2 résultats trouvés pour Jakov

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Sujet: L'Expédition à Arzawa
Reznor

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Rechercher dans: Le Harad   Tag jakov sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'Expédition à Arzawa    Tag jakov sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 21 Avr 2013 - 18:58
La barge avait glissé sur le fleuve, avançant contre le courant à la force de bras des rameurs installés dans les cales et grâce au vent qui par bonheur, avait soufflé dans la bonne direction. Par bonheur car la barge n'était pas une de ces galères marchandes équipée de rangées et rangées de rameurs, non ce n'était là qu'un mode de propulsion d'appoint, pour parer aux coups durs, et avec tous les prisonniers qui avaient été réassignés à d'autres tâches, il n'en restait pas des masses pour se contenter de faire marcher les rames. Ces derniers étaient évidemment les plus à plaindre, ils allaient rester ainsi enchaînés pour ainsi dire tout le temps. Pas que ceux qui aient été choisis pour figurer de Gondoriens ne soient pas attachés eux aussi. Ils allaient cependant jouir d'une plus grande liberté de mouvement, pour faire genre, une fois arrivés à Arzawa. Tout le monde avait été transféré, trois jours plus tôt, du navire où ils avaient été entassés comme prisonniers jusqu'à un autre navire pris à Methir, les cales remplies de précieuses marchandises de toutes sortes, mais à provenance principalement du Nord. Le transfert ne s'était pas effectué sans problèmes, avec ce temps de chien. Les deux navires avaient eu beau se coller autant qu'ils le puissent, ça n'avait pas empêché deux prisonniers de finir à la mer. Un avait été repêché avec une corde, l'autre avait disparu immédiatement. Et ce, uniquement depuis le bateau sur lequel se trouvait Jakov. Le Capitaine avait manifestement opéré une sélection similaire sur le deuxième bateau de prisonniers, c'était du moins ce qu'ils avaient du constater quand d'autres prisonniers à la peau pâlotte eurent été transféré de la même façon. Là aussi, ils furent deux à manquer leur coup et pas de chance pour eux, la mer fut la plus prompte à récupérer ses victimes. Trois hommes en moins en tout, cela n'avait eut de n'émouvoir ni Reznor, ni Vedraï. Sans doute avaient-ils bien songé que ça risquait d'arriver, et un quota devait être prévu. Cela permettait d'ailleurs de limiter la présence des prisonniers à bord. Les pirates, eux, étaient tout arrivés sans soucis sur le bateau de l'expédition.

Le bateau qui avait d'abord remonté l'Anduin, chose qui n'aurait pas manquée d'être risquée si il n'affichait pas des couleurs gondoriennes. Mais c'était le cas, donc il n'y avait pas grand chose à craindre. Ce serait plus tendu lorsque les pirates devraient remonter le fleuve. Cela signifiait longer les côtes de la Principauté de Dol Amroth sur plusieurs lieues ce qui voulait dire qu'il y avait de fortes chances de se faire repérer. Il faudrait profiter du temps et de la nuit,ce qui serait tout aussi périlleux. L'Anduin était mal connu de la plupart des Capitaines, ce qui n'était pas sans surprises vu que la dernière attaque d'Umbar sur le Gondor avait vu la flotte de faire désagréger. Mais le Poros se révélerait bien plus dangereux. La rivière était loin de la largeur de l'Anduin et ses rives rocailleuses, ses nombreux bancs de sable rendaient la navigation hasardeuse, même pour une barge de commerce, et même en plein jour comme se pouvait se le permettre le navire marchand à présent baptisé Aigle de Pelargir. Or les navires pirates n'avaient pas le luxe d'être tous équipés de fonds plats, et de plus, ils devraient faire leur approche finale de nuit, d'après les plans du Capitaine. Cela rendrait la navigation nettement moins aisée, terriblement périlleuse même, surtout que la rivière formait de nombreux méandres avant d'arriver à Arzawa.

