Blankânimad vit dans le souvenir de sa splendeur passée. L'intérieur du palais est sombre, et ce n'est pas uniquement à cause du manque de torches et de fenêtres.
Il suffit en effet d'entrer dans le hall pour constater que les murs sont de granit sombre et sont sculptés de part et d'autres de motifs étranges, ou simplement gravés à d'autres endroits.
Le dallage d'onyx, lui, commence à s'éroder, après avoir supporté les pas de centaines de personnes depuis des centaines d'années.
Mais Blankânimad ne se résume pas à ses couloirs sombres qui serpentent d'une telle façon qu'on peut se demander si les bâtisseurs ont eu recourt aux services d'un architecte. Il y a un grand nombre d'escaliers, ce qui n'a rien d'étonnant vu que le palais n'est qu'un enchevêtrement de tours.
De ce fait, il est très aisé de se perdre et, chose amusante, vu l'atmosphère malsaine du lieu, il est très déconseillé de s'y perdre.
D'autant plus qu'il ne s'agit que la face connue de Blankânimad. Car les chambres des nobles de marque, leurs salons privés et toutes les salles réservées à leur usage personnel, ce qui implique certainement des choses douteuses et sordides, tout ça, les étrangers n'y accèdent pas.
Par conséquent, c'est de la Grande Salle qu'on peut établir la description la plus précise.
Celle-ci se trouve au sommet de la tour la plus large, ce qui intrigue souvent les messagers, encore qu'il osent rarement manifester leur étonnement.
Cette salle de banquet est asez vaste et jadis elle était richemend décorée.
Aujourd'hui, les tables et autres meubles d'ébène commencent à s'effriter. Les nombreuses dorures se sont effacées peu à peu et le velours écarlate du trône du Roi a perdu son éclat.
Les chaînes qui suspendent au plafond les larges lustres sont attaquées par la rouille et la plupart des sculptures en haut-reliefs sur les murs sont à moitié effondrées.
S'il reste bien une chose d'impresionnante, c'est la statue du Seigneur des Ténèbres au fond de la salle.
Elle est aussi haute que le plafond et d'un réalisme saisisant. C'est l'élement que le temps à moins altéré, ce qui amène certain à déduire qu'elle fut bâtie par quelqu'artifice mystique.
A ses pieds se dresse un petit autel entouré de cierges flamboyants, où on peut rendre un culte mauvais sous le regard attentif de Melkor brandissant son marteau infernal.
Mais parfois lorsqu'un banquet est donné Blankânimad reprend des couleurs d'antans. On fait alors brûler un feu d'enfer dans les deux cheminées latérales, et on y fait brûler des morceaux de bâtonnets d'encens spéciaux qui dégagent alors un parfum envôutant et qui opprime l'esprit, bien qu'agréable.
On sert des vins forts et des plats épicés, et on y joue des musique lancinantes, aréables à l'oreille mais qui endorme les autres sens.
Alors les gens restent parfois des heures, perdus dans leurs pensées, à esquisser machinalement quelques pas de danse ou, l'esprit noyé dans leur vin si fameux, à imaginer l'endroit tel qu'il était à l'âge d'or de jadis.
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C'est à contre-coeur que les gardes aux armures de bronze laissèrent entrer Sarcha. C'était la première fois que celui-ci venait et étrangement, il paraissait moins inquiet de voir l'intérieur de Blankânimad que certains l'étaient parfois de le voir. Il contempla les lieux de ses yeux jaunes de rapace et s'avança, ses mains aux longs ongles crasseux tout de même sur la garde de son arme.
On l'emmenna dans la Grande Salle et la vue de ce pouilleux parut outrer le Seigneur des lieux, si féru de ce qui montrait le prestige et la richesse.
Sarcha découvrit ses dents de loup, et lorsqu'il relécha le sang de chèvre encore présent sur ses lèvres, son haleine fétide se mêla de manière incongrue au parfum de la salle.
Il parla.
"Majesté... Vous savez qui m'envoie. Ne voudriez-vous pas nous joindre à nous, après les derniers événements ? Le Seigneur Amouth a réussi, savez-vous..."
Les parlementations continuèrent. Finalement, Sarcha fut jeté gentiment dehors. Le Roi réfléchirait, avait-il dit.
Mais c'était mal engagé.
