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Sujet: Fendre l'armure
Ryad Assad

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Rechercher dans: Albyor   Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Fendre l'armure    Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 13 Oct 2020 - 13:45

La barge filait silencieusement sur le fleuve, le calme revenu depuis que le géant s’était éteint. Sa rébellion passagère mais meurtrière avait secoué les fidèles de Melkor, qui comptaient désormais leurs morts. A lui seul, ce titan avait tué cinq combattants parmi les meilleurs du Temple, et en avait blessé deux. Durno lui-même aurait pu y passer, s’il n’avait pas eu une chance inouïe. La reine Lyra, de toute évidence, avait envoyé des soldats compétents pour faire ses basses besognes… Maintenant qu’il n’était plus, ils pouvaient librement rejoindre Albyor, et apporter la bonne nouvelle au Grand Prêtre.

Ils venaient de faire un pas énorme vers la victoire finale.

- Allons, compagnons, fit Durno, ayez meilleure mine ! Malgré la résistance des incroyants, nous avons remporté la victoire, et nous revenons triomphalement au temple de Melkor. Jawaharlal lui-même nous accueillera et nous rendra les honneurs qui nous sont dus. Au nom de Melkor !

- Loué soit-Il !

- Au nom de Melkor !! Répéta-t-il, plus fort cette fois.

- Loué soit-Il !

Les hommes parurent oublier pendant l’espace d’un instant la guerre, la mort de leurs compagnons, et la terreur qu’ils avaient éprouvés face au géant. Il ne leur restait plus que la satisfaction d’avoir mené à bien le combat de leur nouveau maître, et d’avoir remporté en son nom une victoire décisive sur les forces de la reine Lyra. Durno, cependant, s’efforçait d’être vigilant. Ses hommes avaient besoin de rester motivés et concentrés. La débâcle qu’ils avaient subie au moment de la chute de l’Ordre avait laissé une cicatrice profonde dans leur âme, et aucun d’entre eux ne souhaitait revivre le sinistre exil, la peur permanente, et le sentiment d’abandon d’une rare violence qu’ils avaient éprouvé quand l’organisation s’était écroulée sur elle-même, comme un château de cartes. Considérant qu’ils semblaient avoir retrouvé la foi, il se détourna d’eux un instant, et envisagea la suite des opérations.

Hélas, il n’avait aucun moyen de contacter Albyor pour le moment.


~ ~ ~ ~


Au fond de la cale humide et puante, Kryv reprit peu à peu ses esprits, accueillant la vie et la conscience comme un bébé venant au monde.

Douloureusement.

Elle avait l’impression d’avoir été passée à tabac minutieusement, et tous ses muscles lui faisaient mal d’avoir été contractés aussi violemment pendant qu’elle était prise de convulsions incontrôlables Le phénomène n’était pas nouveau chez elle, mais cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas eu de telles visions, des éclairs de souffrance et de mort qui s’imposaient à son esprit comme si c’était elle qui se tenait sous la lame du Grand Prêtre Jawaharlal, elle que l’on sacrifiait au Dieu Sombre, encore et encore. Elle percevait encore distinctement le goût de l’acier sur sa langue, sentait sur sa poitrine le sang chaud qui s’écoulait de sa gorge ouverte, et tremblait de ne pouvoir rien faire pour chasser la sensation désagréable des chaînes attachées à ses poignets qui lui rongeaient la peau.

Il lui fallut quelques secondes pour retrouver pleinement la mesure de ses moyens… et quelques secondes de plus pour se rendre compte qu’elle était seule.

Learamn, son allié, son protecteur et son libérateur, était parti.

Pendant un bref instant, la panique s’empara d’elle, et elle sentit l’angoisse faire remonter de sinistres visions à la surface, qu’elle s’efforça de dompter en respirant profondément. Le calme et la sérénité étaient des outils puissants pour contrôler ses émotions exceptionnellement fortes, même si dans ces circonstances il était évidemment bien plus difficile d’y parvenir. Elle trouva la force de déplier ses longues jambes fuselées, et tendit le cou pour observer par-dessus la caisse derrière laquelle elle se trouvait cachée.

- Learamn ? Chuchota-t-elle faiblement.

Elle n’aurait su dire si l’absence de réponse était due à la solitude la plus complète dans laquelle elle était plongée, ou bien au fait que son murmure eût été à peine assez fort pour porter à plus d’un mètre. Terrorisée, elle n’osait pas parler plus fort au risque d’attirer une attention bien malvenue. Sur ce navire infernal, dont les fidèles de Melkor avaient probablement pris le contrôle désormais, elle devait considérer tout un chacun comme un ennemi potentiel. Les serviteurs du temple de Sharaman n’étaient pas des hommes avec qui elle pouvait espérer négocier…

Alors qu’elle observait le lointain, ses yeux s’habituaient peu à peu à la pénombre qui l’entourait, seulement rompue par la lumière blafarde des étoiles qui pénétrait par quelques ouvertures dans le plafond, et par la présence d’une torche au loin. Elle discernait mieux les caisses innombrables, soigneusement entassées, comme le trésor de guerre d’un dragon avide. Si chacune d’entre elles contenait armes, armures, casques et boucliers comme elle l’avait vu, alors elle comprenait mieux pourquoi Learamn et ses compagnons avaient absolument tenu à récupérer le tout avant que le navire parvînt à Albyor. Elle comprenait aussi, en parallèle, pourquoi le Grand Prêtre avait envoyé ses meilleurs hommes, commandés par Durno, pour mettre la main sur le butin. Ce navire pouvait changer le rapport de force au Rhûn, voire même en Terre du Milieu, si les ambitions de Jawaharlal se portaient au-delà des frontières du grand royaume oriental. Kryv comprit alors que Learamn en était arrivé aux mêmes conclusions, et son absence ne pouvait signifier qu’une chose.

Il allait essayer de mettre des bâtons dans les roues de Melkor…

Elle se leva, encore incertaine sur ses jambes, et ne sachant pas trop ce qu’elle pouvait faire, mais résolue à empêcher Learamn de commettre une erreur fatale. S’il décidait d’attaquer à lui seul les Melkorites, comme elle le suspectait, il pourrait peut-être en tuer un ou deux, avec de la chance, mais le nombre aurait raison de lui. C’était un suicide, mais la bête de guerre en lui se préoccupait-elle des conséquences de son acte, ou souhaitait-elle simplement périr glorieusement, en emportant autant d’ennemis que possible avec elle ? Elle devait empêcher Learamn de sacrifier sa vie inutilement. Il y avait sans doute un autre moyen.

Alors qu’elle s’apprêtait à partir, elle entendit un bruit suspect, et vit une ombre glisser furtivement devant son champ de vision. Trop rapide pour qu’elle pût l’identifier avec certitude, mais elle devina qu’il s’agissait d’un homme essayant de toute évidence de ne pas être vu. Elle-même se mit à l’abri, en retrait, observant la situation en essayant de se faire la plus discrète possible. Elle avait encore la dague de Learamn, mais n’avait pas particulièrement hâte de s’en servir… Des pas irréguliers se firent entendre dans le petit escalier qui menait jusqu’à leur section. Un homme descendait, portant une petite lanterne entre ses mains. Ses chausses étaient déchirées au niveau de la cuisse droite, et il peinait à se déplacer à cause de ce qui devait être une longue estafilade que l’on avait soignée à la va-vite pour lui permettre de marcher. Le bandage qui entourait sa blessure était imbibé de sang, et aurait dû être changé depuis longtemps.

Le malheureux n’eut pas le temps de crier à l’aide qu’une main se plaqua sur sa bouche, et il bascula en arrière, emporté par son propre poids et par la pression irrésistible d’un homme déterminé à le mettre à terre. Une lame apparut dans son champ de vision, et se posa sur sa gorge, tandis qu’il levait les mains bien haut pour montrer que lui-même n’était pas armé. Le tout avait duré moins de trois secondes, qui avaient suffi à Ezziz pour se mettre à pleurer à chaudes larmes. Il avait survécu miraculeusement à la furie des Melkorites, et la perspective de mourir subitement le terrorisait encore plus que la première fois.

