6 résultats trouvés pour Jawaharlal

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Sujet: L'heure des renoncements
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Temple Sharaman   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'heure des renoncements    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 11 Avr 2024 - 13:44
Le Temple de Sharaman s’éveilla au son des tambours, tandis que la foule des fidèles s’engageait lentement dans le ventre de la bête de pierre noire et nue, se laissant volontairement ingérer par l’estomac insatiable de Melkor, et l’ambition dévorante du Grand Prêtre Jawaharlal. Les fanatiques melkorites, venus par centaines pour cette occasion très spéciale, se bousculaient pour s’emparer des meilleures places, tandis que la noblesse de la Cité Noire baissait pudiquement la tête devant l’effigie du Dieu Sombre qui les accueillait – de crainte sans doute que le Vala déchu ne lût dans leurs regards le fond de leur pensée, et à quel point son pouvoir ténébreux les dégoûtait. Les hommes et les femmes rassemblés ici, de toutes conditions sociales, de toutes allégeances politiques, ployaient sous le poids du dogme et sous le joug imposé par les terrifiants prêtres de l’Ogdâr.

Ces derniers, silhouettes sombres encapuchonnées, accueillaient les visiteurs avec une mine sévère, inquisitrice. Ils étaient particulièrement reconnaissables, eux et leurs corps scarifiés, leurs yeux vides et leurs lèvres pincées de mépris. Leur autorité, de plus en plus grande à Albyor, en faisait les arbitres de la moralité publique, les juges de la foi, et les bourreaux des mécréants. Tous ceux qui n’avaient pas le courage de les regarder en face craignaient de passer pour suspects… Quant à ceux qui parvenaient à leur tenir tête, ils ne pouvaient s’empêcher de se demander si un tel défi aux représentants de Melkor ne reviendrait pas les hanter plus tard. Les zélotes, à l’inverse, se prosternaient devant ces émissaires du Grand Prêtre, leur chantant d’odieuses louanges.

++ Merci, seigneur-prêtre, pour votre lutte impitoyable contre l’hérésie. ++

++ Puissiez-vous faire couler le sang des ennemis de Melkor, jusqu’à Son retour. ++

++ Que notre Dieu veille sur votre mission, et que votre lame ne cesse de fendre la chair impie. ++

Les prêtres, satisfaits, leurs accordaient parfois un signe de tête appréciateur.

Les fidèles ronronnaient alors de plaisir et de crainte, rampant jusqu’au parterre d’où ils pourraient observer la cérémonie exceptionnelle à laquelle ils étaient conviés. Pour l’occasion, on leur avait réservé au moins la moitié de la grande salle des sacrifices, et des gradins avaient même été installés pour permettre à ceux qui se trouvaient le plus loin de voir le spectacle prévu par Jawaharlal. Cette foule compacte ne rentrerait pas en entier dans le Temple, et ceux qui étaient arrivés en retard se contenteraient d’assister aux sacrifices depuis le parvis, voire de chanter à la gloire de Melkor depuis les marches du Temple… Parmi ceux-là, on ne trouvait guère de fidèles absolus, plutôt des individus qu’on avait vivement encouragés à se rendre à la cérémonie, et qui s’accommodaient très bien de quelques chants collectifs qui leur épargnaient de voir la mort en face. Learamn, quant à lui, se tenait parmi les esclaves qui encadraient cette foule et se chargeaient de les installer convenablement. De là où il se trouvait, il pouvait assister à cet étrange ballet, à ces mille signes obséquieux et à ces mille petites résistances de la part de la population d’Albyor, dont le malaise était perceptible. En réalité, à l’exception d’un noyau dur de fanatique endoctrinés, nul ne se sentait réellement à son aise au sein du Temple. C’était d’ailleurs une sensation partagée par les Bakhshidan, qui surveillaient les entrées et les sorties avec attention, tout en patrouillant avec beaucoup plus de sérieux que d’ordinaire. Le nombre de visiteurs posait un véritable défi en termes de sécurité, et leurs effectifs étaient dispersés : le Grand Prêtre comptait davantage sur leur apparence et sur le poids de leur aura mystique, que sur leur force brute.

Après tout, il était invincible, ici dans son sanctuaire, entouré par ses troupes et ses fidèles.

Une quinzaine de Pardonnés était placée de chaque côté des immenses portes qui gardaient l’entrée du Temple, tandis que plusieurs dizaines occupaient les coursives latérales, surveillant les points d’accès qui conduisaient ensuite dans le reste du Temple. Enfin, le gros de la troupe se trouvait parsemé entre la foule et l’autel sacrificiel, dissuadant quiconque de quitter son rang et de chercher à interrompre la cérémonie. Certains d’entre eux, Learamn en était conscient désormais, scrutaient la foule en espérant l’apercevoir. Le maintien des apparences comptait beaucoup pour les Melkorites, dont la puissance se fondait en grande partie sur la violence brutale qu’ils affichaient publiquement. Toutefois, s’ils avaient la possibilité d’intervenir violemment au milieu de la cérémonie pour arrêter un ennemi de la foi, ils ne se priveraient pas de le faire.

La chance de Learamn, pour l’heure, était que sa description physique ne permettait pas aux gardes de le retrouver aisément.

L’avertissement de Nomi avait été salutaire de ce point de vue, car au beau milieu de la nuit, les gardes avaient débarqué parmi les esclaves, et avaient retourné les chambres à la recherche d’un « esclave Lossoth de grande valeur », qu’ils ne pouvaient trouver qu’en isolant les esclaves dans leurs quartiers, et en opérant une recherche méthodique. Il leur avait fallu plus d’une heure et un interrogatoire musclé pour se rendre compte que leur cible s’était bel et bien évanouie, et qu’ils ne pouvaient pas la pourchasser à la veille d’une cérémonie cruciale pour leur maître. Il fallait dire que rechercher un Tatoué parmi les serviteurs du Temple de Sharaman revenait à essayer de trouver une femme dans un harem, ou un idiot à l’Ouest de l’Anduin. La colère des Bakhshidan et leurs menaces n’avaient rien changé à l’affaire et, pris par le temps et l’obligation de sauver les apparences, ils avaient été contraints de laisser le flot d’esclaves rejoindre leurs rangs pour remplir leurs devoirs.

Nomi avait soupiré de soulagement.

Mais elle ignorait tout de ce qui se tramait en réalité.

Learamn s’était glissé subrepticement parmi les esclaves affectés aux zélotes, et avait emboîté le pas de ses compagnons, psalmodiant en rythme en répétant machinalement des paroles dont il ne connaissait pas vraiment le sens, mais qui lui auraient sans doute valu la condamnation sévère de tous ceux qu’il connaissait dans sa vie antérieure. Cependant, il n’était pas le seul à répéter ces incantations sans y croire. Autour de lui, aucun esclave n’était un melkorite convaincu, évidemment, mais tous savaient qu’il valait mieux jouer son rôle avec conviction, pour éviter de franchir la barrière et de se retrouver parmi les sacrifiés… Alors, à mesure que les fanatiques remplissaient l’espace qui leur était affecté, ils chantaient de plus en plus fort, faisant enfler les prières à Melkor jusqu’à ce que leurs chants semblassent recouvrir le chaos et le bruit des conversations.

++ Plus fort ! ++ Cria le chef des esclaves à l’attention de ses troupes. ++ Le Grand Prêtre a exigé que nous soyons entendus par Melkor en personne ! ++

Ils redoublèrent d’ardeur, et les zélotes se laissèrent emporter par cette litanie.

Bientôt, Learamn se retrouva encerclé par la foule, coupé de la porte principale par des centaines d’individus qui avaient les yeux rivés vers le balcon immense où se rassemblaient les dignitaires de la cité. Les tentures immenses, que Nomi et ses compagnons avaient participé à installer, conféraient une aura grandiose et magnifique à cette loge qui semblait s’élever au milieu des ténèbres. Les symboles cryptiques, tissés finement, formaient des entrelacs malsains qui captivaient l’âme au point de ne plus pouvoir s’en détourner. Cette simple lecture avait le pouvoir de rendre totalement fou, et plusieurs aristocrates firent en sorte de ne pas les observer pour ne pas se laisser happer par ces signes et ces mots horribles. La noirceur la plus absolue se dégageait de ces inscriptions, comme du moindre détail de la salle des sacrifices.

Tout à coup, venu de nulle part, le silence s’imposa progressivement dans l’assistance, à grands renforts de « chut » et de coups de coude. On pointa du doigt le balcon, où se dressait une figure solitaire, vêtue d’une tenue cérémonielle splendide, d’un rouge profond rehaussé de fils d’or. Nul héraut n’avait annoncé sa venue, nul tambour de guerre n’avait célébré son entrée en scène. Pourtant, il était là, superbe et terrible à la fois, toisant l’assistance avec ce même regard enflammé qu’il avait à chaque fois. Ses adorateurs se prosternèrent longuement, et bientôt on n’entendit plus un souffle dans la salle, dans l’attente des annonces du Grand Prêtre.


Jawaharlal savait ménager ses entrées.

++ Melkor soit loué ! ++

++ Loué soit-il ! ++

La répétition permettait d’ancrer la foi dans les esprits faibles. Le bâton qu’il tenait dans la main frappa brusquement le sol, renvoyant un écho prodigieux dans toute la salle, alors qu’il répétait :

++ Melkor soit loué !!! ++

++ LOUÉ SOIT-IL !!! ++

La foule se mit alors à applaudir en tempête, à rugir, à pousser des hurlements sauvages. Les zélotes, en extase, tremblaient d’excitation en voyant leur maître comme des roquets aboyant au passage de celui qui leur jetait un peu de nourriture. Un peu de chair humaine. Jawaharlal s’en délecta pendant un moment, avant d’apaiser la clameur populaire d’un simple mouvement de la main.

++ Gloire aux fidèles de Melkor, qui adorent Son nom ! Gloire aux fidèles de Melkor qui entendent Sa volonté. Gloire à ceux qui, aspirant au retour de notre maître, sont rassemblés ici pour célébrer Son triomphe prochain. Gloire ! ++

++ Gloire ! ++

Jawaharlal reprit :

++ Gloire !!! ++

++ GLOIRE !!! ++

Les applaudissements reprirent, puis se calmèrent, comme une vague humaine que le héraut de Melkor contrôlait à volonté. L’idée qu’il pût commander aux Hommes avec une telle aisance était terrifiant. Encore une fois, tout était pensé pour faire la démonstration du pouvoir de Jawaharlal sur les âmes des vivants. Le tout était très efficace, car les bonnes gens de la Cité Noire observaient ce spectacle avec un mélange de fascination, de consternation et de résignation.

++ Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui pour une cérémonie exceptionnelle… pour démontrer notre foi et notre résolution, pour réaffirmer notre détermination de tous les instants à combattre ceux qui s’opposent à notre dieu. Nos ennemis sont plus nombreux que vous l’imaginez… Ils nous observent, ils nous scrutent, ils nous jaugent en permanence. Et aujourd’hui, hélas, ils nous croient faibles, vulnérables. Ils cherchent à tuer la foi dans nos cœurs et nos chairs. Ils se tapissent parmi nous, ici-même, sous le visage d’un proche, d’un ami, d’un serviteur… Mort aux ennemis de Melkor ! Mort aux ennemis du Rhûn ! ++

++ MORT AUX ENNEMIS DE MELKOR !!! MORT AUX ENNEMIS DU RHÛN !!! ++

La foule bourdonnait de rage à peine contenue. Les sermons du Grand Prêtre soulignaient souvent la présence d’ennemis invisibles, d’une menace diffuse mais existentielle, qui devait être combattue par la foi la plus orthodoxe et par la dévotion la plus extrême. Toutefois, c’était bien la première fois qu’il faisait référence à cette menace de manière aussi précise. Nombreux furent ceux qui, par réflexe, regardèrent autour d’eux à la recherche d’un signe d’impiété dans les yeux de leurs voisins… Le malaise était palpable, la tension était à son comble. Les fanatiques, électrisés par ce discours, semblaient prêts à massacrer n’importe quelle personne que leur désignerait Jawaharlal. Ils avaient été conditionnés pour haïr depuis si longtemps que le destinataire de cette haine importait peu. Ils dévoreraient vivant celui qu’on leur offrirait en sacrifice, si le Grand Prêtre le leur commandait. Ce dernier, qui en était parfaitement conscient, leur réservait un plat de résistance auquel ils ne s’attendaient certainement pas.

