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Sujet: Loyal rime avec vénal
Nathanael

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Rechercher dans: L'Auberge des Murmures   Tag bore sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Loyal rime avec vénal    Tag bore sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 9 Sep 2015 - 18:43

Bore mettait toute sa concentration à l’épreuve pour ne pas tiquer. Non seulement l’accent de l’étranger l’irritait au plus haut point, sans parler de sa façon de se comporter comme s’il n’était qu’un vulgaire citoyen honnête, mais en plus il cherchait à négocier. L’homme était ce que la populace appelait communément un « filou », un esthète du mensonge qui se faufilait entre les mailles des lois pour fuir le joug de la justice et esquiver le fouet de la condamnation. Et tout cela en profitant au passage de la crédulité des courtisans, des hommes de pouvoir et de ses « supérieurs » pour en tirer quelque chose : un confort social ou quelques pécules tintinnabulant. Bore était persuadé que ce Rhûnien n’était que la forme humaine d’une mante religieuse, qui après avoir profité pleinement de sa copulation avec un royaume, cherchait ensuite à lui trancher la tête. Le Gondor prenait des risques en concluant un marché avec un malandrin pareil. Les Orientaux n’étaient-ils pas tous les mêmes : de vulgaires traîtres dissimulés sous des masques de courtoisie et de courbettes alambiquées ? L'agent de l’Arbre Blanc se demandait encore pourquoi le Gondor n’avait jamais pris le temps d’écraser ce peuple misérable aux mœurs condamnables. Et bien qu’il n’ait jamais osé prononcer tout haut ce qu’il pensait tout bas, quelques fois, il trouvait que leur Haut Roi manquait de détermination. Bore continua néanmoins de jouer la carte de la franchise, et mit fin aux tentatives de son interlocuteur pour échapper au contrat qui lui était proposé. Imposé aurait été plus à propos, mais on ne négocie pas avec le plus grand royaume de l’Ouets.

- Vous serez donc heureux de savoir que votre hésitation n’a plus lieu d’être. Encore quelques heures, un jour ou deux tout au plus, et votre très cher Taorin ne fera plus parti de la carte politique. En tout point, ne trouvez-vous pas que l’on vous facilite la tâche ?  Nous vous offrons la vie sauve et un poste rémunéré. Sans quoi vous seriez sans doute déjà dans les geôles parmi les rats gondoriens.

Bore eut pour la première fois un sourire appuyé et condescendant. Ce petit jeu l’ennuyait. Il était à ce point blasé par toutes ces années de négociations que même les échanges les plus piquants ne lui procuraient plus aucun plaisir. Il n’y avait plus qu’auprès des femmes qu’il retrouvait un peu de sens à ce mot. Les femmes … et il retint un violent soupir. Il reposa son verre sur le bras du fauteuil dans lequel il était installé et fit un signe de la main pour que le serviteur vienne le remplir. La fraîcheur du Mont Mindolluin ne parvenait plus à faire le poids contre les vagues de chaleur venues du Sud et la férocité du soleil estival. Une veine battit sur la tempe du membre de l’Arbre Blanc, sans parler de l’atrocité de supporter la transpiration qui lui dégoulinait dans le dos. Il vivait un vrai calvaire, et c’était sans doute une des raisons pour lesquelles il voulait en finir au plus vite. Il but avec précaution quelques gorgées d’eau même si tout son corps lui criait de finir le verre cul-sec et de s’en resservir un autre aussitôt. Il fit migrer son esprit de son inconfort corporel jusque vers la discussion qui reprenait son cours tandis que Salem Hamza débitait une succession de conditions incontournables. Bore ne pouvait cesser de se répéter intérieurement : « Mais qu’on lui coupe la tête ! ». Il fit néanmoins mine de l’écouter avec attention. Après tout, il n’était qu’un négociateur et aucunement un décisionnaire. Il avait eu pour ordre d’accepter à peu près toutes les requêtes de leur nouveau cheval de bataille à l’exception de celles qui envenimeraient une situation déjà des plus compliquées avec le Sud. Bore ne comprenait toujours pas en quoi racheter un ancien espion au service du Harad arrangerait les relations avec les Sudistes mais la guerre de l’information semblait plus importante aux yeux du Gondor après la débandade dans le désert que n’importe quelle autre arme en leur possession. Bore inclina une première fois la tête à la demande de Salem à propos de sa condition géographique.

- Accordé.

