Chez les Olfensten

Oleg Olfensten ruminait sa colère assit au coin du feu. Il en venait presque à regretter ce filou de Saemon Havarian. Depuis qu'il avait disparu, son fils était oisif et se laissait tenté par ses vils passions. Il avait eu beaucoup d'ennui avec des gens de commerce et avait du à chaque user de diplomatie.
Il avait été mis au ban de la société car en tant qu'ancien partenaire de Saemon, son fils était particulièrement suspect. Il en avait plus qu'assez.

" LAGOR !"

Le fils descendit les marches du manoir pour arriver dans la pièce principale. Il y avait trois gardes qui semblaient être des témoins silencieux de la scène. Nul doute que sans leur présence pesante, les deux Olfensen en seraient venus au mains.



" Père ?"
" Quand te décideras tu à ramener de l'argent à la maison ? J'en ai assez de tes frasques... Tu devrais aller trouver Aldarion et te remettre à son service.."
" Je ne vais pas aller à Annuminàs en sachant très bien sa réponse... Le Roi a changé père, ce n'est plus l'idéaliste vertueux qu'il était.. Je m'estime heureux d'être vivant."

Oleg soupira..

" Profites qu'il soit dans les environs... Ton cousin m'a dit l'avoir vu aux portes de Fornost tout à l'heure..."

A ces mots, Lagor Olfensten blêmit.

Le vent était de plus en plus fort et les nuages s'amoncelaient au-dessus de Fornost. L'homme de main d'Aldarion galopait à grande allure et il arriva bientôt à l'endroit voulu : la demeure des Olfensten. Le Khandéen avait entendu parler de ce Lagor, l'un des meilleurs cleptomanes d'Arnor et l'un des plus mignons. Cet Olfensten, selon les informations qu'avait récolté Sirion, était un jeune homme séducteur n'hésitant pas à cocufier des dizaines de maris fous de rage mais son agilité et son sens de la "fuite" lui avaient permis de s'en sortir jusqu'à maintenant.... mais pas aujourd'hui.

Sirion avait décidé d'agir seul pour cette mission, Megrez avait voulu venir mais son supérieur en avait voulu autrement pour aujourd'hui. Ce Megrez était une véritable brute, une force de la nature mais pour avoir Lagor, le Fantôme voulait agir seul comme pour vérifier si ses talents d'antan étaient toujours au rendez-vous.

Il se laissa glisser de sa monture et l'attacha à un poteau qui tenait en l'air une lanterne pour la nuit. Sirion s'avança alors vers la grande porte de bois et avant de frapper, il replaça son manteau avec soin sur ses épaules. Son manteau, son fameux manteau... des rumeurs circulaient en Arnor comme quoi si l'on voyait le manteau du Fantôme s'ouvrir, l'on mourrait sous peu. Mais ce n'était qu'une rumeur et peu de gens savaient ce qu'il y avait sous ce vêtement noir et usé par le temps.

Soudain un bruit se fit entendre de l'extérieur, quelqu'un frappait, le Fantôme frappait à la porte. Il se contenta de deux tapes, brèves mais sèches. Sirion attendit patiemment et imaginait la tête des hommes vivant derrière cette porte. Il attendait, refoulant son désir de défoncer la porte et d'en finir rapidement, ce jeune garçon devait se douter de quelque chose, peut-être ou peut-être pas. Ici, Sirion patientait, deux carreaux chargés sur son arbalète, sous son fameux manteau noir...

La tension devint palpable dans la maison des Olfensten, Lagor sursauta lorsque quelqu'un frappa. Son père, lui, avait serré les poings et avait fermé un moment les yeux comme pour maudire les Valar de cet instant. Calmement, il se leva, droit comme un I et la tête levée fièrement. Il s'approcha de la grande porte et posa la main sur la poignée de bronze ; il tourna la tête vers son fils qui tremblait de plus en plus puis ouvrit avec soin la porte.

Un homme de taille moyenne lui faisait face, les cheveux aux épaules, des habits sombres et un regard ... étrange, un oeil bleu foncé et un autre rouge observaient Oleg et celui-ci faillit montrer sa surprise à la vue de ces yeux. Mais il comprit vite à qui il avait affaire. Oleg n'était pas stupide.

"Que puis-je pour vous ?" demanda-t-il au visiteur se doutant très bien qui était la cible de cette visite.

"Je suis ici pour parler à votre fils, Lagor Olfensten. Laissez-moi entrer." répondit Sirion.

"Au nom de ... ?"

"Sirion, c'est Tar-Aldarion, lui-même qui m'envoit."

A ces mots, Oleg n'osa pas répondre et s'écarta alors du chemin de Sirion. L'ancien mercenaire s'engouffra alors dans le passage et pénétra dans la fameuse demeure des Olfensten. L'air y était frais et agréable mais la tension qui en émanait depuis quelques minutes tendait à réchauffer l'atmosphère. Sirion ne prit pas la peine de saluer toutes les personnes, son temps lui était compter et qui plus est, il n'avait pas l'intention de se faire des amis ou d'entamer une quelconque discussion.

