9 résultats trouvés pour Arminka

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Sujet: Grains de Sel
Ryad Assad

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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 10 Fév 2021 - 22:31
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Le retour à Djahar’Mok avait été triomphal.

Les hommes avaient célébré leur victoire et l’alliance conclue par des festivités qui s’étaient déroulées deux jours et deux nuits durant. Le maître de la ville avait serré quelques mains, son neveu Saar avait gagné une place importante dans l’entourage de son oncle, et les Naharim avaient été acclamés en héros protecteurs, alliés bienheureux, et tout un tas d’autres titres pompeux dont Arminka se fichait. Elle s’était tenue à l’écart de cette effervescence, ce qui avait convenu à tout le monde. Les hommes de la garde n’étaient pas très à l’aise en sa présence, et s’ils étaient prêts à la suivre au combat, ils ne voulaient pas vraiment l’avoir à table pour boire, chanter et danser. Quelques uns avaient bien essayé de l’approcher, mais c’étaient surtout de jeunes hommes un peu ivres qui fantasmaient sur leur officier supérieur. Rien de nouveau.

Elle avait passé le premier jour à se reposer, et le second à essayer vainement d’entrer en contact avec le prince Saar Alraddah. Trop occupé pour la recevoir, de l’aube au crépuscule, il lui avait indirectement fait comprendre que ses priorités étaient ailleurs. Et comment lui en vouloir ? Son monde s’étendait à peine plus loin que les frontières de sa cité, et à son échelle, il venait de remporter une grande victoire. Elle convint de le laisser célébrer, et entreprit de se retrancher seule dans ses appartements.

En rentrant ce soir-là, elle ne s’attendait pas à croiser la route du Commodore, cependant, qu’elle avait du mal à imaginer ailleurs qu’à bord de son navire. Le Lynx avait quitté Djahar’Mok avant l’arrivée des pirates d’Aric, mais de toute évidence ils étaient revenus pour une brève escale, et il avait souhaité lui parler. Elle leva les yeux au ciel en le voyant, mais accepta sa proposition de marcher quelques pas dans la fraîcheur du soir. A dire vrai, elle n’avait pas envie d’être seule.

- Arminka… J’ai l’impression que la ville vous doit beaucoup. Toutes ces célébrations, je me doute que vous avez contribué à ce triomphe. Et pourtant vous voilà, sobre comme une vierge, à peine plus souriante que si nous avions perdu. Mais dites-moi… vous n’êtes pas vierge, n’est-ce pas ?

Elle lui lança un regard interloqué. Avait-il toujours des questions aussi déplacées ?

- Célébrer ? Fit-elle en ignorant parfaitement son impolitesse. Je ne vois l’intérêt de célébrer la victoire d’une bande hétéroclite que je n’appellerais pas une armée, face à une bande tout aussi hétéroclite de pillards du désert.

Il fit un geste de la tête, comme pour lui concéder ce point, avant de reprendre :

- On dit que ce sont les vierges, les pires… Les femmes qui n’ont pas eu la chance d’être dressées par un homme… C’est comme les peuples, figurez-vous. Tant qu’ils ne se sont pas fait baiser bien profond par plus fort qu’eux, ils demeurent rétifs, farouches, un peu rebelles sur les bords… Vous voulez une mauvaise nouvelle ?

Elle n’avait aucune idée de ce qu’il lui voulait. Un instant il semblait monologuer, parlant pour lui-même avec l’air de vouloir la provoquer, et l’autre il paraissait revenir à leur propos comme si rien ne s’était passé. Déroutant.

- Aric s’est montré un peu plus déterminé que je le pensais… Son échec à Djahar’Mok l’a poussé à envoyer des hommes par voie fluviale, jusqu’à Urlok. Quelques négociateurs, qui sont chargés de lever des troupes, et d’apporter ensuite leur soutien à la cause. Nous ne pouvons pas laisser faire ça, n’est-ce pas ?

- Je ne suis pas à vos ordres, Commodore.

Elle s’assombrit un instant, mais le serpent en face d’elle savait se montrer persuasif :

- Je sais, Arminka, je sais… Vous n’êtes aux ordres de personne, sinon votre reine… Je comprends tous ces concepts, la loyauté, l’honneur, tout ça… Mais que croyez-vous que votre reine voudrait… ? Elle qui s’est donné tout ce mal pour m’offrir l’amitié et la paix ? Hm ? Que vous abandonniez ainsi un ami de la couronne ? Vous n’êtes pas bête, Arminka, ce qui est d’ailleurs fort rare chez les gens comme vous. Vous avez de l’esprit. Utilisez-le. Que se passera-t-il si les hommes d’Aric parviennent à soulever Urlok… Urlok la Couarde, Urlok la Dévastée, Urlok la putain des Seigneurs Pirates ? Que se passera-t-il quand le verrou de l’Harnen va sauter, hm ? Si ces hommes parviennent à convaincre les nouveaux seigneurs locaux, on pensera qu’ils ont la bénédiction d’Umbar… On pensera que le Harad peut réellement se soulever à nouveau… Et vous savez ce qu’il adviendra d’Urlok, quand les Gondoriens reprendront la ville ? Ils la raseront, jusqu’à la dernière pierre, ils en feront un exemple, et ils saigneront ce pays comme jamais encore le Harad n’a été saigné. Si j’étais vous, je ferais tout pour éviter ça.

La jeune femme médita ces paroles. Elle s’était engagée à apporter son aide à ceux qui voulaient soutenir le Harad, mais qu’est-ce que cela impliquait ? Faire les basses besognes de tous les tarés obsessionnels qu’elle rencontrerait ? Accepter de se sacrifier au profit d’individus qui ne pensaient qu’au pouvoir, et à leurs intérêts ? En même temps, elle savait que les alliés étaient rares dans ces terres méridionales, et que le combat qu’elle menait impliquerait de s’allier avec des hommes plus que douteux. Le spécimen qu’elle avait en face d’elle comptait parmi les pires, mais avait-elle le choix ?

- Tout faire pour éviter ça… Je suppose que je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?

- On a toujours le choix, Arminka. Toujours.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 7 Fév 2021 - 19:21
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Ils étaient une quinzaine, tous armés et la mine sombre, mais Nasr avait dit de ne pas s’en faire. Apparemment, ils étaient là pour négocier un traité de paix. Arminka devait se fier à la traduction de son compagnon de route, car elle ne comprenait pas un mot de ce dialecte qu’ils utilisaient, savant mélange des langues du Sud teinté de quelques mots de Parler Noir prononcés avec un accent à couper au couteau.