Il se retint bien de préciser que cette condition faisait également partie de la liste imposée par l’Arbre Blanc. Le Gondor ne disposait pas suffisamment d’hommes, et qui plus est d’hommes compétents, dans le sud pour surveiller un plaisantin dans son genre qui saurait leur fausser compagnie dès que le besoin s’en ferait sentir. Et il voyait mal comment les forces de Mephisto pourraient par la suite se présenter aux portes de Dur’ Zork en prétendant venir récupérer un espion qui a retourné sa veste et qui leur a fait faux bond. Il ne voyait pas pire animal en liberté pour semer la discorde entre des royaumes qui se regardaient déjà en chien de faïence. Mieux valait le museler et le garder dans sa niche ou le sortir avec une muselière plutôt que de le laisser lever la patte sur toutes les bottes au risque de froisser certaines sensibilités. La seconde condition du Rhûnien effleurait la corde de son énervement, même s’il s’y était préparé. Quel rat n’essaierait pas de venir grappiller les miettes d’un gâteau dont il n’a jamais goûté. L’on parlait du Gondor, « Bon sang », pas d’un ramassis de tentes et de bourgades battues par les vents du désert où grouillaient une population de miséreux et de voleurs. Comment ce freluquet osait-il faire l’affront à la plus grande puissance d’Arda en parlant d’un salaire « supérieur » ? Comment osait-il laisser penser que l’Arbre Blanc embauchait au rabais ? Et tout cela pour émettre une comparaison éffrontée entre le Gondor et le sud. La veine sur la tempe de Bore battit une nouvelle fois, mais ce ne fut pas à cause de la chaleur. Il serrait les dents. Cartogan faisait pendre les gueux pour moins que ça. C’est pourtant avec toute la maîtrise de soi et l’amabilité dont il était encore capable qu’il répondit le plus posément du monde.

- Accordé.  

Après tout, le Gondor était vaste et cette girouette ambulante ne devrait pas forcément travailler dans l’enceinte de la Cité Blanche. C’était d’ailleurs une éventualité à proscrire et ses supérieurs avaient déjà savamment pensé à cette modalité du contrat. Bore se ragaillardit à cette idée et avala sans trop de difficulté quelques gorgées d’eau supplémentaire sans trembler. C’était un faux calme, et c’était à présent un véritable combat qu’il menait contre lui-même pour ne pas faillir à sa tâche. Il s’abstint de tout commentaire de trop, et, surtout, de lui parler de l’homme qui le suivrait comme son ombre lors de ses prochaines missions. Après tout, il n’était pas le plus à plaindre. Il croisait l’énergumène quelques minutes le temps de négocier et il ne le verrait sans doute plus jamais de son existence. Il avait plutôt de la pitié pour le pauvre homme qui devrait se coltiner cet étranger des jours durant jusqu’à mener une quelconque tâche à bien. Il y aurait des pertes sans doute.

Il retint sa respiration lorsqu’il vit un troisième doigt se lever. Est-ce qu’il allait continuer ainsi jusqu’à dix ? Malgré la façade impassible qu’il efforçait de maintenir, Bore subissait de véritables sueurs froides. D’autant que sur le point des invitations, rien n’avait été spécifié par ses supérieurs. Plus réputé pour vivre en solitaire, du peu que l’on savait de lui, qu’occupé à s’inquiéter du sort de son prochain la question n’avait même pas été évoquée. Qui plus est on ne lui connaissait pas de famille, au grand damn des autorités compétentes qui s’en seraient bien servies pour faire pression sur lui. Mais si l’homme affectait une attention particulière pour une personne, quelle qu’elle soit, cela pourrait  un jour tourner à l’avantage de l’Arbre Blanc. Bore avait depuis longtemps appris à faire chanter les autres, mais il ne donnait lui-même que rarement de la voix. Sa longue expérience des négociations reprit le dessus sur ses angoisses d’administrateur ensuqué. Il abdiqua donc d’un simple digne de tête.

- Accordé.

Et encore une fois il ne s’étala pas sur les détails. L’Arbre Blanc autorisait le transfuge éventuel à rejoindre les frontières du Gondor et à obtenir un asile salutaire, en aucun cas il ne s’engageait à l’aider dans son voyage. Ils se contenteraient d’observer la course poursuite et de l’interrompre en temps et en heure aux portes du royaume. Avant cela ils se comporteraient comme de simples observateurs lors d’une partie de chasse.

