, avait survécu à la nuit. Elle portait une tenue simple d’intérieur, ses cheveux étaient défaits, et ses traits tirés par la nuit atroce qu’ils venaient de vivre, mais elle semblait indemne et dans son regard brillait toujours la même lueur déterminée que le peuple de Pelargir lui connaissait. Cette femme ne faisait pas honte à son rang et à son nom, loin de là. - Amanda… fit-elle pleine de surprise, en intimant à ses hommes de baisser les armes. Mais que fais-tu là ?La jeune femme se mit à trembler. Ses vêtements maculés de sang, déchirés en maints endroits, trahissaient la violence de ce qu’elle avait traversé pour en arriver jusque là. Cette fille de Pelargir, aussi loyale que tous les membres de sa famille avant elle, avait été au-delà de ses limites, au-delà de ce qu’elle croyait possible pour accomplir son devoir. Elle ne comprit pas immédiatement ce qui s’était passé lorsqu’elle se sentit tirée en avant et serrée dans des bras chaleureux. Il lui fallut un instant pour accepter qu’elle n’était pas attaquée, qu’elle n’était plus en danger, et que des bras affectueux s’efforçaient de l’envelopper pour l’empêcher de se désagréger. - Amanda, ma chérie… Mais comment est-ce possible ? Tu as… ?Elle n’osa pas terminer sa question, et rompit leur brève étreinte pour l’observer avec un mélange d’inquiétude toute maternelle et de profonde admiration. - Merci, merci infiniment d’être venue jusqu’à moi… Je ne sais pas comment tu as fait, mais tout ira bien désormais… Nous allons nous assurer que tu rentres en sécurité jusqu’à ton père : Terens ne me pardonnerait jamais s’il t’arrivait malheur à cause de moi, et…- Non, trancha la jeune femme. Son regard s’était de nouveau illuminé, et elle s’était dégagée brièvement. - Je suis au service du Premier Conseiller de Pelargir, et c’est vous qui êtes en danger… Les hommes du Huitième Otharrimion se battent à l’heure actuelle pour nous donner une chance de nous échapper. Je vous en prie, madame… Laissez-moi mettre mon épée à votre service.Nerya la regarda un instant, stupéfaite. Les sévices de l’Ordre de la Couronne de Fer avaient meurtri Pelargir, mais ils n’avaient pas déraciné la noblesse et le courage chez les gens de cette belle cité : bien au contraire. L’idée d’être escortée par une jeune femme qu’elle avait vu grandir aux côtés de son père n’était pas pour lui plaire, mais elle devait accepter qu’aujourd’hui, à l’heure où leurs ennemis avaient enfoncé leurs portes et menaçaient le Triangle de Pelargir, elle était une de leurs cibles de choix. Si les Pirates mettaient la main sur elle, outre le sort terrible qu’ils lui promettaient, c’était toute la défense de Pelargir qui risquait d’en pâtir. Pour le bien de la cité, elle devait vivre. - J’ai toute confiance en toi, Amanda. Je te laisse nous mener en sécurité. Pour Pelargir.- Dans la tourmente, souffla-t-elle machinalement. 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| Dim 21 Juil 2024 - 21:00 | | - Par ici, ma Dame, suivez-moi.Amanda tenait fermement son épée, observant autour d’elle à chaque instant, en faisant preuve d’une vigilance extrême. A chaque coin de rue, elle s’attendait à voir surgir un nouveau contingent de Pirates, qui auraient tôt fait de fondre sur leur groupe réduit. Quatre des hommes de Lairo avaient trouvé la mort en défendant l’entrée du manoir des Leontochir, les autres ayant mis à profit leur discipline de fer et leur entraînement rigoureux pour contenir la poussée des Pirates, et les mettre bien vite en déroute. Qui pouvait dire aujourd’hui s’ils étaient allés chercher des renforts, ou s’ils rentraient chez eux la queue entre les jambes ? Il valait mieux, à ce stade, ne prendre aucun risque, et anticiper le pire. Les rues où ils se trouvaient étaient désertes. Les habitants s’étaient barricadés à l’intérieur, et les hommes du rang étaient affairés là où leur présence était la plus nécessaire. Sur les quais, au quartier général de l’Amirauté… Autant de lieux que