Le Naharim lui avait donné les grandes lignes de l’entrevue, en lui décrivant précisément les éléments symboliques aussi bien que pratiques qui entouraient ce rituel. Les Djunni avaient demandé à s’entretenir avec le maître de Djahar’Mok à l’extérieur des murs de la cité, en convoquant une trêve que les deux camps se devaient de respecter… ce qui ne signifiait pas pour autant que l’un des deux camps acceptait de venir sans armes. Chacun avait amené une escorte, et il était certain que d’autres cavaliers du désert se tenaient non loin, bien cachés, mais prêts à intervenir pour sauver la vie de leurs chefs. Arminka en était sûre, car les troupes de Dur’Zork et les Naharim se tenaient en position eux aussi. Personne ne duperait personne.

- Que font-ils ? Demanda-t-elle.

- Ils boivent ensemble, répondit Nasr, pour reconnaître tout d’abord qu’ils partagent la même eau et, comme tu le vois, le même pain. C’est un signe encourageant. Cela veut dire qu’ils reconnaissent le droit des gens de Djahar’Mok à être ici, et vice-versa. Ils n’auraient pas fait ça avec des étrangers.

Arminka hocha la tête en faisant une petite moue. Elle trouvait les coutumes locales curieuses, pour ne pas dire arriérées, mais elle ne pouvait qu’être satisfaite de voir qu’ils avançaient dans la bonne direction. Ils pouvaient boire ce qu’ils voulaient, manger ce qu’ils voulaient, elle s’en fichait. Le plus important pour elle était que sa mission pût se poursuivre. En emmenant les troupes de Djahar’Mok à l’assaut des Djunni, elle avait fait d’une pierre deux coups : mettre des bâtons dans les roues d’Aric et de ses pirates, tout en renforçant ses alliés locaux. Elle en récoltait les fruits aujourd’hui, et se félicitait de cette avancée.

- Et là, que disent-ils ?

- Ils échangent des paroles de paix, en relatant chacun à leur tour les origines de leur peuple, et leurs combats communs. Les Djunni sont les ennemis de Djahar’Mok depuis plusieurs générations, mais les deux peuples se sont alliés à maintes occasions. Dernière en date : la Guerre de Taorin. Les Djunni se sont ralliés au Chien Borgne, et ont servi aux côtés des citadins. C’est très prometteur.

La négociation était longuette, mais Arminka s’efforça de suivre tout ce qui se disait du début à la fin. Elle comprenait progressivement que les coutumes locales permettaient de toujours trouver un terrain d’entente malgré les dissensions. Les Haradrim étaient au moins aussi belliqueux que les sauvages Khandéens, mais ils se faisaient la guerre tant et tant qu’il y avait toujours un moment dans leur histoire où ils s’étaient alliés. Il appartenait aux conteurs et autres spécialistes de la mémoire de garder la trace de ces épisodes du passé, pour jeter les bases d’une paix qu’il fallait espérer durable. Hélas, les tribus du Sud étaient connues pour être versatiles, et aucune amitié ne tenait sans la menace d’une guerre meurtrière.

Ainsi allait le Sud.

Les discussions se poursuivirent jusque tard dans la nuit, évoquant les sujets les plus pressants. Djahar’Mok voulait s’assurer que les routes commerciales vers Umbar seraient sûres, et que les attaques des caravanes cesseraient. En échange, les Djunni demandaient le paiement d’un tribut en nature, que la ville se proposait d’offrir : du sel, du fourrage pour les chevaux, et un pourcentage des surplus chaque année. Les denrées les plus rares, depuis l’hiver qui s’était abattu sur la région, et n’avait pas épargné l’Harnen. D’ordinaire fertile, le fleuve avait gelé par endroits, faisant craindre à tous de nouveaux cataclysmes, et contribuant à éroder les anciennes alliances. Vers la fin de la discussion, les deux dirigeants se serrèrent la main et se prirent dans les bras, geste universel d’amitié. Arminka voulut se lever pour partir, mais Nasr lui fit comprendre que ce n’était pas encore terminé. En effet, le chef des Djunni se leva et se tourna vers la guerrière, la pointant du doigt et proférant des paroles qui, de toute évidence, n’étaient guère apaisées.

- Il dit quoi ? Demanda Arminka en portant la main à son épée. Il veut qu’on se batte ?

- Non, non, non, reste calme, il dit juste que…

Le chef des Djunni leva la main et intima le silence à Nasr, avant de lâcher :

- Je peux parler pour moi, jeune homme. Je demandais à ce que la femme-loup soit bannie des terres de Djahar’Mok. Nous acceptons de négocier avec les Haradrim des cités, quoique nous ne les aimions guère. Mais nous ne voulons pas traiter avec les étrangers. Encore moins ceux qui sont… possédés.

Il avait craché ce dernier mot comme une insulte, et la tension monta d’un cran entre les deux camps. Nasr fut le premier à bondir sur ses deux jambes, répondant avec une agressivité qu’Arminka ne lui connaissait pas.

- Cette femme est sous la protection des Naharim, et aucune insulte ne lui sera faite. Vous avez souhaité la guerre, et nous vous l’avons apportée. La femme-loup a versé le sang honorablement, et…

- Honorablement !? Tempêta le Djunni. Honorablement ? Elle a tué des hommes qui demandaient merci. Des hommes désarmés. Nous exigeons qu’elle soit punie pour ses crimes. Vous ne lui donnerez pas la mort qu’elle mérite, alors acceptez au moins de la chasser de nos terres. Ou je le ferai.

- Vous ne ferez rien, Djunni ! Répondit vertement le maître de Djahar’Mok. Cette femme, quoi que vous en pensiez, demeurera à mon service et sera placée sous ma protection tant qu’elle se trouvera sur nos terres. Laissez-moi vous offrir cette paix… ou bien j’ordonnerai à cette femme de vous apporter la guerre.

Le Djunni garda le silence un long moment, puis après avoir jeté un dernier regard à Arminka, il répondit dans sa propre langue.

Personne ne daigna offrir une traduction à la jeune femme.
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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 31 Jan 2021 - 19:35
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L’eau glacée la fit frissonner, alors qu’elle frictionnait ses cheveux avec attention, dans l’espoir de faire partir les dernières traces de sang. Sa peau semblait désormais immaculée, comme au premier jour, mais ses longues mèches brunes semblaient collées entre elles, et elle devait les démêler avec les doigts, ce qui n’était pas pratique. Elle aurait payé cher pour avoir un peigne, mais elle se refusait à en demander un. Non pas qu’on le lui aurait refusé, mais elle avait gagné le respect des gens d’ici en mettant de côté sa féminité, et elle n’entendait pas tout détruire pour son confort personnel. Si elle devait ressembler à une sauvageonne un jour de plus, elle y survivrait.