++ Aujourd’hui, cependant, notre Temple est fort. Notre résolution est forte. Notre bras est fort. Nul ne peut se dresser sur la route de Melkor, notre maître. S’il est des ennemis de la foi, qu’ils constatent ici même notre unité, qu’ils mesurent notre puissance ! Nous jouissons même de la protection et du soutien du Gouverneur d’Albyor, qui nous honore par sa présence. Gloire au Gouverneur Hagan ! ++

++ Gloire ! ++

Une silhouette fit son apparition aux côtés de Jawaharlal, mais alors que les zélotes se mettaient à applaudir avec chaleur, les nobles de la cité et Learamn ne purent manquer d’afficher leur surprise. Il fallut un moment au reste de l’assistance pour comprendre la situation, puis le nom du nouveau gouverneur circula progressivement dans les rangs, comme un murmure, comme une rumeur courant sur les ailes d’une brise printanière. L’homme en question était certainement un Hagan, mais il ne s’agissait assurément pas du gouverneur Demior Hagan… Ce n’était pas l’homme que Learamn avait rencontré, et qui l’avait accueilli au sein de son palais. Un homme certes dépassé par la montée en puissance des Melkorites, mais qui n’aurait jamais de son plein gré participé à un spectacle d’une telle tristesse, et qui ne se serait pas compromis en s’affichant publiquement aux côtés de Jawaharlal pour légitimer son ascension fulgurante. En lieu et place, se trouvait quelqu’un de plus jeune, qui s’appuyait lourdement sur une canne métallique dont il avait besoin pour se déplacer convenablement. Un individu que Learamn avait déjà croisé, plusieurs semaines auparavant, au sein du Palais du Gouverneur.

Nixha Hagan, le fils et héritier de son père.

Ce dernier jeta un regard indéchiffrable en contrebas, observant l’assistance qui se partageait entre des citadins qui le célébraient comme un allié providentiel qui se joignait librement à leur cause, et des aristocrates qui le voyaient sans doute comme un traître et un usurpateur… En observant la foule qui s’agitait, ses yeux s’illuminèrent brièvement. Pouvait-on y déceler une pointe de peur ? Ou n’était-ce qu’une illusion ? Nixha ne fut pas convié à prendre la parole. C’était l’heure du Grand Prêtre, et il ne partageait ce moment avec personne d’autre. Sitôt qu’il eût rempli son rôle, Nixha s’assit lourdement sur l’immense trône stylisé que Jawaharlal avait fait sculpter et installer pour lui, ses épaules se calant entre les griffes de l’immense créature au réalisme saisissant qui semblait veiller sur lui… ou le surveiller.

Il soupira légèrement, et tourna la tête vers la femme qui se tenait de l’autre côté de Jawaharlal.

Une femme à la beauté froide, et aux yeux tristes, qui observait la scène avec gravité. Elle dut sentir son regard, car elle tourna la tête vers lui en retour. A ce moment précis, il comprit qu’elle aussi devait jouer un rôle auprès du Grand Prêtre, et qu’elle n’était qu’un pion au service d’ambitions bien plus importantes qu’ils ne pouvaient le concevoir. Nixha déglutit difficilement.

++ Fidèles de Melkor, fils du Rhûn… Inclinez-vous devant le gouverneur Hagan, soutien indéfectible de notre religion, gardien de la foi, bouclier du peuple ! ++

La question qui était sur toutes les lèvres, et dans tous les esprits, ne resta pas longtemps sans réponse. Écartant grand les bras, en poussant un long rugissement de colère, Jawaharlal poursuivit :

++ Et voici venir l’heure du jugement pour ceux qui se dressent devant Son autorité et Sa volonté. Mort aux ennemis de Melkor ! Mort aux ennemis du Rhûn ! ++

++ MORT !!! ++

La porte qui se trouvait sous l’alcôve de Jawaharlal, et de laquelle avaient surgi les Bakhshidan quelques jours plus tôt, s’ouvrit cette fois sur un spectacle bien plus triste et pathétique. Demior Hagan, hagard et visiblement amoindri par les sévices endurés, fut traîné pieds et poings liés jusqu’à l’autel sacrificiel qui occupait le centre de la pièce, par des prêtres de l’Ogdâr. On entendit, même parmi les zélotes, des hoquets de surprise alors que le représentant de l’autorité de la reine à Albyor était conduit vers son destin, et un verdict qui ne surprendrait personne. Ce tour de force était extraordinaire, car nul n’avait eu vent d’une destitution du gouverneur, et nul ne savait comment s’était déroulée cette transition. Il était cependant évident que Jawaharlal avait utilisé son autorité religieuse pour évincer un allié de Lyra, ce qui en disait long sur l’influence qu’il avait gagnée ces dernières années.

Parmi les Ogdâr-Sahn, un homme se distinguait par sa tenue plus richement décorée. Il s’agissait du Père Supérieur, un éminent personnage du Temple de Sharaman, qui n’officiait que très rarement, mais qui comptait parmi les plus proches de Jawaharlal. Sa présence conférait au jugement une solennité rare. Il prit la parole, avec emphase :

++ Demior Khamlal Hagan ! Confessez-vous vos crimes contre Melkor ? ++

L’intéressé parcourut l’assemblée du regard. Ses yeux se posèrent sur les nobles absolument sidérés, pétrifiés d’effroi devant ce qu’ils comprenaient comme étant un tournant décisif dans la vie politique de la Cité Noire. Si le gouverneur en personne pouvait être jugé par le tribunal de Jawaharlal, alors personne n’était à l’abri. Et eux, rassemblés au sein de la demeure de Melkor, étaient pour l’heure prisonniers de la volonté du Grand Prêtre et de sa garde de Pardonnés qui les surveillaient étroitement.

++ Je… ++

++ Ne confessez rien, gouverneur ! ++ Cria quelqu’un.

Ce fut une jeune femme de l’aristocratie locale qui trouva le courage de briser le silence. De là où il se trouvait, Learamn put voir l’agitation que provoqua sa soudaine intervention, la bousculade qui s’en suivit se répercutant jusqu’à l’autre bout de l’immense salle du Temple de Sharaman. Les Bakhshidan convergèrent vers elle comme des vautours, et se saisirent de ses bras fins et graciles, l’arrachant de force à l’étreinte de sa mère éplorée qui tenta tout pour la retenir.

++ Prenez-moi à sa place ! Prenez-moi, je vous en prie… ++

++ Prenez-la également, puisqu’elle insiste ! ++ Gronda le Père Supérieur, cynique. ++ Dénoncez-vous, ennemis de la foi ! Dénoncez-vous, et soumettez-vous au châtiment de Melkor ! ++

Le coup de force du Grand Prêtre était total, et pour la première fois depuis qu’il avait revitalisé le culte du dieu sombre, il affrontait publiquement et frontalement les élites de la Cité Noire. Une quinzaine de nobles se rebellèrent franchement, protestant avec véhémence contre ce qu’ils considéraient comme un abus de pouvoir. Ils furent promptement arrêtés par les gardes du Temple, qui n’eurent aucun mal à venir à bout de cette maigre résistance. De toute évidence, Jawaharlal était prêt à décapiter toute la noblesse de la ville si elle ne lui prêtait pas un serment d’allégeance absolu en cautionnant pleinement la mise à mort de leur seigneur, celui à qui elle avait pourtant juré fidélité…

Ces patriciens avaient été habitués progressivement à accepter l’inacceptable, à endurer l’impossible, mais surtout à se rendre en pèlerinage vers le Temple de Sharaman sans armes pour se placer temporairement sous l’autorité d’un homme et d’une foi qui refermaient désormais leurs griffes immondes sur leurs gorges haletantes. Outre les quinze braves qui osèrent défier l’autorité de Melkor publiquement, les autres demeurèrent figés dans un silence préoccupé, essayant de se persuader que la puissance d’un dieu ne pouvait pas être combattue par des moyens humains, ou de se convaincre que l’heure de la rébellion viendrait plus tard, et qu’il fallait avant tout survivre pour échapper à l’emprise de Jawaharlal.

Vœux pieux.

En réalité, ils renoncèrent tous aux principes moraux, aux promesses et aux valeurs qui étaient les leurs. Terrifiés, écrasés par l’aura mystique du lieu, par les cycles de violence auxquels ils avaient été habitués, et par le désespoir que Jawaharlal avait réussi à insuffler en eux semaine après semaine, jour après jour, ils ne parvinrent pas à trouver le courage de prendre la parole pour s’indigner ce la situation. À quoi bon ? Leur silence, étouffant, oppressant, répondait aux invectives des zélotes qui hurlaient des insultes et des menaces aux opposants de la foi, qui furent bientôt conduits sur l’autel sacrificiel. Lorsque le calme revint, et que les rebelles furent maîtrisés et ligotés à leur tour, le prêtre de l’Ogdâr demanda le silence et reprit comme si rien ne s’était passé :

++ Demior Khamlal Hagan. Confessez-vous vos crimes contre Melkor ? ++

L’ancien gouverneur, anéanti par ce qu’il voyait, répondit machinalement :

++ Je confesse… ++

++ Implorez-vous Son pardon ? ++

++ Je l’implore… ++

Le prêtre sourit, étirant les minces cicatrices qui parcouraient l’entièreté de son visage parcheminé, lui donnant l’air d’une bête portant un masque de chair humaine.

++ Vous serez donc épargné. Melkor sait être miséricordieux avec ceux qui se repentent, et qui se vouent à Lui. Demior Khamlal Hagan, obtenez le pardon de Melkor, devenez membre de l’Ogdâr, accomplissez Sa volonté ! ++

En disant cela, il tendit sa lame au gouverneur, et d’un signe de tête lui indiqua les quinze prisonniers qui avaient défié l’autorité d’un dieu et d’une foule fanatique pour lui. Le message était clair… S’il souhaitait obtenir le pardon de la créature la plus terrible et la plus violente d’Arda, il lui faudrait accomplir l’inimaginable, le plus grand des sacrifices, la plus douloureuse des trahisons…


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Huru jeta un regard en contrebas, incapable de croire qu’ils venaient vraiment d’y arriver. La traversée du vide, suspendu à une simple corde tendue, avait probablement été l’expérience la plus terrifiante de toute son existence, d’autant qu’il n’avait pas respecté les consignes de ses compagnons, et qu’il avait regardé en bas. Ses yeux avaient soudainement perdu le sens de la réalité, alors qu’ils plongeaient dans les ténèbres d’un gouffre à la profondeur inimaginable, lui donnant pour la première fois de son existence une sensation de vertige totalement incontrôlable.

Il n’avait cessé de trembler que dix bonnes minutes après avoir remis le pied sur terre, alors que les autres assassins achevaient eux aussi leur traversée, tout aussi éprouvés que lui.

++ Tout le monde est là ? ++ Demanda-t-il enfin.

On lui répondit par quelques grognements. Personne ne manquait à l’appel. C’était déjà un petit miracle en soi. Ils avaient cru qu’ils ne parviendraient jamais tous ensemble à destination, quand l’ascension du col qui surplombait le Temple de Sharaman s’était transformée en un véritable parcours du combattant, deux jours auparavant, à cause des vents infernaux qui s’étaient mis à tourbillonner en tempête sur leur passage. Leur matériel de piètre qualité avait été mis à rude épreuve, et leurs épées avaient souvent servi de piolets pour affronter les derniers mètres. Leurs nerfs et leurs corps, testés par les éléments déchaînés, avaient failli céder à de nombreuses reprises, mais ils avaient tenu bon, puisant dans des réserves qu’ils ne soupçonnaient même pas avoir. Puis, il avait fallu trouver comment redescendre de l’autre côté, pour se rapprocher du Temple, et finalement ils avaient mis huit heures à s’accorder sur une solution viable pour affronter le précipice qui séparait l’éperon rocheux sur lequel ils avaient atterri, et le Temple.

Une dizaine de mètres à franchir au-dessus du vide.

Sans filet.

La solution était venue de Fall, et de son ingéniosité extraordinaire, comme souvent. Elle avait eu l’idée de fabriquer une corde en nouant tout ce qu’ils avaient pu réunir : leurs vêtements, leurs ceintures, les moindres morceaux de corde qu’ils avaient à leur disposition, et de les lancer inlassablement à travers le gouffre jusqu’à atteindre l’autre extrémité et une prise sûre. Ils avaient lancé cette fichue ligne de vie des centaines de fois, se relayant pour reposer leurs bras fourbus, tandis que le désespoir les gagnait peu à peu.

Le plan, totalement fou, avait pourtant fonctionné.

La corde s’était enroulée autour d’une aspérité à peine visible, qui leur avait redonné du baume au cœur.

