Le Domaine du Mal

Comme à l'habitude, un froid mordant régnait dans les collines mortuaires et seul le sifflement du vent et les hurlements des âmes en peine venaient troublés la quiétude mensongère de ces sombres lieux. Cette Terre qui fut un asile glorieux pour les morts est aujourd'hui maudit, et les êtres qui le peuple n'ont ,pour la plupart, plus rien d'humain. Au sommet d'une colline, une grande Pierre se dressait, pointant vers le ciel comme voulant défier les Dieux. Une brume incessante l'entourait, et ce monument était gardé par d'étranges sentinelles. Les êtres des Galgals arpentaient les chemins sinueux des Hauts, mais plusieurs d'entre eux semblaient attirés par l'imposant Mehnir. Ils sont ses gardiens lorsque vient la nuit, car le jour, ce sont les hommes qui veillent.Mais le soir, les hommes rentrent, laissant la place aux Ténèbres.

Une bouche près du menhir semblait s'enfoncer dans les profondeurs de la Terre, et cette entrée était parsemé de marches qui conduisaient à de glauques souterrains. En descendant cet escalier, on se trouvera face à une énorme pierre, interdisant toute continuation. Pour les esprits tourmentés, c'est le début du territoire des hommes mauvais. pour l'aventurier imprudent, c'est une impasse qui ne conduira qu'à la perte de l'âme.

Et c'est là, derrière cette pierre, qui est en réalité une porte, pièce maîtresse d'un mécanisme complexe, qui ne s'ouvrira que si le maître des lieux l'autorise. Derrière cette pierre, veillent deux solides gaillards, des hommes mauvais, absorbés par l'influence sanguinaire d'une Sombre créature, comme tous leurs camarades. Puis le tunnel continue, et débouche sur une grande caverne naturelle, où l'air est nauséabond et les parois humides. Bien peu aménagée, cette salle est en réalité truffée de pièges en tous genres, nouvelle sécurité déployée par le génie d'une Obscure entité.

Au delà de cette pièce de la mort, se trouve une bifurcation. Le chemin de droite vous conduira vers une fin atroce si vous n'y êtes pas invités, car il s'agit de la salle de culte, lieu où les membres de la compagnie prient les forces Noires. A gauche se trouve la salle d'arme, terrain d'entraînement des habitants du lieu. C'est par cette salle qu'on accède tout d'abord à la grand-salle, où se tient les réunions et où les soldats se retrouvent dans leur rares moments de temps libre. Et enfin, encore plus loin dans les souterrains, la salle des dortoirs, où les guerriers prennent un repos mérité un fois leurs infâmies terminées.

Mais dans la salle de prière se trouve un petit cabinet, chambre privée du sorcier de la troupe, d'où provient parfois une étrange mélopée, signe que son résidants est en transe et qu'il ne faut en aucun cas le déranger. Seul deux hommes avaient la permission d'entrer dans cet étroit espace : le Chef des mauvais hommes et son second, le mage sombre.

Ainsi était le bastion d'une des plus vieille et meurtrière assemblée d'hommes en arme. Ainsi était le domaine du Seigneur-Dément Arkanos et du puissant Croc-Noir. Ainsi était le repaire des Ombres du Destin.

Les salles secrètes

Ceux qui connaissent l’emplacement du domaine des Ombres sont bien peu nombreux, mais plus rares encore sont les élus qui connaissent tous ses secrets. Il est des lieux où seul quelques membres peuvent accéder, comme les forges de la caverne, où deux hommes vivant au contact de l’acier de puis le premier bégayement, sachant battre le fer comme nul autre humain de la région vivent reclus la moitié du temps pour s’atteler à leur tâche essentielle au bon fonctionnement de l’organisation. Les gradés de la compagnie ont évidemment accès à toutes ces salles regorgeant de secret, comme encore la salle du trésor, où est entreposé le fruit de siècles de rapines, ou la salle de torture, que personne n’a jamais découvert, mais dont chacun connaît l’existence par les hurlements des suppliciés résonnant à travers tout le repaire.

Il y a également le cabinet de Croc-Noir, interdit d’accès à tous sauf à son « maître », devant lequel beaucoup de guerrier se sont arrêtés, mais aucun n’a encore eu l’audace de franchir le seuil de cette porte. Et derrière cette porte se trouve un laboratoire, où divers ingrédients tous plus écœurants les uns que les autres, viennent s’entasser dans des étagères poussiéreuses mais extrêmement bien rangée…et au fond de cet antre voué à la magie noire se trouve un cercle rouge, refait régulièrement par le propriétaire des lieux par le sang des prisonniers qu’il égorge lui-même. Croc-Noir définis lui-même cet environnement, comme « son sanctuaire ». Nul ne sait ce qu'il y fait, peu de gens ose se l'imaginer, et ils sont souvent bien loins de la vérité...