- Arminka ?

- Nasr ? Je me douche.

Elle se sentit stupide : il le savait. Les hommes à sa disposition s’étaient lavés avec de l’eau trouvée dans l’oasis près de laquelle campaient les Djunni. Pour Arminka, ils avaient construit une petite cabine en bois, avec quatre lances fichées dans le sol, et des morceaux de tissu pris à l’ennemi. Le tout était étonnamment confortable, mais aussi parfaitement remarquable, puisque c’était la seule « structure » à des lieues à la ronde. Si Nasr était là, ce n’était pas par hasard.

- Est-ce que je peux te parler ?

- Maintenant ?

Son agacement était perceptible dans son ton, mais de toute évidence Nasr ne l’entendit pas – ou fit semblant de ne pas l’entendre.

- Ce moment est aussi bien qu’un autre, non ? Je voulais revenir sur ce qui s’était passé tout à l’heure. Je suis désolé d’avoir mal réagi. Je crois que j’ai encore du mal à m’habituer au fait qu’une femme soit capable de…

- Tuer ?

Il y eut un long silence, et elle-même cessa de frotter ses cheveux pour un temps, suspendue à ce qu’il allait répondre.

- …Oui… Tuer… On peut appeler ça comme ça. Je crois que les hommes ont eu peur, Arminka. Et franchement, moi aussi… C’est pour ça que je veux te parler… M’assurer que tu es toujours… toi. Que tu n’es pas une créature envoyée par Melkor, ou quelque chose de ce genre.

- Et si c’était le cas ?

Nouveau silence.

- Je… suppose que je devrais mieux apprendre mes prières.

Ils partagèrent un rire bref mais nécessaire, qui contribua à faire retomber la tension. Les hommes du désert étaient notoirement superstitieux, et ce qu’ils ne comprenaient pas immédiatement, ils le plaçaient souvent entre les mains de puissances supérieures. Parfois le Désert personnifié, parfois les esprits anciens. En l’occurrence, il avait bien fait en choisissant Melkor, car contrairement au Désert et aux esprits, lui avait un réel pouvoir sur cette terre.

- Si tu as peur de moi, Nasr, pourquoi es-tu venu ?

- Parce que nous avons scellé un pacte, Arminka du Rhûn. Une alliance. Au nom des Naharim, je te protège, et je te guide sur ces terres. Mais il semble que tu n’aies pas besoin de ma protection.

- Non, fit-elle en souriant. Mais je suis contente que les Naharim marchent à mes côtés.

Il sembla lâcher un soupir de soulagement, mais elle n’en était pas trop sûre. Le fait de ne pas le voir était gênant, et elle se dépêcha de se sécher et de s’habiller pour pouvoir lui parler face à face.

- C’est très bien, Arminka. Je suis content que notre alliance ne soit pas compromise et que tu sois toujours… Arminka. J’aurais été triste de troquer ta compagnie contre celle d’une créature de Melkor. Mais j’ai une dernière question… c’est important. Est-ce que… est-ce que tu aimes tuer ? Les hommes ont dit que tu riais pendant la bataille.

Elle était sur le point de sortir, mais retint son geste au dernier moment. Les paroles de Nasr la figèrent sur place, et elle pesa soigneusement ce qu’il venait de lui dire. Les mots franchirent difficilement ses lèvres :

- Ils ont pu se tromper, Nasr. Je n’aime pas tuer, je fais simplement mon devoir.

Sa main resta refermée sur le tissu. Elle était incapable de le regarder dans les yeux, car il aurait su alors. Il aurait su qu’elle mentait.
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Ryad Assad

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- Merci ! Merci !

Les mains jointes du malheureux tombèrent sur le sol, rapidement imitées par sa tête qui alla rouler près des autres. La lame, émoussée d’avoir frappé si souvent l’acier, la chair et les os, n’avait pourtant eu aucune difficulté à mettre un terme à une nouvelle existence. La dernière vie qui serait prise ce soir. Les cavaliers fuyaient dans le plus grand désordre, sous une pluie de flèches et d’injures, tandis que les fantassins reculaient à qui mieux mieux, en s’efforçant d’éviter de se rapprocher de la furie.

Arminka fit tourner son épée entre ses mains expertes, éclaboussant de sang les alentours, indifférente aux gouttelettes qui coulaient sur son visage. Ses cheveux s’étaient détachés durant l’affrontement, et cascadaient librement, encadrant des yeux enflammés qui promettaient à ces hommes une mort certaine s’ils osaient faire un pas vers elle. Même les archers n’osaient plus tirer dans sa direction, de peur d’attirer son attention.

Elle prit une profonde inspiration.

Ils reculèrent de dix pas en réponse.

- Arminka ! Arminka !

Nasr avait rallié ses hommes, qui eux-mêmes se regroupaient et réorganisaient les troupes de Djahar’Mok, semblables à des chiens de berger assurant la cohérence d’un troupeau de moutons. Son arrivée provoqua une panique subite chez les fantassins, qui cette fois se débandèrent et partirent en courant, abandonnant tout ce qui pouvait les ralentir derrière eux. Privés de la protection des cavaliers, prestement mis en déroute, ils ne voulaient pas être à la merci des Naharim, qui auraient tôt fait de les massacrer. Ce n’était pas l’intention de Nasr, cependant, qui considérait la victoire acquise.

- Tout va bien ? Demanda-t-elle en voyant son regard soucieux.

Il mit pied à terre, mais sa posture trahissait un certain malaise.

- Que se passe-t-il ? Reprit-elle. Nous avons gagné, n’est-ce pas ? Il y a un problème ?

Nasr recula légèrement, comme si elle lui avait soudainement aboyé dessus. Elle ne l’avait jamais vu ainsi, et comprit immédiatement quel était le problème. Il lui fallut de longues secondes pour se calmer, inspirant profondément pour essayer se clarifier les idées.

- Que s’est-il passé, Arminka ? Les hommes disent que…

- Oublie ce que disent les hommes. Écoute-moi…

Elle sentait son cœur qui battait la chamade, et elle fit de nouveau en sorte de s’apaiser.

- Écoute, répéta-t-elle un ton plus bas, nous avons gagné, et c’est tout ce qui compte. Les Djunni y réfléchiront à deux fois, désormais, et j’ai le sentiment que nous nous en tirons bien. Les Naharim ?

- Euh… Ça va… Nous avons eu l’effet de surprise, et nous ne déplorons que quelques blessés. Eux, en revanche, ont eu la frousse de leur vie. Ils laissent derrière eux une bonne centaine de chevaux, quelques armes, et ce qui ressemble à un trésor.