Après le soulagement, il avait fallu de la bravoure. Fall, la plus légère, s’était aventurée en premier, et avait brillamment réussi la traversée, émergeant de l’autre côté presque nue, gelée, tétanisée, mais résolue à trouver un moyen de faciliter le passage à ses compagnons plus lourds. A quelques heures seulement de la cérémonie sanglante, elle avait profité de l’agitation extraordinaire dans les niveaux inférieurs pour se faufiler au sein de la résidence de Melkor, et y dérober de quoi nourrir ses ambitions. Une bure simple qui convenait à une vulgaire esclave, et autant de cordes qu’elle pouvait en porter sans éveiller les soupçons. A l’heure où toute l’attention du Grand Prêtre était focalisée sur les grandes portes qui accueillaient ses ouailles, la jeune femme avait détalé comme une souris, transcendée à l’idée d’avoir pu pénétrer et ressortir vivante du Temple.

Un tel exploit était donc possible.

Huru avait écouté son récit d’une oreille attentive.

++ Et tu dis qu’il nous serait possible d’approcher le Grand Prêtre ? ++

++ Ce ne sera pas facile, mais je pense que oui. Le balcon sur lequel il se trouve est bien gardé, mais si nous pouvions créer une diversion en bas… N’importe quoi qui attirerait l’attention des gardes et nous permettrait de nous faufiler… Il me suffirait d’une seule chance, Huru. Une seule, et tu sais que je pourrais mettre fin à la vie de ce salopard… ++

Il hocha la tête, en lui passant une main dans les cheveux. Une seule occasion, c’était effectivement tout ce dont ils avaient besoin, mais pour cela il leur fallait réussir à créer assez de grabuge ailleurs dans le Temple. Restait à savoir comment.

++ Ton ami nous serait bien utile. Tu ne sais pas où il se trouve ? ++

++ Non. Mais je sais pouvoir le reconnaître si je le vois. Fall, si tu me fais entrer dans le Temple, je te promets la plus belle diversion qui soit. ++

Elle sourit.

Cette journée serait mémorable, d’une manière ou d’une autre.


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Demior Hagan, couteau en main, semblait perdu. Il jeta un regard hébété vers Jawaharlal, puis vers son fils qui semblait déchiré par un intense conflit intérieur… Cette mascarade était-elle la dernière tentative de Nixha pour sauver son père ? Ou bien le jeu malsain du Grand Prêtre, tortionnaire professionnel, soucieux de raffermir son autorité tout en tirant de la situation une jouissance sadique ? Hagan sentit des larmes couler sur ses joues… Parmi les patriciens qui le regardaient, impuissants, il y avait des gens qu’il considérait comme des amis, des individus qui avaient partagé sa table, ri à ses plaisanteries, échangé sur l’avenir du monde. Il se souvenait de leur enthousiasme, de leur belle allure, de leur courage.

Où était passée la noblesse d’Albyor ?

Beaucoup n’osaient plus le regarder dans les yeux, maintenant que la vie lui était promise, incapables de vivre avec la honte de n’avoir pas su, au moment fatidique, se positionner en faveur d’un ami plutôt que de choisir le camp de la peur. Pourtant, Hagan ne les regardait pas avec sévérité. Il ne les condamnait même pas. Lui-même n’aurait-il pas agi ainsi pour protéger son fils unique ? N’aurait-il pas, lui aussi, courbé l’échine devant Jawaharlal pour s’épargner de devoir assister à la mort de Nixha aux mains de l’Ogdâr ? Ne l’avait-il pas déjà fait, dans un sens ? Son regard balaya le reste de l’assistance, les zélotes surexcités, qui l’encourageaient à passer à l’acte, à commettre le pire des massacres, et à s’immerger pleinement dans la folie.

Ses yeux passèrent sur Learamn, sans le reconnaître, l’assimilant sans doute à l’un de ces esclaves passifs, tristes spectateurs des déboires de leurs maîtres, se réjouissant sans doute de voir le chaos s’emparer pour une fois des élites de la ville. Cet anonymat était peut-être préférable pour l’ancien officier du Rohan… qu’aurait pensé Hagan en le voyant ainsi grimé, dans les rangs des fanatiques melkorites les plus radicaux ? Peut-être aurait-il pensé que toute résistance à Melkor était vaine, et qu’il valait mieux renoncer à combattre la marée montante, et embrasser le flux et le reflux de la foi mortifère en laquelle croyait Jawaharlal.

Anonyme, pourtant, Learamn ne l’était pas totalement.

Un objet lourd tomba dans la poche de sa bure informe. Un poignard à la lame affûtée, et au manche lissé par l’usage. Dans le même temps, quelques paroles glissées à son oreille firent fondre son sentiment de profonde solitude.

- Pour Kayemba.

Cette voix, familière.

En se retournant, Learamn eut à peine le temps de voir l’énigmatique sourire d’un homme à la peau sombre, se laissant absorber par la masse des fidèles. Un compagnon d’aventure qui lui avait fait confiance aveuglément, au point de le suivre dans une entreprise folle, le conduisant dans les tréfonds du Temple de Sharaman. Huru avait tenu parole, et contre vents et marées, contre toute logique et tout esprit d’auto-préservation, il avait plongé au cœur de la fournaise dans l’espoir de détruire le mal qui grandissait ici.

Aujourd’hui, c’était à Learamn de lui faire confiance sans réserve.

Le fils de Kayemba s’éloigna quelque peu, se déplaçant avec une aisance peu commune dans cette foule agitée, et qui semblait sur le point d’imploser. Learamn l’avait déjà vu faire, chez les esclaves infortunés d’Albyor. Cette fois, cependant, il ne cherchait pas à esquiver les coups ou à courber l’échine… il incarnait la juste vengeance du peuple asservi et opprimé de la Cité Noire. Dans ses yeux, on pouvait déceler l’excitation fébrile qui précédait généralement le début des hostilités. L’ambiance électrique, la violence à peine contenue et la folie réelle des zélotes faisaient de cette masse inhumaine une puissance sauvage et redoutable que le Grand Prêtre maniait avec brio lors de ses discours enflammés, mais également une force instable et volatile qui menaçait de s’emporter à la moindre sollicitation. Les accusations permanentes de Jawaharlal, les complots qu’il agitait régulièrement pour garder ses chiens de chasse sur la piste de ses ennemis réels, pouvaient être retournés contre lui.

Il suffisait d’une étincelle.

Une étincelle appelée Liberté.

Un corps s’effondra brusquement dans l’assistance, vers les derniers rangs, en poussant un long cri de souffrance qui se mua progressivement en un râle douloureux.

++ À l’aide ! ++ Cria une voix puissante. ++ À l’aide ! Les Bakhshidan nous attaquent ! ++

Huru tenait entre ses mains le cadavre d’un jeune homme, qui ne devait pas avoir plus d’une vingtaine d’années. Sa main était refermée sur une plaie béante qui s’ouvrait au milieu de son abdomen, et de laquelle s’écoulait un sang bouillonnant dont l’esclave était désormais couvert lui aussi. Il se redressa brusquement alors que les Pardonnés du Grand Prêtre s’avançaient vers lui, feignant à merveille la crainte et la panique. Alors que la foule abasourdie se retournait pour trouver l’origine de ce cri, le fils de Kayemba leva haut son bras recouvert du sang d’un melkorite, suscitant l’effroi de la part des zélotes autour de lui.

++ Traîtres ! Traîtres à Melkor ! Au secours ! Les Bakhshidan en veulent au Grand Prêtre ! ++

Pendant un instant, la sidération l’emporta sur la panique. Pendant un bref instant, Huru se demanda si la raison ne l’emporterait pas sur la folie de cette foule chauffée à blanc par les paroles de Jawaharlal, mais qui lui demeurait pourtant totalement fidèle. Un instant suspendu, où la goutte d’eau qui menaçait de faire déborder le vase de colère refusait de céder à la gravité et d’entamer sa chute inexorable…

Une seconde.

Puis il y eut un cri de femme, non loin. Huru ne sut s’il s’agissait simplement d’une adoratrice du dieu sombre cédant à la terreur, ou si son allié du Rohan avait joué un rôle de son côté. Quoi qu’il en fût, la foule se mit soudainement à gronder contre les gardes de Melkor, et plusieurs hommes s’avancèrent férocement pour injurier et menacer les Bakhshidan, dont beaucoup – Huru et Learamn s’en rendirent compte à ce moment précis – ne parlaient pas assez bien la langue du Rhûn pour gérer ce genre de situations tendues. Il suffit d’une bousculade, d’un homme qui se sentit tout à coup menacé, d’une lame sortie, et la situation bascula en une fraction de seconde. Avant que Jawaharlal eût trouvé comment calmer les membres de sa secte sinistre, une demi-douzaine de zélotes avaient mordu la poussière, tandis que les autres, acculés et terrifiés, se préparaient à un combat à mort contre ceux qu’ils estimaient responsables d’un véritable coup d’État.

Les rugissements et les hurlements couvraient les paroles du Grand Prêtre, qui s’époumonait du haut de son balcon, totalement inaudible. Le chaos se répandit parmi les zélotes, qui dévalèrent l’estrade pour confronter les Pardonnés, et tenter de les neutraliser. Plus ces derniers tentaient de maintenir l’ordre, plus ils suscitaient la colère et la méfiance. Les aristocrates, terrorisés par ce mouvement de foule, tentèrent de s’éloigner, ce qui déclencha à l’autre bout de la salle une vague de panique. La cérémonie sanglante de Jawaharlal tournait au fiasco, et le Père Supérieur sur son autel avait beau hurler des ordres et des appels au calme, lui et ses prêtres n’en menaient pas large face à la furie populaire.

Il ne comprit que trop tard son erreur, lorsqu’une lame effilée transperça sa cage thoracique et se planta profondément dans sa poitrine. Ses yeux écarquillés plongèrent un instant dans ceux de Demior Hagan, qui rugit par-dessus le vacarme :

++ Bakhshidan, avec moi ! ++

Ceux qui doutaient encore de la culpabilité des Pardonnés furent soudainement saisis, et se jetèrent furieusement contre les gardes. Hagan, qui avait parfaitement compris ce qui se jouait ici, espérait qu’en retournant les Melkorites les uns contre les autres, il pourrait trouver un moyen de s’échapper.

La diversion était parfaite.

Encore fallait-il y survivre.

Huru et Learamn n’avaient que peu de temps pour agir. Ils bataillèrent des coudes et des épaules pour se retrouver au milieu du chaos, avant de mener la charge en compagnie d’une cinquantaine d’adorateurs vers deux gardes totalement dépassés qui battirent en retraite pour ne pas se retrouver totalement encerclés. Laissant là les hommes qui ne servaient à rien, les deux conjurés échappèrent à la vigilance des Bakhshidan et se faufilèrent dans les coursives du Temple, s’extirpant brutalement du bruit et de la fureur. Ils se regardèrent avec un brin de surprise, puis Huru éclata de rire, et ils échangèrent une étreinte fraternelle, encore hébétés par ce qui venait de se produire sous leurs yeux :

- Comment ? Demanda Huru. Comment avez-vous fait ?

Il n’en revenait tout simplement pas. Il avait toujours cru dans son compagnon d’infortune, bien entendu, mais le voir en chair et en os, bien vivant au milieu du Temple, avait été une véritable claque… Cela signifiait qu’ils avaient des chances de réussir. Le plan des esclaves était en marche, toutefois, et les retrouvailles devraient attendre. Huru disposait d’un poignard, qu’il garda pour lui, et d’une épée courte qu’il donna bien volontiers à Learamn. Il sentait que l’homme en ferait meilleur usage lorsqu’ils devraient s’en servir.

- Nous avons joué notre rôle ici, nous devons maintenant essayer de gagner les niveaux supérieurs. Les autres doivent être aux prises avec les troupes de Jawaharlal, à l’heure qu’il est. Comment pouvons-nous les aider ? Connaissez-vous un chemin ?

Rallier le balcon de Jawaharlal ne serait pas chose aisée, mais puisqu’ils se retrouvaient derrière les lignes des gardes du Temple, ils avaient un mince avantage qu’ils pouvaient mettre à profit. Ils devaient encore monter plusieurs étages, qui seraient immanquablement gardés, et se frayer un chemin sanglant à travers les prêtres qui couraient en tous sens, et qui donneraient l’alarme s’ils voyaient deux esclaves armés circuler dans les couloirs. Ensuite, il leur faudrait affronter les gardes du Grand Prêtre, qui avaient l’avantage de porter des armures complètes et des armes de bien meilleure facture que celles dont ils disposaient…

La mission était tout bonnement impossible.

- Ils arrivent, souffla Huru en désignant deux silhouettes qui approchaient en face d’eux.