Enfin ! Il était temps de passer aux choses sérieuses et d’expulser rapidement ce migrant audacieux des hauts murs de la cité blanche pour qu’il aille se dégourdir les jambes au grand air. L’agitation au sud n’était pas du seul fait de Taorin et de ses troupes de chiens affamés. Les pirates également causaient du souci au Gondor, et Pelargir manquait d’informations sur place pour contrecarrer toutes leurs agressions et anticiper leurs mouvements. En espérant qu’il y ait quelque chose à anticiper, car ces boucaniers des mers semblaient aussi bien organisés qu’une bande de ouargs, guidés seulement par leur soif de rhum et de conquêtes côtières. Bore reposa son verre, claqua des mains pour que le serviteur expédie le service et range leurs petites affaires, il se leva prenant déjà presque le chemin de la sortie.

- Affaire conclue alors ! Vous travaillerez à notre service sous l’étendard de l’Arbre Blanc. Il va de soi qu’afin de protéger votre couverture et d’assurer la politique actuellement menée entre le Gondor et le Sud, vous vous ferez toujours passer pour un fidèle serviteur du seigneur Taorin. Je vous suppose suffisamment imaginatif pour anticiper ce qu’il adviendrait de votre personne en cas de rupture du contrat qui vous lie au Gondor.

Bore exprima un franc sourire comme s’il maintenait une conversation amicale. L’agent avait l’impression de reprendre pied en reprenant les rênes de la conversation et il avait soudainement l’air plein d’un nouvel entrain. Il tapa un coup sec contre la porte après quoi les deux hommes qui avaient accompagné Salem jusque chez les Lanternier reparurent épée au fourreau, fidèles à leur poste.

- Ces soldats s’assureront que vous retrouviez le chemin de la sortie ainsi que la ruelle dans laquelle ils vous ont trouvé. L’ensemble des informations qui vous importent vous serons transmis dans les prochaines heures par courrier. A la tombée de la nuit ne refusez-pas les formes voluptueuses des belles-de-nuit qui frapperont à votre porte. Il est des confidence qui ne se font que sur l’oreiller.

Bore pensa aux femmes qui l’attendraient également chez lui mais avec lesquelles il ne s’occuperait d’aucune affaire officielle.

- Profitez bien de la côte ! L’air marin est des plus revigorants à ce qu’on dit.

Sans plus de précision ni d’explications, Bore s’assura que leur nouvelle recrue prenne la porte et redescende en bonne compagnie jusque dans la boutique. Une fois le battant de bois rabattu, ce n’était plus son affaire. Il venait d’achever sa propre mission, advienne que pourra, et vive le Gondor !
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Rechercher dans: L'Auberge des Murmures   Tag bore sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Loyal rime avec vénal    Tag bore sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 22 Juil 2015 - 19:29

Les deux hommes échangèrent à peine un regard entendu. Ils n’avaient pas mis longtemps à identifier et à suivre l’étranger. Ils étaient même à peu près certains que l’homme n’avait pas fait de grands efforts pour les éviter ou les semer. Sa réputation était encore incertaine, son histoire demeurait floue, ses intentions étaient inconnues et son allégeance semblait suivre les vents dominants. Afin d’éviter la tempête, l’Arbre Blanc avait souhaité prendre les devants, incitant la girouette à s’orienter convenablement. C’était du moins la ligne à suivre. Les deux hommes encadrèrent le Rhûnien sans laisser de doutes sur leurs intentions. Il était hors de question que l’oiseau prenne son envol et disparaisse de la cité. Mais qui trop embrasse, mal étreint. Il leur avait été clairement assigné l’ordre de ne pas en faire trop pour le ramener à bon port. D’autant qu’il n’était nullement nécessaire d’éveiller les soupçons, même d’un individu lambda, d’un commerçant ou du poissonnier du coin. Aucune vague ne devait être perceptible sur le paysage sans heurt du mariage royal. Si le moindre soupçon était éveillé, nul ne savait quelle ampleur pourraient avoir les retombées politiques entre les royaumes, mais elles seraient catastrophiques. Il était donc de bon ton de faire profil bas et de marcher dans les rues comme si de rien n’était.

- Veuillez-nous suivre je vous prie. Vous êtes cordialement invité à discuter avec un dignitaire de la cité. Quelques formalités administratives à régler, rien de plus.

