Tout commença par une rencontre.
Ce jour-là, le temps fut doux. Une légère brise tiède soufflait dans les près du domaine des Morbise. De bon matin, les paysans s’afféraient déjà à leurs tâches quotidiennes : sortir les bêtes, récolter les fruits et légumes de saison, préparer les provisions pour les mois à venir, filer, coudre, couper du bois…
Au sein de la maison Morbise, le Seigneur et sa Dame prenaient leur petit déjeuner. Jadis, la tablée était plus importante mais depuis que leur aînée était partie, puis leurs fils mariés…cela fut une tout autre histoire. La grand-mère Morbise, quant à elle avait, rejoint son défunt époux depuis bientôt une année.
Que ce constat était à la fois doux et amer pour le Seigneur de ces terres, Guyram Morbise : la vie avançait, les choses suivaient leur cour. Cependant, les débats animés entre ses enfants, les taquineries et ricanements qu’il avait tendance à bannir lui manquait.
Chacun des membres de la famille Morbise avait une place particulière à cette table : ils avaient en effet chacun une chaise taillée dans le plus noble des bois.
La chaise de Judia avait des roses taillées sur le dossier et la tête, car elle adorait les roses de sa grand-mère. Les chaises des fils Morbise furent taillées de manière plus virile : un ours et sa forêt pour le premier fils, un arc et des cibles pour le second, des épées et des guerriers pour le dernier.
A cette table, une place était encore occupée. Elle était cependant vide en cette matinée. La chaise de Floria Morbise avait pour motifs les roses de sa grand-mère, soulignant ainsi les liens forts entre sa Hilde Morbise et sa grande sœur Judia Morbise, et l’alouette : symbole de l’allégresse et du printemps.
Sur cette table, le repas de Floria était encore fumant.
Le Seigneur Morbise grommela dans ses moustaches.
Il connaissait hélas bien son enfant, qui était devenue une femme il y a quelques mois. Les échanges étaient tendus entre eux depuis, il eut d’ailleurs l’impression de retourner des années en arrière car les discussions et réactions furent les mêmes que son aînée.
Du sang n’était pas de l’eau, mais Guyram ne désespérait pas. Floria n’aura pas d’autre choix que de suivre ses directives.
Car tel était et sera son destin. Sa défunte mère ne pourra rien y faire, cette fois-ci il fera comme bon lui semblera.
Ainsi commença-t-il à prendre son repas, pensant à l’avenir tout tracé de sa jeune et belle Floria.
A quelques lieues de là, dans l’une des prairies du domaine des Morbise, se tenait un arbre. Un grand et bel arbre centenaire. Près de cet arbre, une jument était en train de se reposer paisiblement.
Sa maîtresse étaient quant à elle perchée dans l’arbre. Adossée confortablement contre le tronc, et tenant son carnet à dessin dans sa main, Floria Morbise dessinait de bon matin les paysages de « son » domaine.
C’était son passe-temps favori : dessiner. Elle avait déjà rendu à son père plusieurs dessins représentants le domaine Morbise, qu’il garda précieusement pour ses papiers.
Son don pour le dessin l’aida également et récemment pour un tout autre projet : celui d’éloigner ses prétendants.
C’est à la mort de sa défunte et tant aimée grand-mère que Floria devint une femme. Face à ce changement, la jeune Morbise eut alors un échange avec sa sœur, Judia : « Ne va pas au bal des fiefs. Demeure sur nos terres. Cache à mère et à père le fait que tu sois devenue une femme. Garde ce secret le plus longtemps possible. Je reviendrai. Je t’aime. ».
Les jours passèrent, puis les mois. Floria fit confiance à son adorée grande sœur, elle suivit donc ses instructions.
Le bal des fiefs était avant tout un prétexte pour les Seigneurs d’étaler leurs richesses et d’arranger des mariages.
A quelques jours du bal, l’une des domestiques informant Orélia Morbise que sa fille tachait ses draps de sang. Jusqu’à présent, Floria s’était arrangée pour nettoyer elle-même ses vêtements et ses draps, elle brûla même certaines bandes de tissus utilisées à cet effet. Mais il lui suffit d’une seconde d’inattention et son secret fut dévoilé.
Quelle bonne nouvelle pour Guyram Morbise, qui savait sa fille fortement jolie. Le moment tombait à pic.