Les deux premiers adversaires sur la route de la victoire.
Sujet: Pardonne-nous nos offenses
Ryad Assad

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Rechercher dans: La Ville Haute   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Pardonne-nous nos offenses    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 29 Oct 2020 - 13:45
La suite de Fendre l'armure
___________



Dix ans plus tard.


Les yeux de Learamn avaient perdu l’habitude de voir la lumière, brûlante et aveuglante. Les bruits du dehors lui semblaient étouffés. Il n’entendait plus de l’oreille droite. Seule la respiration bruyante du garde sur sa gauche lui rappelait la réalité douloureuse… peut-être davantage que son corps meurtri, soigneusement passé à tabac, privé de nourriture et de sommeil pendant si longtemps qu’il en avait perdu le compte. Il lui manquait les cinq doigts d’une main. Son geôlier lui avait dit qu’il se les était rongés, plutôt que de mourir de faim. Les plaies sur son corps, pour la plupart infectées et purulentes, dégageaient une odeur insoutenable, en particulier ses pieds. Ils avaient été lacérés, et le prisonnier abandonnait des lambeaux de chair alors qu’ils trainaient sur le sol tandis qu’on le conduisait à travers un dédale de couloirs.

Le sang derrière sa tête, devenu sec, se craquelait progressivement.

Si ses dents n’avaient pas été déchaussées par un couteau chauffé à blanc quelques années plus tôt, il aurait probablement pu les serrer quand il sentit le choc de la douche glacée que lui imposa un garde armé d’un seau. L’intéressé ne fit aucun commentaire et s’écarta bientôt, permettant à Learamn de poursuivre son trajet, tremblant, gelé jusqu’aux os, semant sur son passage les parties de son corps dont il n’avait plus l’usage. Un de ses orteils, qu’il avait commencé à ronger plus tôt, se détacha et disparut dans les ténèbres. Une odeur d’encens le prit soudainement à la gorge, l’empêchant pendant un bref instant d’avoir conscience de sa propre puanteur.

Il était un cadavre en sursis, attendant patiemment de recevoir la mort.

L’ultime présent.

Le soleil brillait de mille feux, et lui déchirait la rétine, l’empêchant de voir à un mètre. On le força à s’agenouiller, et ses pauvres os manquèrent de se briser en heurtant le sol de pierre. Les gardes le maintenaient par les épaules, tirant sur son crâne rasé pour maintenir sa tête droite et le forcer à regarder son interlocuteur, dont l’identité ne faisait pas le moindre doute. Grand, bien bâti, il avait des traits curieusement familiers. On aurait dit un homme du Rohan, jeune et vigoureux, mais avec un regard noir comme les ténèbres… noir comme le cœur de Melkor lui-même. Il toisait Learamn de toute sa hauteur, et s’adressa à lui dans une langue qu’il ne comprenait pas. Les mots le frappaient comme des coups de ceinture, mais il n’était pas autorisé à se rouler en boule pour s’en protéger.

L’homme s’approcha.

Il exigeait une réponse.

Coups et larmes plurent de plus belle. Learamn sombra dans l’inconscience, s’abandonnant à la nuit, de laquelle il fut encore arraché avant la fin des temps. De nouvelles plaies étaient apparues sur son corps, recouvrant les cicatrices les plus anciennes, traçant des figures complexes sur sa peau parcheminée, mouchetée de tâches de vieillesse. Il saignait du nez, et le goût métallique du précieux liquide vermillon, la seule monnaie d’échange digne de ce nom en ce monde, lui rappelait qu’il n’avait pas bu depuis des siècles. Ironiquement, étancher sa soif par ce moyen finirait par le tuer…

Si seulement il en était de même pour le dieu sombre.

Il ne put que lever les yeux en entendant de nouveau la voix résonner. Elle appartenait toujours à l’homme du Rohan aux yeux maléfiques. Cette fois, pourtant, il était assis sur un trône de pierre qui ressemblait à s’y méprendre à celui de Lyra. La grande salle, cependant, paraissait différente. Elle n’était pas plongée dans les ténèbres mystérieuses de Blankânimad, bien au contraire : elle était éclairée par de grandes ouvertures percées dans le plafond, et les colonnes de lumière dévoilaient toute l’horreur de la scène. En guise de décoration, des cadavres décharnés offerts à Melkor. En lieu et place des tentures, d’immondes oriflammes teintées de sang, le même qui se répandait sur le sol et s’incrustait dans les pierres de la Salle Rouge. La grande salle de sacrifice du Temple de Sharaman.

A la gauche du maître des lieux, se trouvait un autre trône, plus modeste, sur lequel avait pris place un visage familier. Learamn ne pouvait pas ne pas reconnaître Kryv. La devineresse. Elle était vêtue comme une reine, dans une longue robe vermillon qui tranchait avec la pâleur extrême de sa peau fardée. Raide comme une lame, elle demeurait parfaitement immobile. C’était à peine si elle respirait. Malgré les années, elle n’avait pas changé le moins du monde, si ce n’étaient ses yeux. Jamais le Rohirrim ne les avait vus aussi triste. Elle posait sur lui un regard affligé qui trahissait l’horreur de sa condition. Blessé jusqu’au point de non-retour, mort-debout dans l’attente du coup de grâce qui viendrait mettre un terme à une existence de souffrance, il était voué à Melkor et ne pourrait trouver de salut que dans la fin qui était promise… quelle qu’elle fût.

L’homme reprit la parole, et toujours la douleur.

Éternelle.

La nuit succéda au jour. Le jour à la nuit. Si rapidement que le temps semblait être devenu une succession d’éclairs lumineux que même des paupières fermées ne pouvaient pas stopper. L’orage silencieux finit par prendre fin dans une grande clameur. Des dizaines de bouches affamées de carnage, enragées, le poing levé, les yeux vicieux, les dents tranchantes. Des bêtes sauvages, une meute tout entière, Albyor déchaînée. Ils insultaient Learamn, le bousculaient dès qu’ils le pouvaient, sans la moindre considération pour son corps malingre qui ne pouvait que péniblement supporter le contact des haillons qui lui servaient de vêtements. Même le bétail que l’on conduisait à l’abattoir était traité plus dignement.

On lui fit monter difficilement quelques marches, qui conduisaient sur une estrade. Les années n’avaient pas changé le visage d’Albyor. La cité était toujours aussi nauséabonde, répugnante, douloureusement écœurante. Il en faisait partie désormais. Son sang, versé par le poignard émoussé que tenait fermement ce bourreau au visage fou, irait colorer les pavés de la Cité Noire, que le Grand Prêtre Jawaharlal s’efforçait de faire devenir une Cité Rouge. Il n’en était plus très loin, désormais. En dix ans, il était certain que son pouvoir n’avait fait que croître, et rien ni personne au Rhûn ou dans le reste de la Terre du Milieu ne pouvait décemment s’opposer à lui désormais. Le triomphe de Melkor était total.

Learamn fut conduit devant un gibet qui n’était pas destiné à le pendre par le cou, comme il aurait pu le penser, mais bien à le suspendre par les poignets au-dessus du sol. Dans son état, le bourreau n’aurait aucun mal à le hisser la force des bras, tant il avait perdu de poids depuis sa captivité. Il était à peine plus lourd qu’un sac de blé. On l’attacha, la corde cisaillant ses poignets au moins autant que les cris de la foule déchiraient ses oreilles tandis que ses pieds quittaient le sol progressivement.

Offert en sacrifice, la dernière vision de Learamn serait celle d’un peuple hostile, qui le détestait et le vouait aux pires tourments dans l’après-vie. Pouvait-il voir, par-delà les premiers rangs de fidèles zélés qui s’étaient massés pour assister à son exécution publique, les habitants d’Albyor forcés de prendre part à ce spectacle malsain, dont les regards trahissaient leur dégoût et leur mépris pour les serviteurs de Melkor ? Gagnerait-il les terres de ses ancêtres le cœur plein de haine pour ceux qui l’avaient tué, ou ménagerait-il une place pour la compassion et le pardon à l’endroit de ce peuple soumis à des forces qui le dépassaient.

La lame s’éleva dans les airs, au rythme des tambours.

Le bourreau n’entendait pas simplement le tuer. Il avait l’intention de le dépecer devant la foule, de le faire saigner pour contenter le dieu sombre, de répandre ses viscères sur le sol pour réaffirmer pleinement la puissance du culte Melkorite, et ainsi faire passer un message très clair à la population d’Albyor : « vous ne voulez pas vous opposer aux prêtres de l’Ogdâr », le bras armé du Temple de Sharaman. Ce n’était pas seulement un sacrifice, ce n’était pas seulement un acte religieux de la part d’esprits malades rendus insensibles à la violence… C’était une déclaration politique, un manifeste.

Il y eut un cri dans la foule, puis un autre, et encore un autre.

Une agitation fébrile, presque extatique, qui oscillait entre la colère et la terreur, entre l’effroi et l’indignation. Le premier sang avait été versé. Learamn tomba à genoux, alors que tout autour de lui des voix s’élevaient. Des silhouettes l’entouraient, fantômes du passé, du présent et de l’avenir, décidés à se disputer les restes de sa carcasse. On lui tirait le bras, les jambes, et bientôt il fut soulevé du sol, comme emporté par les Valar vers un autre monde.

- Uruk ! Uruk ! Criaient les spectateurs qui assistaient à ce miracle.

Le sang coula de nouveau, alors qu’une lame argentée tailladait les ombres en se frayant un chemin sanglant à travers la traîtrise et la noirceur. Il y eut des cris, des sanglots, et toujours de sinistres éclairs qui venaient éclater en un océan de couleurs derrière ses paupières closes.


~ ~ ~ ~


- Learamn ? Bon sang, Learamn ! Vous m’entendez ?

La voix était impérieuse et inquiète. On s’affairait autour de lui. Un juron, de nouvelles directives criées dans une langue qui n’était pas du Westron, tandis que quelqu’un lui ôtait délicatement sa chemise. Les mots fusaient, des bruits de pas, des silhouettes furtives passant dans l’angle mort de son champ de vision.

- Learamn ! Restez avec moi, ne vous endormez pas.

Quelques petites tapes sur sa joue, comme des coups de marteau. Un rugissement, des chaises déplacées. D’autres voix. Une cacophonie. Le temps semblait avoir sa volonté propre, se compressant et se dilatant si bien que les minutes paraissaient être des années, mais que les années semblaient être des semaines. Combien de temps passèrent-ils à s’affairer ainsi autour de lui, comme une armée d’araignées tissant patiemment leur toile, enserrant son corps dans une gangue protectrice et mortelle ? Combien de jours passés dans cet état entre le cauchemar et l’hideuse réalité ? Combien de mois pour émerger peu à peu des brumes des geôles du Temple de Sharaman ? Combien d’années pour s’en affranchir totalement, et ne plus trembler en entendant les murmures du vent, les pas feutrés sur la pierre, le grincement d’une porte, ou le premier rayon de soleil du jour naissant ?

Une éternité.

Peut-être deux.

- Learamn… Vous me reconnaissez ?

Cette voix… Ce visage… Malgré l’inquiétude qui se peignait sur ses traits, des cernes de plusieurs jours, et une lueur peinée au fond du regard, l’identité de cet homme ne faisait pas le moindre doute. Il avait trop voyagé en compagnie de Khalmeh pour ne pas le reconnaître.

- Ah, oui… vous me voyez enfin… Bienvenue parmi nous, Learamn…

Il eut un sourire triste, alors qu’il passait la main sur le front de l’ancien capitaine, écartant les mèches de cheveux bruns pour vérifier s’il n’avait pas de fièvre :

- Les effets de la drogue commencent seulement à s’estomper… J’ai cru que vous ne reviendriez jamais… Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose, mon ami ? Leur avez-vous dit quoi que ce soit ?

L’empressement de Khalmeh était troublant. Il parlait vite, sans prendre la peine de cacher son anxiété. Son visage éclairé faiblement à la lueur de quelques bougies, dans cette pièce sans fenêtres, était soucieux comme jamais encore Learamn n’avait pu le voir. Ses pensées étaient tournées vers quelque chose, sans qu’il prît la peine d’en révéler la nature à son compagnon de route.

- J’ai besoin de savoir, Learamn… Que leur avez-vous dit pour qu’ils décident enfin de vous condamner à mort ?


#Khalmeh #Jawaharlal #Kryv
Sujet: Il est encore temps d'implorer le pardon de Melkor
Mardil

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Rechercher dans: La Ville Haute   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il est encore temps d'implorer le pardon de Melkor    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 28 Juin 2015 - 16:13
Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! Tagif_10


La foule était rassemblée devant l’estrade et la curiosité s’était emparée de chacun. Cela faisait des mois que le sombre bâtiment était en travaux et personne ne savait quelle allait être la fonction de ce nouvel édifice, situé dans la cité haute. En tous cas, ce dernier était massif et d’imposantes colonnes soutenaient un toit en forme de triangle aplati sur le haut. Trois flèches partaient de chaque angle du triangle et s’élevaient vers le ciel. Les badauds s’interrogeaient sur la signification de cette architecture particulière. L’inauguration était prévue pour le jour même et constituait l’attraction majeure de la journée.

