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 Une Dragée au goût amer

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Pallando - Une Dragée au goût amer EmptyLun 14 Déc 2015 - 22:28
Pallando - Une Dragée au goût amer Dinael10

- Par Yavanna, ils sont si nombreux…

La jeune femme passa nerveusement ses mains sur sa robe somptueuse, essayant vainement d'en chasser le moindre pli. Elle avait à cœur de leur apparaître sous son meilleur jour, le sourire aux lèvres, pour remplir la fonction qui était la sienne. Après tout, elle était la nouvelle Reine d'Arnor, et elle devait accepter le fardeau que cela pouvait représenter. Elle sentit une boule d'angoisse monter en elle, et elle inspira profondément pour se calmer. C'était loin d'être une tâche évidente, hélas. Alors qu'elle continuait à observer subrepticement par une petite fenêtre dérobée, sa jeune servante s'approcha d'elle et lui souffla :

- Tout va bien, Votre Altesse ? Puis-je vous faire apporter un peu d'eau ?

Beladonna était serviable au possible, et sans elle, Dinaelin aurait sans doute été perdue. La jeune femme avait été placée à son service dès qu'elle avait posé le pied en Arnor, et une certaine complicité s'était nouée rapidement. Elles étaient comme deux amies, deux confidentes qui échangeaient sur leurs vies, leurs peurs et leurs petits bonheurs. Il n'y avait que deux sujets que Dinaelin se refusait à aborder avec sa précieuse alliée : la politique, et son époux Aldarion. Elle considérait que c'étaient là des choses privées, propres à la famille royale, et que rien ne devait filtrer auprès du peuple. Egalement, elle ne souhaitait pas mettre la jeune servante dans une position difficile, en lui confiant des secrets que certaines personnes mal intentionnées auraient pu vouloir lui extorquer. Pall l'avait mise en garde contre les espions, et si elle n'était pas tombée dans la paranoïa comme certains nobles incapables d'aligner deux mots sans regarder par-dessus leur épaule, elle s'efforçait de se montrer prudente. Revenant à son amie, elle lui posa la main sur le bras – geste d'extrême familiarité qu'elle ne se permettait que lorsqu'elles étaient seules – et répondit :

- Tout va bien, je suis simplement un peu nerveuse. Il y a plus de gens que je ne l'aurais cru… Par Yavanna, les pauvres…

Beladonna regarda par la fenêtre un instant, avant de tirer sa souveraine à l'écart, pour l'empêcher de se tourmenter inutilement. Être angoissée avant d'affronter la foule n'était pas bon, et elle devait la protéger de tout ceci, pour lui permettre de bien faire son travail. Pour lui changer les idées, elle aborda un sujet qui n'avait rien à voir :

- Vous invoquez le nom de Yavanna souvent, ces jours derniers, Votre Altesse. S'agit-il d'un dieu ?

Dinaelin sourit, et toute trace d'anxiété disparut de son visage. Il était si simple de l'apaiser, quand on savait comment s'y prendre. La Reine était toujours surprise de voir à quel point le peuple… son peuple… était peu instruit. D'où elle venait, à Dale, la vie intellectuelle était florissante, et si les sujets de son père n'étaient pas tous bien éduqués, si beaucoup étaient encore incapables de lire ou d'écrire, ils avaient accès par les chansons et les œuvres d'art des Ménestrels à la culture. Ils auraient pu tenir une longue conversation sur bien des sujets d'histoire avec n'importe quel noble ici, simplement car ils avaient entendu mille récits héroïques au coin du feu, dans une taverne, un soir d'été. Par contraste, les gens de l'Arnor lui apparaissaient bien plus pauvres d'esprits, moins enclins à se fendre d'une belle anecdote, toujours préoccupés par de grands problèmes. Elle les trouvait tourmentés, comme si la vie était plus dure pour eux qu'elle ne pouvait l'être pour d'autres. Elle avait mis longtemps à se forger cette opinion, et pendant quelques mois elle avait simplement cru qu'ils n'étaient que des rustres sans manières. Désormais, elle ne les craignait plus, elle les prenait en pitié. Elle comprenait que dans ce si vaste royaume, dont elle peinait à se représenter la superficie, la vie n'était pas toujours aisée. La guerre frappait, la mort fauchait, et quand l'hiver décidait de s'éterniser, il pouvait faire des ravages atroces. Ces sombres pensées fuirent l'esprit de la Reine, qui se plut à expliquer :

- Yavanna est une Vala d'une grande puissance, et d'une grande beauté, mère de toutes les choses qui poussent. Chaque plante, chaque arbre est le fruit de son chant. Elle est courageuse, forte et d'une grande bonté.