Ce n'avait pas empêché l'Aigle de Pelargir, lui, d'atteindre la ville sans encombre, et de se présenter au port sans avoir à subir davantage de contrôles que ce qui était de tradition. C'était déjà une bonne nouvelle en soi, pour les pirates. Cela signifiait vraisemblablement que l'on avait pas encore eu vent ici de la capture de Methir et de la prise de certains des bateaux mouillant là. La navire, avait avoir passé les systèmes de défenses du port, était amarré à quai. L'équipage constata des fortins qui, paradoxalement, offraient une meilleure protection que ce qui avait été rencontré à Methir, alors qu'Arzawa était sensée être moins exposée d'une attaque navale. Ce n'était pas pour leur faire plaisir, mais leur expédition avait pour but de remédier à ces problèmes justement.

Tag jakov sur Bienvenue à Minas Tirith ! Vedrai10

Vedraï était restée à bord tandis que celui qui avait été désigné comme capitaine du navire traitait avec la douane. C'était le second d'un capitaine fiable engagé par Reznor, Gondorien de souche, il serait crédible pour ce poste, tout comme Vedraï faisait crédible comme sa bourgeoise de fille l'accompagnant pour avoir du pays et se former quelque peu en négoces, toute fille qu'elle soit. C'était justement étrange de sa rappeler que fille elle était. Accoutrée comme elle était dans une robe et des fourrures soyeuses, on ne reconnaissait pas vraiment la pirate qu'elle était. Cela ne l'empêchait pas d'être la véritable chef des opérations, et comme c'était le faux capitaine qui était chargé de tous les tracas administratifs, les gérants du port tenant quand même à tenir, leur comptes, elle avait tout le temps de préparer le véritable but de l'expédition. En attendant l'approbation des douanes, les marchandises étaient bloquées à bord. Cela n'était en aucun cas un problème, comme rien n'interdisait les allées et venues des marins dans le port. Il était bien normal qu'il en profitent de retrouver la terre ferme, et il y avait assez à faire pour tous ceux que Vedraï avait envoyé débarquer.

"Jakov" fit la jeune femme. Elle n'avait pas manqué de remarquer que le garçon, ou la jeune fille plutôt, portait quelques traces de coups. Elle lui avait pourtant donné de quoi ce défendre. C'était toute autre chose que de savoir s'en servir. Il lui faudrait lui demander ce qui s'était passé, lorsqu'elle aurait l'occasion. Mais depuis qu'ils avaient embarqué, impossible de s'isoler avec qui que ce soit, ni même vraiment d'avoir du temps pour ça.
Elle lui présenta un jeune garçon, un mousse sur un des bateaux secondaires de Reznor. Moins âgé, qu'elle, mais appartenant au camps des pirates, lui. Ils étaient les deux plus jeunes du navires, les deux seuls qui soient encore des adolescents, et elle comptait s'en servir.

"Voici Lim. Vous allez débarquer, vous balader un peu dans la foule, vous faire oublier. Vous ne serez rien que des garçons de docks qui traînent... et puis vous irez faire un tour près des fortifications à l'entrée du port. Ayez l'air innocemment de vagabonder. Inutile d'essayer de faire discret, vous n'en seriez que plus repérables. Ayez l'air naturels, vous verrez bien quelque chose qui justifiera votre présence là-bas."

Après avoir donné quelques précisions de plus, elle les laissa aller.
Lim devait avoir quinze ans tout en plus, voire moins, selon son visage juvénile. Légèrement plus petit que Jakov, il paraissait aussi moins maigrichon, sans doute à cause de son meilleur traitement et du fait qu'il bossait dur, sur un navire. Et il était aussi nettement plus curieux, comme il s'en aperçut dès qu'ils eurent débarqué.

"Alors tu t'es fait choper à Methir, c'est ça ? Pas d'bol... Enfin, ça dépend, tu f'sais quoi là-bas ? C'est co marrant la vie de pirate, tu sais... L'aventure et tout..."

Ils prenaient le temps de flâner dans les ruelles, se fondre à la population, s'enfoncer dans les rues, tout ça dans le but de se faire oublier avant d'aller vers les guetteurs.

"C'est les pirates qui t'ont arrangé comme ça ? Tu t'es rebellé ou quoi qu'ils te foutent une rosse comme ça ?"