Arminka l’écoutait en essayant d’essuyer sa lame sur son avant-bras. A cause de l’obscurité, il lui fallut un moment pour se rendre compte que sa peau imbibée du sang de l’ennemi ne l’aiderait pas à nettoyer son arme. Elle abandonna, et se contenta de répondre :

- Excellent. Dis aux hommes de prendre ce qu’ils peuvent et de ramasser leurs morts. Qu’ils enterrent les autres selon les coutumes des nomades : nous avons obtenu la victoire, ne déclenchons pas une guerre sans raison.

- Très bien… Euh… Au fait, Arminka ?

Elle s’apprêtait à partir, et se retourna vers lui au dernier moment, une lueur mauvaise sur le visage. Nasr se décomposa, mais elle l’invita d’un geste à parler, et il lança :

- Arminka, il faudra que nous parlions de… de tout ça… Fit-il en désignant les cadavres autour d’elle. Je connais la guerre… Je connais la bataille. Et ça, ça n’est pas normal.

Ces paroles la touchèrent plus qu’elle n’aurait voulu l’admettre. Peut-être parce qu’elle était seule ici, sans personne pour la rassurer sur le fait que si, elle était normale, et qu’elle n’était pas le monstre que d’aucuns voyaient en elle. Peut-être parce qu’elle voyait en Nasr un ami, et qu’elle ne se félicitait pas d’être à l’origine de la réaction de dégoût qu’elle décelait dans son regard.

- Très bien, Nasr. Nous en parlerons.

« Je suis désolée ».

Elle aurait voulu prononcer ces derniers mots, mais ils restèrent bloqués dans sa gorge.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 24 Déc 2020 - 12:48
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- Et… de combien d’hommes disposez-vous, au juste ?

Nasr reposa lentement la cuillère qu’il tenait en main, et répondit sur un ton apaisé :

- Mille cavaliers. Mille de plus si nous devions enrôler tous ceux en âge de se battre, mais qui sont occupés à d’autres tâches. Et encore deux cents qui sont occupés au Harondor, mais pourraient revenir si nous les appelions.

« Occupés au Harondor ». L’expression était élégante, et désignait en réalité le travail de mercenariat auquel se livraient les Naharim, comme bien d’autres clans. Ils sillonnaient les régions les moins dangereuses – laissant les autres aux idiots – et se faisaient payer par les Neufs pour cela. C’était une bonne opportunité d’entraîner les jeunes, sous l’égide de quelques vétérans qui leur apprenaient la vie en campagne, la guerre et leur racontaient de belles histoires au coin du feu.

- Mille hommes, donc…

Le troisième neveu du maître de la ville fit claquer sa langue, sans cacher son agacement. De toute évidence, il n’aimait pas Nasr, probablement car il avait une aversion pour les tribus du désert. Les nomades étaient souvent imprévisibles, agressifs et rétifs à tout contrôle. Ceux des villes préféraient en général l’ordre, la stabilité, et un commerce libre. De quoi développer leurs activités, leur fortune et leurs projets, sans être embêtés par les velléités guerrières de cavaliers ancrés dans des traditions archaïques et révolues. Entre Nasr et le prince Saar Alraddah, il y avait plus qu’un monde… il y avait toute une époque. Ils n’appartenaient tout simplement pas au même univers. Le prince reprit :

- Mille hommes ne nous aideront pas à gagner la prochaine guerre, et à nous protéger efficacement contre les autres tribus. Les Djunni, au Sud d’ici, ont environ sept cents hommes, et ils viennent prélever leur tribut comme ils l’entendent sur nos terres. Mille hommes n’en viendront pas à bout facilement. Je crains de devoir refuser.

- Si vous ajoutiez les forces de Djahar’Mok aux nôtres, nous pourrions les surpasser à pratiquement deux contre un. Nous n’avons pas besoin d’entrer en guerre contre eux, seulement de leur opposer une résistance suffisante pour qu’ils comprennent qu’il est dans leur intérêt de négocier avec vous.

Le prince s’absorba dans ses pensées un instant, considérant ses options. Ses liens avec la famille dirigeante de Djahar’Mok étaient éloignés, et il n’avait pas les faveurs du maître. Seul son titre lui garantissait un statut ici. Cependant, s’il pouvait préserver la ville du danger que représentaient les Djunni, s’il pouvait s’imposer militairement… nul doute que sa place dans la famille serait consolidée, au point peut-être d’obtenir un office important, ou une charge prestigieuse. Cependant, pour y parvenir, il devait convaincre son oncle d’envoyer tous les hommes d’armes de la cité au Sud, pour y affronter les Djunni et leur tenir tête… Le discours audacieux plairait, c’était certain.

Mais était-ce suffisant pour convaincre un homme rationnel et prudent ?

- Djahar’Mok, lança Saar, est défendue par à peine trois cents hommes… C’est bien peu pour une cité portuaire qui se trouve en première ligne dans le Delta de l’Harnen. Trois cents hommes qui manquent d’expérience et de discipline… Des hommes qui n’ont pas l’habitude d’affronter des cavaliers du désert, et qui risquent de fuir avant même le premier sang.

- Il est évident que les hommes de Djahar’Mok ne sont pas prêts en l’état, mais nous pouvons les entraîner. Je viens accompagné d’une conseillère militaire du royaume de Rhûn, loin dans les terres orientales.

- Une femme ?

Le prince ne cacha pas sa surprise. Il se demandait depuis le début de l’entrevue qui était cette femme silencieuse qui restait debout sans rien dire, avec la rigidité d’un soldat. Il comprenait mieux désormais. Nasr fit un signe pour inviter l’intéressée à s’approcher. Elle s’inclina brièvement devant le prince, qui répondit à son salut par un geste évasif de la main :

- Vous êtes dans l’armée, c’est ça ?

- C’est exact, votre altesse. Je suis capitaine des Varkayin, de la Garde Royale de Blankânimad.

Saar jeta un coup d’œil en coin à Nasr, comme pour lui demander où il avait réussi à dénicher un officier de l’armée du Rhûn. La discipline de l’armée rhûnienne était bien connue à travers le monde, et louée au même titre que le courage des Haradrim, ou les exceptionnelles habilités de cavaliers des Khandéens. Disposer d’un tel appui pour entraîner ses troupes pouvait réellement faire la différence. Saar réfléchit intensément, et finit par demander :

- Et je suppose que vous avez un nom ? « L’orientale » n’est pas une façon décente de vous nommer.

- Arminka ira très bien.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 16 Déc 2020 - 14:32
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Arminka s’agita sur sa chaise, visiblement mal à l’aise.