A la veille de partir et prise de panique, Floria Morbise se faufila discrètement dans les cuisines de sa demeure et mangea tout ce qu’elle put engloutir : pâté, pain, pâte mélangé à de la confiture, des cornichons, des gâteaux, du cidre et du vin…Elle mangea tellement, qu’elle s’en rendit malade.
Elle prétexta une forte faim due à ce changement hormonal et au stress de ce bal. Son estomac, peu habitué à cette soudaine et riche alimentation, ne le supporta pas. La benjamine des Morbise était trop fatiguée et peu présentable pour se rendre au bal.
Son père, très en colère, partit sans elle. Il n’avait cependant pas dit son dernier mot, et vanta auprès de plusieurs prétendants, la beauté de sa plus jeune fille.
Quelques semaines après ce bal, Floria reçut plusieurs missives. De ces lettres, elle retint quelques phrases : « J’aimerai faire de vous l’être unique de ma vie » disait l’une, « Il me serait merveilleux d’apprendre à vous connaître pour que vous soyez mienne » disait l’autre, « Vous êtes le fléau de mon existence et l’objet de tous mes désirs. Nuit et jour, je ne cesse de rêver de vous. » pour la dernière qu’elle reçut.
Cinq prétendants. Cinq lettres qui se ressemblaient : sans une âme de sincérité, des mots qu’on leur dicta ou qu’ils trouvèrent peut-être dans certain livre pour les plus cultivés…
Comment pouvait-on avouer ce genre de sentiment pour quelqu’un que l’on ne connaissait pas ? Sans même ne l’avoir jamais vu ?
Floria répondit à ces cinq lettres, son père y veilla. Faisant confiance à sa fille, il lui laissa le choix des mots, lui précisant cependant sa préférence pour l’un de ces prétendants.
Elle s’employa à répondre à ces derniers. La même lettre, avec en prime, un auto portrait.
Elle laissa quelques particularités pour chacun de ses dessins : un mono sourcil et des dents de travers pour le premier, un œil droit, un autre complètement à l’opposé et un triple menton pour le second, un nez crochu avec un poireau dessus et des joues bouffies pour le troisième, un crâne légèrement dégarni avec ses dents de devant posée sur sa lèvre inférieure pour le quatrième et enfin pour le dernier, un important strabisme, des joues bouffies et un poireau sur le nez.
Cela fut une distraction pour elle. Floria s’était d’ailleurs enfermée dans sa chambre, feintant un enthousiasme d’être courtisée de la sorte.
En jeune fille rusée, elle garda une sixième lettre et un sixième portait très réaliste d’elle pour montrer à son père ce qu’elle avait fait.
Entre temps, elle écrivit une septième lettre à sa sœur : pour la prévenir que son père voulait la marier. Elle lui demandait de se hâter.
A la grande surprise de Guyram, trois des cinq prétendants se marièrent avec d’autres femmes. Le quatrième ne donna pas suite.
Ce qu’ignoraient les Morbise, c’est que le cinquième prétendant était en route pour demander directement la main de Floria.
Il se nommait Adrahil.
Il avait connu Judia Morbise plus jeune et l’avait trouvé magnifique à l’époque. Les enfants Morbise avaient la réputation d’être tous beaux.
C’était inconcevable que la benjamine soit d’une laideur sans nom. Et puis quand bien même, cette alliance serait bénéfique pour ce bellâtre. Il savait de source sûre que la dote de la jeune donzelle serait une partie du domaine Morbise, qui appartenait à Hilde Morbise. Une terre prospère pour la culture des fleurs, un sacré marché pour les nobles tables Gondorienne.
Adrahil était beau et riche. La spécialité de sa famille était la culture de céréales et il aimait particulièrement la chasse. Il était le Seigneur de ses terres depuis la mort de son père. Le gendre idéal sur le papier.
Il était veuf depuis plusieurs mois. Sa première épouse étant décédée en couche avec leur premier enfant. Malgré ce triste événement, il était LE candidat rêvé pour Guyram Morbise.
Adrahil connaissait ses atouts et savait en jouer. Il partait donc confiant sur la réussite de sa mission.
L’homme fut amusé en s’approchant de cet arbre : sa promise, qui était effectivement bien plus jolie que son dessin, s’y trouvait. Le regard de Floria le fascina immédiatement, son cœur s’emballa : cette rencontre ne fit que confirmer son choix.