#Vedraï #Reznor #Jakov
Sujet: Le Requiem mène la Flotte
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Harad   Tag jakov sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le Requiem mène la Flotte    Tag jakov sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 4 Avr 2013 - 13:37
L'attaque avait été soudaine. Sa violence : absolument inouïe. Impossible d'imaginer à quel point. Dans la petite ville, le tocsin avait retenti alors que tout le monde vaquait à ses occupations, et pendant quelques longues et pesantes secondes, un grand silence s'était imposé. Ça avait été comme si le temps avait été figé. Les regards de tous s'étaient croisés. Les habitants d'ordinaire joyeux et légers, s'étaient transformés en bêtes effrayées. Elles avaient toutes tourné la tête vers la tour de guet, qui se dressait à l'entrée de la ville, avant qu'un cri de terreur leur parvînt. "Les pirates !" Criait la voix, "On nous attaque !". Quelques mots, et ce fut le chaos. Les hommes lâchèrent leurs outils, les femmes leurs paniers. Les commerçants laissèrent tomber leurs marchandises, et les boulangers leurs petits pains. Le port n'était pas très grand, mais ce fut rapidement une pagaille sans nom. De toutes parts, des gens essayant vainement de s'enfuir. Les quais étaient un endroit à fuir comme la peste. L'autre extrémité de la ville formait un objectif en soi, que chacun voulait atteindre, quitte à piétiner les siens. La milice de la ville n'en menait pas large. Combien avaient déjà déserté, aux premiers sons de cloche ? Parmi ceux qui restaient, beaucoup se chargeaient d'évacuer les civils, essayant de les maintenir en ordre. Bientôt, les cloches cessèrent de sonner : les sentinelles s'étaient probablement échappées en voyant les pirates débarquer. Les armes de siège positionnées sur leurs bâtiments pilonnaient la ville, et des coups sourds retentissaient à intervalle régulier, comme le martèlement des pas d'un géant se déplaçant au milieu de nains.

Des pas, il y en avait eu d'autres, bientôt. Cinq cent pirates déchaînés, probablement lassés d'être à  bord, sevrés de pillage. Ils avaient posé le pied sur la terre ferme, et, nonobstant le mal de terre, ils s'étaient rués à l'attaque, lame au clair, un sourire carnassier sur le visage, des cris gutturaux plein la gorge. La garde de la ville avait été submergée, écrasée en quelques minutes. Les hommes qui désiraient se battre avaient été massacrés impitoyablement, avec une froide efficacité. Les pirates savaient s'y prendre pour s'emparer d'une ville en très peu de temps. En moins d'une heure, les combats avaient cessé, même si des cris continuaient à retentir çà et là. Des pirates brutaux s'infiltrant dans une maison et débusquant des habitants recroquevillés, des femmes violées sans vergogne par des marins ivres de violence et de cruauté. Le pillage avait débuté, avec une sauvagerie rare. Les biens étaient renversés, les maigres richesses empochées par le premier à les trouver. Les officiers s'occupaient de protéger les vivres et les réserves d'alcool de la ville de leurs hommes, pour éviter les débordements inutiles.

Dans toutes les rues, on entendait des éclats de rire qui paraissaient presque obscènes, en comparaison avec les cadavres qui jonchaient le bord des maisons. Le sang avait recouvert les pavés, tachait les murs et s'incrustait dans le bois, y laissant de sombres marques, tandis que des créatures que l'on peinait à appeler "hommes" dansaient, chantaient et se réjouissaient. Tous les habitants de la ville avaient compris qu'il ne s'agissait pas d'un pillage en règles, en voyant de quelle manière les pirates procédaient. Non pas que la ville fût particulièrement sujette aux attaques, mais il semblait clair dans l'esprit de tout un chacun que les pirates ne se déplaçaient pas en aussi grand nombre pour s'attaquer à une simple ville portuaire... Les pirates ne se contentaient pas non plus d'un aussi maigre butin, et ils ne se privaient pas pour emporter autant d'esclaves que possible. Or en l'occurrence, un tri semblait être effectué. Seuls les hommes étaient réquisitionnés, amenés de force à bord des quelques navires que les envahisseurs avaient saisi. De longues files de prisonniers défilaient dans les rues, portant dans leurs bras les maigres possessions qu'on les avait autorisé à emmener. La plupart avait emporté quelques objets souvenirs, des bibelots pour se rappeler son chez-soi. D'autres avaient préféré emporter un peu de nourriture pour agrémenter leur voyage. Ils ignoraient que la férocité humaine en ferait rapidement des cibles de choix pour leurs compagnons d'infortune.