Elle n’aimait pas cet homme avec ses grands airs, son côté mégalomane, et ses manières de dandy qui cachaient mal l’esprit rusé et violent qui s’agitait sous la surface. Il ne lui avait toujours pas dit son nom, et ne le lui dirait probablement jamais, lui qui se plaisait à se faire appeler « Commodore ». Il vida un autre verre de vin, qu’il reposa bruyamment sur la table, et pointa sa fourchette vers son interlocutrice :

- Vous avez encore faim ? Non ? Dommage, car il nous reste encore du cabillaud. Ah vraiment vous devriez vous faire plaisir, il est rare que nous puissions si bien manger, nous qui sommes toujours en mer, occupés à sillonner les côtes de toutes allégeances.

Elle se retint de lever les yeux au ciel, et se contenta d’incliner poliment la tête avec un sourire. Être jolie et se taire. Elle savait exactement ce qu’il attendait d’elle pour le moment.

- Je disais donc, nous avons beaucoup de réparations à faire avant de pouvoir reprendre la mer. Djahar’Mok n’est pas le port le mieux équipé pour cela, ce qui va nous ralentir un peu… Mais rien de grave, rien de grave. Désormais que nous avons Lasgarnë, nous pouvons nous reposer un peu… Si en plus vous me dîtes que vous pouvez mettre la main sur mon héritage… ha ! J’ai presque envie de danser.

Fort heureusement, il resta assis, et continua à manger avec un raffinement qui ne lui allait guère.

- Mon héritage… Mon héritage… J’en rêve la nuit, vous savez… Et vous… si vous me l’apportez sur un plateau, je vous récompenserai, oh que oui. Tout ce que vous voulez… Il y a bien quelque chose qui vous plairait, n’est-ce pas ?

- Rien de particulier, Commodore. Je suis un soldat, je m’accommode de peu.

Il rit pour lui-même.

- Ah oui, oui bien sûr. Un soldat. Très bien, très très bien. Votre reine doit être particulièrement contente d’avoir quelqu’un comme vous à son service. Si j’avais cent marins avec votre droiture… non, si j’avais même dix marins comme vous, je serais déjà Seigneur d’Umbar, et en passe de devenir Roi du Gondor.

Il éclata de rire à nouveau, sans se soucier de rencontrer l’indifférence d’Arminka.

- Malheureusement, tout le monde ne pense pas comme vous, et la plupart des gens attendent une compensation de nature financière… De l’or, des bijoux, des pierres précieuses, ce genre de choses. Rien de bien ennuyeux quand, comme moi, on a de nobles objectifs. Mais il faut quand même aller chercher ces pièces, ces colliers, ces bracelets, ces pendentifs… Autant de temps perdu, autant d’énergie dépensée pour des choses pathétiques, sans valeur, à seule fin de contenter les hommes et leur amour des choses qui brillent.

- En effet, Commodore. Beaucoup de temps perdu.

Il ne saisit par l’ironie, et poursuivit :

- Oui, oui, beaucoup trop ! Vous pourriez peut-être m’aider, vous, avec vos incroyables ressources et votre droiture. Non ? Vous pourriez m’apporter l’or dont j’ai besoin pour financer ma campagne.

- Je ne crois pas pouvoir renflouer vos caisses à moi toute seule, Commodore. Je peux bien essayer, mais il me faudrait au moins un siècle. Je ne risque pas de vivre aussi longtemps.

Il eut un sourire compatissant :

- Je vous plains. Mais vous avez raison, et puis quel gâchis de vos immenses talents que de vous confier une tâche subalterne de la sorte. Pourquoi êtes-vous au Harad, au juste ?

La question était si précise et si inattendue qu’elle en fut désarçonnée. C’était comme si le Commodore avait endormi sa vigilance tout au long du repas pour mieux la prendre par surprise. Même le ton de sa voix avait changé quand il lui avait posé cette question, et il demeura là à l’observer les yeux dans les yeux, sans ciller, guettant la moindre de ses micro-réactions. Elle hésita, bafouilla quelque chose – ce qui ne lui ressemblait guère – avant de trouver l’énergie de répondre :

- Eh bien… La Reine Lyra n’a pas été très spécifique sur les détails. Je devais vous apporter cette épée, rencontrer quelques personnes, puis apporter mon assistance à ceux qui veulent renforcer le Harad. Elle considère que les Haradrim sont les alliés historiques du Rhûn, et que nos peuples gagneraient largement à développer leurs liens.

Le Commodore l’observait, décelant qu’elle lui cachait des choses, sans pour autant le dire explicitement. Il se contenta de hocher la tête avec une petite moue appréciative, avant de répondre :

- Un noble objectif, mais j’ai bien peur que vous soyez condamnée à échouer. Le Harad est instable par nature, et les gens d’ici préfèrent s’entredéchirer plutôt que de travailler à construire une paix durable. Ils ne s’unissent que contre un ennemi commun, et quand ils n’en trouvent pas, ils l’inventent. Le rêve de Taorin le Borgne de voir le Harad marcher jusqu’aux portes du Gondor s’est effondré quand les Seigneurs Pirates ont eu leur part du trésor, et qu’ils ont préféré le trahir et le faire enfermer plutôt que de le soutenir jusqu’à la mort.

- C’est donc lui qu’il faut sauver ?

- Cela n’aurait aucun sens, rétorqua le Commodore en savourant un nouveau verre de vin. Taorin n’est qu’un homme, et sa vision – permettez-moi le jeu de mots – est limitée. Celle des Neufs aussi. Prenez Aric par exemple. Vous en avez entendu parler ? Un fou qui veut s’en prendre au Gondor pour venger la mort de son maître. Un fou qui, à l’heure où nous parlons, a rassemblé une véritable armée et entend mener son projet à bien. Un fou qui pourrait bien faire du tort au rêve de voir un Harad stable et unifié.

Si j’étais-vous, je crois que je commencerais par là… Aric et ses hommes doivent arriver d’ici une semaine, je le sais de source très sûre. Nous serons loin quand il arrivera pour ajouter le Lynx à sa flotte, mais les hommes d’ici le suivront sans hésiter. Les gens de Djahar’Mok sont des couards, et ils se rallieront à Aric plutôt que de risquer son courroux. Si vous pouviez éviter cela, vous rendriez un grand service à la cause d’un Harad plus sûr…


Arminka cligna des yeux. Cet homme était-il complètement fou, ou venait-il de la mener très exactement où il le souhaitait depuis le début de la conversation, après avoir fait un détour incroyable pour cela ? Elle avait l’impression d’avoir été manipulée comme une enfant, et alors qu’elle était venue en espérant négocier avec lui, elle se retrouvait à recevoir des consignes qui ressemblaient presque à des ordres. Elle lui avait donné ses cartes, et il les jouait désormais une à une contre elle, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle.