les Pirates pouvaient prendre d’assaut, s’ils avaient rassemblé leurs forces. Amanda n’avait jamais assisté à un assaut d’une telle ampleur contre Pelargir, et elle ne se souvenait pas que la ville eût déjà été frappée de l’intérieur avec tant de facilité… Cependant, elle savait que c’était une tactique qu’affectionnaient particulièrement les Haradrim. S’infiltrer en amont, positionner des hommes à des points stratégiques, puis déclencher à une heure dite une série d’attaques meurtrières et stratégiques, visant à briser les défenses de la ville. C’était ainsi que Dur’Zork était tombée. Amanda fronça les sourcils. Comment avaient-ils fait pour ne pas voir venir ce danger, et pour se faire prendre au même piège que celui dans lequel l’émir Radamanthe était tombé ? Pour l’heure, elle ne pensait pas encore aux conséquences politiques de cette faille de sécurité. Elle savait déjà que l’on se disputerait pour se renvoyer la responsabilité, entre les Forces du Lebennin, l’Amirauté, le Maire et le Premier Conseiller. Nul ne voudrait endosser le blâme… En réalité, ils étaient sans doute tous responsables de cette situation. Pour l’heure, cependant, il fallait encore résoudre la crise. Les Haradrim n’avaient pas révélé leur position pour rien… Quel était leur plan ? S’emparer de Pelargir par la force ? Favoriser l’approche d’une immense armée venue du Harad, pour déferler sur les cités du Gondor et ouvrir un nouveau chapitre sanglant dans l’histoire commune des deux peuples ? Elle l’ignorait pour l’heure, mais ses craintes étaient exacerbées par l’attitude étrange de Hauterive. Il lui était encore difficile de mesurer la profondeur de l’eau, mais il était certain que certains parmi la noblesse de Pelargir avaient été contraints de fournir des informations aux Pirates, et qu’ils s’étaient rendu complices d’actes de haute trahison envers la cité et le royaume. Son enquête, au départ anodine, l’avait conduit à avoir des soupçons de plus en plus forts concernant Hauterive, mais elle devinait que ce ne pouvait pas être son œuvre à lui seul. Il avait forcément des complices : des gens qui, peut-être, avaient eux aussi été poussés à collaborer par la menace et la violence. Mais qui pouvait dire combien avaient trouvé leur compte dans un arrangement avec les Pirates ? Ces pensées occupaient encore son esprit, au moment où ils virent apparaître les murs de l’Amirauté, et les silhouettes rassurantes des gardes qui barraient de leur corps l’accès à ce bâtiment stratégique. Le sergent Lairo se présenta à eux, et leur fit son rapport. Puis, on les laissa entrer, les hommes saluant d’un signe de tête la présence de Dame Leontochir. Nul accueil cependant ne fut plus chaleureux et plus émouvant que celui offert par le Premier Conseiller lui-même, qui serra sa femme dans ses bras, oubliant pour un temps ses obligations envers la cité et la présence des officiers des forces du Lebennin. - Sergent… Je ne pourrai jamais assez vous remercier pour ce que vous avez fait. Vos hommes ont montré une bravoure extraordinaire aujourd’hui.- Merci monsieur, répondit humblement Lairo. Nous le devons en grande partie à Dame de Guivre ici présente.- Amanda ?Leontochir la connaissait très bien. Elle avait intégré les services de renseignement de Pelargir quelques semaines seulement après que l’Ordre de la Couronne de Fer eût été chassé de la cité par l’intervention d’un certain Nathanaël de l’Arbre Blanc. Cela faisait quelques mois, désormais, qu’elle officiait au service du Premier Conseiller, en se chargeant de dossiers mineurs tels que des affaires de corruption parmi des marchands. De toute évidence, son enquête l’avait conduite à explorer les endroits les plus sombres de l’âme humaine, et à se heurter à la violence des Pirates. Celle qui n’était qu’une jeune héritière idéaliste poussée par l’envie de protéger sa cité et sa famille, s’était muée en l’espace d’une nuit en une guerrière au regard éteint, meurtrie par la violence des