Profitant de ce que Learamn desserrait légèrement son étreinte, il se mit à supplier à voix très basse :

- Pitié, pitié, pitié messire, pitié ne me tuez pas, pitié, pitié, pitié, j’ai rien fait de mal, je vous jure, je vous jure, j’ai rien fait…

Il pleurait de plus en plus, et à ce rythme il risquait bien d’attirer l’attention d’une oreille indiscrète. Par une nuit calme, les suppliques étouffées d’un homme s’entendaient aussi bien que les hurlements d’un mourant.

Kryv, terrée dans un coin, observait la situation sans trop oser bouger. Elle souhaitait aider Learamn, mais pour l’heure il avait la situation bien en main, et elle préférait éviter d’envenimer les choses en donnant au Rohirrim le sentiment qu’il était attaqué de toutes parts.

Qui pouvait dire comment il aurait réagi, alors ?
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Albyor   Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Fendre l'armure    Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 17 Sep 2020 - 17:33

Un assassin.

C’était ce que Learamn était devenu en l’espace d’une seconde, quand il avait pris la décision de mettre fin à une existence pour en sauver une autre. Pas au cours d’un duel honorable l’épée à la main, pas à la suite d’un accident ou d’un geste involontaire… non. Il avait délibérément ôté la vie d’un homme sans défense. Toutes les justifications qu’il pouvait essayer d’apporter ne changeraient rien à la sinistre vérité.

En entendant la voix du Rohirrim qui l’appelait, Kryv était descendue précautionneusement, pour découvrir la scène de crime. Elle avait retenu un cri d’horreur, et avait fiché ses yeux dans ceux déterminés de Learamn, qui la dévisageait avec un mélange de rage contenue et d’indifférence. Étrange entre-deux dans lequel il semblait se complaire. La mort qu’il venait de donner ne paraissait pas l’émouvoir particulièrement, comme si les doigts griffus de Melkor glissaient sur ses épaules, sans parvenir à l’attirer dans le royaume de la culpabilité.

- Vous l’avez tué ? Demanda-t-elle sans y croire tout à fait.

Pour une devineresse, elle semblait particulièrement surprise. A croire que les actions de Learamn n’entraient pas le spectre de ce qu’elle pouvait prévoir. Elle se donna une contenance en dépit de la situation, et s’avança vers le corps de l’homme étendu par terre. Il avait le regard pétrifié dans sa dernière expression, la terreur et l’incompréhension. Curieux que d’afficher un air aussi perplexe à sa dernière heure, quand on vivait au quotidien avec une femme capable de voir le futur. L’ironie de la situation était d’une rare violence, teintée du carmin qui s’infiltrait dans le parquet soigneusement entretenu. A genoux devant lui, Kryv lui ferma délicatement les yeux… Elle n’avait jamais aimé l’homme, mais elle n’avait jamais haï son existence au point de lui souhaiter une telle mort.

- Adieu, fit-elle sur un ton difficile à cerner. Si vous m’aviez laissé regarder votre avenir, j’aurais peut-être pu vous éviter une fin aussi tragique…

Ce n’était pas de la compassion que l’on devinait dans sa voix. Plutôt un « je vous l’avais dit » qu’elle lui lançait comme pour lui reprocher de n’avoir jamais voulu d’elle autre chose que l’argent qu’elle pouvait lui rapporter. Elle lui adressa une brève prière en rhûnien, avant de se redresser, le regard résolu.

- Nous ne devons pas rester ici, les murs d’Albyor ont des yeux, et qui sait quels malheurs s’abattront sur vous si on vous identifie comme le responsable de tout ceci. Venez, je connais une sortie discrète.

Liés.

Ils l’étaient désormais, par le sang versé, et par leur fuite commune dans les rues d’Albyor, le souffle court, un œil dans leur dos pour s’assurer que personne ne les suivait. Sans qu’il en ait pleinement conscience, l’univers de Learamn venait de basculer.


~ ~ ~ ~


- Lâm-Su.

La voix de Thrakan les sortit de leurs pensées tumultueuses, tandis qu’il pointait du doigt la silhouette solitaire de ce qui ressemblait à une tour de garde dressée sur les rives du fleuve. Le colosse se retourna vers ses compagnons, pour s’assurer qu’ils ne dormaient pas en selle, et jeta un coup d’œil particulièrement peu sympathique à Kryv, dont la présence au sein de la compagnie n’était pas pour lui plaire. Il avait fallu tous les talents de négociatrice d’Ava et la bonhommie de Khalmeh pour le convaincre d’accepter sa présence à leurs côtés. Learamn s’était porté garant pour la devineresse, ce qui n’était certainement pas un gage suffisant pour le Fléau de l’Ouest.

Il avait finalement accepté de mauvaise grâce de la laisser prendre part à leur mission, considérant qu’elle était la responsabilité de Learamn, et qu’il tiendrait ce dernier pour responsable si quelque chose devait mal tourner. Il n’y avait rien à ajouter au sujet, les deux hommes n’étant pas désireux d’abandonner leurs positions respectives. Kryv chevauchait ainsi parmi eux, ayant troqué sa tunique de devineresse pour un vêtement un peu plus discret de voyageuse. Elle ressemblait à une aventurière comme les autres, mais son regard ne trompait pas : il y avait de la sorcellerie chez cette femme. Thrakan se retint de cracher au sol pour conjurer le mauvais sort.

++ C’est une ancienne tour de garde de l’armée d’Albyor ++ Fit-il en rhûnien en mettant délibérément Learamn à l’écart de la conversation. ++ Elle date d’avant l’ère de Sharaman, et servait à contrôler l’accès du fleuve en amont, pour éviter les attaques. C’était là que s’arrêtait l’autorité d’Albyor ++

Il entendit derrière lui Ava qui faisait la traduction, ce qui l’agaçait moins qu’au début de leur voyage, mais qui n’était pas pour lui plaire. Les efforts qu’elle était prête à consentir pour intégrer cet étranger à leur groupe et, plus largement, à leur culture, le mettaient mal à l’aise. Il préférait voir les gens de l’Ouest morts ou réduits en esclavage. Il avait combattu souvent contre eux, à la fois en tant que soldat et en tant que mercenaire quand il avait quitté les rangs de l’armée régulière. Il savait de quoi ces monstres étaient capables, et il n’appréciait pas de savoir qu’un Rohirrim marchait à ses côtés. La seule raison pour laquelle il acceptait sa présence était que la Reine en personne l’avait ordonné.

Revenant à son observation, il pointa du doigt la route qui menait paresseusement à Lâm-Su.

++ Pendant la Guerre, Lâm-Su a été le lieu d’une grande victoire. Beaucoup des nôtres sont morts là où nous allons marcher. La tour a longtemps servi à protéger le fleuve, mais au début du règne d’Alâhan, elle a progressivement perdu sa fonction. Aujourd’hui, on n’y trouve que quelques administrateurs chargés de lever les taxes de la cité, dont le régent de Lâm-Su. C’est à l’embouchure de la Mer du Rhûn que l’on trouve les troupes royales, désormais. ++

Les connaissances de Thrakan sur la région étaient encyclopédiques, et révélaient une facette du guerrier qu’il n’avait pas encore révélée, et qui ne manquait pas d’étonner quand on connaissait son caractère habituellement taciturne. En réalité, Thrakan avait passé de nombreuses années stationné à Albyor et dans sa région quand il était encore soldat. Ce n’était pas l’affectation idéale, on la réservait en général aux fortes têtes et aux soldats qui avaient fait preuve d’insubordination. Il avait passé huit ans ici, et il connaissait bien les environs de la ville pour avoir patrouillé un nombre incalculable de fois dans ces plaines. Puisque son domaine d’expertise était la guerre, il était particulièrement bien informé sur l’histoire militaire de cette partie du royaume. L’entendre parler ainsi était rassurant, et donnait le sentiment qu’ils savaient où ils allaient.