- Tuer Aric ne serait-il pas plus efficace ? Demanda-t-elle tout de même.

- Non. Vous ne feriez que donner raison à ses partisans. Avec ou sans lui, ils attaqueront le Gondor. Et il vaut mieux qu’ils l’attaquent avec lui que sans, croyez-moi. Mais que croyez-vous qu’il se passera quand Aric attaquera le Gondor ? Il réveillera la bête endormie, et alors le Gondor fera ce qu’il fait de mieux : envahir ses voisins, en détruisant tout sur son passage. Ils reprendront le Harondor méthodiquement, puis mèneront une campagne radicale pour aller déloger les Seigneurs Pirates. Umbar est riche et gorgée d’or, et c’est précisément la raison pour laquelle elle ne tiendra pas. Tout le monde préférera s’enfuir avec son butin plutôt que d’affronter la mort. Pour le futur du Harad, il est important… non, essentiel qu’Aric échoue…
Sujet: Grains de Sel
Ryad Assad

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Rechercher dans: Djahar'Mok   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sel    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 3 Déc 2020 - 21:51
Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! Armink10


Pour un lynx, il était énorme.

Sagement adossé au bois vénérable, il accueillait les visiteurs de sa silhouette silencieuse mais menaçante, que tous étaient contraints de lever les yeux pour observer. Sa figure féline se dressait fièrement, légèrement à l’écart du port trop étroit pour accueillir sa majestueuse stature, tandis que son regard azuré se perdait dans le ciel. Ses oreilles, battues par les vents et abîmées par le temps, semblaient capables de tout entendre, et de percevoir l’entièreté du monde qui l’entourait, bien que sa tête demeurât figée dans cette position depuis ce qui semblait être des siècles. Arminka jeta un bref regard à Nasr, qui semblait absorbé dans sa contemplation. Il se grattait le menton avec perplexité, sans parvenir à cacher son admiration.

Il devait bien admettre qu’il n’avait jamais rien vu de pareil.

Presque deux cents pieds de long, une quarantaine de large, c’était un véritable monstre qui les dominait de toute sa taille. Comparativement, ils se sentaient minuscules, et bien démunis. Sur le dos de l’immense créature, s’affairaient une multitude de serviteurs, parasites misérables qui vivaient en symbiose avec le colosse, et qui semblaient lui vouer un respect teinté de crainte. Il fallait dire que les gardiens de la bête les surveillaient de près, et n’hésiteraient pas à leur faire payer cher la moindre incartade.

- Vous êtes déjà montée sur un machin comme ça ? Demanda Nasr.

- Quelques fois, oui. Mais jamais un de cette taille.

Ils restèrent là à contempler le Lynx et les hommes qui se dépêchaient de l’apprêter pour un éventuel départ. Ils n’échangèrent que quelques mots, chacun attendant anxieusement la suite. Ils se firent signe lorsqu’ils virent un homme se détacher de la foule et venir à leur rencontre, écartant les serviteurs qui ne se décalaient pas assez rapidement de son chemin. Il avait l’air antipathique, mais trop dangereux pour qu’on lui tînt tête ou même qu’on osât lui faire la moindre réflexion. Quand il fut près d’eux, ils purent constater qu’il était grand de taille, élancé avec des épaules larges et une mâchoire sévère. Contrairement à la plupart des gens ici, il portait de très beaux habits de soie légère que l’on n’aurait pas imaginés voir dans un endroit comme Djahar’Mok. Il puait l’importance, et pendant un bref instant ils se demandèrent si ce n’était pas lui qu’ils devaient rencontrer. La façon dont il s’adressa à eux leur fit comprendre que non. Il posa tour à tour les yeux sur Arminka et Nasr, avant de leur demander sur un ton sec et peu amène :

- Lequel de vous deux souhaite s’entretenir avec le Commodore ?

- C’est moi, fit Arminka.

Il posa un regard condescendant sur la jeune femme, puis acquiesça :

- Très bien. L’autre attendra ici.

La guerrière orientale fit signe à Nasr de ne pas s’inquiéter. Elle était capable de se défendre toute seule, et contrairement aux apparences, elle n’allait pas en terrain ennemi. Emboîtant le pas à son guide, elle le suivit sans hésiter à l’intérieur du Lynx, qui ronronnait doucement sous leurs pieds. Quelques portes et quelques couloirs plus tard, elle fut amenée face au Commodore, assis derrière son bureau. Il avait la mine lasse de celui qui devait endurer le fardeau du commandement, mais en voyant Arminka se présenter à lui, son regard se mit à briller d’une lueur nouvelle et mystérieuse. Une lueur qui jeta un frisson le long de l’échine de la jeune femme.

- Bienvenue à bord du Lynx, fit-il en lui tendant une main amicale qu’elle serra énergiquement. Asseyez-vous, je vous en prie. Nous avons des choses à discuter.

Elle s’exécuta, sentant immédiatement que le grand type derrière venait se caler dans son dos, pour garder l’entrée tout en l’observant froidement. Elle n’était pas inquiète, mais pas rassurée pour autant. Toutefois, elle devait se concentrer sur le Commodore. C’était un bel homme, de haute stature, dont la noblesse se devinait sur les traits sculptés de son visage. Il était difficile de lui donner un âge, mais l’expérience se lisait dans son attitude, dans sa façon de bouger, au moins autant que dans les plis qui s’étiraient délicatement au coin de ses yeux. Ces pattes d’oie ne venaient qu’après avoir vu de nombreux hivers.

- Pardonnez mon empressement, mais l’avez-vous ? Est-ce…

- Oui, Commodore. L’épée Lasgarnë.

Ses yeux s’agrandirent perceptiblement, alors qu’elle délivrait l’arme du tissu protecteur dans lequel elle l’avait enveloppée pour la transporter plus discrètement. Sans paraître pouvoir se contrôler, il tendit une main dans sa direction, comme s’il n’en revenait pas. Il échangea quelques paroles de ravissement avec le grand type dans une langue qu’Arminka ne parlait pas, avant de revenir à cette dernière :

- Comment l’avez-vous trouvée ?

- Cela a été le fruit d’une longue enquête, qui s’est achevée à Kryam, dans les territoires du Khand. L’arme a beaucoup changé de main, comme vous pouvez l’imaginer.

Il hocha la tête, feignant de s’intéresser à ce qu’elle venait de lui dire. En réalité, l’épée le fascinait plus que toute autre chose. Pourtant, il sembla se rétracter, retrouvant une certaine méfiance :

- Je suppose que vous n’avez pas traversé tant et tant de lieues pour m’amener cette épée sans rien attendre en retour… Quel est le prix que demande votre reine ?