Le mensonge était clairement énoncé, mais rien ne laissait paraître qu’il pouvait effectivement s’agir d’autre chose. Aucune main ne fut portée aux gardes des épées, rien de menaçant dans leur attitude, si ce n’était leur regard déterminé et le ton de la voix, légèrement intransigeante, et qui ne laissait place à aucun commentaire. L’un des hommes fit un signe de la main poli pour inviter l’étranger à les précéder. Ils le suivirent légèrement en retrait, suffisamment prêts, sommes toute, pour lui faire sentir qu’ils l’encadraient en bonne et due forme. L’homme qui ne portait pas les insignes de soldat faisait de petites gestes de la main à chaque croisement pour lui indiquer la route à suivre, discrètement. Ils n’empruntèrent aucune voie principale, aucun passage bondé, évitant également les ruelles abandonnées et glauques où régnaient la pègre des espions et des truands de basse-fosse. Ceux-là étaient les premiers à répandre les rumeurs les plus improbables, et il aurait été de mauvais goût que les proches de Taorin soient au courant de quoi que ce soit. Une missive officielle pourrait calmer les esprits, mais pas les soupçons. Ils déambulèrent peu de temps à la lumière du jour, gagnant rapidement une bâtisse dans les étages supérieurs de la Cité. Le bâtiment ressemblait à un commerce de détails, proposant des luminaires et des lampes de toutes sortes, des torches finement ouvragées, quelques briquets à amadou - des ornements plus que des outils. Un homme aux traits efféminés se trouvait derrière un large comptoir, parlant sur le ton de la conversation avec un client qui souhaitait apparemment refaire le système d’éclairage de sa vaste demeure. L’acheteur jeta un coup d’œil un peu étonné aux nouveaux-venus. Le commerçant se tourna vers eux, posément.

- Votre commande se trouve à l’étage messieurs. Je vous laisse l’inspecter à votre guise, vous me direz de quoi il en retourne par la suite. Je vous rejoindrai plus tard.

Et sans sourciller, il se retourna vers son client pour continuer de le conseiller à propos de nouveaux luminaires aux vitres colorées, « le nouveau courant dans les hautes sphères de notre merveilleuse cité ». Les deux soldats firent un bref signe de tête pour remercier le commerçant et poussèrent l’étranger à avancer parmi les étagères et les verreries. Une haute porte en bois donnait sur un large escalier de pierre qui montait jusqu’au premier étage. Paradoxe assez étonnant, dans un commerce de lampe, aucune torche n’éclairait la montée et ils gravirent les marches en tâtonnant dans l’obscurité totale. Le bruit des bottes des soldats semblaient prendre une ampleur démesurée, la réputation des soldats Gondoriens quant à leur discrétion n’était plus à refaire. L’escalier semblait monter inlassablement, mais ils s’arrêtèrent devant un lourd panneau de bois. L’un des soldats passa devant le Rhûnien et frappa quatre coups caractéristiques sur la porte, un petit sourire aux lèvres.

- Inutile de mémoriser quoi que ce soit, le code n’est jamais le même.

Précision inutile sans doute, mais le soldat jugea bon de le signaler. Le raisonnement gondorien devait quelque peu échapper à l’esprit de l’étranger. Il n’y avait pas que la distance géographique qui séparait les deux royaumes, une vaste faille culturelle et intellectuelle formait un gouffre sans fond, presque infranchissable. Une voix répondit de l’intérieur, aucune formulation précise, un son, plus qu’un ordre. Les hommes ouvrirent la porte et laissèrent le Rhûnien entrer en premier.

La pièce était beaucoup plus éclairée, de hautes fenêtres donnaient, d’un côté, sur la rue, et de l’autre, offraient une vue à couper le souffle sur les plaines du Gondor. Ils devaient se trouver sur les franges extérieures des derniers étages de la Cité.  Aucune table. De larges fauteuils accueillaient déjà un homme confortablement assis, un verre d’eau à la main, servi par un autre homme grisonnant qui demeurait effacé. La chaleur étouffante des bas quartiers laissait place à une petite brise agréable transportant des parfums épicés. De part et d’autre de la porte par laquelle ils venaient de rentrer, deux grands miroirs ajoutaient à la profondeur à la pièce, rendant l’espace beaucoup plus grand qu’il ne l’était en réalité. L’homme au verre d’eau avait un visage d’une banalité indéfinissable, des traits passe-partout, aucun signe caractéristique qui puisse l’identifier de quelconque façon. On aurait très bien pu l’imaginer commerçant, tavernier, trappeur, boucher, bourreau ou simple soldat. Il était de taille moyenne, de corpulence moyenne, les cheveux longs, portant la barbe, il n’avait pas de cicatrices visibles, pas de bijoux ou de fioritures ornementales, le teint clair, impossible de lui donner un âge précis. Le Gondorien le plus typique qui soit : parfaitement normal … Même ses habits semblaient aussi simples que possibles : une cape bleu-gris, une chemise de la même couleur, un gilet gris, une paire de bottes en cuir. Un point c’est tout.

