Galatas cherchait du regard le visiteur. L’homme s’était levé, il se tenait proche d’une fenêtre qui donnait directement sur la place de l’Arbre Blanc. Son long manteau de laine marron, ses cheveux mi-long et sa peau entre deux teintes indiquaient clairement qu’il venait du Lossarnach.
Il s’était présenté comme étant le Seigneur Robès du Domaine de Mivarar, Secrétaire de l’Association Royale de Producteur de Vin du Lossarnach. Le jeune assistant du général Cartogan n’avait jamais entendu parler d’une telle association et avait émis de sérieux doutes sur les chances qu’avait l’inconnu d’être reçu par son maître. Le motif de sa visite “parler de la répartition des arpents du domaine royal” avait pourtant éveillé l’intérêt de Cartogan qui l’avait sommé de faire entrer le Seigneur Robès.
“Le Général Cartogan vous attend, Sir Robès.”, fit Galatas d’une voix bien plus aimable que lors de son premier accueil.
Le visiteur se détourna de la fenêtre, tripotant machinalement le petit pendentif qui pendait le long d’une fine chaîne dorée. Celui-ci était peu commun. Il ressemblait à ces médaillons que les femmes portaient et qui, derrière un clapet, contenait le portrait de l’être aimé. Sauf que le clapet était ouvert et que derrière se trouvait une sorte de petit miroir. Galatas en était là dans ses pensées quand d’un petit mouvement de tête, Robès acquiesça silencieusement et lui emboîta le pas vers le bureau.
L’assistant du général ouvrit la porte d’un geste ample, invitant Robès à entrer. Le seigneur de Mivarar ne se fit pas prier et s’engouffra dans le bureau.
***
Sebor Varamir referma d’un geste minutieux le petit clapet de son pendentif. Pas de faux-semblants avec Cartogan ou du moins pas de ce type-là. Le général était assis derrière son lourd bureau et paraissait d’une assez méchante humeur.
Sebor ne savait pas si celle-ci était dûe à sa visite ou si elle découlait davantage du climat de tension qui régnait dans la cité blanche.
En fin observateur des réalités humaines,
Sebor avait l’impression que la situation était prête à sérieusement dégénérer à Minas Tirith. Le général et ses séides repoussaient chaque jour les limites de leur autorité au risque de se mettre dans une situation intenable. Il ne manquait plus qu’une étincelle pour que la poudre s’enflamme.
Cependant, il n’avait aucune intention de transmettre ces informations au général pour deux raisons. La première était qu’il en réservait l’exclusivité à ses vrais supérieurs, la seconde qu’il faisait confiance à Cartogan pour disposer de ses propres réseaux informels.
Il avait souhaité rencontrer le général pour une raison bien précise et se doutait bien que la conversation risquait peu de mettre Cartogan de meilleure humeur.
“Général, commença-t-il sans aucune forme de cérémonie
, quelle que soit la crise que nous traversions et la criticité de la situation, il est des traditions qu’il est de bon ton d’honorer. Cela est d’autant plus vrai quand ces traditions sont ancrées dans une loi et que celle-ci fait autorité sur l’ensemble du Royaume Réunifié. Sauf erreur de la part de mon trésorier, et je sais qu’il n’en commet jamais, les Arpenteurs n’ont reçu qu’un quart de la dotation leur étant normalement dévolue. Mes sources, que vous imaginez bien informées, m’indiquent que c’est votre noble personne qui fait obstacle au versement du reste de nos avoirs.”Le ton était donné et
Sebor Varamir ne comptait pas en changer tant qu’il n’aurait pas obtenu gain de cause.
***
Sivias épousseta vigoureusement sa cape avant d’entrer dans l’anti-chambre du bureau de Cartogan. Il avait traversé une bonne partie de la cité et sa tenue était poussiéreuse.
Il s’approcha de Galatas qu’il connaissait bien pour avoir fait une bonne partie de ses classes avec lui.
“Je viens apporter le rapport du cinquième niveau au général”, fit-il en se donnant un air important.
Galatas releva la tête de ses papiers, douchant directement l’enthousiasme de son compère.
“Eh bien tu devras attendre, le général est avec un visiteur…
- Je pensais pourtant qu’il ne recevait plus personne sauf extrême urgence, s’étonna Sivias.
- Visiblement il a fait une exception, répondit laconiquement l’assistant.
- Tu peux me dire de qui il s’agit ?”
Galatas répondit par la négative d’un mouvement de tête qu’il voulait empli de mystères. Il voulait donner l’impression d’être détenteur de précieuses confidences… Cependant, la réalité et qu’il avait déjà presque tout oublié du mystérieux visiteur, de son nom et du motif de sa visite.