Floria était habillée avec des vêtements des plus simples, un simple passant aurait pu la confondre avec une paysanne. Adrahil, quant à lui, était habillé comme un noble de son rang.
Restant sur son cheval, il s’adressa à la jeune femme :
« Bien le bonjour gente demoiselle. Je cherche à rencontrer le Seigneur Morbise, saurais-tu me dire où se trouve sa demeure ? »
Il savait bien entendu où elle se trouvait mais il voulut jouer un peu…au même titre que sa promise avec ses dessins :
« Bonjour Monseigneur. Il vous suffit simplement de monter cette colline et vous verrez au loin la demeure du Seigneur Morbise. Il me semble cependant que Monseigneur Morbise soit parti pour affaires, je crains que vous vous soyez déplacé inutilement. »
Qu’elle était futée cette jeune promise, un nouveau prétexte pour l’éloigner de son but :
« Qui ne tente rien n’a rien demoiselle, je pense que la maîtresse des lieux pourra me recevoir. Je suis porteur d’une affaire qui attirera toute son attention. Je vous remercie pour votre aide. » il se dirigea vers la colline et ajouta « Au fait, tu devrais prendre garde, bon nombre de passant serait tenter de prendre la vertu d’une aussi belle demoiselle. » il la salua d’un geste de la main et partit au galop.
Floria attendit un instant pour voir cet homme partir au loin. Devait-elle être inquiète ? Le visage de cet homme ne lui inspirait nullement confiance. Par réflexe, et pour se calmer, elle manipula du bout de ses doigts la bague offerte par Judia : cela n’était peut-être pas pour elle après tout.
*Inspire, expire, tout ira bien…*
Prise par le doute, la jeune Morbise décida au bout d’une vingtaine de minutes de ranger ses affaires. Elle pourrait aller à l’ opposer de sa demeure, dans la petite maison où sa grand-mère avait l’habitude de se reposer.
A peine fut-elle montée sur Aliéna qu’elle vit un domestique crier son prénom et agiter les bras vers elle :
« Mademoiselle Morbise… » il reprit son souffle « Votre père vous demande, vous devez rentrer immédiatement. »
Elle n’avait pas d’autres choix que d’y aller. Elle laissa monter le domestique derrière elle et galopa vers la demeure Morbise. La visite de cet étranger y était sans doute pour quelque chose.
Tout alla très vite : en arrivant dans la cour, on lui prit Aliéna et sa mère l’attrapa fermement par le bras. Orélia la conduisit immédiatement dans sa chambre où des domestiques l’attendait : on la changea, la coiffa et la parfuma.
Des mots de sa mère, elle ne se souvint que de « Une chance inespérée ma fille », « Ton père m’a dit que c’était un bon parti », « Tu seras heureuse tu verras », « C’est un bel homme qui te couvrira de bonheur » et un « Fais-nous honneur Floria ».
Floria fut conduit dans la bibliothèque. Elle portait une robe beige, brodée avec des motifs floraux en fils d’or et d’argent. On la coiffa des plus simplement : ses cheveux ondulés furent attachés par un ruban de soie rose pâle.
Dans la pièce se trouvait déjà Adrahil et son père. Ils s’échangèrent une poignée de mains et Guyram partit. Il lança un regard noir à sa fille, qui en disait long…il invita sa femme à quitter la pièce.
La porte se referma derrière son dos. Floria resta droite et eut l’impression qu’un piège venait de se refermer sur elle. Ils étaient seuls, rien que tous les deux.
Amusé par la situation, Adrahil s’avança vers Floria :
« Comme il est plaisant d'enfin vous rencontrer Mademoiselle Morbise, même si nous nous sommes déjà vu auparavant. Venez prendre place près de moi. »
Floria eu un temps de réflexion en voyant cet homme prendre ses aises et tapoter de sa main le coussin du divan pour l’inviter à être près de lui. Elle s’avança mais resta assise dans un fauteuil, seule.
Ils étaient désormais en face à face. De manière galante, il lui servit un verre de cidre et en fit de même pour lui-même :
« Voyez-vous, votre père était finalement présent lorsque je suis arrivé. Une chance pour moi car vous m’aviez dit qu’il était parti… » il lui donna son verre, but une gorgée de ce succulent cidre et reprit « Vous devez bien vous douter de la raison de ma venue Floria et je ne passerai pas par quatre chemins. J’ai demandé votre main à votre père. » il prit une pause uniquement pour voir la tête de sa jeune promise « Et il m’a fait l’honneur d’accepter ma demande et de vous annoncer que…nous nous marierons dans trois semaines. »
Bouleversée par cette annonce, Floria laissa échapper son verre de ses mains, il tomba au sol. Cela mouilla ses pieds, ce qui la fit se lever aussitôt. Adrahil imita le jeune femme et s’avança vers elle. Il fit sembla d’être à la fois surpris et inquiet pour elle.