- Bien le bonjour maître Salem Hamza.

Le ton était poli, neutre. L’homme semblait être conscient de n’être qu’un pion, de n’avoir que peu de latitude dans les négociations qui s’annonçaient, avec la seule certitude, pourtant, qu’il devait les mener à leur terme. Son air blasé était presque pitoyable. L’homme qui servait à ses côtés s’éclipsa, quand aux deux soldats qui avaient accompagné le dénommé Salem jusqu’à l’étage, ils se retirèrent à leur tour derrière la lourde porte. Le Gondorien était seul dans la pièce avec le Rhûnien. Mais l’homme à la tunique bleue dévisagea à peine Salem Hamza. Un pion de plus, semblait-il, sur la partie d’échec de l’Arbre Blanc. A quoi bon s’attacher à des hommes qu’on enverrait disparaître plus tard à l’autre bout des Terres du Milieu ?

- Je me nomme Bore. Membre de l’Arbre Blanc. Soldat de la Citadelle.

Les choses avaient le mérite d’être clair. L’homme semblait être déterminé à en finir le plus rapidement possible, d’écourter les négociations, de rentrer chez lui et de finir sa journée de travail. Qu’étaient l’espionnage, le renseignement, la désinformation, la surveillance, l’étude et le vol de documents ? Un travail. Il semblait être de ceux qui parcouraient plus souvent les dédales de couloirs de la Citadelle et les grandes soirées mondaines que les chemins poussiéreux et les tavernes miteuses. Il semblait. Il claqua des mains, comme si le contrat était déjà clôt. Tout dans son attitude laissait paraître que les choses avaient déjà été décidées en amont et qu’il n’y avait aucune résistance à lui opposer.

- Je suppose que vous vous doutez à minima des raisons qui nous ont poussés à vous conduire jusqu’ici. Le Gondor ne parvient plus à regarder au Sud en toute quiétude. Je ne vous parle pas des rumeurs, des ragots, tout cela, nous savons que cela satisfait le petit peuple. Non. Je vous parle de pouvoir. Certains diraient, de jeux de pouvoir.

Il appuya sur le terme « jeux », comme si la situation n’avait rien de grave. En vérité le Gondor ne pouvait plus attendre aucune alliance du Sud. La débandade à Assabia avait mis à mal les dernières relations de confiance qui unissaient encore les deux cités, et le fil arachnéen sur lequel marchait la diplomatie de Minas Tirith s’était rompu. Et impossible de faire marche arrière avec ces bornés de sudistes. Bore eut un petit soupire en pensant aux difficultés que leur imposait le caractère impétueux de leurs voisins méridionaux. Si seulement …

- C’est pourquoi nous souhaitons faire appel à vos services. Voyez-vous, votre proximité avec le seigneur Taorin… Il eut une petite voix étouffée en prononçant le mot « seigneur » … nous intéresse. Vous n’avez aucun intérêt personnel à défendre une patrie à laquelle vous n’appartenez pas, n’est-ce pas ? Ce sont donc des motivations qui dépassent le simple patriotisme qui vous poussent à parader au côté de ce Sudiste. Des motivations qui pourraient sans doute vous pousser à travailler pour nous … à partir du moment où nous vous proposerions plus que le seigneur Taorin, bien évidemment.

« Des motivations qui pourraient vous poussez à nous trahir à la moindre occasion ». Bore, derrière son masque implacable de fonctionnaire blasé ne pouvait s’empêcher de retourner la question dans son esprit, inlassablement. Soit les hautes sphères de l’Arbre Blanc avait déjà réfléchi à la question et ne souhaitait emprunter les services de Salem Hamza qu’une unique fois, soit le confort du haut de la cité leur avait ramolli le cerveau. Dans tous les cas, il ne pourrait être tenu personnellement pour responsable de la décadence de cet étranger à la peau matte. Les ordres avaient été clairs : « Rattachez-le à notre cause ». Et rien d’autre. Bore reprit une gorgée d’eau comme s’il s’agissait d’un grand vin. Il se contenta de regarder le Rhûnien, le regard vide.

- Qu’en dîtes-vous ?
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