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Sujet: La famille, orage à mépris
Ryad Assad

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Rechercher dans: Annúminas   Tag aglérasia sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: La famille, orage à mépris    Tag aglérasia sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 19 Aoû 2013 - 19:29
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Une désagréable sensation de fatigue s'empara de Nesrine, alors que sa conscience réintégrait progressivement son corps, abandonné depuis bien trop longtemps. Plus d'une journée avait passé sans qu'elle donnât un seul signe de vie autre que le souffle profond et régulier qui s'échappait de sa poitrine, et soulevait les cheveux qui recouvraient négligemment son visage. Elle demeura allongée quelques instants, essayant de retrouver la force de faire bouger ses muscles, tout en réapprenant à quel point il pouvait être pénible d'entendre en permanence les battements d'un cœur, le sifflement de l'air entrant et sortant des poumons, et le bruissement de la peau au contact de l'entièreté de l'univers matériel. Une cacophonie assourdissante qui lui parut soudain parfaitement invivable. Si elle n'avait pas su que tel était son véritable environnement, elle aurait probablement fait demi-tour pour retourner dans l'abîme de ténèbres dans lequel son âme s'était plongée pendant vingt-six heures. Au bout de quelques minutes qui parurent une éternité, elle finit par ouvrir timidement les yeux, pour se retrouver dans la pénombre. De toute évidence, elle était dans la même chambre où elle s'était endormie, et elle avait passé la "nuit" sans être dérangée. Ou plutôt, personne ne se trouvait dans la pièce pour l'instant, ce qui ne signifiait pas que personne n'y était rentré. Elle songea à Aglérasia, qui devait toujours être convalescente, et se releva. Nesrine savait que ses "nuits" duraient en général autour d'une journée, et elle n'était pas trop perdue mentalement, même si elle avait l'impression d'avoir été coupée du monde pendant des années. Autour d'elle, tout était calme, et elle se redressa en laissant les couvertures glisser sur sa peau nue, tâtonnant à la recherche de son voile qui était fort heureusement toujours à sa place.

Son visage visage fatigué fut découpé en deux, lorsque le fin morceau de tissu vint s'emparer de la partie basse de celui-ci, laissant exposé au monde son regard d'un bleu intense. Ses yeux papillonnèrent vivement, alors qu'elle faisait la mise au point, et qu'elle repérait dans la semi-obscurité ambiante. Le lit dans lequel elle n'avait pas dormi était toujours là, la petite table aussi. Quelqu'un avait remis remis le miroir face à la pièce et non plus face au mur, mais cela ne la dérangeait guère désormais qu'elle portait la seule protection dont elle avait besoin. La jeune femme se leva gauchement, encore un peu ankylosée et raide, et marcha à travers la pièce pour se dégourdir un peu les jambes. Elle sentait le sang se forcer un passage à travers les veines tel un torrent d'eau comprimé dans un tuyau trop étroit. Elle avait l'impression qu'une chaleur brûlante descendait en flèche le long de ses membres fuselés, pour combattre la froideur du sol qui tentait de s'immiscer en elle via la plante de ses pieds. C'était comme un combat acharné pour sa survie, qui se déroulait à un niveau trop infime pour qu'elle en fût témoin, même si elle devinait les efforts que faisaient les petits soldats de son organisme pour remporter cette bataille. Décidant de les aider un peu, elle se pencha pour récupérer la couverture, et l'enroula autour d'elle comme si elle sortait d'un bain. En réalité, c'était principalement parce qu'elle n'avait pas trouvé ses vêtements, qui avaient mystérieusement disparu. Seules ses armes demeuraient présentes, soigneusement rangées au pied de la table par quelqu'un d'autre qu'elle.

Contrainte de se vêtir ainsi, elle se dirigea vers la porte, non sans avoir passé une main dans ses cheveux pour essayer d'y remettre de l'ordre. Cependant, ils étaient secs et abîmés, et elle avait l'impression qu'on lui avait greffé de la paille dans le crâne. Renonçant bien malgré elle à les coiffer alors qu'ils étaient dans cet état, elle quitta la petite chambre, et gagna la pièce à vivre, où se trouvait Marta. La femme était en train de préparer le repas du soir, qui devait mijoter encore plusieurs heures. A part la chanson qu'elle fredonnait doucement, et le raclement de la cuillère sur la marmite, on n'entendait nul bruit à l'intérieur de la maison.

- Euh... Bonjour... ou bonsoir, lâcha Nesrine d'une voix un peu rauque.