Sgnarelle avancé calmement sur son chariot, balotté par les imprefections de la route. Le gros marchand voyageait seul, car depuis les récentes "réformes" du maire, il y avait longtemps que la route de Bree n'avait pas été si sûre. Seule ombre au tableau, l'obligation de passer près des imposants tumulus qui s'élevaient sur la collinne d'à côté.
Mais avec l'affaire la quantité d'herbe à pipe qu'il ramenait, et le prix qu'il l'avait payé (les hobbits tendaients à ne plus guère négocier avec les hommes, laissant leurs marchandises à des prix de misère pourvu qu'ils partent), avec tout ça, même la brume qui s'élevait au loin n'arriverait pas à entâcher sa bonne humeur.

Quoi que...

Soudain, il perçut comme un sentiment de froid inexplicable car ce début de nuit était encore chaud pour la saison. Une vague de panique l'atteint. Non, non, c'était impossible, il était resté sur la route ! Les Etres restaient près de leurs tertres, c'était bien connu. Tant qu'n résistait à la tentation d'aller jeter un oeil, on ne risquait rien...

Pourtant, des volutes de brumes argentées surgirent de nul part pour tourbillonner autour de la charette et du cheval, et ce dernier hennit de terreur.
Soudain, il le vit, une silhouette sombre encapuchonnée qui s'avançait sans sembler incommodée par ces événements. A vrai dire, elle les provoquait.

-Non ! Non ! hurla le marchand. Un Mauvais Esprit ... Les spectres quittent leurs tombes.

Le Galgal était presque à sa hauteur. Dans un élan de courage, le gros Sgnarelle s'arracha de son siège et ce mis à courir pour échapper à l'apparition.

-A l'aide ! Les spectres sont sur la route et

Il ne finit jamais sa phrase. Sans même que le Galgal ne l'ait touché, il était mort. Le spectre continua son chemin, sa cape noire virevoltant derrière lui, son aura mystique le suivant.

A vrai dire, le Galgal ne quittait pas les tumulus, il allait vers eux. Et à vrai dire, ce n'était pas un Galgal.

Le cavalier noir monta vers les menhirs et, guidé par le palantir qu'il tenait au creux de sa main, choisit le plus imposant.
Surgit alors un spectre, un véritable, qui, alléché par cette victime inespérée avait pointé sa silhouette pâle.
Le cavalier noir ne se troubla pas et continua tout droit. "Va t-en" dit-il au spectre, et l'Etre s'en alla.

Alors il descendit dans la galerie et franchit la pierre tenant lieu de porte que les Ombres du Destin maintenaient fermée, car mieux vaut éviter les Galgals lorsque ces derniers sortent la nuit.

Alors il dit aux gardes :

"Je viens voir votre maître, à propos d'un pacte ancien qui tiendra à nouveau. Car je sais qui il est, même s'il ne sait qui je suis..."

Sans attendre d'autres explications, les deux hommes s'agenouillèrent devant l'apparition. Si l'être qui se tenait devant eux était assez puissant pour ouvrir "la Porte", il ne fallait en aucun cas aller à l'encontre de ses volontés. de toutes manières, ils avaient été prévenus, tous autant qu'ils sont. Lors d'une assemblée de membres, Le Maître des lames-jumelles avait évoqué des jours meilleurs pour la troupe, et avaient vu lors d'une messe noir un sombre cavalier parcourir les plaines à leur recherche. Et il était là, devant eux. L'un des guerriers fit signe à l'être, lui indiquant par quelques gestes de suivre ses pas pour ne pas être ennuyé avec les quelques artifices de la zone suivante. Il se doutait bien qu'une telle entité n'en avait cure, mais telle était la procédure.

Sortant de sa chambre, les yeux injectés de sang et le sourire dévisageant son visage parfait, Croc-Noir souris. "Il" était arrivé. Le temps du sang, des larmes et de la mort approchait. L'avènement des ténèbres était si proche... il pouvait le ressentir jusque dans chaque fibre de son être. Ceux qui ont choisis la voie du bonheur sont des sots, tel était la certitude du Sorcier. Même si les pouvoirs du mal nous dépassent, ils nous rendent infiniment plus puissant. Ne pas chercher à comprendre, car la compréhension amène à la sagesse, et la sagesse conduit au bien. Il n'y rien de plus beau que le mal pur, dénué de toute logique, simplement magnifique et décadent. Il n'y a rien de plus agréable que d'écraser ses semblables comme l'on piétine un insecte insignifiant.

Arkanos le géant sortit de sa torpeur, réveillé par l'un de ses sbires. La nouvelle de "sa" présence l'enthousiasma au plus au point. Ses prières avaient enfin été entendus, et ses chérubins allaient enfin avoir leur rôle dans l'anéantissement des institutions morales, religieuse, et législative des Terres du milieu. venait enfin le règne du chaos, de l'anarchie, des ténèbres et ...des Ombres. Se saisissant d'une épée large de taille humaine, le titan, du haut de ses deux mètres dix, toisa les quelques Ombres du destin présentes à ses côtés :

Joie, mes fils, Joie! Nous sommes au crépuscules d'un âge...et nous serons le fléau qui précipitera sa chute!!!