Ils chevauchèrent encore quelques heures, découvrant un peu plus Lâm-Su et les vestiges de l’impressionnant système défensif, à la lueur du soleil déclinant. Un vieux mur d’enceinte, dont il ne restait plus que quelques sections intactes, entourait la tour de garde à proprement parler, qui s’élevait sur cinq niveaux – à en juger par le nombre de fenêtres. Elle surplombait la région, et permettait de voir de très loin les navires remonter le fleuve. Des meurtrières permettaient à des archers embusqués de tirer dans toutes les directions, et pendant un bref instant ils se sentirent à la merci de quiconque pouvait se trouver à l’intérieur. Personne ne leur tira dessus, fort heureusement, mais ils furent hélés par un homme qui se trouvait à l’entrée du fort, et qui leur demanda de s’identifier sans délai.

Thrakan se tourna vers Ava, la plus diplomate de toutes, qui se chargea de faire la conversation, et d’obtenir les autorisations nécessaires. On fit chercher le régent de la tour de garde, qui descendit pompeusement et examina les compagnons des pieds à la tête, avant de regarder le document royal officiel que lui tendait la « Femme de la Reine ». Tout ce protocole de vérification minutieuse laissait de l’espace aux membres de la compagnie, et Khalmeh fit signe à Learamn d’approcher.


- Mon ami, j’ai une demande à vous faire…

Il parlait tout bas, observant de loin Thrakan et Ava qui discutaient avec l’administrateur en chef de Lâm-Su.

- Quand nous serons autorisés à monter à bord, trouvez un prétexte, n’importe quoi… j’aimerais bien que vous puissiez voir quelle est la nature de cette cargaison. Je sais qu’on ne devrait pas, mais j’ai l’impression qu’Ava nous cache quelque chose… Juste un petit coup d’œil rapide, hein ? Rien de méchant.

Il accompagna sa requête d’un sourire entendu, puis retrouva son sérieux quand Ava revint vers eux, visiblement satisfaite :

- Nous avons obtenu l’autorisation de procéder au contrôle du navire. Le sceau royal a encore de la valeur ici, contrairement à ce que vous pouviez penser Khalmeh. Leur seule requête est que nous ne pénétrions pas dans la tour, pour des raisons de sécurité. Nous pouvons nous installer dehors, et ils nous feront signe quand le navire approchera.

Khalmeh avisa les environs. Un grand espace vide bordé d’un côté par les restes du mur, et de l’autre par la tour et le fleuve. Un bâtiment en bois qui servait d’écuries, et un autre dans lequel étaient stockées quelques vivres. Tout à coup, leur auberge d’Albyor leur manqua, elle qui avait au moins un toit et un matelas relativement confortable. Cela s’apparentait au grand luxe, en comparaison des conditions dans lesquelles ils allaient devoir attendre. La terre était sèche et dure, poussiéreuse, et parsemée de petits cailloux qui leur rentreraient dans les reins s’ils essayaient de s’allonger. Ils s’installèrent rapidement, montant un camp de fortune pour passer le temps, en attendant l’arrivée du navire. Khalmeh s’en alla nourrir son Uruk, Kryv s’absorba dans une contemplation méditative du fleuve, Thrakan s’appliqua à affûter son épée, et il ne resta plus – comme souvent – que Ava et Learamn.


- J’ai du mal à croire que nous soyons déjà arrivés si loin, lâcha-t-elle, pensive. Lâm-Su, le navire, et nous serons en route pour Blankânimad avant d’avoir pu y songer. Vous pourrez trouver une bien meilleure situation une fois que vous aurez rempli votre devoir au nom de la Reine, sachez-le. Elle peut paraître impitoyable, mais elle sait récompenser à leur juste valeur ceux qui la servent bien.

« Et punir de manière exemplaire les autres… » se retint-elle d’ajouter. Elle espérait de tout cœur que la générosité de Lyra lui permettrait de retrouver le cours normal de son existence. Pour tuer le temps, en attendant de pouvoir poursuivre leur mission, elle reprit les exercices avec Learamn, vérifiant sa coordination, sa motricité, sa souplesse, et évaluant les nouveaux axes de travail qu’elle entendait définir. Elle le fit danser un peu, sans qu’il fût très clair si cela participait de sa rémission ou si c’était simplement pour le plaisir de présenter une facette très différente de lui devant leur nouvelle compagne de route. Ils rirent un peu, se racontèrent des histoires au coin du feu, et firent preuve d’inventivité pour se divertir, allant jusqu’à confectionner une balle avec quelques fétus de paille qu’ils trouvèrent là.

Les heures passèrent, tissées patiemment par Melkor qui prenait de toute évidence un malin plaisir à les faire languir. Le jour descendit progressivement à l’Ouest, là où se trouvait la terre natale du jeune Rohirrim. En suivant la trajectoire de l’astre solaire, il pouvait deviner à peu de choses près où étaient les siens, le royaume qu’il avait quitté. Derrière lui, là où s’étirait son ombre de plus en plus grande, se trouvait la capitale du Rhûn, et sa nouvelle maîtresse. La perspective d’entrer à son service était-elle toujours aussi alléchante désormais qu’il parcourait son royaume et accomplissait sa volonté ? Devrait-il retourner à Albyor si la souveraine l’exigeait ? Ou pourrait-il se prélasser dans le confort indécent de Blankânimad ? A moins qu’il fût envoyé affronter de nouveaux ennemis dont il ignorait tout… Le Rhûn recelait encore bien des mystères.

++ Navire en vue ! ++

Une voix forte résonna au sommet de la tour de garde, et tout à coup Lâm-Su s’agita. Les administrateurs étaient une demi-douzaine, pour la plupart des comptables et des experts de la négociation fluviale, chargés d’examiner les marchandises, leur prix, et de définir la taxe correcte à appliquer. Ils se pressèrent comme des souris sur le ponton près duquel le navire devait s’arrêter. La petite compagnie menée par Ava s’approcha à son tour du fleuve, pour découvrir leur cible. C’était une grande barge de transport à fond plat, conçue pour circuler sans difficulté dans les eaux les moins profondes, et ainsi remonter les fleuves en toute tranquillité. Quelques hommes s’affairaient sur le pont, signalant leur présence par de grands gestes du bras. Ils mirent un moment à arriver, et furent accueillis par une délégation qui comprenait à la fois les administrateurs du poste de garde, ainsi que la compagnie d’Ava.

++ Bonjour capitaine, j’espère que vous avez fait bon voyage ++ Lança le régent. ++ Ces hommes sont ici au nom de Sa Majesté Lyra, avec un mandat pour récupérer une partie de votre cargaison. Ils l’achemineront personnellement à Blankânimad… ++

La traduction de Kryv permit à Learamn de comprendre la réaction agacée du capitaine, et la brève négociation qui suivit. Décharger la cargaison, cela impliquait un retard à l’arrivée, qui ne plairait certainement pas à ses clients, ni à ses hommes qui avaient hâte de rejoindre enfin leur foyer. Surtout, le capitaine espérait toucher une part de la somme convenue pour le transport de la marchandise. Si elle n’arrivait pas à destination, il ne serait pas payé, et aurait fait tout ce voyage pour rien. La maigre compensation financière que lui offrirait Ava ne vaudrait jamais l’argent qu’il aurait pu gagner lui-même à Albyor. Il voulut lui-même vérifier le document que portait Ava, et se montra intraitable dans l’observation du sceau royal, essayant de déceler s’il pouvait s’agir d’un faux.

Pendant qu’il procédait à cet examen minutieux, Khalmeh se tourna discrètement vers Learamn, et lui adressa un signe de tête, comme pour l’enjoindre à aller examiner la cargaison. C’était le moment où jamais.


~ ~ ~ ~


Les entrailles puantes du navire n’étaient pas un endroit charmant, et Learamn devait s’habituer à la fois à l’obscurité oppressante et à l’odeur de renfermé qui rendait le tout irrespirable. Des formes mouvantes se déplaçaient dans les ombres, probablement des rats qui habitaient les cales et filaient pour échapper au halo de lumière sur le point de les cueillir dans leur tanière. L’équipage était composé de quelques marins expérimentés venus d’un peu partout, et de rares passagers qui venaient des rives de la Mer du Rhûn et avaient acheté un transport peu cher – et peu confortable – pour Albyor et les terres orientales du royaume.