combats auxquels elle avait participé. Le Premier Conseiller lui posa une main sur l’épaule, et la remercia chaleureusement : - Vous avez accompli un véritable exploit, Amanda. Vous avez fait honneur à votre rang et à votre sang. De Guivre est un nom que l’on associera encore longtemps à la loyauté et à la bravoure.Elle hocha la tête, incapable de rien dire. Elle était simplement heureuse d’avoir pu mener sa mission à terme. Leontochir l’invita, ainsi que Lairo, à approcher des officiers supérieurs qui étaient réunis et organisaient la défense de la cité. Ils restèrent silencieux, tandis que la réunion continuait. Un lieutenant, le casque sous le bras, faisait son rapport avec efficacité : - Monsieur, comme je vous le disais, nous avons le contrôle du Triangle, les dernières poches de résistance sont en train d’être dissoutes à l’heure actuelle. Les quais orientaux et occidentaux ont été repris, et les dégâts sont pour l’heure contenus. Il nous faudra du temps pour éteindre les incendies, mais la population est à pied d’œuvre. Trois Thangion du Quatrième Otharrimion ont été déployés ici, là, et là pour couvrir une éventuelle approche de l’ennemi. Trois autres, appartenant au Huitième Otharrimion du sergent Lairo, ont été déployés ici près de la place de la Victoire, là, et enfin là. Ils pourront se déployer rapidement vers les quais ou les entrepôts si besoin, et apporter un soutien crucial à nos hommes.Amanda, qui n’était pas familière de ces instances militaires et de la hiérarchie qui s’y appliquait, prit la parole sans y avoir été invitée : - Avons-nous repéré une armée venue du Harad ? Devons-nous organiser la défense de la ville ?Le lieutenant jeta un coup d’œil à Leontochir, qui lui fit signe qu’il pouvait lui répondre, ce qu’il fit avec diligence : - Aucune armée n’a été repérée. Nous avons déployé des éclaireurs vers le Harad, et leurs rapports n’ont fait mention d’aucune colonne ennemie. Cependant, nous avons détecté beaucoup d’agitation en aval de l’Anduin. Nos cavaliers ont été accrochés par des Pirates, et à l’heure qu’il est ils ne devraient pas tarder à revenir nous faire leur rapport. J’ignore ce que préparent les Umbarites à l’heure actuelle, mais pour le moment la seule certitude, monsieur, c’est que nous tenons la ville. Au lever du soleil, Pelargir sera toujours gondorienne.Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
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| Lun 26 Aoû 2024 - 23:03 | | - Ma Dame ?Amanda ouvrit timidement un œil las, avant de se souvenir où elle se trouvait, et de bondir énergiquement sur ses pieds. Mauvaise décision, car sa tête se mit à tourner, et il lui fallut quelques secondes pour retrouver son équilibre et tous ses sens. L’homme en face d’elle, un militaire de toute évidence, se montra indulgent. Elle avait combattu vaillamment toute la nuit durant, et elle avait refusé de prendre le repos qu’elle avait largement mérité. On pouvait lui pardonner de s’être assoupie. - Il a dit quelque chose ?- Il n’a encore rien révélé, répondit le soldat, mais il a affirmé être disposé à parler à quelqu’un de plus important. Vous souhaitiez pouvoir l’interroger personnellement, et le Premier Conseiller a confiance en vous : il est normal que vous ayez la primauté à ce stade. Mais je vous préviens… nous avons dû l’attendrir un peu.La jeune femme hocha la tête, et s’engouffra dans le tunnel froid et sombre où l’intéressé était retenu prisonnier. Elle s’attendait à tomber sur un homme qu’on avait attaché et battu, peut-être à voir un peu de sang ici ou là… Rien n’aurait pu la préparer au spectacle indicible de la cruauté des Hommes. Que son propre peuple fût capable d’une telle barbarie la révulsa. On avait tabassé le malheureux tant et si bien que son visage tuméfié était méconnaissable, si gonflé et si bouffi qu’il avait des proportions grotesques et effrayantes. Tous ses doigts avaient été brisés par une masse ou un maillet, et le Pirate