L’estrade installée devant le bâtiment ne semblait pas avoir été construite uniquement pour l’inauguration. Elle était en pierre et passablement surélevée, arrivant presque à hauteur d’épaule. Des hommes d’armes étaient disposés devant et gardaient l’accès à deux escaliers conduisant sur l’estrade. Une fois sur cette dernière, on pouvait accéder à la lourde porte de bois qui gardait l’entrée de l’édifice en lui-même. D’immenses draps blancs recouvraient une forme de petite taille au centre de l’estrade et deux formes plus imposantes situées de part et d’autres de la porte d’entrée.

Les spéculations allaient bon train parmi la foule et chacun y allait de sa théorie sur le rôle du nouvel édifice. Si une inauguration était prévue, c’est que le bâtiment devait avoir un caractère officiel mais personne ne savait avec certitude ce que dernier pouvait être. Cela avait-il un rapport avec le commerce des esclaves ? Avec le gouvernement de la cité ?

Seule parmi la foule, Tagif ne se posait pas la question. Elle savait qu’elle se tenait devant un tribunal. Un tribunal où Fjara serait bientôt condamnée à mort. Elle n’avait pu voir son grand-père, le vieil homme était souffrant et avait besoin de se reposer. Elle avait cherché d’autres soutiens mais n’en avait reçus aucun. Alors pourquoi se tenait-elle là en ce jour maudit ? Pour voir une dernière fois le visage de son amie qui serait probablement terrorisée ?  Pourquoi s’infliger cela si elle était impuissante à lui venir en aide ?

Tagif n’avait pas la réponse. Elle sentait juste qu’elle devait se tenir là. Il fallait qu’elle sache ce qui se tramait au juste. Elle pensait qu’Oreg se trompait lourdement sur les conséquences des agissements de Jawaharlal. Elle voulait en avoir le cœur net et ensuite… Que ferait-elle ensuite ? Elle n’avait pas la réponse à cette question non plus. Mais elle était sure qu’un changement important était sur le point de se produire. Et que ce dernier risquait fort de bouleverser leurs vies à tous.


Jawaharlal était assis en tailleur dans une petite pièce au sein de l’Ogdâr. La position n’était pas des plus confortable et réveillait ses douleurs qui ne cessaient jamais totalement. Il pouvait endurer la douleur. Il le devait. Il ne faillirait pas à sa mission maintenant.

Tout était désormais en marche pour la Grande Réforme. Des coursiers étaient partis le matin même vers les principaux temples du pays, porteurs du nouveau dogme de la religion melkorite. Le Grand Prêtre y avait réaffirmé les principes fondamentaux de la vraie foi à commencer par le plus important de tous : ils étaient une nation soumise à la volonté de Melkor et ils devaient se préparer pour son retour triomphal. Ils étaient le Peuple Elu, choisis entre tous pour vénérer le seul véritable Dieu.

Lorsque l’heure viendrait, seuls ceux qui auraient toujours été fidèles seraient sauvés. Lorsque Melkor reprendrait possession de son royaume, que lui avait volé les faux dieux, ils régneraient à ses côtés pour l’éternité. Et, afin de préparer son retour, ils devraient se débarrasser de leurs ennemis et détruire les fausses idoles aussi bien que les incroyants.

Tel était le message général de la nouvelle doctrine. En tant que représentant direct de Melkor sur Terre, le Grand Prêtre avait toute autorité pour prendre les décisions nécessaires pour hâter le retour du Noir Ennemi. Le texte allait même plus loin en insinuant que la Reine ayant déclaré le melkorisme religion d’état, elle reconnaissait implicitement l’autorité du Grand Prêtre. Rien n’était plus éloigné de la vérité mais les gens croyaient ce qu’ils voulaient bien croire.

L’heure était venue et Jawaharlal se leva. Il se dirigea vers l’entrée du bâtiment et, à son signal, on ouvrit la porte en grand. Il s’avança, seul, sur l’estrade et fît face à la foule rassemblée pour l’occasion. Les hommes du capitaine Durno avaient bien fait leur travail et l’accès à l’estrade était bien protégé. Non pas que le vieil homme se sentit en danger mais il valait mieux faire preuve d’un excès de prudence.

Certaines personnes dans l’assistance s’agenouillèrent à son apparition, d’autres applaudirent, certains préférèrent s’éclipser discrètement, beaucoup montrèrent des signes de nervosité. Aucun ne fût indifférent à son entrée théâtrale en tous cas. Son visage était aisément reconnaissable et beaucoup d’habitants de la Cité Noire avaient déjà fait le déplacement à Sharaman pour assister à la Grande Cérémonie. Cependant, il était de notoriété publique que le Grand Prêtre ne quittait jamais l’enceinte du Temple. Chacun se demandait donc les raisons de sa présence dans la cité.

Il s’arrêta au bord de l’estrade et sa voix monta, puissante et inquiétante, à l’assaut de la foule.

- Peuple d’Albyor, nous sommes réunis en ce jour afin de célébrer ensemble une nouvelle ère au service de notre Bien-Aimé Melkor, Loué soit-Il.

- Loué soit-Il,
reprît la foule comme un seul homme.

- Comme vous le savez, nous sommes tous soumis à Sa volonté, moi plus que tout autre. Il m’a parlé comme je vous parle en ce moment et m’a transmis Ses mots et Ses commandements que je vous livre aujourd’hui.

Le Grand Prêtre parla ainsi pendant plusieurs minutes, déclamant à haute voix ce qu’il avait écrit durant les mois passés. Tout le monde ne savait pas lire dans l’assistance or chacun devait savoir de quoi il retournait. Pendant son monologue, interrompu seulement par les louanges de la foule lorsqu’il le fallait, plusieurs prêtres s’étaient rassemblés aux pieds des deux formes qui encadraient la porte d’entrée de l’Ogdâr.

- Depuis trop longtemps, certains d’entre nous se sont détournés de la foi véritable et idolâtrent de faux dieux, parfois pure invention de clans lointains, parfois importation répugnante des fausses idoles des elfes. Nous ne saurions, et plus important encore, Melkor, Loué soit-Il, ne saurait tolérer plus longtemps pareil affront. A partir d’aujourd’hui tout cela va cesser. Et pour s’assurer que chacun reste fidèle, comme il se doit, au seul Dieu véritable, je vous présente l’Ogdâr.

Les draps qui recouvraient les deux grandes formes furent mis à terre par les prêtres, découvrant deux immenses statues représentant Melkor triomphant. A ses pieds reposaient des tablettes sur lesquelles était gravé le nouveau dogme du melkorisme afin de rappeler à tous ce à quoi ils devaient rester fidèles.

- L’Ogdâr est plus qu’un tribunal où seront jugés ceux qui ont trahi les commandements du Noir Ennemi. Ce lieu sera un refuge pour tous les fidèles, un endroit où tous les hommes libres seront accueillis en égal. Et les Ogdâr-Sahn, les prêtres de l’Ogdâr, ne seront pas uniquement juges des infidèles mais aussi la lumière dans l’obscurité qui guidera ceux qui le souhaitent vers la gloire infinie de Melkor, Loué-soit-Il.

- Loué soit-Il,
hurla presque la foule en transe.

Les Ogdâr-Sahn rentrèrent sur l’estrade comme l’avait fait le Grand Prêtre, une trentaine d’hommes tous porteurs d’une série de scarifications sur le côté droit du visage. Il s’agissait de la première génération de prêtres, dont les deux tiers resteraient à Albyor afin de commencer à purifier la cité et afin de former la deuxième génération. Chacun d’entre eux serait secondés de deux ou trois hommes appartenant à l’armée de Melkor. Le tiers restant serait envoyé dans le pays, au nord et à l’est pour le moment. D’ici deux mois tout au plus, la seconde génération serait envoyée à l’ouest, notamment à Vieille-Tombe, et vers le sud (sans pour autant aller jusqu’à Blankânimad).

- Et ceci, mes amis, est le châtiment qui attend les infidèles.

Le dernier drap qui recouvrait la forme au centre de l’estrade fût levé, découvrant un autel sacrificiel aux dimensions plus que respectables. L’objet avait quelque chose d’obscène même alors qu’il n’avait jamais été utilisé. L’estrade d’un blanc immaculé ne tarderait pas à se couvrir d’un sang qui jamais ne partirait complètement. Les hommes du capitaine Durno amenèrent ensuite les prisonniers sur l’estrade.

Jawaharlal avait été très spécifique quant aux premières personnes qui seraient jugées. Parmi eux se trouvaient des esclaves, ce que personne ne jugerait choquant, et relativement peu de personne du commun, afin que ces derniers ne se sentent pas trop menacés. Aucun soldat ne faisait parti du groupe. Il valait mieux ne pas se mettre les militaires à dos, même si ils étaient peu nombreux à Albyor. Enfin plusieurs membres de la bourgeoisie étaient du lot avec cependant une exception de taille : pas de marchands d’esclaves.

Le Grand Prêtre savait très bien qu’il fallait que tout soit graduel. La majorité des gens ne lèveraient pas le petit doigt pour aider les prisonniers car ils n’avaient pas d’intérêt à le faire. Et quand leur tout viendrait, personne ne les aiderait non plus. Si aucun noble ne comptait parmi les prisonniers, la personne ayant le statut social le plus élevé n’était autre que Fjara Ursal, qui faisait parti de la haute bourgeoisie d’Albyor. Jawaharlal l’avait choisie elle en particulier, à cause de ses penchants valarites qui n’étaient pas un mystère et à cause du fait qu’elle soit née au Rohan.

La foule se retourna immédiatement vers elle comme il l’avait escompté et les insultes et les jets de fruits pourris ne tardèrent pas à commencer. La famille Ursal cristallisait à la fois la haine et la jalousie de beaucoup de gens dans la cité. Et cet exemple servirait à montrait à tous que, peu importait le statut social aux yeux de Melkor, indigents ou dirigeants seraient jugés de la même manière.

- Les procès commenceront dès demain mais souvenez-vous d’une chose. Les Ogdâr-Sahn sont là pour vous aider et pour débusquer les infidèles où qu’ils soient. Mais il appartient à chacun d’entre vous de dénoncer ceux d’entre vous qui ne respecteraient pas les commandements de Melkor, Loué soit-Il. Que ces gens soient vos amis ou même les membres de votre famille, que ce soit le commerçant chez qui vous vous rendez chaque semaine ou que ce soit ceux qui gouvernent cette cité, vous êtes tous égaux aux yeux de notre Dieu. Souvenez-vous en. Il est encore temps d’implorer le pardon de Melkor, Loué soit-Il.

La foule était presque extatique lorsqu’elle reprit en chœur les dernières paroles du Grand Prêtre.

- LOUE SOIT-IL !
Sujet: Le nouvel Ordre
Mardil

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Rechercher dans: Albyor   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le nouvel Ordre    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 1 Juin 2015 - 14:48
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4 heures du matin. Un gong sonore résonna dans le temple. L’appel à la prière. Comme tous les jours, le temple s’activait de bonne heure. La célébration matinale n’était pas la plus importante de la journée mais elle était essentielle à l’harmonie des disciples. Il s’agissait de la prière la plus méditative. Le prêtre récitait les formules d’usage avant de sacrifier un animal (ce dernier changeait en fonction de la progression du cycle lunaire). En ce jour de nouvelle lune, le Seigneur Noir réclamait le sang d’un étalon. Les disciples se mettaient en ligne et défilaient devant le prêtre qui les bénissait d’une ligne sanglante sur le front. Chacun devait alors méditer en son for intérieur afin de parvenir à la communication avec Melkor. Le deuxième coup de gong marquait la fin de la prière et le début de la journée.

Peu de gens extérieurs au Temple assistaient à cette cérémonie. Le vieil homme ne la présidait plus que rarement. Sa santé était vacillante et il devait économiser ses forces afin de diriger les affaires communes du Temple et afin de présider à la cérémonie hebdomadaire de ce soir, celle qui attirait tant de monde.