Voyant une ombre se rapprocher d’elle, et prise de panique, Floria recula rapidement. Elle voulait garder une distance entre eux :
« Allons. Floria. Vous deviez bien vous douter que cela » il sortit alors le faux portrait et lui montra « ne pourrait pas durer éternellement. Sachez que j’ai bien connu votre sœur et je ne pouvais croire que la nature vous ai si mal gâtée. » il rangea le portait dans son pourpoint « Je dois cependant vous féliciter, votre malice a eu le don de me faire rire, chose assez rare…et puis, un autre homme vous aurez sans doute prise pour épouse entre temps. Je sais que vous avez fait cela pour chaque prétendant, j’ai eu vents de leur retour respectif…vraiment, c’était bien joué de votre part. » tout en lui parlant, il s’avança vers elle doucement « Faites-vous à l’évidence, les femmes dans votre genre et de votre rang ne finissent jamais vieille fille. Vous aurez un jour besoin d’un époux, d’un protecteur et de mon côté, mon cœur a besoin d’un amour pur…et d’un fils. Je ne vous demanderai que cela Floria. De l’amour, rien que de l’amour. Et une descendance digne de ce nom. Si vous me donnez cela, alors…je vous en serai éternellement reconnaissant. De bien des manières.»
D’un mouvement très rapide, il réussit à attraper le bras droit de Floria. Il la tint fermement et l’attira vers lui. Elle se débattit mais il finit par la bloquer contre le mur.
C’est alors qu’elle vit enfin son regard, son véritable regard. Celui du prédateur qui a réussi à avoir sa proie, celui d’un homme victorieux et orgueilleux :
« Vous me faites mal. Lâchez-moi. » avait-elle fini par lui dire.
« Chut. Chuuutttt. Allons. Floria » tout en la tenant, il lui caressa le visage « Je ne vous veux aucun mal. De l’amour comme je vous l’ai dit. De l’amour, tout sim-ple-ment » sa main lui caressa son cou, puis le dessus de sa poitrine « Chut. Chuuttt. Ô Floria…votre peau est si douce. » il lui caressa à nouveau le visage, puis une mèche de ses cheveux « Votre parfum est si…envoûtant. »
Sans plus attendre, il l’embrassa sur la bouche. Un premier baiser dont elle se serait bien passé. Floria tenta de le repousser mais il avait nettement plus de force qu’elle. Elle le mordit, il s’arrêta :
"Un tempérament de feu serait-il caché sous cette enveloppe si frêle ? C’est intéressant. Cependant" il la saisit par les deux épaules et la claqua contre le mur « Je te déconseille de trop jouer avec moi. Tu risques d’être perdante. De l’amour comme je te l’ai dit. Mais si tu me fais du mal, je te rendrais la monnaie de ta pièce. Me suis-je bien fait comprendre ? "
Il la vit, cette peur dans le regard de sa future épouse. Le même regard de sa défunte et première épouse lorsqu’il tenait ce genre de discours. Il aimait cela :
« Bien. Alors c’est entendu. » il l’embrassa une nouvelle fois sur la bouche, puis sur la joue droite et dans le cou « Ô Floria. Il me tarde de devenir ton époux…ma douce Floria » il renifla son parfum.
Au-delà de ces douleurs qu’elle avait sur le haut de son corps, Floria éprouva un dégout profond à l’égard de son futur époux.
Un dernier baiser avant de la défaire de cette emprise. Il la contempla une nouvelle fois et lui caressa le visage :
« Tu seras la femme la plus chanceuse, tu verras. » il posa sa main droite dans le dos de Floria et l’attira à nouveau contre lui « Il me tarde mon amour, il me tarde. Pour l’heure, je dois désormais partir je dois terminer certaines affaires ainsi que certains préparatifs. » il la força à l’embrasser « Voilà qui est déjà un bon début. »
Il se défit de cette étreinte et quitta la pièce :
« Nous nous reverrons dans moins de trois semaines ma chère, je viendrais séjourner en ces lieux avant la noce. Nous pourrons ainsi passer du temps ensemble….Il me tarde de retrouver vos bras. Au revoir. »
Il s’en alla. Elle resta là.
