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Sujet: La Guerre des Grands Rois
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Monts Brumeux   Tag déor sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: La Guerre des Grands Rois    Tag déor sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 22 Sep 2016 - 22:31
Tag déor sur Bienvenue à Minas Tirith ! Dwarve10

La Guerre des Grands Rois
Chroniques de la Campagne sous la Montagne



Le halo d'une lumière chaude et puissante se promenait dans les ténèbres, dispersant temporairement leur noirceur pour laisser la place à un spectacle ignoble et immonde. Des dizaines de cadavres éventrés étaient étendus sur le sol de pierre, immobiles. Ils étaient figés dans des postures curieuses et parfois insoutenables, happés par la mort alors qu'ils couraient pour échapper à ses griffes monstrueuses. Certains corps étaient percés de flèches, mais la plupart des morts avaient succombé dans les terribles corps à corps qui venaient de se terminer. Les ennemis des Peuples Libres avaient battu en retraite en piaillant, après deux heures de combats particulièrement âpres qui avaient mis les défenseurs à rude épreuve. Depuis combien de jours procédaient-ils ainsi ?

Ils sortaient de leurs repaires par surprise, après avoir réussi à s'approcher au plus près des lignes tenues par les forces coalisées, et ils se jetaient sur leurs défenses de fortune en hululant des cris de guerre à donner froid dans le dos. Il en venait de partout : du sol, du plafond, de droite et de gauche. Et devant se promenaient parfois de gigantesques créatures, massives, trapues, cuirassées. Des forces de la nature is colossales que même un homme de belle taille pouvait se retrouver écrasé sous leurs pas. Ils se jetaient en avant, balayant tout sur leur passage, rendant dérisoires les épées et les boucliers que l'on tentait de leur opposer. Les cuirasses ne résistaient pas à leur furie, et à chaque fois qu'il en venait un, les hommes fuyaient de son chemin pour vivre un autre jour.

Pourtant les défenses avaient tenu bon.

La torche s'immobilisa au-dessus d'un cadavre sombre, qui voyait jaillir dans son dos une lame d'acier couverte de sang noir et putride. L'horreur était morte, ses doigts crochus s'étaient recourbés autour de l'entrée de la blessure comme pour essayer maladroitement de retenir la vie qui fuyait sa poitrine. Rien à faire, elle s'en était allée, et il gisait désormais ici, comme les autres, le regard lointain. La torche s'approcha un peu, avant de s'agiter brusquement :

- Ici ! Un survivant !

Il y eut une réponse étouffée par la distance, puis des pas, et enfin d'autre paroles. La torche revint au-dessus du corps inerte, et des mains vinrent le soulever pour mieux le rejeter sur le côté. Il y avait bel et bien un survivant en-dessous. Le malheureux était couvert de sang, et sa cotte de mailles était imbibée d'un liquide gluant qu'il lui faudrait de nombreuses heures pour faire disparaître. On se pencha vers lui, et on l'examina brièvement, à la recherche de blessures graves qui auraient nécessitées de faire venir un guérisseur sur place.

- Ramenez-le au bercail !

L'homme à la torche s'écarta, et deux paires de mains solides vinrent s'emparer du gaillard inconscient. Il pesait son poids, son armure n'aidant pas à l'alléger, mais les bras solides et malheureusement habitués à tout ceci ne se dérobèrent pas avant d'arriver à l'abri du camp de fortune qui avait été mis en place. Partout, les gens déambulaient comme des spectres, hagards, essayant de s'occuper les mains pour s'occuper l'esprit. Ils ne faisaient pas particulièrement attention à l'arrivée en d'un nouveau blessé : un de plus. Tout au plus céda-t-on le passage à ce convoi non exceptionnel, pour leur faciliter la tâche. Les deux porteurs finirent par installer le blessé sur une couchette de fortune posée à même le sol, et appelèrent un guérisseur à l'aide. Il n'y en avait hélas plus beaucoup, et quiconque avait un peu d'expérience en la matière était convié à donner un coup de main. Le type qui arriva, plutôt jeune, paraissait inexpérimenté au possible, et pourtant il avait la lourde tâche de sauver une vie de plus.

- Vous savez ce qu'il a ? Demanda-t-il.

Les deux guerriers se regardèrent et firent non de la tête. Ils avaient examiné le corps, n'avaient rien vu de particulièrement alarmant, et avaient procédé à son évacuation. Pour le reste, ils remettaient le sort de leur compagnon entre d'autres mains. Le guérisseur, pourtant, avait besoin de leur aide :

- Aidez-moi à le déshabiller. Allez-y doucement.