Beaucoup plus longue, elle se composait de psalmodies, de louanges à Melkor (et plus récemment de louanges à son représentant en Terre du Milieu, le Grand Prêtre en personne) et des fameux sacrifices humains. Chaque mois à la pleine lune, la cérémonie la plus importante avait lieu. Les esclaves y étaient sacrifiés en masse. Le sang recouvrait entièrement le sol de la Grande Salle et les fidèles étaient invités à faire couler leur propre sang pour la gloire de Melkor, leur bienfaiteur, et pour hâter son retour vers ses vrais adorateurs.

Les rites étaient ainsi au temple Sharaman depuis des générations, aussi immuables que les montagnes qui entouraient l’édifice. Trois servantes entrèrent dans la chambre de Jawaharlal et l’aidèrent à se préparer après s’être occupées des nombreuses blessures et plaies qui parcouraient le corps du vieil homme. Elles sortirent peu après en silence. Tout le monde savait que le Grand Prêtre de Melkor appréciait la discrétion et chacun s’efforçait de ne le déranger que si cela s’avérait absolument nécessaire.

Il s’installa à son bureau et fît brûler un peu d’encens, autant pour se concentrer que pour chasser l’odeur désagréable de sang et de corps en décomposition qui semblait ne jamais quitter le Temple. Plusieurs rouleaux de parchemins étaient installés devant lui, couverts d’écritures qui ressemblaient à des lettres de sang. Cela était plus qu’une simple ressemblance. Il avait lui-même rédigé ce texte avec son propre sang. Une fois de plus, il pria longuement Melkor de lui donner la force nécessaire à l’interprétation de Sa Divine Parole puis il s’empara du couteau sacrificiel et s’entailla profondément le creux de la main gauche, récupérant le sang dans une petite coupole. Il trempa sa plume dans cette encre sacrée et se remit à écrire.

La tâche qu’il s’était confié depuis plusieurs mois aboutissait à sa fin. Il s’était rendu compte que le culte de Melkor souffrait d’un terrible handicap : l’absence d’un dogme unifié qui aurait permis une meilleure diffusion de la parole du Dieu Sombre dans le royaume. Plus d’un an auparavant, il avait lancé une vaste enquête sur les habitudes de prières de ses prêtres au sein du pays et les résultats s’étaient montrés décevants. Trop de prêtres enseignaient une version appauvrie (et quelques fois scandaleusement déformée) de la véritable foi.

Il lui fallait à tout prix corriger cela. Il ne pouvait laisser la Parole Divine être transformée à la guise de chaque petit prêtre itinérant. Il avait alors décidé de lancer une réforme en profondeur de la façon dont le Culte de Melkor devait être enseigné à chaque homme, femme et enfant de Rhûn. Et pour cela, il fallait codifier le dogme de la religion melkorite. D’où les parchemins qu’il était en train de finir d’écrire. Ces mots, la Parole Divine qu’il avait lui-même retranscrite à l’aide de son sang, définiraient bientôt la nouvelle orthodoxie que chacun devrait respecter.

Des copies seraient réalisées dans le Temple par ses disciples, toutes écrites en lettres de sang bien entendu, et seraient envoyés dans les autres temples du pays. De plus, il avait commencé plusieurs mois auparavant la formation d’une nouvelle caste de prêtres. Ces derniers seraient chargés de faire entendre sa voix dans le pays et de faire respecter le dogme du culte de Melkor en tous points du royaume. Pour l’heure ces fidèles disciples perfectionnaient leur apprentissage à Sharaman mais bientôt l’heure viendrait où ils répandraient la véritable foi à travers chaque ville, chaque village et chaque demeure de Rhûn.

On frappa doucement à la porte et le vieil homme donna l’autorisation d’entrer. Un jeune disciple lui amena deux rouleaux de parchemins frappés de sceaux aisément reconnaissables. Il remercia le messager d’un signe de tête et ce dernier sortit en silence. Jawaharal s’empara des deux lettres portant le sceau de la religion melkorite. Ce dernier était constitué de deux attributs de Melkor qui s’entrecroisaient, la Couronne de Fer et Grond, sur un dessin représentant le temple d’où provenait le message. Pour Sharaman il s’agissait d’une montagne surmontée d’un temple stylisé.

Il brisa le premier sceau, où le symbole de Melkor se trouvait au dessus d’un palais stylisé, signe que la lettre émanait du temple de Blankânimad, et commença sa lecture.

Citation :

A Jawaharlal, Grand Prêtre de la religion melkorite et représentant de Melkor en Terre du Milieu.

Monseigneur,

Cela fait désormais trois mois que vous m’avez envoyé au temple de la capitale et, conscient de l’honneur et du devoir qui m’incombe de prêcher la parole de Melkor, Loué soit-Il, il est temps que je vous livre mes conclusions sur la piété des officiels de notre grand et noble royaume.

Je tiens d’abord à préciser que, conformément aux informations que vous m’aviez données avant mon départ, il m’apparaît clairement que mon prédécesseur n’était pas des plus orthodoxe dans sa vision de notre sainte religion. J’ai trouvé le temple bien démuni en terme de disciples et ceux-ci bien tolérants face à l’impiété des rares fidèles. A ma grande consternation, un seul esclave était sacrifié sur l’autel de Melkor, Loué soit-Il, lors de la grande cérémonie hebdomadaire. Les incantations incitant au retour du Noir Ennemi étaient, de plus, réduites à leur minimum.

Les deux premiers mois, je n’étais qu’un prêtre parmi tant d’autres au sein du temple et j’ai eu de nombreuses conversations avec mon prédécesseur qui m’ont permis de comprendre à quel point ce dernier s’était écarté du chemin de la foi véritable. Si, en son cœur, il restait un fervent croyant, il n’avait pas le courage de froisser l’aristocratie de la capitale.

Car tout le problème est là. J’ai pu me rendre compte de mes yeux que, si la Reine a déclaré le culte de notre bien-aimé Melkor, Loué soit-Il, religion d’état, rien n’est fait pour encourager les fidèles à la piété. Les conseillers de la Reine sont peu nombreux à être assidus et la Souveraine elle-même ne participe que rarement aux célébrations, encourageant par son exemple ses subordonnés à ne pas se plier aux fondements mêmes de la foi. Vous trouverez à la fin de cette missive une liste des conseillers qui nous sont fidèles et de ceux qui ne sont, de toute évidence, pas religieux. Plus grave encore, j’ai eu vent de cultes non autorisés qui se dérouleraient en privé chez certains nobles, qui suivraient encore les fausses religions qui gangrènent notre pays.

J’ai reçu votre précédente lettre me demandant de reprendre la direction du temple peu de temps après le départ de la Reine pour le Gondor. Afin d’expier pour son impiété, mon prédécesseur a été le premier sacrifié lors de la Grande Cérémonie. Tous les conseillers avaient été conviés et, rares sont ceux qui ne sont pas venus. J’ai tenu à leur rappeler leurs devoirs envers le Royaume et envers Son Guide Melkor, Loué soit-Il. Certains m’ont paru réceptifs à ce discours et d’autres non.

La Reine n’est pas encore revenue de son voyage mais j’entends bien lui demander audience à son retour afin de lui demander d’appuyer plus ouvertement l’enseignement du culte de Melkor, Loué soit-Il, à tous les fidèles de la capitale. J’ai bon espoir de voir une société plus pieuse à Blankânimad dans les mois à venir. Quoi qu’il en soit, je reste votre fidèle serviteur et ferai de mon mieux pour répandre la gloire de Melkor, Loué soit-Il.

Votre dévoué,

Alâgh


Les nouvelles étaient meilleures qu’il ne l’espérait mais il se doutait bien que tout dépendrait de l’attitude de la Reine lorsqu’elle reviendrait de son voyage diplomatique à l’Ouest. Le grand prêtre n’avait aucune confiance dans la soi-disant piété de Lyra. Elle n’avait déclaré le melkorisme religion d’état qu’en remerciement de l’aide fournie par les prêtres dans sa prise de pouvoir.

Cependant Jawaharlal se savait investi d’une mission divine qui transcendait les ambitions politiques quelles qu’elles soient. Il avait pourtant conscience que la Reine risquait d’être un frein à ses projets d’unification du dogme melkorite. Il était probable que Blankânimad ne rentre pas tout de suite dans le rang mais cela viendrait en temps et en heure. Une fois que le reste du pays serait fidèle à l’orthodoxie qu’il comptait bien installer dans les mois à venir, la capitale n’aurait d’autre choix que de suivre le mouvement.

Il devait pourtant s’avouer que les choses auraient été simplifiées si la Reine et ses conseillers montraient l’exemple à tous. Il étudia attentivement la liste des officiels de la capitale et fût atterré de voir qu’il comptait si peu d’alliés sûrs à Blankânimad. Sans surprise, le conseiller le plus pieux n’était autre que son neveu. Ce n’était pas pour lui faire plaisir qu’Alâgh l’avait placé en tête de liste car ce dernier, à l’instar de presque toute la capitale, ignorait leur lien de parenté. Oui, sans aucun doute, il avait au moins un allié en la personne d’Akko. Cependant il ne comprenait pas toujours l’attitude de son neveu et ses apparentes contradictions. Comme tous les autres, il était avant toute chose un politique. Autrement dit un homme de la Reine. Il valait mieux s’en tenir à son plan initial et garder la capitale pour plus tard.

Il s’empara de la deuxième lettre, où les attributs de Melkor se trouvaient dessus un dôme surmonté d’une coupole, le symbole du temple de Vieille-Tombe.

Citation :

A Jawaharlal, Grand Prêtre de la religion melkorite et représentant de Melkor en Terre du Milieu.

Monseigneur,

Conformément à vos attentes, j’ai pris en charge la direction du temple de Melkor, Loué soit Son glorieux nom, à Vieille-Tombe. Vous m’aviez prévenu qu’il ne serait pas aisé de détourner les fidèles de leurs fausses idoles et de les ramener dans le droit chemin mais je ne pensais pas trouver un tel niveau d’impiété dans la cité. Le temple est quasi-désert et même la Grande Cérémonie hebdomadaire n’attire que peu de fidèles. Il est évident que les habitants de la cité ont été corrompus par l’Ouest avec lequel ils commercent régulièrement, malgré que cela leur soit interdit.

Les marchands font la loi dans la ville et leur arrogance et leur irrespect envers le culte de Melkor, Loué soit-Il, sont sans limite. Aucun des rites traditionnels n’est célébré ici et, tout au plus, les habitants se contentent de quelques louanges approximatifs ici ou là. J’entends bien remettre de l’ordre dans la cité mais je crains qu’il ne faille davantage que des discours afin de faire prendre conscience à ces infidèles de l’erreur monumentale qu’ils font en rejetant la parole de notre bien-aimé Melkor, Loué soit Son nom.

Pour l’heure, j’ai remis les disciples dans le droit chemin et puisque la population ne daigne pas assister aux cérémonies, j’entends bien faire en sorte que la Divine Parole de Melkor, Loué soit-Il, aille jusqu’à eux. J’ai bien conscience que la formation des prêtres de l’Ogdâr prend du temps mais je vous demande, respectueusement, de les envoyer ici le plus vite possible. Leur soutien me sera indispensable afin de remettre les habitants dans le droit chemin et faire de Vieille-Tombe une cité où tous respecteront et craindront le nom du Noir Ennemi.

A jamais votre serviteur pour la gloire de Son Nom,

Khalibân


Jawaharlal resta pensif un long moment. Il se doutait bien que l’impiété menaçait les habitants de la grande cité de l’ouest du pays et c’est pour cette raison qu’il avait envoyé son serviteur le plus dévoué reprendre en main la situation. Khalibân avait été son second à Sharaman pendant plus de trois ans, une place qu’il avait amplement méritée même si son allégeance à Melkor était plus récente que celle de bons nombres de prêtres du Temple.

Même le Grand Prêtre ignorait ce qu’avait pu être la vie de son protégé avant qu’il ne rejoigne le Temple. Tout au plus ce dernier lui avait dit être un soldat dans sa précédente vie. Il était passé très près de la mort et avait fait le serment de dédier sa vie à Melkor, si ce dernier lui donnait la force de se relever et de détruire ses ennemis. Le Dieu Sombre avait accédé à ses prières et Khalibân était resté fidèle à sa promesse. Il avait été complètement défiguré à la suite de la bataille et personne, même Jawaharlal, n’avait jamais vu son visage.

Celui qui était désormais le Grand Prêtre du temple de Vieille-Tombe, avait récupéré les crânes de ses ennemis et les portait en guise de masque. L’effet en était très dérangeant et ceux qui assistaient à ses sermons en restaient souvent marqués par la conviction qui animait le disciple de Melkor. De tous ses fidèles, il était celui en qui Jawaharlal avait le plus confiance, celui dont la foi en Melkor était la plus pure. Il était dénué de toute ambition autre que celle de participer à la Gloire du Noir Ennemi. Il était aussi le seul au courant des grands projets que le Grand Prêtre de Sharaman avait mis en place.