tremblait des pieds à la tête, encore tétanisé par la souffrance qui lui déchirait le corps. Quatre de ses ongles et une de ses paupières avaient été arrachés… De toute évidence, les gardes de Pelargir avaient pris soin de venger leurs camarades tombés au combat et l’attaque toute entière sur ce Pirate qui avait eu le malheur de ne pas mourir au champ d’honneur – si ce concept avait même un sens dans la langue de ces étrangers. En voyant arriver Amanda, il se redressa un peu, lourdement appuyé sur ses avant-bras meurtris, qui devaient le faire souffrir en permanence. Ses lèvres découvrirent un sourire auquel il manquait plusieurs dents, fraîchement arrachées par les coups de poing de ses tortionnaires. - Bonjour, fit la jeune femme en s’asseyant sur le tabouret posé à l’intérieur de la pièce, laissant un garde refermer derrière elle et se poster non loin par sécurité. - Pas pour moi…Elle ne releva pas. Elle n’avait pas envie de rentrer dans un petit jeu avec cet ennemi de la cité. - Je vais aller droit au but, corsaire. L’assaut contre Pelargir a été repoussé, et tous les Pirates impliqués sont morts ou prisonniers. Toutes les poches de résistance ont été matées, et la bataille est terminée. Le Gondor a une nouvelle triomphé. Si je suis ici, c’est parce qu’on m’a dit que vous acceptiez de coopérer. Prenez-moi pour une idiote, et je quitte cet endroit pour ne jamais y revenir, en vous laissant avec vos geôliers. Mentez-moi, ou faites-moi perdre mon temps, et je vous garantis que vous passerez le restant de votre existence à regretter cette décision. Sommes-nous clairs ?- Très clairs, petite dame.Elle fit un geste évasif de la main qui l’invitait à parler sans réserve, ce qui était souvent plus intéressant que de poser une question trop réductrice. Elle préférait écouter ce qu’il avait à dire, plutôt que de l’aiguiller dans une direction qui ne correspondait peut-être pas à ce qu’elle avait besoin de savoir. - Je peux avoir de l’eau ?Elle resta de marbre, et il dut s’humecter les lèvres pour poursuivre : - Tant pis… On m’a dit que vous étiez intéressée à l’idée de savoir si Umbar est derrière tout ça, quelle est l’implication des Neufs… Ce que vous ne comprenez pas, c’est que les Neufs n’ont rien à voir avec cette attaque. Il y a simplement un homme, Aric.- Dites m’en davantage.Il acquiesça, et obéit diligemment : - C’est un idéaliste fou, convaincu qu’il peut venger son maître Riordan, et accomplir ce que le Chien Borgne Taorin n’a pas réussi à faire… vaincre le Gondor à la régulière. Aujourd’hui, il dispose d’une armada considérable, qui croise non loin de l’embouchure de l’Anduin à l’heure qu’il est.- Et pourquoi ça ? Que cherche-t-il ?Le marin secoua la tête négativement, cette fois. La jeune femme était convaincue d’avoir cerné la mentalité des Pirates, mais elle était loin d’avoir encore découvert toutes leurs ruses et tous leurs trucs de bandits. - Il ne cherche rien… Il a déjà acquis sa victoire. Le génie de ce plan est ailleurs… Son triomphe a été construite sur le delta, en imposant un blocus à tous les navires devant du fleuve. Pelargir était qu’une diversion… Une simple diversion, et tous les hommes qui se sont lancés dans cette mission le savaient. Aucun d’entre nous ne craint la mort.Au moment où Amanda était en train d’enregistrer cette dernière phrase dans son esprit, et de mesurer ce qu’elle pouvait signifier, l’homme se releva d’un bond et la chargea de toutes ses forces. Il avait beau être enchaîné et asservi, il demeurait un homme de guerre et ses réflexes étaient encore affûtés. Ses mains immenses se refermèrent sur la gorge de la jeune femme qui eut à peine le temps de lâcher un glapissement : suffisant pour donner l’alerte et pousser le factionnaire à réagir. La jeune femme sentit ses pieds quitter le sol alors que son agresseur la plaquait contre les barreaux, et elle essaya de se défendre maladroitement en le frappant au ventre ou au torse… sans succès. La pression était