Ils s'y employèrent. Ils commencèrent par détacher ses gantelets de cuir renforcés de fer. Le cheval qui y était finement gravé avait reçu un coup d'épée qui lui laisserait une entaille définitive. Un symbole frappant de ce qu'il se passait ici. A la lueur fébrile de quelques bougies, ils ouvrirent sa cotte de mailles en prenant garde de ne pas accidentellement bouger une pointe de flèche qu'ils n'auraient pas vue au premier coup d'œil. Ils s'attaquaient à la dernière sangle quand soudainement le guérisseur jura. Il venait de retirer le casque du malheureux, lequel était rempli de sang. La blessure à la tête, invisible, venait de se rouvrir malencontreusement et vomissait comme un torrent le contenu de son crâne.

- Des bandages, vite !

Les deux hommes s'exécutèrent, et allèrent retourner les stocks pratiquement épuisés pour trouver des bandages convenables. Ils revinrent avec le nécessaire, s'approchant du médecin de fortune dont les deux mains essayaient de colmater la plaie. Il était couvert de sang. Comme il ne pouvait pas lâcher, ce fut à un des deux hommes, celui aux cheveux bruns, de venir essayer d'entourer la tête du blessé. Mais le temps de faire un noeud convenable, le tissu était déjà imbibé, et rendu inutilisable. Il fallut en chercher davantage, pour essayer de limiter la perte de sang. Au moins ça. Les mains dans l'hémoglobine, faire un bandage solide relevait du miracle. Il avait les doigts glissants, il ne voyait rien dans cette nuit perpétuelle seulement fendue par une lumière blafarde que son compagnon essayait de tenir suffisamment proche pour éclairer l'opération en cours.

Rien à faire.

Le guérisseur finit par lâcher la tête du malheureux, et par intimer aux soldats de cesser le combat. D'une voix rauque, il lâcha :

- C'est terminé. Déposez-le avec les autres.

Ils échangèrent tous les trois un regard. Il n'y avait nulle cruauté, nulle méchanceté. Seulement le constat inévitable de leur manque de matériel, de leur manque d'expérience et de leur manque de préparation. Ils ne pouvaient pas sacrifier autant de temps et autant de ressources pour un homme qui était déjà mort. La guerre ne pardonnait pas, et elle ne laissait aucune place à la pitié. Le guérisseur était jeune, mais on lisait dans son regard qu'il avait vu assez d'horreurs pour mille vies. Il s'éloignait plein de lassitude, sans même paraître remarquer qu'il était couvert de sang frais. Comme si cela faisait partie de son quotidien, désormais.

Les deux combattants soulevèrent le défunt, et l'emmenèrent juste à l'extérieur où ils le déposèrent sur un drap. Un simple drap brun, dont ils rabattirent un pan sur lui pour le cacher à la vue des vivants. Il y avait beaucoup d'autres draps sous lesquels dormaient de braves soldats. Le guerrier aux cheveux bruns les observa pensivement, sans pour autant penser à rien. Paradoxalement. Son esprit était vide, comme anesthésié. Il avait depuis longtemps ravalé sa colère contre leurs ennemis, et il ne ressentait plus rien d'autre qu'une profonde lassitude. Il était persuadé qu'il ne s'en sortirait pas, de toute façon.

- Déor... Viens, il en reste...

- Ouais...

Sans prendre la peine d'essuyer ses mains - à quoi bon ? - il fit le chemin inverse en direction du champ de bataille où se trouvaient d'autres vaillants jeunes hommes tombés au combat, qu'il faudrait ramener sous une tente sombre pour les voir mourir sans souffrir, sans même être conscients qu'ils quittaient ce monde, leur famille et leurs proches. Décédés sans même avoir revu la lumière du soleil, sans même pouvoir fouler les plaines du Riddermark à nouveau. Et pour quoi ? Le peuple du Rohan n'avait-il pas déjà assez souffert ? Ses hommes courageux n'avaient-ils pas déjà assez versé leur sang dans les guerres inutiles qui avaient prélevé leur dû sur la population du royaume ? Déor avait son avis sur la question, mais ici personne n'en parlait ouvertement, de peur d'être sanctionné par les officiers qui faisaient tout pour maintenir la discipline, et prévenir les désertions.

- Déor, regarde, c'est Orwen !

Le guerrier leva la tête, et tout à coup dans son regard brilla une lueur de fierté et de force. Orwen fils d'Hogorwen, le prince qui s'était opposé à son père pour défendre le peuple du Rohan, et qui avait renoncé à la couronne alors qu'il aurait légitimement pu prétendre au trône. Voilà un Rohirrim dont le sang était aussi noble que son cœur, un jeune guerrier qui avait choisi la seule voie possible, celle de la paix. Déor l'admirait, et s'il continuait à se battre, c'était bien pour lui. Pour ce garçon qui ne fléchissait pas sous le poids des responsabilités. Pour ce chef qui ne reculait pas au cœur de la bataille et qui galvanisait ses hommes. Pour ce roi sans couronne qui méritait de gouverner le Rohan, pour enfin le conduire à la paix et à la prospérité.

#Déor #Orwen
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