Quoi qu'il en fût, chacun conservait son unique bagage fermement serré entre ses mains, avec l'espoir un peu fou que cela contribuerait à les protéger de ce qui les attendait. Tous ou presque avaient compris qu'ils ne seraient pas immédiatement réduits en esclavage. On les avait sélectionnés pour autre chose : quelque chose de plus grand. Ils le comprenaient alors qu'en se dirigeant vers les navires, en subissant les fouilles et les moqueries de leurs geôliers, ils voyaient ici ou là les pirates en train de massacrer les chevaux, même les bêtes qui servaient de toute évidence pour l'agriculture. Quiconque levait la tête pouvait en outre voir ces longues colonnes de fumée qui s'élevaient presque paisiblement, avec un calme qui ne rendait pas justice à la voracité des flammes qui dévoraient avidement le bois des pigeonniers et la chair de ses habitants. Les navires avaient subi le même sort, et certains pirates avaient même pris plaisir à commencer le travail à la hache, abattant mâts et dévastant coques dans de grands rires gras. Les navires de pêche qui permettaient à la ville de subsister avaient rapidement coulé après avoir été sabordés de la sorte, mais ils avaient été soigneusement brûlés avant, de sorte à ne pouvoir être remis à flot. Du travail bien fait.

Dans la ville, une sorte de terreur oppressante s'était installée. Personne n'osait sortir, et tous les habitants étaient cantonnés chez eux. Les pirates étaient les seuls à aller et venir. Ils pouvaient rentrer chez qui ils le désiraient, cherchant des hommes en bonne santé pour participer à leur expédition, pour compléter leurs équipages. Certaines femmes cachaient leurs maris, en priant pour qu'ils ne fussent pas découverts. Lorsqu'ils l'étaient, les compagnes éplorées étaient généralement livrées en pâture aux instincts diaboliques de ces agresseurs, en guise de punition, tandis que les nouveaux enrôlés avaient la joie de connaître le fouet avant même d'avoir eu l'occasion de poser le pied sur le bâtiment. Lorsqu'ils ne l'étaient pas, c'étaient parfois leurs fils qui étaient pris à leur place. Quinze ou seize ans, cela ne semblait pas trop jeune pour être engagé de force, et nombre de jeunes hommes marchaient parmi des adultes dans la force de l'âge, sans trop comprendre ce qu'il se passait, sans trop comprendre où tout cela allait les mener.

Jakov faisait partie de ceux-là. Il marchait, l'air perdu et terrifié, à la rencontre de son destin. Un destin vraisemblablement funeste. Il avait été choisi par les pirates sans véritable raison. Il n'avait rien d'un guerrier. Pas très grand, pas très épais, pas très courageux, c'était davantage un artiste itinérant. Il n'était même pas originaire de Methir, en vérité. Il n'avait fait qu'y passer, pour y gagner quelques pièces, avant de retourner dans son Gondor natal où il espérait bien pouvoir rester. Mais les choses n'avaient pas tourné tout à fait comme prévu. L'attaque de la ville avait été une surprise totale, et il s'était retrouvé piégé. Les pirates l'avaient débusqué alors qu'il se cachait dans l'auberge où il était employé, et s'étaient amusés avec lui, avant qu'un officier ne décidât de le faire embarquer sur un des navires marchands. Le gamin avait pleuré à chaudes larmes, conscient que la mort était probablement la chose qui l'attendait au bout du chemin, mais cela n'avait fait qu'agacer encore davantage les pirates qui l'avaient fait rentrer dans le rang à grands coups de bâtons dans le dos.

