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 Un sillage de sang et d'or

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Nathanael
Espion de l'Arbre Blanc
Espion de l'Arbre Blanc
Nathanael

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Un sillage de sang et d'or EmptyVen 30 Sep 2016 - 11:14

- Une langoustine des prés a encore bouffé le cordage, pas étonnant que les caisses aient roulé à fond de cale !

Un homme au strabisme marqué tentait désespérément d’accorder ses pupilles sur un morceau de chanvre rongé. Il portait quelques éraflures récentes au visage et de profondes cernes avaient creusé ses traits. Les autres marins à ses côtés s’activaient à  nettoyer le pont du navire parsemés de nombreux éclats de bois. Il ne restait du mât principal qu’un moignon calciné, la grand voile était déchirée et noircie et les planches du pont étaient couvertes d’une suie collante et poisseuse. Ils avaient essuyé un violent orage en pleine mer deux jours auparavant. La foudre avait frappé le bateau de plein fouet. Le naufrage avait été évité de peu. De bien peu. Cinq hommes n’avaient pas revu les quais du port de Pelargir. Cinq gaillards solides, durs à la discipline, des marins coriaces, des guerriers acharnés. Seul le mât secondaire, une unique voile, de la chance et toute l’expérience du Navigateur avaient permis de revoir les côtes de la Baie de Belfalas. Les hommes n’avaient jamais été si heureux de revoir le plancher des vaches. L’histoire du Brise Lame ferait rapidement le tour des auberges et des tavernes. Le navire enflammé ramené au port par la main bienfaitrice de Sulimo lui-même, Le Navigateur affrontant la colère des Valar en pleine mer, narguant les dieux avec tout l’orgueil dont il était capable … il y aurait bien des versions. Ils avaient risqué leur vie pour la bonne cause. Deux navires pirates avaient été mis en déroute. Deux grandes coquilles de bois aux voiles pourries et à la coque trouée. L’imagination des marins en ferait de robustes bateaux fendant les eaux à grande vitesse, garnis de pirates édentés aux sabres encore maculés du sang de leurs récentes victimes. A quoi bon vouloir rétablir la vérité ? La démesure n’était-elle pas l’apanage du Navigateur ?

- Retrouve-moi l’imbécile qui s’est senti suffisamment enhardi pour siffler sur le navire.

Le Navigateur parlait du bout des lèvres mais ses ordres étaient clairs. L’homme aux yeux dissidents acquiesça d’un signe de tête discret. Il vouait au Navigateur une forme d’adoration. Il voguait à ses côtés depuis une dizaine d’années et il connaissait la valeur et la force de caractère de son capitaine. Mais il l’aimait autant qu’il le craignait. C’était un être violent et sans pitié. Il n’accordait aucun pardon à ses hommes. Pourtant ce n’était pas le fouet ou la pendaison que redoutaient ceux qui travaillaient pour lui. Le Navigateur ne punissait jamais lui-même ses marins. La mer. Toujours la mer. Elle seule pouvait décider du sort des hommes qui osaient l’affronter. Et il fallait s’en remettre à sa seule volonté. Combien d’hommes avaient été lestés au bout d’une corde derrière le Brise-Lame ? Trois … Quatre ? Non, trois, Ageron s’en souvenait encore. Les cris, les insultes, les menaces, les excuses, les regrets, puis la fatigue, l’interminable lutte pour la vie, l’espoir mis à nu, arraché, l’épuisement et l’abandon. Les hommes passaient tous par ces différentes étapes avant de mourir. Le Navigateur finissait par couper la corde qui les retenait au bateau. Sa main ne tremblait jamais. Non, quatre. Oui, Ageron s’en souvenait encore. Le dernier n’était pas mort. Plus résistant que les autres sans doute, il avait crié une bonne partie de la nuit. Excédé, le Navigateur avait fini par trancher le cordage de chanvre.

- Peu m’importe la décision de Belegaer, débrouille toi donc seul avec elle !

Et il l’avait abandonné à sont sort à plusieurs jours des côtes. Plusieurs jours … Ageron ne connaissait que le Navigateur pour oser aller aussi loin, pour braver les limites de l’océan. Il craignait un jour de se trouver face au bout du monde et de sombrer dans le néant. Il n’avait jamais entendu parler de l’ouest lointain, de Valinor et des elfes. Il s’en moquait bien d’ailleurs. Il ne connaissait que les histoires de marins et tous les marins racontaient que l’océan prenait fin quelque part, là où le soleil s’évanouissait derrière l’horizon. D’ailleurs, c’était bien la preuve qu’il y avait une fin, puisque le soleil disparaissait tous les soirs. Pourtant c’était sans crainte et sans aucune appréhension que le Navigateur allait toujours plus loin. Plus au nord, plus au sud. Il laissait toujours dans son sillage une traînée de sang et d’or. Il n’avait d’amitié pour personne et aucun honneur à défendre. Pour lui, tout avait un prix, même la vie humaine. On racontait à son sujet qu’il était un ancien esclave à bord d’un navire marchand et qu’il avait réussi à se retourner contre ses maîtres. Le Brise-Lame était sans aucun doute le navire de ses anciens tortionnaires. Comment sinon aurait-il pu acquérir un bateau aussi grand ? On ne lui connaissait aucune famille, aucune attache … à moins qu’il n’ait délivré ses parents et de leurs richesses et de leurs demeures charnelles. C’était encore une autre histoire à son sujet. Ageron devinait que ces histoires farfelues n’étaient destinées qu’à exciter les esprits lors des veillées à bord. Il pressentait que la vérité était bien plus terrible, bien plus sombre.

- Cela te pose un soucis Ageron ?
- Vous savez bien que non …


Le regard intransigeant du Navigateur lui avait arraché un frisson. Ses bottes de cuir martelèrent le pont tandis qu’il se dirigeait vers les quais. Il avait une importante cargaison à livrer. Ageron ne savait pas précisément de quoi il s’agissait. Du petit coffre en bois orné de coquillages et d’ambre, du parchemin au sceau de cire bleue, de la carte gravée sur un morceau de bois ou encore de ce tonnelet qui faisait un bruit étrange quand la houle faisait rouler la cale ? Avant de descendre par l’échelle de corde et de bois qui menait au ponton inférieur, le Navigateur se retourna vers son subalterne.

- Si tu ne trouves personne … je finirai par supposer que c’est toi qui siffle la nuit.

Ageron n’eut jamais autant de difficulté à déglutir.
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