Marta se tourna dans sa direction, et lui offrit un sourire paisible, serein. Elle détailla son invitée des pieds - nus - à la tête - décoiffée -, et s'empressa d'abandonner sa cuisine pour venir à sa rencontre :

- Ma pauvre, vous avez besoin d'un bon bain pour vous relaxer. Vous êtes coiffée comme si vous aviez couru dans les bois.

Nesrine, qui tenait peut-être autant à sa chevelure qu'à la vie elle-même, accepta la remarque avec un calme qui pouvait paraître étonnant chez elle. Mais bien reposée, elle était davantage disposée à faire preuve de patience et de gentillesse, ce qui n'était pas du luxe. Elle n'était d'ailleurs pas du genre à refuser un bain, et elle avait l'impression qu'elle ne s'était pas lavée depuis des lustres. D'autant qu'il n'y avait rien de mieux pour ses muscles encore endoloris. Cependant, elle était d'abord concernée par le cas d'Aglérasia, et elle interrogea la maîtresse de maison à ce sujet. Celle-ci la prit par le bras pour la tirer vers une pièce à part dans laquelle se trouvait une baignoire, tout en répondant :

- Elle est sortie, pour l'instant. Elle se sentait mieux, et elle voulait marcher au grand air pour reprendre des forces. Elle m'a assuré qu'elle ne s'éloignerait pas trop, et qu'elle ne rentrerait pas trop tard.

Nesrine acquiesça, puis interrogea :

- Et Viktor ? Enfin... je veux dire... votre mari.

- Il est sorti aussi. Il m'a dit qu'il voulait voir le corps de l'homme qui vous a agressée avant qu'il ne soit enseveli sous la neige. Et sur le chemin du retour, il fera en sorte de trouver du bois pour attiser nos feux. Les températures ont encore baissé. Et maintenant que vous êtes rassurée, allez-vous enfin vous décider à entrer dans cette baignoire ?

Nesrine s'exécuta sitôt que la femme fût partie, non sans lui avoir au préalable montré où se trouvaient ses vêtements - qu'elle avait lavés et séchés - ainsi qu'une serviette propre. La haradrim avait pris soin de verrouiller la porte afin d'interdire l'accès de la pièce à quiconque, et elle s'immergea complètement, prenant un grand plaisir à être enveloppée ainsi de la douce chaleur d'une eau bouillante chauffée au feu de bois tiédie par de l'eau glacée. Le mélange était subtil et harmonieux, et le bain était parfait selon ses envies du moment. Elle n'aurait pas pu rêver mieux. Ayant abandonné son voile à l'extérieur, elle plongea la tête sous l'eau, et profita pendant un instant de l'impression d'isolement que l'on pouvait ressentir au milieu de l'élément aqueux. Elle avait l'impression qu'il s'y jouait une mélodie qu'elle percevait péniblement, et si elle avait eu assez de souffle dans ses poumons, elle se serait volontiers attardée pour l'écouter. Mais l'Homme n'étant pas fait pour garder la tête sous  la surface des choses, elle regagna son élément naturel en inspirant bruyamment, et entreprit de flâner dans son bain, laissant son esprit vagabonder ici et là. Elle songea à tout ce qu'il venait de se produire en quelques jours, et se dit que les choses avaient plutôt bien tourné pour l'heure. Après avoir échappé aux hommes de Braga, elles avaient réussi à rejoindre cette famille adorable, et elles avaient de bonnes chances de localiser le village qu'elles cherchaient. Elles n'avaient jamais été aussi proches du but. Et même la blessure de Aglérasia, qui avait été un vrai choc, semblait n'être qu'un lointain souvenir. La jeune femme marchait déjà, et semblait retrouver des forces peu à peu. Il lui faudrait sans doute encore du repos avant de pouvoir chevaucher tranquillement, mais tant qu'elles se trouvaient dans ce havre de paix, rien ne pouvait les atteindre.

La haradrim profita longuement du confort liquide, mais décida au bout d'un moment qu'il était temps de se savonner, avant que l'eau ne devînt totalement froide. Elle se pencha pour attraper un pain de savon, et entreprit de se frictionner vigoureusement les cheveux, d'abord, puis tout le corps ensuite. L'odeur était forte et elle aurait pu être désagréable, si le voyage ne l'avait pas habituée à plus difficilement supportable. De fait, elle trouva cela parfaitement acceptable, et se décrassa efficacement, déterminée à chasser toute trace de saleté de son épiderme. Après avoir lavé ses cheveux une première fois, et les avoir rincés, elle réitéra l'opération pour être certaine de ne rien avoir oublié. Sa chevelure était longue, et longue était la part de temps qu'elle consacrait régulièrement à leur entretien. Elle finit cependant par achever sa toilette, et ce fut avec l'impression étrange de sortir d'un cocon qu'elle se hissa hors de l'eau. Le froid la saisit immédiatement, et elle s'empara vivement de la serviette pour se sécher, et passer ses vêtements. Cette fois, elle ne prit pas son temps, pressée par la sensation glaciale sur sa peau, et l'affreuse impression d'avoir été plongée dehors en pleine tempête. Elle passa sa tunique fort légère, et s'empressa de regagner la pièce à vivre, non sans avoir au préalable réajusté son voile sur son visage.