terrible, et Amanda sentit qu’elle était sur le point de perdre connaissance, quand tout à coup son corps retomba brusquement sur le sol, lui permettant de prendre une profonde et bruyante inspiration. Elle resta ainsi un moment à genoux, cherchant à capturer autant d’oxygène que possible dans ses poumons qui lui renvoyaient des messages d’alerte paniqués. Lorsqu’elle leva finalement les yeux, elle ne put que constater les dégâts. Son prisonnier avait été traversé de part en part, l’acier d’une épée gondorienne ayant mis fin à ses agissements criminels. Son corps reposait sans vie, dans une flaque de sang qui grossissait à vue d’œil. - Ma Dame, comment allez-vous !? Pardonnez-moi, j’ai dû réagir rapidement pour vous sauver, je n’avais pas l’intention de…- Ce n’est pas grave. Conduisez-moi seulement auprès du Premier Conseiller, je dois le voir de toute urgence. Demandez aux chevau-légers de se tenir prêts, je gage qu’ils partiront en mission incessamment.Elle ignorait encore quel était le plan exact des Pirates, mais la détermination dont avait fait preuve cet homme tranchait avec ce qu’elle connaissait de leur mode opératoire. C’était généralement une approche opportuniste et vénale, qui exigeait pour gagner de l’argent de pouvoir rester en vie. C’était la première fois qu’elle croisait un Pirate réellement déterminé à emporter quelqu’un dans la tombe, au mépris de sa propre existence. Elle avait contemplé la folie dans les yeux, et une question dérangeant lui brûlait les lèvres… Que voulait vraiment ce Aric ? Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"- Spoiler:
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| | | Ryad Assad Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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| Jeu 5 Sep 2024 - 16:28 | | Les pas précipités d’Amanda résonnaient dans le couloir. Depuis combien de temps n’avait-elle pas dormi ? Elle descendit le large escalier qui conduisait à la cour intérieure, et s’élança en courant vers les cavaliers qui se déversaient dans le quartier général des forces du Lebennin. Le capitaine de la compagnie de chevau-léger, un vétéran au visage buriné qui répondait au nom d’Astrion, mit pied à terre en la voyant arriver. Certains de ses hommes s’étonnèrent de voir une femme se porter ainsi à leur rencontre, mais ils remarquèrent bien vite la broche de la famille Leontochir qui ornait sa poitrine. - Capitaine, fit Amanda le souffle court. Vous êtes revenu !- Et en un seul morceau ! Répondit l’homme avec un sourire las. Astrion appartenait à la petite noblesse de la cité, mais surtout il était un ami de Terens de Guivre, dont il connaissait évidemment les filles. Lorsqu’Amanda avait appris que c’était lui qui commanderait la compagnie chargée d’aller enquêter sur les affaires des Pirates, elle avait été rassurée. Elle ne doutait pas le moins du monde de sa compétence. - Le Premier Conseiller est parti visiter les différents quartiers de la ville pour constater lui-même les dégâts. Il m’a demandé de vous attendre, et de prendre votre rapport. Comme vous ne reveniez pas, j’ai cru…- Nous sommes là, et tous là. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes, j’en ai peur. Les Pirates nous ont joué un sale tour, et je crains que la victoire d’hier soir ne soit éclipsée par le mauvais coup des Haradrim.Son regard se fit sombre, alors qu’il poursuivait : - Pendant que nous étions occupés à combattre dans nos rues, ils en ont profité pour saborder un de leurs navires, qui s’est échoué au beau milieu du fleuve, rendant toute circulation impossible en aval de l’Anduin. Nous n’avons pas pu mesurer vraiment la profondeur de l’eau, mais a priori il faut exclure toute navigation tant que nous n’aurons pas réussi à dégager la carcasse de ce vaisseau.Il entreprit de lui décrire avec autant de détails que possible la situation du fleuve, et ce qu’il avait vu lui-même. De toute évidence, les Pirates avaient soigneusement calculé