C’était Ezziz qui lui avait raconté tout ça.

Le capitaine lui avait ordonné d’accompagner Learamn, visiblement content de trouver une occupation à cet homme qui parlait beaucoup, et qui semblait ne jamais manquer de faire un commentaire ou une remarque sur tout ce qu’il ne comprenait pas – c’était à dire, beaucoup de choses. Il venait du Harad, et était arrivé au Rhûn deux ans auparavant, où il était entré au service de plusieurs employeurs, avant de prendre part à une grande expédition vers l’Ouest. Il évoqua un comptoir commercial, quelques tensions politiques entre le Rhûn et ses voisins… beaucoup de choses qui n’avaient pas d’importance, et qui n’avaient rien à voir avec la conclusion de son histoire : son retour au Rhûn sur ordre de son employeur.

Ezziz était décidément bien bavard, mais toujours de bonne humeur, et surtout il parlait mieux le Westron que la plupart des Rhûnedain, ce qui signifiait qu’il était plus facile d’entretenir une conversation avec lui. Curieux comme, sur ces terres lointaines et méconnues, deux étrangers venus de contrées bien différentes pouvaient soudainement se trouver avoir beaucoup plus en commun qu’ils ne le pensaient.

- Ouais, fit-il en arrivant dans une section du navire qui ressemblait à toutes les autres, c’est bien la cargaison qu’on va devoir débarquer. Par Melkor, ça va demander un sacré boulot, vous n’imaginez même pas. Je comprends pas pourquoi on n’attend pas d’arriver à Albyor, on aurait plus de bras pour la sortir, on se fatiguerait moins.

Le marin avait raison, et Learamn n’imaginait pas à quel point. Il y avait devant eux un assortiment de caisses de belle taille, qu’il faudrait au moins quatre hommes pour manipuler sans difficulté. Elles étaient de forme régulière, et il serait possible de les empiler dans le chariot et, à condition de les attacher solidement, de prendre la route. Cependant, un problème subsistait : leur nombre. Il y en avait bien plus qu’il ne pouvait les compter, soigneusement empilées dans le ventre du navire, attendant d’être déchargées par des mains bien plus nombreuses que les leurs, et transportées par un convoi plus important. Le calcul était simple. Vu leur taille et leur poids, il faudrait au moins deux chariots comme le leur pour acheminer l’entièreté de la marchandise. Deux chariots vides, ce qui impliquait de devoir se débarrasser de la cage de l’Uruk d’une manière ou d’une autre… Ava était-elle au courant de cette première difficulté, qui semblait déjà insurmontable ? Comment le dire ?

Alors que Learamn observait la cargaison, il y eut de l’agitation au dehors. Un homme fit quelques pas dans les cales :

- Ezziz ! Ezziz !

Le Haradrim répondit dans une langue qui mélangeait plusieurs influences, mais qui ne ressemblait certainement pas au rhûnien que Learamn entendait depuis son arrivée ici. Peut-être un idiome partagé entre marins Haradrim ? Quoi qu’il en fût, le dénommé Ezziz qui l’accompagnait s’excusa platement :

- Désolé monsieur, je dois aller voir ce qui s’passe. Je reviens tout de suite.

Et il s’évanouit sans rien ajouter, laissant Learamn et sa lanterne, seuls au milieu du navire. Il avait tout le loisir de faire ce qu’il souhaitait. Jeter un coup d’œil discret à la cargaison, comme le lui avait recommandé Khalmeh ? Ou bien se comporter comme un fidèle de la Reine, ne pas poser de questions et simplement faire son devoir. C’était ce qu’aurait fait Ava, assurément. Il n’avait pas beaucoup de temps pour contempler ses options et prendre une décision, car Ezziz pouvait revenir à tout moment, et qui pouvait dire ce qu’il penserait de le voir penché sur le contenu d’une de ces caisses mystérieuses ?


~ ~ ~ ~


C’était Thrakan qui les avait repérés le premier. Il lâcha un juron particulièrement élaboré dans propre langue, maudissant son inattention, et celle de tous ceux qui se trouvaient là. L’arrivée du navire et la relative sécurité qu’induisait la proximité d’Albyor avaient probablement fait retomber la vigilance des administrateurs de Lâm-Su. Si la sentinelle au sommet de la tour avait fait correctement son travail, au lieu de regarder les tractations qui se déroulaient en contrebas, elle aurait probablement pu repérer depuis fort longtemps l’arrivée d’un groupe de cavaliers qui venaient de l’Est. De la Cité Noire. Impossible de dire combien ils étaient, ni quelle était leur allégeance. Des réguliers de l’armée royale venus pour leur prêter main-forte ? Des Miliciens en patrouille dans la région ? Ou bien, comme il le pressentait, une menace bien plus sournoise et diffuse ? Tout ce qu’il pouvait dire, c’était qu’ils allaient vite, et qu’ils étaient nombreux. Plus nombreux que les six membres de sa petite compagnie.

Une partie de lui espérait que ce ne serait qu’un malheureux hasard, des hommes envoyés hors des murs d’Albyor pour une toute autre raison – pour appréhender des esclaves en fuite, ou bien pour essayer de capturer des trafiquants. Cependant, il ne croyait plus aux coïncidences depuis longtemps. On les avait suivis jusqu’ici, et les raisons ne pouvaient être qu’inquiétantes.

++ Ava ! ++ Rugit-il. ++ Ava ! Amène les chevaux ! ++

La jeune femme était encore affairée à négocier avec le capitaine, et elle ne comprit pas immédiatement ce que lui disait le Fléau. Il fallut qu’il lui désignât les cavaliers qui approchaient dans la pénombre pour que son cerveau fît le lien.

++ Merde ! Capitaine, ces hommes en ont probablement après votre cargaison. Au nom de Sa Majesté Lyra, ils ne doivent pas s’emparer, est-ce clair ? ++

Le malheureux hocha la tête. C’était un marin, un marchand qui avait déjà dû manier le sabre deux ou trois fois pour sauver sa vie, mais qui n’était certainement pas un soldat. Cette histoire le dépassait. Il fit appeler ses hommes pour les rassembler et définir avec eux la marche à suivre. Il ignorait s’il devait reprendre la route vers Albyor, ou bien laisser la « Femme de la Reine » résoudre ce problème. En l’absence d’ordres, il se contenta de dire à ses marins de prendre leurs armes, et de se rassembler autour de lui. Pendant ce temps, Thrakan continuait à distribuer ses directives. Les administrateurs, qui devaient évaluer la marchandise pour prélever les taxes, paraissaient ne pas savoir quoi faire.

++ Hors de mon chemin ! ++ Tonna-t-il en les repoussant du bras. ++ Kryv ! Allez chercher Learamn ! Dépêchez-vous ! Khalmeh ! Khalmeh ! Bon sang, mais où êtes-vous !? ++

Il le chercha du regard, sans trouver trace de lui. Il n’était ni près du bateau, ni près de la tour. Près du camp ? Près de la porte ? Occupé à prendre la fuite comme le lâche qu’il était ? Thrakan se retourna, mais ses yeux avisèrent une scène qui le figea sur place. Ava s’était élancée pour récupérer les chevaux et les mettre en lieu sûr. Ils étaient leur seule garantie de pouvoir s’échapper si nécessaire, et elle en avait parfaitement conscience. Alors, appliquée comme d’habitude, elle avait fait en sorte de détacher une à une chaque monture, au lieu de simplement trancher leurs brides pour les guider à l’abri.

