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Sujet: Un océan de promesses
Nathanael

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Rechercher dans: Lond Daer   Tag erendis sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un océan de promesses    Tag erendis sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 14 Juil 2020 - 8:38

— Comme faire naître un roi et bâtir un royaume, apprendre du passé pour façonner l’avenir.

La femme parlait, un fin sourire aux lèvres, à tel point qu’il était impossible de dire si elle parlait sérieusement ou si elle se moquait de l’elfe.

— Tu pourrais être libre, continua l’étrangère.

Debout devant son siège la femme s’avança. Mais au lieu de la démarche souple et habile qu’on aurait attendue d’une si belle personne, elle fit un pas en traînant une jambe lourde et raide qui lui donnait une démarche chaloupée. Sous ses robes de couleur si finement tissée, il était impossible de ne pas noter qu’à partir du genou le bas du membre gauche s’orientait fortement vers l’intérieur. Sans se soucier de son handicap, pas plus que du regard de la petite elfe, elle s’avança jusqu’à une commode basse. Se courbant malhabilement, elle sortit une maquette de navire qu’elle exposa à la lumière dorée des torches.

— Libre comme les premiers hommes qui vinrent en ce monde et conquirent les étendues sauvages qui s’offraient sous leurs pieds. Libre d’aller où bon te semblera, comme il te semblera. Tu seras libre, si tu acceptes le marché que j’ai à te proposer.

De son pas claudicant, elle prit la maquette d’une main, se saisit d’une torche de l’autre et quitta la salle obscure où elles se trouvaient toutes deux. D’un signe de tête, elle invita Qewiel à la suivre. Derrière la porte, les remugles d’épices piquaient encore les narines. Le garde ne se trouvait pas très loin. Sans rien dire de plus, l’étrangère à la peau d’ambre gravit un escalier raide jusqu’à une petite pièce mieux éclairée dont les fenêtres donnaient sur le continent d’un côté, sur la mer infinie de l’autre. L’ascension se révéla lente et difficile, mais Qewiel n’entendit jamais la femme ni gémir ni se plaindre.

Il y avait là un lit, une planche posée sur des tréteaux qui servait de bureau, des chaises et des étagères où s’entassaient à la fois des documents et des objets disparates. La femme posa l’esquif sur la table et se retint sur le rebord du panneau en bois pour se tenir droite. Elle mit la main sur un livre en cuir relié d’où cherchaient à s’échapper des vélins et des parchemins et en tritura la couverture élimée. À la lumière du jour, grise et terne par ce temps maussade, la femme du sud n’avait plus autant de superbes. N’était son beau visage, elle ressemblait davantage aux vieilles sorcières tordues des histoires effrayantes qu’on racontait aux enfants pour les empêcher de sortir, la nuit venue. Son pied, nu, était difforme, ses orteils se chevauchaient, comme s’ils se battaient tous pour occuper la même place.

Le regard perdu par une des étroites ouvertures qui perçaient la tour à l’ouest, la femme sourit tristement avant de reporter son attention sur la petite elfe.

— Si tu souhaites retrouver ta liberté, il te faudra chevaucher les vagues et affronter l’océan. Le bateau qui t’emmènera s’apprête à partir pour le sud.

Sa poitrine se gonfla et laissa échapper un soupir.

— Je me nomme Erendis, fille de Meneldir.

Tandis qu’elle prononçait son nom, la tristesse quitta son regard et ses yeux verts se remirent à briller avec plus d’ardeur. Erendis repoussa le vieux livre et mit le bateau sur un support d’ivoire qui le tint en équilibre. Il ne s’agissait pas d’une quelconque maquette. L’art du détail transparaissait dans la voilure dont la toile semblait chatoyer malgré la faible lueur, le bois extrêmement clair de la coque renvoyait la lumière comme les plumes blanches des grands oiseaux de mer. Erendis laissa ses doigts courir de la proue à la poupe.

— Le Chat Blanc n’est plus ce qu’il était, même si son nom est encore craint et respecté. De trop longues années ont abîmé l’héritage de mes ancêtres. Des mains maladroites et inexpérimentées ont abîmé le travail centenaire de ceux qui m’ont précédé. Tout se perd, souffla-t-elle. Notre race a perdu de sa superbe. Les hommes ont grignoté petit à petit ce qu’il restait de nous, comme des mites et des rats affamés. Ils nous ont vénérés, puis haïs. Ils ont usurpé nos secrets et notre art sans être jamais capables de l’égaler. Et quand ils se sont sentis satisfaits, gorgés de savoirs et de connaissances, ils nous ont repoussés au sud, quand bien même ils ne voyaient pas que ce qu’ils détenaient n’était que des chimères difformes.

Délaissant le navire elle repoussa vivement sa robe pour dévoiler plus crûment le handicap qui l’affectait.

— Nous sommes trop peu nombreux aujourd’hui et les croisements avec des races inférieures ont amené la maladie dans nos lignages. Il en est parmi nous qui ne voient plus aucun espoir, alors qu’il existe encore une possibilité de retrouver notre grandeur d’antan. Il existe un moyen…

Du plat de la main, elle frappa l’épais grimoire sur le bureau. Une feuille tomba sur le sol aux pieds de Qewiel. Un bateau, elfique de par son architecture, y était dessiné. Le regard d’Erendis se perdit une nouvelle fois du côté de Belegaer.

— Il existait une carte dessinée par l’une des nôtres au temps où les hommes ne gouvernaient pas encore. Nous avons été spoliés par les hommes du sud et elle a disparu. Mais la rumeur gonfle qu’elle a été retrouvée dans les sables brûlants du désert. Si tu retrouves cette carte et que tu me la ramènes, elle sera le seul prix de ta liberté.

Erendis se rapprocha d’une des étroites ouvertures à l’ouest et chercha du regard le mât du Chat Blanc au-dehors. Le bateau s’esquiverait dans la nuit, le ventre gonflé de marchandises, de peaux et de laines, de pierres naines et de bois elfique que l’on ne trouvait que difficilement au-delà du Harad. Et d’un vieux secret, aussi vieux que les hommes eux-mêmes.
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