Les Ogdâr-Sahn, ou prêtres de l’Odgâr, étaient un secret bien gardé même s'il serait bientôt temps de le dévoiler au monde. L’Ogdâr en lui-même était presque terminé et Jawaharlal comptait bien l’inaugurer d’ici à la fin du mois. Il ne lui restait plus que quelques détails à régler pour la cérémonie qu’il comptait donner à cette occasion. Il sonna une petite clochette et, presque aussitôt, un serviteur entra dans sa chambre.

- Fais venir le capitaine Durno. J’ai à lui parler.

#Jawaharlal #Durno
Sujet: [Temple Sharaman] Loué soit-Il
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Temple Sharaman   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Temple Sharaman] Loué soit-Il    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 22 Oct 2014 - 1:57

Il inspira profondément, et ses sens furent légèrement étourdis par les bouffées âcres que l'on sentait dans l'air. L'odeur entêtante de l'encens spécifique que l'on utilisait dans le temple était envoûtante pour quiconque la respirait plus de quelques minutes, et elle avait pour effet de détendre l'âme et le corps. Mais lorsqu'on pénétrait dans la salle réservée à la prière et aux fidèles de moindre rang, on avait l'impression qu'il y avait un incendie, qu'on avait fait brûler des corps. Pourtant, l'objectif de cet encens était tout autre : il était là car il cachait l'odeur désagréable du sang que l'on déversait joyeusement, au rythme des sombres incantations reprises en chœur par une foule en transe. Et lui, le Père Supérieur du Temple Sharaman, le Grand Prêtre de Melkor, était là pour leur donner la curée. Ils le regardaient tous dévotement, les yeux grands ouverts, les mains jointes, le corps tremblant comme s'ils allaient s'évanouir.

On commença à jouer du tambour, d'abord lentement, puis de plus en plus fort. La grande cérémonie hebdomadaire était toujours très spectaculaire, et bien plus depuis qu'un nouvel apport de fidèles était venu grossir les rangs des habitués du Temple. La mélodie fut reprise par les chants des zélotes, qui se transformèrent bientôt en cris dont certains n'avaient plus rien d'humain. Tous, petits ou grands, puissants ou miséreux, pour peu qu'ils crussent en Melkor, convoquaient la puissance ténébreuse du Noir Ennemi, du dieu sombre, de leur véritable suzerain. Jawaharlal, soutenu par deux immenses colosses au torse nu parcouru de cicatrices, s'approcha d'un pupitre qui lui était réservé, et depuis lequel il pouvait profiter de l'acoustique merveilleuse des lieux pour haranguer la foule de fidèles, et galvaniser les âmes pieuses de ces hommes et de ces femmes qui se prosternaient devant lui. Lorsqu'il s'éleva devant eux, ils tombèrent à genoux, et certains mirent même le front au sol dans un signe de dévotion extrême. Le Grand Prêtre avait peut-être un corps brisé, abîmé par la vie, mais son regard était brillant et sa voix de stentor s'éleva pareille à celle d'un monstre de cauchemar, résonnant sur les murs du Temple :

- Loué soit Melkor, béni soit Son nom !

La foule reprit cette prière, et les fondations du bâtiment ancien parurent trembler. Le Grand Prêtre eut un sourire, alors que devant lui il avait la démonstration de la puissance de la religion qu'il défendait, qu'il incarnait. Il parla alors de la vie, de la foi en Melkor, du retour prochain de leur maître à tous qui était annoncé. Il parla du sang qu'il fallait encore verser pour le faire revenir, de la puissance que le sombre Seigneur accumulait ainsi, et de la gratitude qu'il éprouverait envers les fidèles qui l'auraient aidé à revenir à la vie. Grâce à leur soutien, grâce à leur dévouement, grâce à leur or aussi - il ne fallait pas oublier la réalité -, ils seraient épargnés au retour du maître, et ils pourraient accéder à une vie meilleure, à une vie de rois. Chacun croyait dans les promesses qui l'intéressait, et chacun s'investissait à la hauteur de ses convictions personnelles. Mais la vérité était que la religion Melkorite prenait de plus en plus d'importance en Rhûn, et que le discours de Jawaharlal était de plus en plus suivi.

- Et maintenant mes frères, offrons du sang à notre Seigneur ! Amenez-les !