Fidèle à la consigne qu’elle avait reçue de la bouche de sa souveraine en personne, Arminka répondit avec simplicité :

- Aucun, Commodore, sinon l’amitié et la paix.

Il y eut d’abord un long et profond silence, qui sembla s’étirer pour l’éternité. Puis le Commodore se mit à pouffer, et à rire de plus en plus franchement, comme si la situation lui paraissait trop incongrue pour qu’il fût en mesure de conserver son sérieux. Après avoir succombé à l’hilarité, il s’efforça de retrouver une contenance devant une Arminka toute militaire qui n’avait pas laissé transparaître la moindre émotion.

- L’amitié et la paix… Ah, que voilà une heureuse nouvelle ! Les Armadin ne seront pas oubliés, quand viendra l’heure.

Cette dernière phrase demeura particulièrement sibylline pour Arminka, mais elle n’avait pas été choisie par la reine pour sa curiosité et sa conscience. Elle était une parfaite exécutante, et tant qu’une information n’interférait pas avec sa mission, elle ne s’en préoccupait guère. Le Commodore semblait ravi, et pour l’heure elle avait accompli ce pour quoi elle était là. Elle lui tendit l’arme, qu’il observa soigneusement sous toutes les coutures, fasciné par cet objet qui semblait tenir une place importante à la fois dans son histoire et dans ses plans.

- Parfait, c’est parfait… Avant que vous partiez, j’aurais besoin d’un autre service cependant…

Arminka haussa légèrement les sourcils.

Cela ne faisait plus partie de sa mission.
Sujet: Grains de Sang
Ryad Assad

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Rechercher dans: Cité-Forteresse de Kryam   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sang    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 25 Juil 2020 - 23:56
Il confectionna son crachat avec grand soin, raclant patiemment chaque recoin de sa bouche, avant de projeter la masse visqueuse dans la direction opposée. Un gamin des rues qui passait par là le reçut en pleine tête, lâchant un glapissement effrayé avant de détaler comme une souris. L’homme eut un rire gras, et haussa les épaules :

- Coup de bol.

- N’est-ce pas.

#Arminka n’était pas d’humeur à faire la conversation, et son ton était encore plus sec que le cuir de sa tunique. Elle avait besoin de réponses, et n’entendait pas perdre un temps précieux à discuter avec un mercenaire local qui semblait davantage vouloir lui extorquer son or plutôt que de lui donner les informations qu’elle recherchait. Il la regarda de haut en bas, presque étonné par la confiance qu’elle dégageait, et poursuivit :

- Donc je répète… une place pour un combat dans l’arène, ce soir, sous les yeux du gouverneur ? C’est que c’est une belle occasion de se faire connaître, mais aussi un bon moyen de mourir en beauté. Je sais pas qui est le champion que tu veux engager, mais j’espère qu’il sera à la hauteur. J’ai déjà vu l’Armoire en duel, et je peux te dire que ce n’est pas un tendre. Il combat pour entrer dans la légende, son centième combat sans défaite. Le type a tout gagné, même sa liberté, et la femme de son ancien maître : tu y crois ça ? C’est que c’est un combat de prestige, tu comprends, et on se bouscule pour l’affronter et essayer de briser son record de victoires.

Elle leva les yeux au ciel, devant cette pathétique technique de vente. Arminka connaissait la vérité. Si « l’Armoire » était effectivement un combattant renommé, il n’y avait qu’une poignée de fous qui osaient entrer dans l’arène contre lui aujourd’hui. Les parieurs avaient besoin de le faire combattre, mais ne trouvaient plus d’adversaires à la hauteur, ou suffisamment fous pour le défier. Or, si un combattant seul debout pouvait se targuer d’avoir remporté une bataille ou un duel, il ne représentait rien d’intéressant pour un investisseur. L’Armoire était en fin de carrière, et ce fameux centième combat était un moyen d’arracher quelques pièces à sa carcasse avant de le laisser prendre une retraite bien méritée.

On le ferait peut-être sortir de l’anonymat encore une fois avant la fin, quand il serait vieux et abîmé, et qu’on voudrait voir si la bête avait encore ses réflexes d’antan. Elle les aurait perdus depuis longtemps, et la mise à mort serait aussi lente que brutale. Une fin indigne d’un grand champion, mais qui lui permettrait d’assurer une vie confortable à ses enfants et ses petits-enfants. Ce destin tragique n’émouvait pas Arminka le moins du monde, et elle se contenta de rétorquer sur un ton calme :

- Je sais bien que personne ne veut entrer dans l’arène contre l’Armoire. Je sais qu’il n’y aura pas plus de deux ou trois combattants qui se porteront volontaires pour ce défi. Essayer de faire monter les prix n’y changera rien, alors voici ma proposition. Mille pièces, voilà qui devrait être bien assez pour que vous ajoutiez un combattant à la liste. Si vous refusez, je n’aurai qu’à aller voir une personne avec davantage de bon sens, qui saura ouvrir les bonnes portes et parler aux bonnes personnes.

L’homme ne mit pas longtemps à changer d’avis.

- Bon, bon, faisons comme ça… Mille pièces, c’est très bien. C’est votre gars qui va entrer dans l’arène après tout, pas moi. Vous avez les mille pièces sur vous ?

- Vous croyez que je vais vous faire confiance aussi facilement ?

Elle opposa un regard glacé au sourire goguenard qu’il lui rendit :

- Ha, ça non, vous êtes une drôle de bonne femme, mais pas une sotte, ça c’est sûr. J’ai au moins besoin d’un nom, pour vous inscrire. C’est quoi son surnom à votre champion ? S’il en a pas, je peux vous en conseiller quelques uns. Le Frappeur, ça marche toujours bien, le public aime assez. Il y a eu un certain nombre de « Frappeurs » qui s’en sont bien sortis à Kryam. Sinon, on peut l’appeler l’Impitoyable. C’est un peu classique, mais ces derniers temps les jeunes combattants ont des noms exotiques, ou des noms d’animaux. C’est à la mode. Là votre champion se rappellera au bon souvenir des connaisseurs.

- Arminka, ça ira très bien.

Le Khandéen fronça légèrement les sourcils. Arminka ? Drôle de nom, qui ne faisait pas très local, et encore moins effrayant. Il se frotta le menton, et répéta le nom deux ou trois fois, comme pour vérifier s’il roulait bien sur la langue.

- ArminkaArminka… C’est un choix curieux, mais osé… Et puis le fait qu’il n’y ait pas de surnom impressionnant, c’est aussi… bah… impressionnant, quoi. Arminka… Oui, ça sonne pas si mal après tout. J’imagine qu’un colosse avec un nom pareil doit être sacrément costaud. Hâte de voir votre champion arriver : dites-lui de se pointer ce soir, deux heures avant le coucher du soleil, avec le paiement. On réglera tous les détails à ce moment-là, on fera les inscriptions, le petit examen médical habituel, juste histoire de s’assurer qu’il n’entre pas dans l’arène déjà blessé, et puis ensuite on le laissera se mettre dans sa bulle. Ça vous convient ?