leur action, coulant un navire dans un point peu profond de l’Anduin pour maximiser l’efficacité de leur stratégique. Les flancs du navire avaient été renforcés à l’aide de plaques d’acier acérées, qui pouvaient sans nul doute éventrer ou abîmer sérieusement tout navire qui tenterait de forcer le passage. Toute opération de dégagement impliquerait une logistique considérable, de nombreuses machines, et beaucoup de bras… Autant d’hommes qui pouvaient être vulnérables à une attaque surprise des Pirates s’ils étaient pris à essayer de libérer l’accès au fleuve. - En plus, fit Astrion, je parie qu’ils ont alourdi les cales avec tout ce qu’ils ont pu trouver, histoire de nous rendre la tâche ardue. Plusieurs centaines de tonnes au bas mot.Amanda passa une main sur son visage fatigué. Ce n’étaient pas les nouvelles qu’elle attendait aujourd’hui. Elle avait d’abord cru que l’assaut des Pirates avait été un échec complet, et la liesse qui s’était emparée des régiments victorieux avait confirmé son impression première. Mais plus elle en apprenait au sujet de cette opération, plus elle réalisait à quel point elle était loin de la vérité. Aric et ses hommes avaient totalement pris par surprise les forces du Lebennin, et le Jour de la Vengeance ouvrait sans doute une nouvelle phase dans la guerre entre les Pirates et les Gondoriens… Une phase qui s’annonçait meurtrière. - Ce n’est pas tout, Amanda, lâcha le capitaine. Nous avons également ramené un homme…- De qui s’agit-il ? Un Pirate que vous auriez fait prisonnier ?- Nous l’ignorons. Peut-être un Pirate, peut-être un malheureux capturé par les Haradrim et abandonné là. En tout cas, à sa tenue et à sa tête, c’est clair qu’il ne vient pas d’ici. On l’a retrouvé très mal en point, attaché au mât du navire qu’ils ont coulé, à moitié noyé. Deux de mes hommes ont dû nager contre le courant pour aller le libérer et le ramener à terre. J’arrive pas à croire qu’il soit encore vivant.Une nouvelle piste. La jeune femme ne comprenait pas toutes les pièces du casse-tête qui se présentait à elle, mais elle espérait que cet homme accepterait de collaborer avec les services de renseignement de Pelargir, ne fût-ce que pour rendre la pareille à ceux qui l’avaient abandonné à son sort, en pensant probablement qu’il mourrait de manière spectaculaire. L’ennemi de mon ennemi est mon ami, disait le dicton. Elle espérait que ce serait vrai pour cet homme également. - Faites-le conduire chez les guérisseurs de l’Amirauté, ils savent traiter ce genre de blessures. Qu’il soit placé sous bonne garde jusqu’à son réveil, il doit être considéré comme dangereux jusqu’à nouvel ordre. Donnez ordre à ce qu’on me contacte dès qu’il sera réveillé. Je veux être la première à l’interroger.Le capitaine Astrion, légèrement surpris par l’autorité dont faisait preuve la jeune femme, hocha la tête sans attendre. Il avait connu Amanda lorsqu’elle était plus jeune, et il avait toujours trouvé qu’elle avait hérité de certaines des qualités de son père. Sa condition de femme l’empêchait naturellement de faire carrière dans l’armée du roi, mais elle semblait avoir trouvé, à l’occasion des récents événements qui venaient de déchirer la cité portuaire, une occasion de faire parler ses talents et de mettre ses compétences au service de Pelargir. - A vos ordres, Amanda, répondit-il avec une certaine fierté. Il tourna les talons, et donna des consignes précises à ses cavaliers. Amanda croisa les bras, en les regardant installer le malheureux sur une civière, pour l’emmener de toute urgence recevoir les soins dont il avait urgemment besoin. L’homme, qui avait le crâne rasé et qui semblait avoir reçu une grave blessure non loin de l’oreille, ne lui était pas familier. Toutefois, elle avait hâte d’apprendre à le connaître, et de découvrir tout ce qu’il savait au sujet des Pirates d’Aric. 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| Dim 8 Sep 2024 - 17:54 | | Comment décrire l’indescriptible ?