Ainsi l'amuseur avançait-il, anonyme parmi la foule des recrutés sur qui les pirates criaient ou crachaient au gré de leur envie. Il serrait fermement contre sa poitrine un sac dans lequel se trouvaient ses biens les plus précieux. Un des envahisseurs avait voulu en savoir plus, et en défaisant le baluchon, il avait pu constater qu'il ne s'agissait que de masques de théâtre. L'homme avait éclaté de rire, et avait poussé Jakov en avant en lui souhaitant d'être aussi habile avec un sabre sur un champ de bataille que sur une scène. Le gosse avait cru bien faire en partageant le rire de son geôlier. Une erreur qu'il ne recommencerait plus. Les coups qu'il avait reçus lui avaient fait passer l'envie d'établir une complicité quelconque avec ces brutes épaisses. Il avait regagné les rangs, avait enfoncé son bonnet sur ses oreilles, et avait baissé la tête en suppliant pour que personne ne vînt lui chercher davantage d'ennuis.

Peut-être quelqu'un l'avait-il entendu, car en arrivant devant le navire marchand, il se rendit compte que nul n'avait cherché à se moquer de lui ou à le battre. C'était déjà un progrès en soi. Jakov posa un œil sur le navire marchand, puis son regard d'un bleu profond, comme celui de la mer elle-même, glissa sur la silhouette très différente des navires pirates. Il n'était pas besoin d'être marin pour comprendre que les deux ne jouaient pas dans la même catégorie. Celui sur lequel il allait embarquer était comme une maison que l'on aurait trouvé le moyen de faire flotter. Une grande pièce de bois, qui semblait impossible à bouger, et encore moins à manœuvrer. Un objet capable de transporter un grand nombre de tonneaux, de caisses ou encore de prisonniers, mais qui n'avait rien à voir avec le profil racé et élégant des vaisseaux pirates. Ceux-là étaient fins, comme des lames de poignard qui pour l'heure étaient tranquillement à quai, mais qui bientôt sortiraient de ce fourreau pour plonger dans le cœur du Nord Harondor. Malgré leur sinistre réputation, et la vision de toutes les horreurs commises en si peu de temps, Jakov ne pouvait pas s'empêcher de se dire que ce devait être magnifique de voir toute cette flotte prendre la mer, fendre les vagues avec une sorte de détermination, d'obstination propre aux pirates.

Un coup derrière les oreilles rappela le rêveur à l'ordre, et il s'appliqua à baisser à nouveau la tête, et à garder une attitude servile, pour ne pas attirer l'attention. On le fit rentrer à l'intérieur du navire, dont les cales empestaient souverainement. Il y régnait une chaleur étouffante, et il paraissait difficile d'imaginer vivre là-dedans ne serait-ce qu'une journée. Alors passer des semaines en mer ? Cette simple pensée avait de quoi terrifier. Les pirates se montraient toujours aussi brutaux avec leurs nouveaux venus. Ils séparaient les hommes de manière équitable, et leur demandaient de trouver une place au milieu de tous les autres. Parfois, un des gardiens s'emparait d'un prisonnier et le secouait à lui rompre le cou, tout en lui hurlant dessus, avant de le laisser tomber par terre. Certains se relevaient, tentant de sauvegarder le peu de dignité qu'il leur restait. D'autres essayaient de ramper, mais ils ne faisaient qu'attirer les coups de pied.

Tout en marchant, tête basse pour éviter de se faire remarquer, Jakov s'étonnait de l'absence d'indignation des gens autour de lui. Il s'étonnait même de sa propre absence d'indignation devant ces mauvais traitements. Personne n'allait élever la voix, ou même tendre la main pour aider le misérable qui venait de se faire ainsi brusquer. Chacun se murait dans un silence coupable, ou discutait à voix basse avec son voisin. Les mots échangés étaient rares, vides de sens, surtout destinés à se rassurer quelque peu. Mais il y avait une réalité encore plus horrible derrière ces bavardages : des alliances étaient en train de se créer. Les plus malins essayaient de se créer un réseau, afin d'être protégé. Quand les rations viendraient à manquer, quand la faim finirait par ronger tout le monde, les gens seuls risquaient d'être les premières victimes de ceux qu'ils avaient considéré comme des amis, des camarades.