++ Ava ! ++

Ce fut tout ce qu’il trouva la force de crier, au moment où les cavaliers pénétraient en masse par les brèches dans le vieux mur d’enceinte. Le vacarme des sabots de leurs chevaux était terrible, et donnait envie de claquer des dents. Ils soulevèrent un nuage de poussière en freinant, tandis que leurs bêtes poussées à l’extrême s’étaient mises à renâcler et à piaffer. Le Fléau nota immédiatement que ce n’étaient pas des soldats. Pas d’équipement régulier, ni d’armure distinctive. Ils n’avaient même pas l’air de Miliciens. Plutôt d’une bande de maraudeurs armés, trop organisés pour être de vulgaires bandits cependant. Le guerrier se retrouva instantanément séparé de Ava, qui était présentement de l’autre côté de la cour. Entre lui et elle, une quinzaine d’hommes, et d’autres encore qui arrivaient à la suite des premiers, lourdement armés. Ils repérèrent la jeune femme, et lui barrèrent la route sans rien tenter encore. Tout dépendrait des ordres qu’ils recevraient.

Le chef des cavaliers avisa la situation d’un seul coup d’œil et, vit venir l’administrateur en chef qui descendait à sa rencontre, l’air particulièrement contrarié. En effet, il n’était pas habituel de pénétrer ainsi à Lâm-Su, et ces hommes auraient besoin d’une justification solide pour légitimer leur présence en si grand nombre en ces lieux. Le meneur de la compagnie lui lança dans un rhûnien très approximatif :

++ Je suis Durno, je viens en le service de Jawaharlal. Vous… Arrêter tout de suite ! Ces hommes se être des mensonges. Ils sont être des voleurs ! ++

L’administrateur fronça les sourcils devant cette pathétique tentative de l’impressionner. L’homme était de toute évidence un étranger, à en juger par son vocabulaire limité et son air clairement originaire d’Outre-Anduin. Ce misérable osait lui donner un ordre ? Inconscient du danger que représentaient ces nouveaux venus, il rétorqua avec une belle assurance :

++ Je suis le régent de Lâm-Su, et je ne réponds qu’à Sa Majesté la reine Lyra, et au gouverneur Hagan, pas aux suppôts de Jawaharlal et à ses supposés représentants. Rangez vos armes, et retournez dans votre antre, avant que je ne fasse appeler la garde qui viendra vous châtier ! ++

Des paroles fort braves, qui signèrent l’arrêt de mort du malheureux. Thrakan, n’eut pas le temps de réagir, que déjà le dénommé Durno dégainait son arme et l’abattait sur le crâne qui s’offrait à lui en sacrifice. La mort emporta cette première âme avant que quiconque eût compris exactement quels étaient les tenants et les aboutissants de cette affaire. Il était certain, toutefois, que la confiance était du côté des Melkorites qui semblaient agir en toute impunité, sans se soucier outre mesure des conséquences. La lame dégoulinante de sang frais vint se pointer vers les autres administrateurs.

++ La volonté de Melkor, loué soit-Il ! Nous sont être les représentants de Jawaharlal, le Grand Prêtre ! Écartez ou mourez-vous ! ++

Ils s’exécutèrent, comme tout le monde à Albyor. L’autorité grandissante de Melkor n’était pas prise à la légère, et si ces hommes pouvaient tuer un représentant du gouverneur sans sourciller, alors les vies de vulgaires exécutants n’avaient aucune valeur.

++ Bien… ++ Fit Durno, avant de reprendre en Westron à l’attention de ses hommes qui étaient tous, à l’évidence, étrangers au Rhûn. Maintenant arrêtez-moi ces chiens, nous les amènerons devant le Grand Prêtre qui sera sans doute curieux de savoir pourquoi ils s’intéressent à ses affaires. Allez !

Deux hommes descendirent de selle, et se dirigèrent vers Ava. Cinq autres firent de même en direction de Thrakan, qui était certes beaucoup plus impressionnant et méritait une attention toute particulière. Une dizaine d’autres mit le cap sur le navire, où les marins qui tremblaient de peur paraissaient hésiter quant à la marche à suivre. Mourir ne faisait certainement pas partie de leur programme du jour, et les deux Haradrim qui composaient l’équipage reculaient déjà pour éviter d’être pris pour d’éventuels obstacles.

Juché sur sa monture, Durno observait la situation avec le calme qui le caractérisait. Une concubine royale et son escorte, en route pour Lâm-Su afin de récupérer la précieuse cargaison… Il avait reçu le message dans la journée, d’un informateur qui parlait vite et de manière pas très claire, mais qui avait tout de même réussi à lui transmettre la substance du message. Les détails n’étaient pas très importants dans ce genre d’histoire, et il avait filé sans tarder, en bonne compagnie, paré à toute éventualité.

Une vingtaine d’hommes pour appréhender deux ennemis de Melkor.

Rien de plus simple.

#Ezziz #Durno
Sujet: Il est encore temps d'implorer le pardon de Melkor
Mardil

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Rechercher dans: La Ville Haute   Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il est encore temps d'implorer le pardon de Melkor    Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 24 Juil 2015 - 16:08
Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! Tagif_10


Les serviteurs finissaient de remplir les malles et ils seraient bientôt prêts pour le départ. Le trajet jusqu’à leur domaine ne prenait que quelques heures depuis Albyor. La distance n’était peut être pas colossale mais elle était suffisante pour Tagif. Elle ne rêvait plus que de s’allonger dans son lit et de passer du temps auprès de ses enfants. Oreg avait fini son travail dans la cité et leur absence avait suffisamment duré comme cela. Oui, il serait bon de rentrer à nouveau et de ne plus penser à toute cette affaire.

Cependant, Tagif ne pouvait pas juste laisser tout ça derrière elle. La conversation qu’elle avait eue avec son grand-père lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Non seulement ce dernier ne ferait rien contre Jawaharlal mais il était d’accord avec les actions du Grand Prêtre. Ne se rendait-il pas compte que le simple fait de ne pas prendre des mesures était un encouragement suffisant pour un fanatique tel que lui ? Combien de temps faudrait-il pour qu’Albyor se transforme en une ville gouvernée, non plus par la noblesse mais par une théocratie aveugle et cruelle ?

Tagif craignait que si son grand-père laissait l’occasion à Jawaharlal d’affermir son pouvoir au delà de ce qui était raisonnable, le moment viendrait où le gouverneur n’aurait plus les moyens de lutter contre les melkorites. Cependant, elle savait très bien que son grand-père était borné lorsqu’il croyait avoir raison. Le même sang coulait dans ses veines et elle était convaincu du bien fondé de ses craintes.

Elle avait longuement hésité mais elle s’était finalement décidée à écrire une longue lettre à sa belle-mère. Non pas qu’elle pensât qu’Esiria ferait quoi que ce soit contre Jawaharlal. Si elle partageait ses opinions en matière religieuse, elle avait toujours fait en sorte de rester en bons termes avec le Grand Prêtre de Melkor et elle n’allait pas changer de stratégie pour si peu. Néanmoins, Tagif avait besoin de quelqu’un qui la comprenait et, peut-être que sa belle-mère aurait des conseils utiles à lui fournir. Peut-être même trouverait-elle un moyen d’arrêter cette folie, bien que Tagif en doutât.

Seule la Reine aurait eu le pouvoir de remettre le Grand Prêtre à sa place mais il aurait été inconcevable de la contacter. Non pas que la Reine n’aurait pas pris la peine de lire sa lettre. De par sa naissance comme de par son mariage, Tagif faisait parti de l’aristocratie du pays et si, officiellement, elle n’avait aucun rôle politique, elle savait que Lyra aurait pris connaissance de son avis… sans pour autant le prendre en compte, cela allait sans dire. Non, elle ne pouvait se permettre d’écrire directement à la Reine car ce serait un coup de poignard dans le dos de son grand-père. Cela ne reviendrait, ni plus ni moins, qu’à avouer son désaccord avec la politique du gouverneur et à remettre en question son autorité, et cela n’était tout simplement pas même concevable pour la jeune femme.