J’avais été entraîné dès le plus jeune âge à résister à la douleur, qu’elle fût physique ou mentale… J’avais passé de longues heures à endurer les coups, les brimades, les moqueries… J’avais perfectionné cet art durant mon service militaire, et j’avais encore franchi un cap lorsque les agents royaux avaient choisi de faire l’instrument de la volonté du Trône. Pourtant, de toute mon existence, je ne me souvenais pas avoir jamais ressenti pareille douleur.
Mes sens, submergés par le flot de souffrance, avaient perdu la raison. Le monde autour de moi n’était qu’un kaléidoscope de couleurs et de formes confuses, bruyantes et souvent déplaisantes. Les mains d’Aric et de ses hommes avaient fait de moi une boule de chair à vif, un morceau de viande qui n’avait plus qu’une vague forme humaine.
Pour la première fois, j’avais été brisé.
Cette faille, je la ressentais dans les tréfonds de mon être, dans le secret de cette âme que les Pirates avaient réussi à atteindre. Maladroitement, certes. Sans grâce, et sans douceur. Mais avec une efficacité dévastatrice. Ils avaient trouvé, avec cette tige de métal chauffé à blanc, comment détruire une vie entière de conditionnement et de sacrifices. J’étais moi-même sous le choc de cette prise de conscience vertigineuse. En tant qu’espion, en tant que fils de l’Orient, et en tant que membre de ma tribu, j’avais tout simplement failli. Je n’avais rien révélé à mes ennemis, évidemment, simplement parce qu’ils n’avaient pas jugé utile de me poser la moindre question. Leur plan était déjà en marche, et ils n’avaient aucun intérêt à m’interroger plus avant… Mais s’ils l’avaient fait, j’aurais sans doute parlé. J’aurais sans doute tout révélé, pour ne pas avoir à subir un tel traumatisme à nouveau.
Alors que l’eau menaçait de me noyer, j’avais longuement médité sur le sens à donner à tout ceci.
Le vide abyssal de mes pensées m’avait surpris.
Nombre de mes certitudes avaient volé en éclats, et j’étais aujourd’hui perdu comme rarement je l’avais été dans mon existence. J’avais besoin de me retrouver. Besoin de reconstituer les pièces d’un ouvrage émietté violemment. De rebâtir quelque chose qui avait été balayé sans la moindre merci par les hommes d’Aric… Cela nécessiterait du calme, du temps, et beaucoup de repos. Ce fut précisément pour cette raison que les bruits de pas agacés qui se mirent à claquer sur le sol, venant brutalement à ma rencontre, me tirèrent un grognement étouffé indiquant aux deux factionnaires qui me surveillaient que j’étais bel et bien réveillé.
Combien de temps s’écoula ?
Des heures ? Des jours ? Des siècles ?
J’étais épuisé. Affamé. Anéanti. Le temps avait pris la forme d’un tourbillon qui faisait s’agiter le monde que je percevais si peu derrière mes paupières closes, et ainsi alité j’étais privé de tout repère, de toute possibilité de savoir où et quand je me trouvais. Si je n’avais pas été déchiré par une telle douleur à me rendre fou, j’aurais probablement cru que je me trouvais dans l’Après-Vie.
Une voix perça l’air, venant de ma droite, sans que je me souvins que quelqu’un s’était approché.
- Vous m’entendez ? Vous me comprenez ?
Une voix de femme. Lointaine et froide. Visiblement assez jeune. Je la détestais déjà. Ce souci feint, cet accent caractéristique du Gondor que l’on identifiait si facilement à sa pédanterie naturelle. Un trait qui s’effacerait peut-être, si l’attaque d’Aric rencontrait le succès espéré. En si peu de mots, elle m’avait déjà dit tout ce que j’avais besoin de savoir à son sujet, et je ne conçus pour elle qu’un mépris sans nom.