Marta était toujours à la cuisine, installée tranquillement devant l'âtre qui dispensait une douce chaleur. En voyant arriver son invitée, elle afficha une mine surprise, et lui lança gaiement :

- Je pense que vous devriez venir ici... que je vous aide à démêler tout ça !

Et elle faisait bien entendu référence aux cheveux de la jeune femme, qui, trempés, ne ressemblaient plus à grand chose tandis qu'ils cascadaient autour de sa tête librement. Elle avait fait en sorte de les sécher autant que possible, mais elle sentait encore de fins filets d'eau couler insidieusement le long de son dos, lui causant des frissons désagréables dont elle se serait bien passé.

- Asseyez-vous à mes pieds, allez ! Ordonna gentiment la maîtresse de maison, à une Nesrine rendue docile par la somnolence qui commençait à s'emparer d'elle.

La jeune femme s'installa donc dos au fauteuil que Marta occupait, assise par terre, laissant cette petite dame s'occuper de sa chevelure. Elle avait sorti de Melkor savait où un peigne, et elle s'appliquait méticuleusement à retirer tous les nœuds qui avaient pu se former. Elle agissait avec célérité et efficacité, tirant parfois quelques grimaces de douleur à sa patiente, qui demeurait silencieuse. Une petite gêne s'installa, que dissipa rapidement la plus âgée :

- Alors, Nesrine... Parlez-moi un peu de vous ! D'où venez-vous donc ? Je ne crois pas que vous soyez originaire d'ici, je me trompe ?

- Non, vous avez raison. Je suis née au Harad, loin au Sud du Gondor.

- Ce doit être un endroit formidable, non ? Bien différent d'ici !

Nesrine opina du chef :

- Très différent, oui ! Là-bas, le ciel est toujours bleu, et les nuages sont rares. Là où je suis née, il ne pleuvait guère souvent, et le soleil était toujours présent. Les températures étaient bien supérieures à celles que l'on trouve ici. Les paysages sont différents, aussi. Nous avons de grandes étendues désertiques : du sable à perte de vue, avec des dunes, quelques arbustes morts parfois. Et puis au détour d'un virage, une oasis avec ses palmiers, sa végétation, ses fruits et son eau. Nul sentiment n'est pareil à celui de découvrir une oasis après avoir arpenté le désert.

Marta continuait inlassablement son travail, mais avait ralenti la cadence, comme si elle voulait profiter de cette conversation avec la femme du Sud. Elle reprit tranquillement :

- Vous avez encore de la famille, là-bas ? Je veux dire... Qu'est-ce que font vos parents pendant votre absence ? Car excusez-moi de vous le dire, mais vous m'avez l'air bien jeune pour faire un si long périple...

L'intéressée se rembrunit un peu, mais comme elle était de dos, seule la légère contraction des muscles de ses épaules trahit sa gêne :

- Je n'ai plus de famille là-bas. Je n'ai jamais connu mon père, et c'est ma mère qui nous a élevées seules. Mais elle est morte il y a quelques années. Assassinée. Au Harad, la vie peut-être dangereuse, et les criminels ont bien plus de pouvoir qu'ici.

- C'est terrible, je suis désolée... Mais vous avez dit "nous"... Vous avez un frère ?

Nesrine baissa la tête. Elle avait dit cela sans réfléchir, et n'avait pas eu l'intention d'orienter la conversation dans ce sens. Cependant, elle se sentait totalement incapable de ne pas répondre. Elle était comme assommée par son bain, par le feu qui crépitait dans l'âtre devant elle et qui la réchauffait agréablement, par l'odeur de nourriture qui se dégageait de la marmite et qui lui mettait l'eau à la bouche, par le contact régulier du peigne sur ses cheveux et le bruit qui en résultait. Elle marqua cependant une hésitation, avant de répondre :

- J'ai une sœur. Mais j'ignore où elle se trouve. Je suis à sa recherche.

Marta demeura silencieuse un instant, et son peigne s'arrêta quelques secondes. Nesrine s'interrogea, avant que le mouvement ne reprît. Alors, la femme lâcha presque avec tendresse :

- Vous l'aimez beaucoup, votre sœur. N'est-ce pas ?