Cette lettre n’était pas grand chose mais elle lui apportait au moins le sentiment d’avoir fait quelque chose, de ne pas être restée totalement passive face à cette situation qui, elle devait bien l’avouer, la dépassait. Alors elle coucha sur le papier tous les évènements des jours passés en insistant particulièrement sur le nombre d’hommes d’armes de plus en plus élevé au service du Grand Prêtre de Melkor. Au fond d’elle, elle espérait toujours qu’Esiria ou l’un de ses nombreux alliés dans le royaume aurait suffisamment d’influence pour faire stopper cette folie.

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Le capitaine Durno descendait lentement les marches menant au sous-sol de l’Ogdâr. Deux prêtres l’accompagnaient, prêts à recueillir la confession du dernier accusé qui leur posait bien des problèmes. Il s’agissait d’un ancien soldat qui s’était reconverti agriculteur, une fois son temps dans l’armée terminé et fervent croyant d’un culte païen originaire du nord du pays, de son clan d’origine si Durno avait bien tout compris. Ce n’était pas le premier qu’ils avaient arrêté mais il était le seul à avoir refusé de reconnaître ses crimes lors de son procès. Les Ogdâr-Sahn avaient ordonné une nouvelle enquête, mais malgré les menaces et tortures, il refusait de céder.

Durno souhaitait se rendre compte par lui-même de l’entêtement de cet homme et le ramener à la raison. Il s’arrêta à hauteur de la cellule du prisonnier et le détailla de la tête aux pieds. Il lui manquait tous les ongles des deux mains, plusieurs orteils ; des marques de fouet ainsi que des brûlures au fer rouge parsemaient son corps. Cependant, malgré tous les mauvais traitements qu’il avait subi, il ne baissa pas les yeux devant le capitaine et le défia même du regard.

A vrai dire, la présence de Durno n’était pas nécessaire le moins du monde. Il était là de son propre chef, pour essayer de comprendre pourquoi cet homme refusait obstinément de reconnaître la toute puissance de Melkor. Il avait vu bien des choses lorsqu’il faisait encore parti de l’OCF et plus encore depuis qu’il avait rejoint le temple Sharaman. Il avait été témoin du pouvoir du Noir Ennemi ; il savait que le jour du retour de ce dernier approchait et il voulait être là pour y assister.

Cependant, même s’il ne comprenait pas l’homme enfermé devant lui, il devait avouer qu’il avait une profonde admiration devant le courage (absurde certes) dont il faisait preuve. Les Ogdâr-Sahn laissèrent une dernière chance au malheureux de confesser ses crimes mais il resta désespérément muet. Durno se tourna vers ses hommes et leur fit signe de se saisir du condamné.

Pendant le cours trajet conduisant des cachots de l’Ogdâr vers l’estrade devant le bâtiment, le capitaine passa mentalement en revue les progrès de leur campagne afin de faire régner l’ordre et la morale en ville. Il s’agissait d’un véritable succès. Plusieurs dénonciations avaient eu lieu et les accusés avaient été proprement exécutés après avoir confessé leurs pratiques religieuses déviantes (ou pour certains leur absence totale de piété).

Par la suite, les choses s’étaient calmées et les Ogdâr-Sahn s’assuraient désormais que les habitants restaient fidèles à Melkor. Tout du moins dans leurs actes et paroles mais qui pouvait savoir à quoi ils pensaient réellement dans l’intimité de leurs esprits ? En fait les hommes de Durno qui accompagnaient les Ogdâr-Sahn formaient une véritable milice chargée de défendre les valeurs melkorites. Le capitaine était particulièrement fier d’eux et il se réjouissait du jour prochain où ils seraient suffisamment nombreux et équipés pour faire de même dans le reste du pays.

Cependant, ce jour n’était pas encore venu. Il était trop tôt pour avoir reçu des nouvelles des prêtres envoyés au nord et à l’est mais ces derniers ne disposaient pas d’hommes d’armes pour les escorter, mis à part ceux se rendant dans des villes d’importance. De plus, même à Albyor, l’équipement des soldats, toujours plus nombreux à les rejoindre, leur posait un vrai problème. Le Grand Prêtre lui avait assuré qu’il travaillait sur la question mais, tant qu’ils n’auraient pas un arsenal suffisant, il leur serait impossible de rivaliser avec les forces du gouverneur dans la ville.

Bien sûr, cela n’était pas le moins du monde nécessaire car ce dernier comprenait leurs motivations et soutenait leur cause mais Durno était prévoyant. Jawaharlal ne lui avait pas confié en détails ses intentions à long terme mais il n’était pas idiot. Ils œuvraient pour le retour de Melkor mais, en attendant ce jour glorieux, il fallait préparer une société digne de leur Dieu. Le gouverneur pour l’heure, et peut être même la Reine lorsque le temps viendrait, pourraient les soutenir dans leur entreprise mais rien n’était moins sûr. Il valait mieux être préparé à toutes les éventualités et donc il était nécessaire de mettre au point une force armée capable de rivaliser avec ceux qui deviendraient peut être un jour leurs adversaires.

Ils arrivèrent finalement sur l’estrade et Durno pût constater qu’il y avait toujours du monde afin d’assister aux exécutions. Même si la ferveur incroyable qui avait animé la foule le jour de l’inauguration de l’Ogdâr était retombée, le peuple d’Albyor se montrait toujours fidèle. Le prisonnier fût installé sur l’autel sacrificiel et solidement enchaîné de façon à ce qu’il ne puisse plus bouger du tout.

Les Ogdâr-Sahn s’étaient longuement interrogés sur la peine qu’il convenait d’infliger à un infidèle refusant de renier ses convictions sacrilèges. Enfin, ils s’étaient interrogés sur la façon de mettre à mort le condamné car il était évident que la peine de mort était requise. Melkor ne comprenait qu’un langage. Il était le Dieu du sang et il avait été décidé que plus le sang coulerait longtemps et plus l’infidèle pourrait racheter ses crimes.

Les cris de l’infortuné ne tardèrent pas à s’élever et les spectateurs à détourner les yeux de la scène dont ils étaient les témoins. Une bonne façon d’obtenir beaucoup de sang suffisamment lentement pour satisfaire Melkor avait été trouvée. Le condamné serait écorché vif pour aussi longtemps qu’il le supporterait. Il finirait par succomber à la douleur, ce qui était bien, selon Durno, un châtiment à la hauteur de son impiété. Contrairement à la foule rassemblée devant l’Ogdâr, qui se dispersait peu à peu, le capitaine ne détourna pas les yeux une seule fois, fasciné par l’exécution rituelle qui se déroulait devant lui.

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Jawaharlal gardait les yeux fixés sur la lettre qui venait de lui parvenir des nains des Monts du Fer. Ces misérables avaient osé annuler la commande de l’arsenal et souhaitaient désormais le vendre au plus offrant. Il n’aurait jamais dû faire confiance à des ennemis de Melkor.  Cependant, il n’était pas temps de ruminer cet échec. Car, sans les armes promises par les nains, il lui devenait impossible d’armer les soldats composants l’armée de Melkor, toujours plus nombreux. Le temple Sharaman était riche grâce aux dons qu’il recevait de tout le royaume mais ses fonds n’étaient pas illimités. Ils n’étaient, en tous cas, pas suffisants pour lui permettre de mener ses projets à bien.

Le plus urgent était de tâcher de récupérer cet arsenal qui lui était destiné en premier lieu. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’il avait envoyé l’un des siens au comptoir commercial de Rhûn, initialement pour récupérer cet arsenal, mais il serait tout à fait capable de négocier en son nom. Peut-être que cette affaire se résoudrait finalement assez aisément.

Néanmoins le Grand Prêtre de Melkor ne pouvait s’empêcher d’avoir des doutes à ce sujet. Et, si son émissaire faillait à sa mission, les conséquences seraient bien trop graves pour ses projets à long terme. Il lui fallait trouver un autre moyen de financer l’armement de l’armée de Melkor, et de façon plus générale, toute son organisation. Cependant, il lui fallait rester discret et ne surtout pas attirer l’attention de Blankânimad sur ses actions. Il n’avait que peu de doutes quant au fait que la Reine serait prévenue tôt ou tard de ce qu’il se passait à Albyor mais pour l’heure, les seules nouvelles qu’elle avait reçues devaient venir du gouverneur et ce dernier, le soutenant ouvertement, ne risquait pas de parler en mal de lui. Ce n’était pourtant qu’une question de temps avant que les nouvelles se mettent à pleuvoir vers la capitale.