Fixant la porte de cette bibliothèque des horreurs. Floria entendit les pas de sa mère, elle s’élança vers la sortie en la repoussant. Courant à toute hâte, elle s’enferma dans sa chambre. Elle retira ses vêtements, qu’elle jeta par sa fenêtre, défit ses cheveux et frotta son corps pour enlever les traces de ce rustre. Elle s’en fit saigner.
Floria pleura, choquée par cet odieux personnage et apeurée à l’idée de devenir sa femme :
« Judia… ô ma chère sœur, aide moi. J’ai si peur. »
De son père, elle n’eut aucun échange. Il partir aussitôt avec son futur gendre et serait absent pendant deux semaines. Sa mère toqua à sa porte, la supplia de lui ouvrir mais elle laissa sa fille au bout de quelques minutes.
C’était inutile de lui expliquer ce qu’il venait de se produire, sa mère suivrait le choix de son père dans tous les cas.
Certains domestiques eurent de la peine pour leur jeune maîtresse qui erra à partir de ce jour dans la maison: l’âme en peine. Elle ne sortir plus et ne mangea guère. D’autres considéraient qu’elle avait de la chance et que cela n’était finalement qu’un caprice de plus.
Deux semaines après les faits, le Seigneur Morbise revint de ses affaires. C’est lors du dîner qu’il eut l’échange le plus virulent avec sa benjamine. Il gifla sa pernicieuse enfant, qui quitta la table en laissant tomber sa si jolie chaise. Guyram n’eut pas le temps de lui dire mais son futur gendre ne tarderait pas à les rejoindre plus tôt et afin de passer plus de temps avec eux avant les noces.
Enfermée à double tours dans sa chambre, Floria reçut la réponse de Judia :
« Ma chère Floria,
Des affaires importantes m’empêchent de venir à ta rencontre. Pardonne-moi ma chère petite sœur.
Tes mots m’ont cependant inquiétée, je ne voudrais pas que tu fasses un mariage malheureux. Même si ton prétendant semble être un homme sérieux, si les sentiments ne sont pas là…à quoi bon.
Je vais envoyer une lettre à notre père lui demandant que tu viennes me rejoindre, j’ai réellement besoin de mains d’œuvre et tu as toute ma confiance.
Nous nous retrouverons mon petit rayon de soleil, ne perds pas espoir.
Judia.
PS : lors de ma dernière visite, je t’ai laissé une clé entourée d’un ruban blanc. Garde-la précieusement avec toi. »
Les jours passèrent sans que ses parents ne lui parlent d’une lettre arrivée de Minas Tirith. Pour autant, la jeune femme comprit assez rapidement que ladite lettre avait bien été reçue. L’attitude de sa mère à son égard était assez révélatrice : elle semblait comme tiraillée par un secret et elle fuyait son regard.
Profitant que ses parents soient tous deux occupés, la jeune femme fouilla dans le secrétaire de son père et tomba effectivement sur la missive de sa sœur, demandant promptement à ses parents d’envoyer sa sœur à Minas Tirith pour lui apporter son aide.
Sa décision fut prise : elle quitterait la demeure familiale le lendemain matin.
Et c'est ainsi, qu'un voyage inattendu débuta.
Tout commença par une rencontre, oui.
Une belle rencontre pour Adrahil.
Une belle opportunité pour le Seigneur Morbise
Une malheureuse rencontre pour Floria Morbise.
***
Judia Morbise venait de terminer une journée des plus normales lorsqu’elle reçut deux missives. La première lettre, elle la reconnut assez rapidement par la couleur du papier et les inscriptions qu’il y avait dessus : l’Arbre Blanc la convoquait. Elle était l’un des membres les plus discrets par son activité de marchand ambulant mais les renseignements qu’elle pouvait entendre étaient une richesse pour ses supérieurs.
Les gens avaient parfois besoin de lui parler directement de ce qu’ils avaient vu ou entendu. Certains discutaient devant sa roulotte et elle n’en perdait pas une miette.
Judia était douée en affaire et avait une excellente mémoire.