Dinaelin adorait voir cette lueur de curiosité dans les yeux de sa servante. Elle buvait littéralement ses paroles, comme si celles-ci étaient le reflet de la vérité la plus absolue et la plus poétique. En réalité, elle se contentait de restituer ce qu'on lui avait appris. Pallando aimait beaucoup Yavanna, et elle l'avait déjà pris à murmurer son nom alors qu'il ignorait sa présence. Quand elle l'avait interrogée à ce sujet, il avait posé sur elle un regard d'une grande douceur, et lui avait dit presque mot pour mot ce qu'elle venait de dire à Beladonna. La jeune servante voulut ajouter quelque chose, mais on frappa à la porte, pour leur annoncer qu'il était l'heure. Revigorée par ce brin de conversation, qui n'avait duré que quelques instants, mais qui lui avait permis de se changer un peu les idées, la Reine sortit à la vue du peuple d'Arnor quelque peu rassérénée.

Un silence s'abattit immédiatement sur la centaine de pauvres hères rassemblés dans la cour intérieure du Palais. Ces malheureux étaient des indigents qui peinaient à vivre, pour beaucoup des fermiers venus des environs, qui couraient après la moindre petite pièce. Ils avaient fait un effort pour s'habiller aussi convenablement que possible, mais leurs tenues étaient rapiécées, parfois trouées ou déchirées. Leurs chausses ne tombaient pas toujours au bas de leurs jambes, faute de tissu, et leurs chaussures avaient pour la plupart connu des jours meilleurs. La Reine demeura immobile un instant, terrassée par ces deux cent yeux posés sur elle, qui la scrutaient avec une curiosité et une crainte non feintes.

- Son Altesse, la Reine Dinaelin d'Arnor ! Tonna un héraut, faisant légèrement sursauter la souveraine.

Elle s'avança, consciente que le moindre impair était impensable, et s'arrêta auprès d'un poteau sur lequel étaient fixées ses armes, frappées sur un magnifique drapeau qui aurait été plus joli à flotter dans le vent, si vent il y avait eu. Deux gardes se tenaient légèrement en retrait, et par habitude elle prit le temps de les saluer. Il en allait ainsi dans le petit royaume de Dale, où le protocole était moins strict. Immédiatement, il y eut des murmures dans l'assistance. Elle ignorait encore très bien pourquoi, mais essaya de cacher son malaise derrière un masque souriant. Sitôt à la place qui était la sienne, un officier du royaume fit s'approcher un homme qui tenait misérablement son chapeau entre ses mains tremblantes. La Reine le laissa poser un genou au sol, comme le voulait la coutume, et le releva en lui prenant doucement la main. Elle sentit les cals de sa peau rugueuse, une peau de travailleur manuel, celle d'un homme qui devait manier plus souvent la houe que la plume. Il était bien plus terrifié qu'elle, ce qui la surprit légèrement.

- Comment vous appelez-vous ?

- M-Mordic, Votre Altesse, bafouilla-t-il.

- Bonjour, Mordic. Ravie de vous rencontrer.

Il bredouilla la réponse de circonstance, écrasé par la différence de statut qui les séparait. Ne se formalisant pas de son émoi, la Reine fit signe à un homme qui se tenait non loin d'approcher : il portait une paire de solides bottes de cuir, sans raffinement et sans ornements, mais qui tiendraient chaud à leur propriétaire. Sur un petit écrin, qu'il tenait dans son autre main, se trouvait une pièce en argent, dont la taille ne devait pas occulter la valeur réelle. Dinaelin prit les bottes et la pièce avec simplicité, et les offrit à Mordic :

- Voici pour vous, Mordic. Puissent ces modestes présents vous garder à l'abri du froid et de la faim. Allez, et que la paix soit sur vous.

Il s'inclina respectueusement, ébahi devant ce qui apparaissait comme bien trop peu aux yeux de la Reine, et fut raccompagné par l'officier qui l'avait fait approcher. Dinaelin eut un sourire attendri en le voyant s'éloigner, comme s'il n'en revenait pas de sa chance. Elle se dit que ce n'était pas si difficile, finalement. Il ne lui en restait plus que quatre-vingt-dix-neuf, désormais, alors que le second venait à sa rencontre.