C’est alors qu’il entrevît une solution à son problème. Un moyen de régler, à la fois, ses difficultés économiques et de s’assurer d’isoler la capitale suffisamment afin qu’il ait le temps de mettre son plan en marche. Il ferait ainsi d’une pierre deux coups. Cela le dérangeait quelque peu car il devrait nouer une alliance et se mettre en position de dépendance vis à vis de cet allié mais c’était à lui de trouver les mots pour le convaincre de le rejoindre de son propre chef.

Le vieil homme s’empara de quoi écrire et rédigea une première lettre pour son émissaire au comptoir commercial. Lorsqu’il commença à écrire la seconde missive, un fin sourire apparut sur ses lèvres. Si tout se passait comme il le souhaitait, cette incapable assise sur son trône ne se rendrait compte de rien avant qu’il ne soit trop tard.

#Durno
Sujet: Le nouvel Ordre
Mardil

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Rechercher dans: Albyor   Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le nouvel Ordre    Tag durno sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 1 Juin 2015 - 14:48
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4 heures du matin. Un gong sonore résonna dans le temple. L’appel à la prière. Comme tous les jours, le temple s’activait de bonne heure. La célébration matinale n’était pas la plus importante de la journée mais elle était essentielle à l’harmonie des disciples. Il s’agissait de la prière la plus méditative. Le prêtre récitait les formules d’usage avant de sacrifier un animal (ce dernier changeait en fonction de la progression du cycle lunaire). En ce jour de nouvelle lune, le Seigneur Noir réclamait le sang d’un étalon. Les disciples se mettaient en ligne et défilaient devant le prêtre qui les bénissait d’une ligne sanglante sur le front. Chacun devait alors méditer en son for intérieur afin de parvenir à la communication avec Melkor. Le deuxième coup de gong marquait la fin de la prière et le début de la journée.

Peu de gens extérieurs au Temple assistaient à cette cérémonie. Le vieil homme ne la présidait plus que rarement. Sa santé était vacillante et il devait économiser ses forces afin de diriger les affaires communes du Temple et afin de présider à la cérémonie hebdomadaire de ce soir, celle qui attirait tant de monde.

Beaucoup plus longue, elle se composait de psalmodies, de louanges à Melkor (et plus récemment de louanges à son représentant en Terre du Milieu, le Grand Prêtre en personne) et des fameux sacrifices humains. Chaque mois à la pleine lune, la cérémonie la plus importante avait lieu. Les esclaves y étaient sacrifiés en masse. Le sang recouvrait entièrement le sol de la Grande Salle et les fidèles étaient invités à faire couler leur propre sang pour la gloire de Melkor, leur bienfaiteur, et pour hâter son retour vers ses vrais adorateurs.

Les rites étaient ainsi au temple Sharaman depuis des générations, aussi immuables que les montagnes qui entouraient l’édifice. Trois servantes entrèrent dans la chambre de Jawaharlal et l’aidèrent à se préparer après s’être occupées des nombreuses blessures et plaies qui parcouraient le corps du vieil homme. Elles sortirent peu après en silence. Tout le monde savait que le Grand Prêtre de Melkor appréciait la discrétion et chacun s’efforçait de ne le déranger que si cela s’avérait absolument nécessaire.

Il s’installa à son bureau et fît brûler un peu d’encens, autant pour se concentrer que pour chasser l’odeur désagréable de sang et de corps en décomposition qui semblait ne jamais quitter le Temple. Plusieurs rouleaux de parchemins étaient installés devant lui, couverts d’écritures qui ressemblaient à des lettres de sang. Cela était plus qu’une simple ressemblance. Il avait lui-même rédigé ce texte avec son propre sang. Une fois de plus, il pria longuement Melkor de lui donner la force nécessaire à l’interprétation de Sa Divine Parole puis il s’empara du couteau sacrificiel et s’entailla profondément le creux de la main gauche, récupérant le sang dans une petite coupole. Il trempa sa plume dans cette encre sacrée et se remit à écrire.

La tâche qu’il s’était confié depuis plusieurs mois aboutissait à sa fin. Il s’était rendu compte que le culte de Melkor souffrait d’un terrible handicap : l’absence d’un dogme unifié qui aurait permis une meilleure diffusion de la parole du Dieu Sombre dans le royaume. Plus d’un an auparavant, il avait lancé une vaste enquête sur les habitudes de prières de ses prêtres au sein du pays et les résultats s’étaient montrés décevants. Trop de prêtres enseignaient une version appauvrie (et quelques fois scandaleusement déformée) de la véritable foi.

Il lui fallait à tout prix corriger cela. Il ne pouvait laisser la Parole Divine être transformée à la guise de chaque petit prêtre itinérant. Il avait alors décidé de lancer une réforme en profondeur de la façon dont le Culte de Melkor devait être enseigné à chaque homme, femme et enfant de Rhûn. Et pour cela, il fallait codifier le dogme de la religion melkorite. D’où les parchemins qu’il était en train de finir d’écrire. Ces mots, la Parole Divine qu’il avait lui-même retranscrite à l’aide de son sang, définiraient bientôt la nouvelle orthodoxie que chacun devrait respecter.

Des copies seraient réalisées dans le Temple par ses disciples, toutes écrites en lettres de sang bien entendu, et seraient envoyés dans les autres temples du pays. De plus, il avait commencé plusieurs mois auparavant la formation d’une nouvelle caste de prêtres. Ces derniers seraient chargés de faire entendre sa voix dans le pays et de faire respecter le dogme du culte de Melkor en tous points du royaume. Pour l’heure ces fidèles disciples perfectionnaient leur apprentissage à Sharaman mais bientôt l’heure viendrait où ils répandraient la véritable foi à travers chaque ville, chaque village et chaque demeure de Rhûn.

On frappa doucement à la porte et le vieil homme donna l’autorisation d’entrer. Un jeune disciple lui amena deux rouleaux de parchemins frappés de sceaux aisément reconnaissables. Il remercia le messager d’un signe de tête et ce dernier sortit en silence. Jawaharal s’empara des deux lettres portant le sceau de la religion melkorite. Ce dernier était constitué de deux attributs de Melkor qui s’entrecroisaient, la Couronne de Fer et Grond, sur un dessin représentant le temple d’où provenait le message. Pour Sharaman il s’agissait d’une montagne surmontée d’un temple stylisé.

Il brisa le premier sceau, où le symbole de Melkor se trouvait au dessus d’un palais stylisé, signe que la lettre émanait du temple de Blankânimad, et commença sa lecture.

Citation :

A Jawaharlal, Grand Prêtre de la religion melkorite et représentant de Melkor en Terre du Milieu.

Monseigneur,

Cela fait désormais trois mois que vous m’avez envoyé au temple de la capitale et, conscient de l’honneur et du devoir qui m’incombe de prêcher la parole de Melkor, Loué soit-Il, il est temps que je vous livre mes conclusions sur la piété des officiels de notre grand et noble royaume.

Je tiens d’abord à préciser que, conformément aux informations que vous m’aviez données avant mon départ, il m’apparaît clairement que mon prédécesseur n’était pas des plus orthodoxe dans sa vision de notre sainte religion. J’ai trouvé le temple bien démuni en terme de disciples et ceux-ci bien tolérants face à l’impiété des rares fidèles. A ma grande consternation, un seul esclave était sacrifié sur l’autel de Melkor, Loué soit-Il, lors de la grande cérémonie hebdomadaire. Les incantations incitant au retour du Noir Ennemi étaient, de plus, réduites à leur minimum.

Les deux premiers mois, je n’étais qu’un prêtre parmi tant d’autres au sein du temple et j’ai eu de nombreuses conversations avec mon prédécesseur qui m’ont permis de comprendre à quel point ce dernier s’était écarté du chemin de la foi véritable. Si, en son cœur, il restait un fervent croyant, il n’avait pas le courage de froisser l’aristocratie de la capitale.