C’était une toute autre mission qui lui était demandé cette fois-ci et elle était convoquée au Chameau qui tousse, c'était d'ailleurs les seuls mots qu'il y avait sur ce papier blanc. Une auberge assez sympathique où l’alcool et la nourriture coulaient à flot.
Elle y sera comme demandé.
La seconde lettre, en revanche, l’inquiéta. Elle ne connaissait pas le papier mais le sceau ne lui était pas du tout inconnu. Un sceau qu’elle avait vu il y avait dix ans de cela, lorsque son père essaya de la marier.
Perplexe, elle l’ouvrit :
« Ma très chère et aimée Judia,
Par cette lettre, j’ai le plaisir de vous annoncer que nous serons bientôt des membres de la même famille.
Votre précieuse petite sœur sera bientôt mienne.
Je me sens comme le plus chanceux des hommes d’avoir une future épouse aussi jolie et intelligente que vous.
La vie me donne une nouvelle épouse, votre sœur, un juste retour des choses après tout.
Il me tarde de la découvrir davantage…
Votre dévoué et futur beau frère
Adrahil. »
D’ordinaire calme, Judia Morbise attrapa le verre le plus proche d’elle et le lança contre le mur :
« VIEUX SALAUD ! » cria-t-elle.
Une insulte envers son père qu’il méritait sans aucun doute : Adrahil lui avait fait la cour dix ans auparavant et sans l’intervention de sa grand-mère, elle serait devenue l’épouse de ce rustre, de ce primaire. Guyram Morbise avait donc sa revanche sur sa fille aînée et sa défunte mère en scellant cette union.
A cette pensée, des larmes de rage coulèrent sur son doux visage. Elle connaissait assez le personnage pour lire entre les lignes de sa lettre : j’ai gagné, je t’enlève ton bien le plus précieux et elle paiera pour toi.
Son père ne savait-il donc pas que la défunte épouse d’Adrahil cachait souvent son visage et son corps ?! Judia avait entendu des rumeurs sur ce funeste accouchement : rouée de coups par son époux, sans doute ivre, l’accouchement fut provoqué. La pauvre dame était tellement affaiblie par les coups et par son accouchement prématuré qu’elle perdit la vie. La mort vint pour elle et pour son bébé.
Un drame. Mais Judia trouva que cela fut une délivrance pour cette pauvre femme.
En acceptant cette union, Guyram Morbise condamnait sa plus jeune fille à cette vie : enfermée dans une cage dorée, rouée de coups à la moindre contrariété.
Judia voyait parfois Adrahil à Minas Tirith. Il n’était jamais venu à sa rencontre, trop fier pour cela car l’aînée des Morbise avait réussi ses affaires, chose impensable pour lui. Il s’était déjà posté non loin des Deux Fourchettes pour la regardait : elle lui avait déjà lancé quelques regards méprisants qui lui firent tourner les talons.
Adrahil aimait fréquenter les maisons de charme et les tavernes.
Sous ses airs de charmeurs, de Seigneur galant et bien élevé, se cachait un véritable monstre.
Il était hors de question que sa Floria épouse ce tyran, Judia s’y emploierait.
Cependant, la première lettre posée sur sa table la rappela à l’ordre. Tiraillée entre son devoir envers l’Arbre Blanc et son devoir de protection envers sa petite sœur, Judia Morbise n’eut pas d’autre choix que de répondre à l’appelle de sa convocation.
A la fin de cette mission, elle irait directement chercher sa petite sœur quitte à devenir plus menaçante envers son père. Elle l'arracherait de cet homme.
Avant de partir, Judia Morbise contempla le portait d’elle et de Floria :
« Floria. Flo…ria » sa gorge se serra « Sauve toi petite sœur, s’il te plaît sauve toi. Je ferais ce que j’ai à faire et j’arriverai ensuite sans plus tarder, mais part, nous nous retrouverons sans doute sur la route. J'espère que tu suivra ce conseil si tu m'entends...suis ton cœur et ton instinct. Je t'aime de toute mon âme.»
C’est suite à cet événement que Judia parla un peu plus d’elle à ses compagnons d’infortune, elle leur montra un portait de sa petite sœur. C’était pour elle qu’elle faisait tout cela.
Malheureusement, la suite vous la connaissez…Judia Morbise sombra dans les flammes et ne put sauver sa petite soeur.
Floria Morbise quant à elle, suivit son destin. Seul l'avenir pourra nous dire son devenir...