"Lagor Olfensten. Tu es en état d'arrestation pour complot contre la couronne d'Arnor. Tu devras être jugé et condamné pour tes actes. Suis-moi."

"Quoi ?! Un complot contre Aldarion ? Jamais, je ne suis pas un traitre !" s'exclama Lagor.

"Peu m'importe que tu le nies ou non, tu viens avec moi."

"Vous n'avez aucun droit pour l'emmener ! Vous n'êtes même pas un soldat du rang et je ne vous ai jamais vu."

Un sourire discret apparut sur le visage de Sirion quand Oleg prononça ces paroles. Aucun droit ? Non il avait TOUS les droits.

"Si vous pensez que je n'ai aucun droit, empêchez moi de partir avec votre fils et nous verrons alors. Qu'en dites-vous ?"

Oleg ne dit rien sur le moment. Il n'osait rien dire, ni faire car il ne savait rien de cet homme qui se nommait Sirion. Mais quoiqu'il en soit, il irait certainement au sénat pour en savoir plus sur ce Sirion et cet étrange complot fomenté par son propre fils. Lagor était peut-être un jeune homme à part mais l'accuser d'etre un traitre...

Lagor était resté immobile tandis que Sirion s'avançait vers lui d'un pas léger. L'agent d'Aldarion l'attrappa par une épaule et ce dernier se laissa faire sans vraiment comprendre ce qui se passait.
Alors qu'ils allaient ressortir, Lagor se retourna et dit à son père :

"Je suis innocent, père."

Puis une fois dehors, le fantôme le fit monter sur le dos de Flûte et s'y installa ensuite, juste devant son prisonnier. Mais une question tournait en boucle dans la tête de Sirion : pourquoi ne se défendait-il pas plus ardemment que ça ? Après tout, il était jeune et plein de vie, il aurait dû vouloir s'opposer à l'autorité, naturellement, mais rien. Rien, juste une phrase douce sans haine. Mais la vraie question n'était pas cela, le problème pour Sirion c'est que dans cette situation en apparence simple, il devait éliminer un jeune garçon qui ne se rebellait pas et qui ne lui offrait aucune raison de l'abattre froidement. L'éthique de Sirion le tenaillait.

Le Khandéen et son prisonnier étaient partis il y a peu de la demeure des Olfensten et lorsque Oleg -qui les regardait s'éloigner- fut hors de vue des deux hommes, Sirion changea de direction vers le bois le plus proche. Lagor s'en rendit compte au bout de quelques minutes et s'adressa à Sirion :

"Pourquoi va-t-on vers la forêt ?"

Aucune répone. Sirion n'osait rien lui dire de peur d'égarer un mot ou de bégayer à cause de sa conscience. Pour l'instant, il réfléchissait à la façon de se débarasser de Lagor. Pénétrer dans la foret, le pendre à un arbre ? Non trop long. Lui pourfendre le coeur ? L'égorger pour en finir rapidement ? Peut-être... Le laisser fuir pour ensuite lui envoyer un carreau de son arbalète dans le dos ? Lâche mais efficace.

"Oh, vous allez répondre oui ?!!"

Tiré de ses pensées morbides, Sirion stoppa sa monture et pivota légèrement la tête pour que Lagor l'entende. Ils étaient arrivés à l'orée du petit bosquet et Fornost était déjà à plusieurs lieues de leur position. Idéal pour en finir enfin avec ce dileme.

Sirion descendit de cheval et Lagor l'imita puis le Fantôme s'adressa à lui :

"Je dois te tuer Lagor. Telle est ma mission."

Le jeune se tut. Il regardait Sirion mais on ne parvenait à pas savoir ce qu'il ressentait à son égard. Haine, compassion ou autre.

"Mais maintenant que je suis ici, face à toi, je ne peux pas t'éliminer ainsi, de sang froid. Tu ne m'en as pas donné l'occasion."

Lagor se décida alors à lui répondre :

"Je vois. Ce foutu Aldarion ne me foutra pas la paix ! Il a vraiment changé depuis la Bataille Finale. Merci de m'avoir épargné, je m'casse et je reviendrai pour laver mon honneur. Il perd rien pour attendre !"

Suite à cela, tout fut trouble pour Sirion. Lagor se mit alors à courir, longeant le bois. Le Fantôme l'observa un moment, des gouttes de sueur perlaient sur son front mat. Il saisit son arbalète, sa main tremble. Son bras se lève, il pointe son arme vers Lagor. La gachette se fait dure mais son index reste ferme et le carreau part. Lagor s'effondre, quelques dizaines de mètres devant Sirion. Son corps se relâche enfin. Il va jusqu'au corps, le traine dans les bois et le cache sous un tas de branchages et de feuilles mortes.

L'aîné des Ibn-Lahad reprit ensuite place sur sa selle et avant de repartir, rejoindre Aldarion, il se tourna et articula :

"Je suis désolé. Tu n'aurais pas dû me tendre la perche."

Puis il détala au galop vers le sud, aux gouttes de sueur s'étaient mélangés des larmes...

#Sirion #Olfensten