L'après-midi fut long et répétitif, car si le protocole était simple, il était épuisant de devoir répéter littéralement cent fois la même chose, en y mettant toujours la même conviction, en gardant toujours le sourire, et en s'efforçant de ne pas s'indigner de la misère qui défilait en bon ordre, encadrée par des officiers du royaume impassibles. Quand elle put enfin regagner l'abri du Palais, après que le dernier homme eût reçut sa bénédiction et ses présents, elle prit le temps de se désaltérer et de se délasser quelques instants seule, avant de prendre la direction du bureau de son époux. Il était souvent occupé à cette heure-ci de la journée, mais quand elle le pouvait elle abusait de son autorité royale pour congédier son entourage qui l'accablait de travail, et le forçait à se reposer quelque peu. Cependant, quand elle arriva sur les lieux, elle fut accueillie par son ami et conseiller qui attendait devant la porte. En l'entendant arriver, il tourna la tête et lui sourit :

- Votre Altesse, mes hommages ! Alors, comment s'est passée cette rencontre avec le peuple d'Arnor ?

- Pall, vous êtes revenu ! Vous avez été absent si longtemps !

Sa joie était sincère. Il avait pris la route pour Tharbad deux semaines auparavant, et elle était véritablement heureuse de le retrouver. Sans lui, elle se sentait toujours un peu perdue. Il lui adressa un sourire d'une grande douceur, alors qu'elle lui prenait la main avec chaleur. Toutefois, elle n'avait pas répondu à sa question, et elle s'empressa de lui raconter sa journée, sur un ton nettement moins enjoué :

- Tout s'est très bien passé, je crois. Mais tous ces pauvres gens… Quelle tristesse.

Il hocha la tête pesamment, caressant son menton imberbe, dans un geste qu'il répétait souvent quand il réfléchissait :

- Ainsi va la vie, hélas. Votre devoir est de veiller à ce que leur sort ne soit pas trop pénible. Je suppose que le simple fait de vous voir en personne marquera leur journée d'une pierre blanche.

Elle ne pouvait qu'acquiescer à ces sages paroles, comme souvent. Il était particulièrement avisé, et elle n'avait jamais regretté d'avoir prêté attention à ce qu'il disait. Cependant, elle était curieuse quant à sa présence auprès du Roi, et l'interrogea à ce sujet :

- Son Altesse votre époux n'a pas accepté de me recevoir à cette réunion, hélas. Il tient conseil, et a demandé expressément à ne pas être dérangé avant la fin de celui-ci. Une affaire de la plus haute importance.

- Et on vous refuse l'entrée ?

Elle était sincèrement surprise. Il sourit, et lui posa une main affectueuse sur l'épaule. Elle se sentit soudainement redevenue une simple princesse de Dale, sans le poids de toutes ces responsabilités, tout ce protocole. Il lui rappelait cette époque d'insouciance dont elle n'avait pas assez profité.

- Ce n'est rien, n'importunez pas votre époux pour si peu. Je sais déjà ce que contient cette missive pour la lui avoir remise personnellement. Alatar et moi devions informer Sa Majesté de la situation.

Dinaelin s'inquiéta :

- Quelle situation ? Pourquoi tous ces mystères ?

Avant que l'homme en bleu eût trouvé le temps de répondre, la porte derrière laquelle le Roi tenait conseil s'ouvrit, et un homme en sortit. Il s'agissait de l'Intendant Enon. Il parut surpris de croiser sa Reine et son conseiller sur le pas de la porte. Après les avoir salués courtoisement comme il savait si bien le faire, il lança :

- Maître, vous tombez bien, j'ai grand besoin de m'entretenir avec vous. Voulez-vous me suivre, je vous prie ?

- Naturellement, Sire Enon. Le danger nous guette, je suis heureux que vous preniez l'affaire au sérieux…

Ils avaient tous deux complètement oublié la présence de Dinaelin, qui suivait leur échange, pleine de crainte. Ils s'éloignèrent en continuant à converser, visiblement très concentrés :

- Le Roi, disait son Intendant, ne peut rester passif dans cette affaire. Puisque vous en connaissez les tenants, vous savez quel risque nous encourons à ce que nos ennemis…

Leurs voix décrurent progressivement pour ne plus devenir que des chuchotis incompréhensibles. La Reine demeura plantée là, partagée entre l'envie de comprendre la « situation », et celle de laisser les hommes à la politique qui semblait pour une fois être une affaire digne d'intérêt. Elle finit par se ranger à cette dernière option, et tourna les talons pour rejoindre ses appartements. Si réellement un danger planait sur l'Arnor, alors elle devait laisser à Aldarion le temps et l'espace dont il avait besoin pour parer à ce nouveau défi. Elle ne pouvait toutefois s'empêcher d'avoir un mauvais pressentiment.


#Dinaelin #Pallando


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Pallando - Une Dragée au goût amer Signry10
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