Je grognai quelque chose en retour.
Essayai d’ouvrir les yeux.
Échec.
- Tout va bien, poursuivit la voix. Vous êtes en sécurité… Vous êtes à Pelargir, personne ne vous fera du mal ici.
Nouvelle tentative pour croiser son regard.
Succès.
J’ouvris les yeux pour la première fois depuis une éternité, exigeant de mes paupières alourdies un effort surhumain. La lumière jaillit dans le gouffre béant de mon âme, m’assaillant de couleurs et de formes auxquelles mon cerveau s’efforçait de donner un sens. Le sens était gris. Gris et nu. Une pierre. Un mur de pierre, qui se dressait face à moi, si proche que j’aurais pu le toucher du bout du doigt si j’avais eu la force de bouger le moindre muscle. Je n’eus même pas l’énergie de froncer les sourcils, alors que devant moi le mur continuait de me parler :
- Je sais que vous avez été victime des Pirates… Mais vous ne craignez plus rien.
Un mur qui parlait ? Je n’avais jamais rencontré une telle sorcellerie, et pendant un bref instant je me demandai s’il ne s’agissait pas d’un tour joué par mon esprit. Après tout, peut-être étais-je encore en train de dormir. Peut-être même avais-je rêvé ma rencontre avec les Pirates, avec Aric, avec la mort… S’agissait-il d’un nouveau piège ? D’un abus involontaire de la fameuse farine d’Umbar, dont on livrait illégalement des cargaisons entières dans les ports du Sud Gondor ?
La souffrance se rappela à moi.
Non.
Tout ceci était bien réel. Trop réel. J’étais bel et bien allongé sur une couchette de fortune qui brisait ce qui restait de mon dos meurtri. J’étais bel et bien vivant, malgré tous les sévices subis aux mains des Pirates, et malgré leur plan très original pour me conduire à la mort. Et j’étais bel et bien devant un mur doué de parole… C’était la seule explication rationnelle.
Je grognai de nouveau.
Le mur reprit :
- J’ignore comment vous vous êtes retrouvé mêlé aux Pirates… Ou pourquoi ils ont tenu à faire de vous un exemple… Mais aujourd’hui, vous ne leur devez plus rien, sinon une juste vengeance pour ce qu’ils vous ont fait. Vous n’aurez peut-être pas envie de travailler avec nous, mais j’espère vous convaincre que vous avez tout à gagner à nous aider à lutter contre ces forbans.
Grognement.
J’avais du mal à faire le tri dans mes pensées, mais la voix avait prononcé un mot qui avait particulièrement résonné en moi. Un mot que je n’aurais pas cru capable de provoquer de telles émotions dans un cœur qui avait été précisément entraîné pour ne rien ressentir.
Vengeance.
Vengeance.
L’idée tournait en boucle dans mon esprit, prenant davantage de vitesse, gagnant en énergie, au point de devenir une obsession. Vengeance. Vengeance. Je pense qu’à cet instant précis, je sus que je trouverais un moyen de prendre une revanche mémorable contre les Pirates qui avaient eu le malheur de croiser ma route et de me laisser en vie. Ils avaient effectivement réussi à détruire l’homme qu’ils avaient en face d’eux, l’érudit et précepteur de la noblesse de Pelargir ; le philosophe errant qui parcourait le monde en dispensant sa sagesse acquise ici ou là. Même l’espion au service du Trône avait été grièvement blessé dans l’assaut ignoble que j’avais subi. Ils avaient fait émerger, sans le savoir, et sans que je le sus moi-même pleinement, un homme nouveau.
Un homme qui brûlait d’une flamme nouvelle.
La voix insista :
- Si vous commenciez par me dire votre nom…
Je fermai les yeux un instant, tentant de rassembler mes maigres forces. Mon corps endolori et mes muscles malmenés peinaient à se remettre en marche, à retrouver leur fonction première, à servir mes intérêts sans se plaindre et sans rechigner.
- Atharvan… Soufflai-je finalement, dans un ultime effort.
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