C'était un peu le clou du spectacle, le moment que certains attendaient avec une impatience presque morbide, celui que d'autres redoutaient comme la peste. C'était de cela qu'on parlait quand on évoquait les cérémonies Melkorites, et de rien d'autre. Les sacrifices. Une porte s'ouvrit, et on fit avancer une longue file de créatures qui avaient un jour été humaines, mais qui ne ressemblaient plus à rien. C'étaient de pauvres morceaux de chair, d'anciens esclaves rachetés à leurs maîtres alors qu'ils ne servaient plus à rien. Beaucoup, parmi eux, attendaient la mort avec impatience, et certains - rares, certes - étaient même heureux de partir ainsi, avec l'espoir de servir Melkor dans une vie future. Il y eut un frémissement perceptible dans les rangs de la foule quand le premier individu fut approché d'un autel sacrificiel, et que sa gorge tranchée prestement par un poignard consacré se mit à vomir un flot de sang. C'était le premier d'une longue série. Une très longue série.


~~~~


Jawaharlal ôta sa tenue de cérémonie, et s'assit sur son lit. Son corps était atrocement mutilé, parcouru de cicatrices et de brûlures qu'il ne pouvait pas s'être infligées tout seul. Il avait probablement été torturé dans le passé, à moins qu'il n'eût volontairement placé son corps sous les coups et les flammes, pour rendre hommage à son dieu. De son passé, on ignorait tout, et cette aura de mystère qui l'entourait contribuait à sa réputation terrible et cruelle. Il était l'impitoyable prêtre de Melkor, l'incarnation de Sa volonté. Trois femmes apparurent de nulle part, le visage et les cheveux voilés. Elles ne dirent pas un mot, comme d'habitude, et déployèrent le matériel qu'elles utilisaient quotidiennement pour traiter les blessures du Grand Prêtre. Contrairement à ce que l'on pouvait croire, les onguents et les plantes qu'on frottait méticuleusement sur sa peau n'étaient pas destinés à endiguer la douleur, et il assumait pleinement la souffrance sans jamais s'en plaindre. On s'arrangeait simplement pour qu'il ne contracte pas d'infections ou de nécroses qui l'auraient emportées en quelques jours à peine.

Les mains glacées des guérisseuses lui tirèrent une grimace qu'il chassa bien vite de son visage sombre, pour retourner à ses pensées tortueuses. En effet, plus qu'un simple religieux isolé, Jawaharlal était devenu un des individus les plus puissants du royaume, et il devait désormais considérer ses options, les mouvements qu'il pouvait faire. C'était d'ailleurs pour discuter de ces choses qu'un représentant de la Reine venait le voir aujourd'hui. Oh certes, ce n'était pas la raison officielle pour laquelle on avait demandé à le rencontrer. Et ce n'était pas non plus un homme mandaté par Lyra. Cela ressemblait à une simple visite de courtoisie de la part d'un riche et puissant Seigneur de Blankânimad... mais le Grand Prêtre était loin d'être stupide, et il savait lire entre les lignes, derrière les faux-semblants.

On frappa à la porte, et une des servantes alla l'ouvrir, s'inclinant profondément devant le nouveau venu. Il pénétra dans la pièce avec une attitude royale, tout drapé qu'il était dans son apparente noblesse. Mais pour le représentant de Melkor, la richesse était bien plus intérieure. On pouvait avoir de l'or à ne plus savoir qu'en faire, et ne pas pouvoir donner sa vie pour son dieu quand il le réclamait. C'était ainsi et seulement ainsi que l'on jugeait de la valeur d'un homme. Le nouveau venu eut un signe de tête discret qui avait valeur de salut, et il s'approcha d'un siège qui se trouvait là :

- Je peux ?

Le Grand Prêtre eut un geste évasif de la main, qui avait valeur d'acceptation. Les deux hommes paraissaient ennuyés de se trouver dans la même pièce, et on sentait bien qu'ils n'étaient là que pour remplir un devoir. Il y avait une constante chez les gens qui désiraient voir Jawaharlal, c'était qu'ils devaient assister à la grande cérémonie qu'il donnait, comme pour reconnaître son autorité religieuse. Comme Melkor était le dieu imposé à tous les sujets du royaume de Rhûn, il n'était pas possible de refuser une telle demande, présentée comme un véritable honneur - on offrait même une place de choix aux invités de marque, bien visibles de la foule qui leur adressait un salut respectueux au cours de la cérémonie. Une façon comme une autre de rallier à lui tous ceux qui n'étaient pas d'absolus fidèles, de les afficher publiquement comme de bons et orthodoxes croyants. De toute évidence, l'intéressé n'avait pas apprécié, et il ne souhaitait pas s'en cacher :

- Merci pour cette ovation publique, Grand Prêtre. Je suppose que c'était absolument nécessaire...

- Naturellement, nous souhaitons toujours la bienvenue à ceux qui viennent de loin pour rendre hommage à notre dieu Melkor, Loué soit-Il.

L'homme de Blankânimad eut une moue contrariée, et il grogna comme le voulait l'usage :

- Loué soit-il. Mais ne pensiez-vous pas que tous ces sacrifices auraient pu être évités ? Ils auraient pu être utilisés pour bien d'autres tâches plus utiles au royaume, non ?

Jawaharlal haussa les épaules, et cela lui tira une grimace de douleur. Ses cicatrices se tordirent bien malgré lui, et les onguents ne purent dissimuler le pus qui coulait d'une plaie mal traitée à son épaule. L'invité plissa le nez, et ne put s'empêcher de détourner le regard. Rares étaient ceux qui pouvaient se targuer d'avoir supporté la vision du corps incroyablement meurtri du Grand Prêtre de Melkor sans éprouver une nausée indescriptible. Il savait l'effet que produisait la vision de son torse abominablement scarifié, et il n'avait aucune honte à l'employer pour prendre l'ascendant psychologique sur ses interlocuteurs. Il était ainsi.

- Vous voudriez confier une tâche d'importance à des esclaves décharnés, sans la moindre force ? Et dans quel but ? Nous avons des hommes qui remplissent leur rôle à merveille, pour leur Seigneur Melkor loué soit-Il.

- Loué soit-il, oui... Mais ces hommes dont vous parlez, d'où viennent-ils ? On raconte que ce sont d'anciens soldats... Des hommes qui auraient servi l'O...

Le Grand Prêtre leva la main. Il n'aimait pas qu'on insinue des choses déplaisantes au sujet de son culte, et encore moins que l'on essaie de le discréditer. Il savait très bien pourquoi cet homme était là : pour le confondre, et lui faire admettre qu'il avait effectivement mis la main sur un réservoir de troupes de grande ampleur. Il préférait couper court à cette conversation :

- Je sais ce que l'on dit, je sais ce que les gens pensent. Mais ce ne sont que des racontars, des mensonges. Nous récoltons simplement les fruits de notre travail auprès de la population, et nous remercions pour cela la Reine Lyra. Ses efforts pour faire reconnaître notre dieu comme seul vrai dieu commencent à payer, et nous voyons arriver chaque jour de plus en plus de fidèles désireux de nous assister au temple. Après tout, comment des hommes en armes venus de l'étranger auraient-ils pu s'introduire sur le territoire sans être arrêtés par les troupes de Sa Majesté ? Si ces hommes vivent en Rhûn, c'est que la Reine l'a autorisé, ne croyez-vous pas ?

L'homme eut un geste de la tête qui indiquait qu'il n'en croyait rien, mais il comprenait que cette entretien était terminé. Jawaharlal lui avait prouvé qu'il était un politicien retors et compétent, et qu'il n'était pas question de jouer double jeu avec lui. Il nierait tout en bloc, et renverrait la faute sur Lyra. Après tout, si on apprenait que l'Ordre de la Couronne de Fer avait stationné des troupes en Rhûn, on commencerait à poser des questions, et à chercher des responsables. La Reine ne pouvait décemment admettre leur présence, et donc ils n'existaient officiellement pas. Et s'ils n'existaient pas, alors personne ne pouvait les récupérer, et en reprendre le commandement. Le noble de Blankânimad se leva, et prit congé sans attendre, prétextant qu'il avait à faire, et qu'il ne souhaitait pas importuner le Grand Prêtre plus longtemps. Celui-ci haussa les épaules, et laissa son interlocuteur partir, conscient qu'un autre invité lui succéderait bientôt pour obtenir de précieux conseils, une bénédiction, ou bien un quelconque avantage.

Toutefois, quand la porte s'ouvrit à nouveau, ce ne fut pas un dignitaire de la haute aristocratie d'Albyor qui franchit le seuil de la porte, mais bien un homme du peuple, tout de noir vêtu. Il ressemblait à un combattant, à un mercenaire, et il portait une arme au côté. Jawaharlal aurait dû avoir peur de voir un tel individu pénétrer dans ses appartements, là où il recevait ses ouailles, mais il n'esquissa même pas un mouvement, et ce fut le nouvel arrivant qui posa un genou au sol, sans même y avoir été invité :

- Grand Prêtre, mes hommages. Je voulais vous transmettre les nouvelles personnellement.

- Allez-y, capitaine.

L'homme ne portait pas l'uniforme de la troupe royale, et il n'avait pas du tout l'air d'un soldat des Milices. De toute évidence, il appartenait à une toute autre organisation, et il reconnaissait le Grand Prêtre comme son chef légitime. Personne, à part les trois jeunes femmes qui s'occupaient de l'homme au corps brisé, ne pouvait voir ce qu'il se tramait derrière les lourdes portes du temple Sharaman, mais il était désormais clair que Jawaharlal était un bien plus fin manipulateur qu'il ne le laissait penser. Non seulement, il avait récupéré les hommes qui appartenaient jadis à la Couronne de Fer, et qui avaient été privés de chef, mais en plus il s'était arrangé pour conserver leur structure militaire, et se placer à leur tête. C'était une armée qui n'existait pas officiellement, mais dont l'organisation interne était toujours vivace. La discipline militaire implacable de l'OCF associée aux idéaux religieux fanatiques du premier prêtre de Melkor... cette alliance avait de quoi faire froid dans le dos. Le soldat, hochant la tête avec un air martial, annonça :

- Trois bataillons sont partis vers les trois principaux temples de la région, afin de les sécuriser. Nous essayons de déployer nos hommes le plus discrètement possible, pour ne pas attirer l'attention. Le gros de nos forces est, conformément à vos ordres, demeuré au Temple, où ils commencent à prendre leurs fonctions. Nous avons fait exécuter deux déserteurs que nous avons repris, et il semble qu'aucun autre n'ait envie de nous abandonner.

- Hmm... Fort bien. Je viens d'avoir la visite d'un envoyé de la Reine. Comme elle se pavane à l'étranger, cette idiote imagine qu'en envoyant un dignitaire pour me poser des questions, elle maintiendra la pression sur moi, pour me forcer à faire une erreur. Assurez-vous que personne ne se dévoile, et que tout le monde reste bien confiné à l'intérieur du temple. Nous ferons installer des lits supplémentaires, et nous acclimaterons les étrangers à notre langue, nos coutumes. En attendant, je veux un minimum de contact avec l'extérieur, et surtout de la discipline.

Le capitaine hocha la tête de nouveau. C'était un homme compétent et obéissant, typiquement le genre d'hommes dont l'Ordre raffolait. Efficace, discret, et peu bavard, il n'avait pas eu beaucoup de difficulté à changer de maître. En effet, il avait conservé le même statut, et avait simplement changé d'employeur... et encore. L'Orchâl était un serviteur de Melkor, et il avait désormais le privilège de servir le Grand Prêtre de Sharaman : y avait-il véritablement une différence ? Si oui, il ne la voyait pas. Il lança donc :

- Ce sera fait, Grand Prêtre. Mais ne vous inquiétez pas, personne n'entendra parler de nous, et nous ne ferons que nous occuper du temple. Les armes demeureront cachées, les hommes seront irréprochables. Je m'en porte garant. Toutefois, si je puis me permettre... Quelle sera notre prochaine mission ?

- Je l'ignore, capitaine. Je l'ignore. Mais je suis certain que votre rôle sera grand au service de Melkor... Loué soit-Il.
Sujet: Sous le Regard bienveillant de Melkor
Radamanthe

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Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous le Regard bienveillant de Melkor    Tag jawaharlal sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 15 Juil 2011 - 13:54
La Salle de Réception était, depuis la construction du palais, et cela remonte à des temps immémoriaux, l'endroit où les souverains tenaient leurs conseils les plus secrets, à l'abri des regards indiscrets, si ce n'était celui de la monumentale statue de Melkor qui dominait la pièce de toute sa hauteur. La Salle du Trône, voisine, était davantage appropriée aux visites officielles, lorsqu'il s'agissait de montrer la grandeur de Rhûn, mais elle était en fait beaucoup trop vaste pour tenir des réunions secrètes, car on aurait pu y caser des dizaines d'espions.
Les deux gardes postés devant la porte dans leur armure étincelante appartenait à un corps d'élite de combattants triés sur le volet pour leurs capacités. Pourtant, malgré leur professionnalisme, ils ne pouvaient s'empêcher de conspirer à voix basse, sachant que personne ne pouvait les entendre. C'est qu'ils se demandaient qui pouvait bien être l'invité mystère de la reine, celui dont la visite était si importante que Lyra attende déjà dans la Salle du Conseil depuis plusieurs minutes, tout en ayant exigée de n'être dérangée sous aucun prétexte jusqu'à l'arrivée du mystérieux visiteur. Mais comment saurait-ils qu'il s'agit bien de la personne qu'elle attendait, avaient demandé les gardes. Ils sauraient leur avait assuré la Reine. Lorsque des pas se firent entendre, leur conversation cessa en un instant et aussitôt, ils surent.

L'homme n'était pas un vieillard, bien qu'il ne soit plus jeune, et pourtant il se déplaçait lentement, et avec difficulté. Mais cela, ils le savaient, était principalement du aux multiples mutilations et scarifications qui marquaient son corps décharné. Des sévices que, pour la plupart, il s'était infligé lui-même. Il s'approcha davantage et bien qu'ils fussent prosternés respectueusement, le coeur des deux gardes sombra lorsque l'invité posa son regard sur eux. C'étaient des guerriers endurcis, dont le quotidien était d'arpenter les couloirs sombres du palais de Blankânimad, dont certains recoins étaient si sinistres qu'il vous marquait à vie. Et pourtant, en présence de cet homme, ils éprouvaient un sentiment de malaise indescriptible, mêlé d'un respect qui s'apparentait plus à de la crainte. Car au plus profond des yeux d'obsidienne de Jawaharlal on pouvait deviner la lueur lancinante du Feu de Melkor, et le Père Supérieur du Temple Sharaman était l'un des hommes les plus maléfiques de ce monde.

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Jawaharlal posa une main noueuse qui avait jadis été brûlée par le feu sur la grande porte et celle-ci s'ouvrit sans forcer, bien qu'elle fût sans doute particulièrement lourde. Le moine s'avança et referma immédiatement la porte de son autre main. Celle-ci n'était guère en meilleur état que la droite, car elle était parcourue de cicatrices qui semblaient remonter le long de son avant-bras. En fait, il semblait que tous le corps de la plus haute instance du Culte Melkorite en Rhûn soit couvert de motifs ésotériques aux implications maléfiques, qu'ils soient tracés à l'encre... ou au couteau. Le regard du moine se porta d'abord sur l'imposante statue du Vala déchu, saisi un talisman d'onyx gravé qui pendait à son coup et murmura pieusement quelques paroles en Noir Parler en signe de dévotion. Il porta une attention particulière aux yeux de la statue, qui avaient été sculptés de sorte qu'ils semblent suivre le spectateur. Beaucoup en avaient froid dans le dos, mais lui s'en réjouissait, car il voyait là la reconnaissance de Melkor envers son fidèle serviteur. Ensuite, il remarqua enfin la reine Lyra et la salua à son tour, quoi que de manière plus conventionelle.

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***

"Alors, Eminence, continuerez-vous à nous soutenir si nous nous engageons dans cette affaire ?" Lyra abordait le vif du sujet, la raison même de la présence du Père Supérieur dans son palais. Bien sûr, ils avaient parlé de choses et d'autres avant, mais la santé faiblarde du fanatique ne l'intéressait pas outre mesure et il était certes intéressant d'avoir des informations sur la façon dont il gérait Albyor, mais cette affaire-ci dépassait les simples confins de Rhûn.

"Bien sûr, Altesse," fit la voix lugubre de Jawaharlal, voix qui avait fait frisonner la reine la première fois qu'elle l'avait entendue et qui continuait à la mettre mal à l'aise maintenant, et pourtant elle avait côtoyé bien des personnages sinistres. "Notre but sera toujours de propager le culte du plus puissant des Valar, qu'Il soit loué." A cette évocation de Melkor, il sorti à nouveau son talisman et prononça la même prière en Noir Parler, ce qui eut l'effet d'irriter Lyra, qui appréciait peu que sa discussion politique soit interrompue par les prières du fanatique chaque fois que leur Maître ancestral était évoqué, c'est à dire souvent vu la nature de la conversation.

"Ce n'est pas ce que je voulais dire, Jawaharlal, et vous les savez très bien. Mon rôle est d'oeuvrer pour la grandeur de Rhûn, pas pour le Seigneur des Ténèbres... pas directement en tout cas..." A ces mots, elle fut bien obligée de répéter la même bénédiction en Noir Parler. C'était presque du blasphème, et le regard du prêtre en disait long. "Je suis Reine de Rhûn avant tout, et c'est pourquoi seule une alliance me paraît raisonnable. Jamais la gloire d'antan de Rhûn ne serait restaurée si nous entrions totalement à leur service. La gloire de la victoire retomberais sur eux seuls, malgré la puissance de notre pays. Nous voulons donc agir de concert avec eux... C'est pourquoi je vous pose cette question Jawaharlal. Je veux que l'allégeance première de l'Eglise Melkorite de Rhûn  reste envers le trône, car nous avons besoin de vous comme vous avez besoin de nous. Alors, serez vous avec nous dans cette alliance ou voulez-vous entièrement vous soumettre à leur Maître ?"

Lyra soutint le regard noir du fanatique pendant que celui-ci semblait réfléchir. Avec un ton qui laissait présager quelques menaces, elle avait clairement formuler ses exigences. Elle avait permis la montée en pouvoir du Temple Sharaman, qui contrôlait maintenant toutes les sectes melkorites du pays et maintenant qu'il s'agissait de s'allié à quelque chose de bien plus grand, elle voulait s'assurer que ces fanatiques qu'elle avait créés ne tombent pas totalement hors de son contrôle. Ce qu'elle avait donné elle pouvait le reprendre, semblait-elle dire. Le Père Supérieur n'était pas convaincu de cela, mais il réfléchissait à la meilleure façon de servir son Idole maléfique. Finalement il se lança.

"Bien, Majesté... Nous déplorons que servir notre Maître ne soit que votre deuxième priorité, mais nous le servirons mieux à vos côtés qu'en nous démarquant du trône. Vous avez ma parole."

Un sourire malicieux se dessina sur leurs lèvres. Ces négociations sous le regard bienveillant de Melkor étaient arrivées à un compromis. Rhûn allait pouvoir entrer en scène.

"Parfait, Fyodor." fit Lyra. "Tu vas pouvoir dire à ceux avec qui tu travailles que nous sommes maintenant alliés et que nous le aiderons. Tu as bien compris mon point de vue, tu pourras leur dire ce dont ils pourront attendre ou pas de Rhûn."

Le troisième personnage présent lors de cette entrevue, bien qu'il n'ait prononcé un mot excepté pour saluer le prêtre, esquissa un sourire sous son masque de fer.

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Même dans cette salle secrète, celui que la plupart des occidentaux désignaient sous le sobriquet de Cavalier Noir, faute de connaître son nom, avait gardé le visage caché. Ses deux interlocuteurs étaient parmi les rares personnes au monde à savoir qui se cachait sous cette apparence mystérieuse, mais il craignait que ne fût-ce qu'un serviteur puisse le voir à visage découvert. Il était évidemment tout de noir vêtu, sans quoi son surnom n'aurait guère de sens, même si, naturellement, il n'était pas à cheval pour le moment. Ce dernier était à l'écurie où il profitait d'un repos bien mérité après avoir fait le voyage des rives de l'Anduin, près de l'Argonath, jusqu'à Blankânimad. Il repartirait bientôt pour transmettre ces nouvelles.

"Naturellement, naturellement, je transmettrai tes exigences. Une alliance nous satisfait déjà amplement. Les Occidentaux vont s’effondrer devant la puissance de cette union et on ne parlera plus de la gloire au passé. C'est un grand jour pour Rhûn, je te l'assure ! Tu ne regretteras pas cette alliance avec l'Ordre de la Couronne de fer, soeurette !"

#Lyra #Jawaharlal #Fyodor
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