- Parfait. A ce soir.

Il ne comprit pas l’allusion, et lui répondit « adieu » sur un ton enjoué, content à l’idée de gagner mille pièces d’or. C’était inespéré dans ces circonstances, mais il ne cracherait pas dessus, pour sûr. Les temps étaient durs à Kryam, et il fallait bien vivre.
Sujet: Grains de Sable
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais du Désert   Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Grains de Sable    Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 21 Juil 2020 - 12:12
Tag arminka sur Bienvenue à Minas Tirith ! Shomer10
Bekkhand #Shomeri

Le repas avait été excellent, un ravissement pour les papilles, et un vrai moment de partage durant lequel le Bekkhand, par l’intermédiaire d’Usun, avait animé la soirée en racontant quelques anecdotes locales. Il avait pris le parti d’écouter encore plus, cependant, et Arminka lui avait raconté beaucoup de choses à propos de la situation du Rhûn, en omettant évidemment les détails qui pouvaient être révélateurs d’éventuelles faiblesses. Elle avait ainsi omis d’évoquer la question des rebelles orientaux, qui continuaient à donner du fil à retordre aux troupes régulières, mais aussi la question agaçante des prêtres melkorites qui semblaient vouloir mettre au pas la société rhûnienne d’une manière qui ne plaisait guère à l’aristocratie locale. La position assez neutre de la reine sur ce sujet n’aidait pas à apaiser les tensions, et on racontait que l’aura des Melkorites ne grandissait qu’à l’ombre de la faiblesse de Lyra. Une accusation qui valait en général quelques jours de prison à son auteur, mais que l’on entendait murmurée de plus en plus haut dans les sphères du pouvoir.

La noblesse réclamait de l’action, une main ferme et énergique, et surtout qu’on la débarrassât de l’influence des religieux.

La jeune femme s’était donc concentrée sur les grandes réussites de la reine, en particulier les travaux d’aménagement de Blankânimad, ainsi que sur ses brillants succès diplomatiques. Des négociations fructueuses avaient lieu avec les territoires nains, loin à l’Ouest, par l’entremise d’un comptoir commercial dont on commençait à voir les premiers fruits. Quelques esclaves de luxe étaient arrivés jusqu’à la capitale, ce qui signifiait que d’autres s’étaient arrêtés à Vieille-Tombe au préalable, et qu’Albyor pouvait espérer voir un afflux de main d’œuvre qualifiée. Arminka évoqua également, de manière évasive, la question de négociations diplomatiques qu’elle avait pu mener quelques semaines auparavant avec les peuples de Nurn, au nom de la reine. Lyra s’était montrée particulièrement généreuse avec eux, mais elle avait aussi beaucoup à gagner dans cette affaire.

Du reste, ils avaient évoqué des questions de politique générale, discuté des incessantes tensions frontalières entre les marchands rhûniens et les clans du Khand – face auxquels le roi ne pouvait grand-chose –, et ils avaient parlé des conséquences de l’été particulièrement chaud qu’ils traversaient sur les récoltes, et sur le maintien du commerce. Arminka était versée dans de nombreux domaines, et elle surprit à plusieurs reprises le Bekkhand par sa capacité à raisonner, à articuler les idées, et à se montrer persuasive. Il était certain que Lyra ne l’avait pas envoyée ici sans raison.

Le dîner s’acheva, et on en vint bientôt aux sujets du jour. Le Bekkhand souhaitait savoir quelles étaient les intentions de Lyra, et ce qu’elle souhaitait obtenir via l’envoi de cette délégation. Arminka posa soigneusement ses couverts, et croisa les doigts pour s’empêcher de jouer nerveusement avec son couteau – un réflexe qu’elle avait acquis, et qui n’avait rien de rassurant :

- Votre altesse, notre présence ici a plusieurs objectifs. Premièrement, nous formons l’escorte rapprochée de ces éminents savants, qui demandent humblement votre autorisation de consulter vos archives et la fameuse bibliothèque du désert. Leur mission est purement intellectuelle, et en ces temps de paix entre nos deux peuples, mais troublés à l’Ouest, nous avons pensé qu’il était judicieux d’apprendre à mieux nous connaître.

Arminka soutint le regard du roi, sans rien laisser transparaître des véritables raisons de cette requête. La reine avait une idée très précise derrière la tête, mais il n’était pas utile pour le Bekkhand de la connaître, et à dire vrai il valait peut-être mieux le laisser dans l’ignorance de ces choses. Le vieil homme était concentré sur ses rêves de grandeur, sur son désir de dominer tous les clans de son pays… il n’était pas utile de l’importuner avec des considérations supérieures. Il se tourna vers un de ses conseillers, échangea quelques paroles, puis revint à Usun qui traduisit :

- Sa Majesté ne voit aucun inconvénient à cela. Les trésors du passé de notre peuple peuvent être partagés, et le grand roi espère qu’une meilleure compréhension mutuelle permettra de renforcer les liens économiques qui lient nos deux royaumes.

- Je crois que c’est la volonté de la reine Lyra également.

- Sa Majesté vous fournira également une escorte pour traverser les terres du Sud, qui sont aujourd’hui contestées et dangereuses. La protection du Bekkhand vous est acquise.

« Protection et surveillance », se dit Arminka en son for intérieur. Le roi n’avait pas de raison de leur refuser l’accès à ses lieux culturels, mais il voulait savoir de quoi il retournait et ne pas laisser la moindre information lui échapper. Il n’était pas aussi fou et sénile qu’on pouvait le dire, et sa vision politique restait affûtée. La jeune femme remercia profusément son hôte pour sa générosité, mettant les formes nécessaires à cela, avant de basculer vers le second sujet :

- Ma présence ici est également motivée par une ambition chère à la reine. A l’heure actuelle, la situation entre les tribus Haradrim, le Harondor et Umbar est chaotique. Le Khand joue un rôle décisif dans le maintien de ces tensions, qui nuisent au commerce et à la paix. Cependant, ce moment ouvre des opportunités à qui saurait les saisir, et permettrait aussi de dessiner le nouveau visage du Sud. Un Harad fort pourrait être un précieux allié dans l’éventualité d’une nouvelle incursion gondorienne.

Le Bekkhand recula sur son fauteuil, alors que Usun lui faisait la traduction.

Ils arrivaient enfin aux choses sérieuses.

#Usun #Arminka
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