Car tout le problème est là. J’ai pu me rendre compte de mes yeux que, si la Reine a déclaré le culte de notre bien-aimé Melkor, Loué soit-Il, religion d’état, rien n’est fait pour encourager les fidèles à la piété. Les conseillers de la Reine sont peu nombreux à être assidus et la Souveraine elle-même ne participe que rarement aux célébrations, encourageant par son exemple ses subordonnés à ne pas se plier aux fondements mêmes de la foi. Vous trouverez à la fin de cette missive une liste des conseillers qui nous sont fidèles et de ceux qui ne sont, de toute évidence, pas religieux. Plus grave encore, j’ai eu vent de cultes non autorisés qui se dérouleraient en privé chez certains nobles, qui suivraient encore les fausses religions qui gangrènent notre pays.

J’ai reçu votre précédente lettre me demandant de reprendre la direction du temple peu de temps après le départ de la Reine pour le Gondor. Afin d’expier pour son impiété, mon prédécesseur a été le premier sacrifié lors de la Grande Cérémonie. Tous les conseillers avaient été conviés et, rares sont ceux qui ne sont pas venus. J’ai tenu à leur rappeler leurs devoirs envers le Royaume et envers Son Guide Melkor, Loué soit-Il. Certains m’ont paru réceptifs à ce discours et d’autres non.

La Reine n’est pas encore revenue de son voyage mais j’entends bien lui demander audience à son retour afin de lui demander d’appuyer plus ouvertement l’enseignement du culte de Melkor, Loué soit-Il, à tous les fidèles de la capitale. J’ai bon espoir de voir une société plus pieuse à Blankânimad dans les mois à venir. Quoi qu’il en soit, je reste votre fidèle serviteur et ferai de mon mieux pour répandre la gloire de Melkor, Loué soit-Il.

Votre dévoué,

Alâgh


Les nouvelles étaient meilleures qu’il ne l’espérait mais il se doutait bien que tout dépendrait de l’attitude de la Reine lorsqu’elle reviendrait de son voyage diplomatique à l’Ouest. Le grand prêtre n’avait aucune confiance dans la soi-disant piété de Lyra. Elle n’avait déclaré le melkorisme religion d’état qu’en remerciement de l’aide fournie par les prêtres dans sa prise de pouvoir.

Cependant Jawaharlal se savait investi d’une mission divine qui transcendait les ambitions politiques quelles qu’elles soient. Il avait pourtant conscience que la Reine risquait d’être un frein à ses projets d’unification du dogme melkorite. Il était probable que Blankânimad ne rentre pas tout de suite dans le rang mais cela viendrait en temps et en heure. Une fois que le reste du pays serait fidèle à l’orthodoxie qu’il comptait bien installer dans les mois à venir, la capitale n’aurait d’autre choix que de suivre le mouvement.

Il devait pourtant s’avouer que les choses auraient été simplifiées si la Reine et ses conseillers montraient l’exemple à tous. Il étudia attentivement la liste des officiels de la capitale et fût atterré de voir qu’il comptait si peu d’alliés sûrs à Blankânimad. Sans surprise, le conseiller le plus pieux n’était autre que son neveu. Ce n’était pas pour lui faire plaisir qu’Alâgh l’avait placé en tête de liste car ce dernier, à l’instar de presque toute la capitale, ignorait leur lien de parenté. Oui, sans aucun doute, il avait au moins un allié en la personne d’Akko. Cependant il ne comprenait pas toujours l’attitude de son neveu et ses apparentes contradictions. Comme tous les autres, il était avant toute chose un politique. Autrement dit un homme de la Reine. Il valait mieux s’en tenir à son plan initial et garder la capitale pour plus tard.

Il s’empara de la deuxième lettre, où les attributs de Melkor se trouvaient dessus un dôme surmonté d’une coupole, le symbole du temple de Vieille-Tombe.

Citation :

A Jawaharlal, Grand Prêtre de la religion melkorite et représentant de Melkor en Terre du Milieu.

Monseigneur,

Conformément à vos attentes, j’ai pris en charge la direction du temple de Melkor, Loué soit Son glorieux nom, à Vieille-Tombe. Vous m’aviez prévenu qu’il ne serait pas aisé de détourner les fidèles de leurs fausses idoles et de les ramener dans le droit chemin mais je ne pensais pas trouver un tel niveau d’impiété dans la cité. Le temple est quasi-désert et même la Grande Cérémonie hebdomadaire n’attire que peu de fidèles. Il est évident que les habitants de la cité ont été corrompus par l’Ouest avec lequel ils commercent régulièrement, malgré que cela leur soit interdit.

Les marchands font la loi dans la ville et leur arrogance et leur irrespect envers le culte de Melkor, Loué soit-Il, sont sans limite. Aucun des rites traditionnels n’est célébré ici et, tout au plus, les habitants se contentent de quelques louanges approximatifs ici ou là. J’entends bien remettre de l’ordre dans la cité mais je crains qu’il ne faille davantage que des discours afin de faire prendre conscience à ces infidèles de l’erreur monumentale qu’ils font en rejetant la parole de notre bien-aimé Melkor, Loué soit Son nom.

Pour l’heure, j’ai remis les disciples dans le droit chemin et puisque la population ne daigne pas assister aux cérémonies, j’entends bien faire en sorte que la Divine Parole de Melkor, Loué soit-Il, aille jusqu’à eux. J’ai bien conscience que la formation des prêtres de l’Ogdâr prend du temps mais je vous demande, respectueusement, de les envoyer ici le plus vite possible. Leur soutien me sera indispensable afin de remettre les habitants dans le droit chemin et faire de Vieille-Tombe une cité où tous respecteront et craindront le nom du Noir Ennemi.

A jamais votre serviteur pour la gloire de Son Nom,

Khalibân


Jawaharlal resta pensif un long moment. Il se doutait bien que l’impiété menaçait les habitants de la grande cité de l’ouest du pays et c’est pour cette raison qu’il avait envoyé son serviteur le plus dévoué reprendre en main la situation. Khalibân avait été son second à Sharaman pendant plus de trois ans, une place qu’il avait amplement méritée même si son allégeance à Melkor était plus récente que celle de bons nombres de prêtres du Temple.

Même le Grand Prêtre ignorait ce qu’avait pu être la vie de son protégé avant qu’il ne rejoigne le Temple. Tout au plus ce dernier lui avait dit être un soldat dans sa précédente vie. Il était passé très près de la mort et avait fait le serment de dédier sa vie à Melkor, si ce dernier lui donnait la force de se relever et de détruire ses ennemis. Le Dieu Sombre avait accédé à ses prières et Khalibân était resté fidèle à sa promesse. Il avait été complètement défiguré à la suite de la bataille et personne, même Jawaharlal, n’avait jamais vu son visage.

Celui qui était désormais le Grand Prêtre du temple de Vieille-Tombe, avait récupéré les crânes de ses ennemis et les portait en guise de masque. L’effet en était très dérangeant et ceux qui assistaient à ses sermons en restaient souvent marqués par la conviction qui animait le disciple de Melkor. De tous ses fidèles, il était celui en qui Jawaharlal avait le plus confiance, celui dont la foi en Melkor était la plus pure. Il était dénué de toute ambition autre que celle de participer à la Gloire du Noir Ennemi. Il était aussi le seul au courant des grands projets que le Grand Prêtre de Sharaman avait mis en place.

Les Ogdâr-Sahn, ou prêtres de l’Odgâr, étaient un secret bien gardé même s'il serait bientôt temps de le dévoiler au monde. L’Ogdâr en lui-même était presque terminé et Jawaharlal comptait bien l’inaugurer d’ici à la fin du mois. Il ne lui restait plus que quelques détails à régler pour la cérémonie qu’il comptait donner à cette occasion. Il sonna une petite clochette et, presque aussitôt, un serviteur entra dans sa chambre.

- Fais venir le capitaine Durno. J’ai à lui parler.

#Jawaharlal #Durno
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