La jeune haradrim crut recevoir un coup de poing dans l'estomac, et elle demeura figée, incapable d'offrir une quelconque réponse. Les questions ne cessaient de tourner dans sa tête : comment cette femme avait-elle pu lire cela dans ses paroles, alors qu'elle s'exprimait toujours de manière déplaisante lorsqu'elle abordait ce sujet très délicat. Elle avait conçu une haine féroce envers elle, envers tout ce qu'elle pouvait représenter, et toute la responsabilité qu'elle portait dans la mort de leur mère. Comment cette vieille femme pouvait-elle dire qu'elle l'appréciait ? Et si ce n'était pas le cas, qu'est-ce qui rendait Nesrine si mal à l'aise ? Pourquoi ne pouvait-elle simplement pas répondre : "Non, je la hais et je veux la tuer" ? Pourquoi ne pouvait-elle pas dire : "Elle est responsable de la mort de notre mère, et je n'aurai de cesse que de la voir étendue à mes pieds dans une mare de sang" ? Elle l'ignorait, mais fut heureusement coupée dans ses pensées par le bruit d'une porte qu'on ouvrait.

Marta et elle se levèrent, pour découvrir Viktor, emmitouflé dans une épaisse pelisse, qui franchissait le seuil en s'ébrouant pour chasser la neige qu'il avait dans les cheveux. Il s'écarta, vivement, et céda la place à Aglérasia, qui était sur ses talons. Ils portaient tous deux du bois - une belle quantité pour lui, beaucoup moins pour elle qui ne pouvait se servir que d'un bras -, et ils refermèrent rapidement l'huis pour préserver la chaleur à l'intérieur. De toute évidence, ils avaient fait la dernière partie du trajet ensemble, et ils avaient probablement dû en profiter pour discuter un peu. Cela dit, leurs visages paraissaient tendus. Ils se débarrassèrent de leurs fardeaux, puis quittèrent leurs manteaux, et allèrent s'installer en frissonnant à côté du feu. Nesrine vint s'asseoir tout près d'Aglérasia, prenant ses mains entre les siennes pour les réchauffer. Elle semblait être attentive à ses moindres désirs, et se tenait prête à réagir si elle commandait quoi que ce fût. Marta leur servit un bon repas chaud, composé de viande et de légumes, qu'elle servit avec du pain un peu dur mais qui tenait au corps. C'était un repas modeste, mais dans leurs estomacs affamés il paraissait divin. La maîtresse de maison s'enthousiasme de l'appétit de ses invitées, et les encouragea à en reprendre si elles le désiraient - ce dont ne se priva pas la haradrim. Puis, une fois le repas terminé, ils plongèrent dans un silence confortable, que rompit Viktor au bout d'un moment :

- Alors Aglérasia, avez-vous pu explorer un peu les environs ? Le chemin que je vous ai décrit pour aller au village de votre sœur est probablement caché par la neige, mais vous devriez pouvoir le retrouver.

Il se tut, écoutant la réponse de la jeune femme, avant de reprendre sur un ton tout aussi sérieux :

- Il y a autre chose... Je préférais attendre de vous parler à toutes les deux, mais... Quand je suis allé voir le corps que vous m'avez décrit, je l'ai effectivement trouvé. Cependant... Êtes-vous bien certaines de ne pas avoir trouvé son cheval ?

Les deux femmes se regardèrent. Aglérasia était inconsciente, mais elle devait se souvenir que l'homme qui les avait attaquées était à pied, et qu'il n'avait aucune monture à ses côtés. Mort, il n'avait pas pu la récupérer, et Nesrine n'avait pas localisé le cheval qui l'avait porté jusque là. Elle avait cru qu'il était resté attaché, et avait prestement sorti cette pensée de son esprit, davantage concentrée sur la survie de sa compagne. Cependant, cette question ravivait des interrogations. Viktor regarda tour à tour les deux jeunes femmes, puis posa les yeux sur sa femme qui semblait inquiète d'entendre la suite de son récit :

- Je... Le corps était toujours là, comme vous l'aviez dit. J'étais surpris, d'ailleurs, car il n'était pas recouvert de neige comme je le pensais. Mais surtout, ce que j'ai trouvé bizarre, c'étaient les traces de sabots tout autour. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je pense qu'il y avait plusieurs montures. Est-ce que... Est-ce que vous savez ce que cela signifie ?

Nesrine plongea ses yeux bleus dans ceux d'Aglérasia. Elle croyait connaître la réponse à cette question, hélas, mais elle espérait bien lire autre chose dans le regard de sa compagne. Visiblement, Viktor était davantage inquiet qu'en colère, cependant il interrogeait directement la femme blessée, attendant de sa part une réponse et une décision claires.

#Nesrine #Aglérasia
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