Taorin ne fut pas déçu. Il fût détaché prestement et conduit hors de la pièce. Comme il l’avait deviné, il se trouvait dans la cave d’une maison. L’homme masqué qui se chargeait de lui le conduisit à travers un étroit couloir jusqu’à un escalier étroit. Ils arrivèrent dans un vaste séjour.
Chose étonnante, sur deux murs opposés se trouvaient deux portes qui donnaient visiblement sur l’extérieur. De lourdes tentures obstruaient la vue vers l’extérieur. Des bruits parvenaient néanmoins de la rue qui paraissait particulièrement agitée malgré l’heure avancée. On aurait dit que la maison était coincée entre deux ruelles avec un passage important.
L’homme guida Taorin vers l’étage par un autre escalier. Ils traversèrent un couloir et montèrent encore un étage.Ils arrivèrent devant une lourde porte de bois. L’homme sortit une clef de sous son manteau et s’en servit pour ouvrir la porte.
Ils pénétrèrent dans une pièce de laquelle émanait une douce chaleur. Un feu brûlait dans l'âtre. Une lourde marmite reposait dessus. L’homme indiqua à Taorin une petite table sur laquelle se trouvait un repas fumant. Un ragoût de gibier avec des légumes racines et une généreuse tranche de pain. Un petit verre de vin était également disposé sur la table ainsi qu’un cruchon d’eau.
“Je vous laisse le temps de manger et je reviens.”, fit l’homme d’une voix aimable.
Il salua Taorin avant de sortir de la pièce. Celle-ci disposait également d’un lit étroit et d’une fenêtre qui donnait sur le toit du bâtiment voisin.
Un quart d’heure plus tard, la porte s’ouvrit à nouveau laissant entrer deux hommes qui portaient un lourd baquet. Ils le posèrent en face du feu tandis que l’homme qui avait guidé Taorin entrait à son tour. Il disposa dans le fond de la baignoire un tissu molletonné. Les trois hommes saisirent la marmite et versèrent l’eau bouillante qu’elle contenait.
Ils sortirent à nouveau avant de revenir quelques minutes plus tard les bras chargés. Les deux serviteurs versèrent chacun un seau d’eau froide dans le baquet. Le guide de Taorin quant à lui, disposa un petit morceau de savon,une brosse et un drap de bain sur un petit tabouret.
“Des vêtements propres sont à votre disposition dans l’armoire. Quand vous aurez fini votre toilette, toquez à la porte. Mon ami viendra s’occuper de votre chevelure et de votre barbe. Je vous souhaite déjà une bonne nuit.”
Il salua et s’éclipsa par la porte en même temps que les serviteurs. Taorin pouvait constater que les portes restaient ouvertes et que ses
partenaires, en plus de lui offrir un traitement de faveur, lui laissaient une certaine liberté. Celle-ci n’était sans doute qu’illusoire, la maison devant être étroitement surveillée par ailleurs.
***
Quand Taorin se réveilla le lendemain, il eut la désagréable surprise de constater que quelqu’un se trouvait assis à la table de sa chambre. L’homme souriait, visiblement heureux d’avoir réussi à tromper sa vigilance.
Taorin n’aurait pas pu dire s’il l’avait déjà croisé tellement son physique était banal. Des cheveux mi-longs, des traits communs, une corpulence moyenne… Il portait une tunique sombre et un pantalon étroit. Une veste courte en cuir venait compléter sa tenue. Celle-ci aurait autant pu être celle d’un voyageur que d’un mercenaire ou encore d’un artisan.
“Je vous ai apporté votre petit déjeuner.”, fit-il d’une voix neutre.
Le pirate reconnut immédiatement la voix de l’homme masqué qui, la veille, avait parlé en dernier. Compte-tenu de l’assertivité dont il avait fait preuve devant ses pairs, son physique était presque décevant.
“Comme vous pouvez le constater, j’ai laissé tomber le masque. Nous allons passer beaucoup de temps ensemble et je préfère jouer franc-jeu. On m’appelle l’Innocent. Je suis un des rares à avoir survécu à la quasi-destruction de ma guilde. Bien que très modeste dans mon pouvoir réel, j’ai réussi à convaincre ces joyeux imbéciles de me confier la responsabilité de l’exécution de leur plan.”Il se redressa, laissant la place à Taorin.
“Les détails de ce plan sont encore à définir mais sachez à tout le moins que l’idée est de vous faire affronter en direct ce brave général Cartogan. Encore une fois, pas de faux-semblant : dans l’état actuel vous n’avez aucune chance.”Taorin avait intérêt à rapidement s’habituer à la franchise de son interlocuteur.
“Vous êtes faibles, vous êtes borgne et Cartogan est un merveilleux bretteur.”Il marqua un temps d’arrêt avant de reprendre.
“Néanmoins nous disposons de certains avantages. Tout d’abord, nous allons choisir un terrain qui handicapera le général. L’intérieur d’un bâtiment, là où sa grande taille sera un inconvénient… là où son épée longue ne lui servira à rien. Ensuite, nous allons créer la surprise. L’attaque le surprendra, l’assassin aussi. Vous aurez une chance de le déstabiliser. Et puis… il y’a ma petite botte secrète.”L’Innocent marqua un temps d’arrêt, prenant un air mystérieux.
“Mangez donc ce que je vous ai amené… Quand vous aurez fini, choisissez des habits dans lesquels vous serez à l’aise pour vous entraîner et rejoignez moi au rez-de-chaussé.”