Jakov, lui, n'avait pas particulièrement envie de se lier. Encore trop choqué par ce bouleversement dans sa réalité, il ne prenait pas encore pleinement conscience de ce qui se déroulait autour de lui. Il trouva finalement une place, juste assez grande pour lui, entre deux hommes qui lui rendaient au moins trente ou quarante ans. Leur barbe fournie était d'un blanc prononcé, alors que la sienne ne semblait pas vouloir se décider à apparaître. Le garçon s'installa en tailleur, son sac posé entre les jambes, se balançant d'avant en arrière, comme pour chasser les mauvais esprits ou les mauvais rêves. Son voisin de gauche, un ivrogne habitué de l'auberge, avait ouvert un œil suspicieux, et avait lâché entre ses chicots :

- Attire pas l'attention sur nous, gamin. Attire pas l'attention.

Jakov hocha vigoureusement la tête, et essaya de se contenir, même si la peur le tenaillait. Il constata en regardant autour de lui qu'il n'avait rien sur quoi s'allonger, sinon sa propre veste. Mais s'il régnait une chaleur étouffante, ce n'était pas une raison suffisante pour se découvrir, paradoxalement, et il préféra garder son pardessus. Comme la plupart des gens, il s'allongea, la tête sur son sac, en essayant de trouver le sommeil, de glaner quelques forces à cette obscurité bienfaisante. Pourtant, il savait qu'il n'y parviendrait pas. Personne n'y parviendrait. A côté de lui, son autre voisin s'agita, et se leva brusquement en criant :

- Mais c'est infesté de rats ! Pas question que je reste ici !

Les pirates tournèrent la tête et éclatèrent de rire, avant de venir tenter de s'expliquer avec l'homme. Celui-ci protesta tant et si bien que les Umbarite finirent par le rouer de coups pour le faire taire. Mais, dans leur grande mansuétude, ils consentirent à le changer de place. Ils le laissèrent tomber dans un recoin sombre où, vraisemblablement, la colonie de rats avait élu domicile. Lorsqu'il reprit conscience, ses hurlements terrorisés retentirent longtemps. Le cœur de chacun se serra en acceptant une dure réalité : quelle que soit la situation, ils peuvent trouver pire. La place désormais libre à côté de Jakov, qui fermait les yeux en essayant de ne pas entendre le bruit des rats qui couraient non loin, ne resta pas inoccupée bien longtemps. Un homme d'une quarantaine d'années vint s'installer à son côté. Il portait plusieurs sacs, qu'il déposa avec grand soin. Les regards se braquèrent vers lui, déjà prompts à s'emporter car il avait eu le droit à un supplément de bagages, mais le pirate qui l'accompagnait lança avec un fort accent du Sud :

- Ce type, c'est l'guérisseur d'vôt'ville. Si vous v'lez pas crever, vous f'riez mieux d'lui faire une place, vous aut'.

Jakov leva les yeux vers l'homme, qui semblait sympathique, mais dévasté par l'ampleur de sa tâche. Effectivement, soigner autant de monde avec si peu de matériel, cela tenait du miracle. Quand les maladies dues à la malnutrition et aux conditions de vie allaient se déclencher, ce serait l'hécatombe, le chaos. Quelques plantes n'y changeraient rien. Le guérisseur capta le regard de Jakov, et lui demanda sans vraiment y réfléchir :

- Ca va ?

Le gamin sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Ses lèvres s'agitèrent, mais aucun son n'en sortit. Au lieu de quoi, ses yeux devinrent brillants de larmes, et il se mit à sangloter en silence, anéanti par la réalité qui s'imposait à lui. Le guérisseur, maladroitement, lui tapota l'épaule en lui soufflant que les choses allaient finir par s'arranger. Des mots davantage remplis d'espoirs que de certitudes, et qui ne pouvaient que faire sourire tristement. Jakov sentit ses nerfs lâcher. Il enfouit la tête dans son sac pour étouffer les sons discordants de son abattement, tout en glissant la main à l'intérieur de son bagage. Ses doigts fins se refermèrent sur un objet dur et froid. Le poignard que les pirates n'avaient pas trouvé.

#Jakov
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