Ainsi, les deux gradés des Ombres du destin se dirigèrent vers la salle commune pour acceuillir dignement le hérault des Ténèbres...

Il avait rangé le palantir dans un replis de son manteau et avait renoncé à la terrible aura qu'il dégageait. Maintenant, une impression de chaleur l'accompagnait, avec un parfum d'encens envoûtant et prononcé, marque profonde de son origine, même s'il y avait longtemps qu'il avait quitté les salles enfumées de Blankânimad.
D'effrayant, il passait à grandiose et attirant, car il ne faut pas traiter les amis de la même façon que les ennemis.

Son pas fut lent lorsqu'il alla à la rencontre des deux meneurs de Ombres et même s'il était dominé par la taille, ce qu'il symbolisait lui garantissait une attention exceptionelle.
De même, comme il l'avait dit, il savait quel était le maître bien qu'il le voyait pour la première fois.

"Le temps est venu, dit-il, de rappeler un pacte datant du temps du Seigneur Sauron."

Silence. Sa voix était grave et posée, et elle résonna dans la pièce entière par quelque artifice.

"Sauron a été vaincu et n'est plus. Mais lui-même n'était qu'un lieutenant, et qui est obligé au serviteur l'est aussi au maître. Aujourd'hui, l'esprit de Melkor foule à nouveau ces Terres et tous se soulèvent pour lui permettre de retrouver pleine puissance. Lui jurerez-vous allégeance, et par extension à mon maître ?"

Les deux hommes mirent genoux à Terre,courbant l'échine devant l'être qui se tenait devant eux. Et en un même instant, ils prononcèrent les mots-clé du serment qu'ils firent ou que leur ancêtre on fait et qui de tous temps fut respecté :

Je suis une Ombre du Destin. Nous sommes les éternels Témoins...Des Massacres en l'honneur du Seigneur Noir, car nous sommes ses avatars. Qui meurent ou tuent mais jamais ne faiblissent.

Les guerriers des Ombres sortaient de leur torpeur, se levant pour voir l'incarnation du mal. Il était si beau et si grand que chacun restait immobile, subjugué par cet être maléfique.

Puis Croc-Noir se tourna vers les enfants des Ténèbres, et d'une voix déformée dépourvue d'humanité, une voix mélangeant le hurlement du Troll et le sifflement du serpent, le second des Ombres du Destin hurla sa joie pour la communiquer à ses pairs. Son cri fut repris par quarante hommes en armes, assoifés de sang et de souffrances.

A cet instant, Arkanos le Seigneur Dément se pencha vers son visiteur.

Nous jurons allégeance au grand Melkor sans hésitation. Toutefois j'aimerais oser vous demander une humble faveur. Voyez-vous, sire, j'ai beaucoup aimé une brebis de ce troupeau, mais cette brebis s'est égaré sur le chemin du bien et de la justice...

Un rictus mauvais déforma légeremment le visage du Titant.

Pourriez-vous récupérer mon petit Balak et le faire revenir ici, dans sa vraie famille ?

Il eut un petit ricanement froid.

"Rien ne m'est impossible..."

Mais il rajusta son manteau et il se redressa, car s'il avait déjà parcouru une longue route, son voyage n'était pas fini.

"Mais je ne peut rester... Je sens que vous avez des idées de là où il est. Lorsque vous serez prêts à bouger, je le saurai et de l'aide vous sera envoyée."

Et il partit alors par où il était venu, et il savait qu'il rviendrait sans doute un jour ou l'autre.


Il rejoint la route. Le cadavre du gros marchand n'avait pas eu le privilège d'être préservé de la vermine. Un étrange homme aux ongles sales et crochus, aux babines de troll, était en train de le dévorer comme une bête.

"Quel résultat, Sarcha ?"

"Plutôt mauvais, répondit la figure vaguement humaine."

On aurait pu s'en douter. Chacun appelèrent leur sinistre monture, et ils repartirent ensemble, même si cela ne plaisait guère au cavalier noir.

Dans son cabinet secret, Le sorcier des ombres semblait préocuppé, ce qui surpris Arkanos, venu le voir pour célébrer leur choix. Croc-Noir se contenta de le regarder d'un oeil las...

L'éternité est longue...si longue...

-Mon cher Croc-Noir, tu doutes de notre choix ?

-Aucunement, Seigneur, aucunement... J'ai promis quelque chose à une force dépassant le commun des mortels, et je ne peux m'en défaire. J'accepte donc mon sort, et ce depuis des millénaires. mais parfois, il m'arrive de me demander si je n'ai pas trop vécu... Et vous, Arkanos, qu'en pensez-vous ?

Cesse donc de m'appeller Seigneur! Je sais très bien que tous ce qui est en possession des nôtres n'est dû qu'à ton existence. Je te suis donc redevable, tout autant que le furent mes prédecesseurs. Nous devons désormais attendre les instructions de nos alliés, mais rien ne nous empêche de chercher quelques temps par nous-même. Fais le venir!

Je ne puis Seigneur, il est en entraînement.

Et Quoi ? Va le trouver!

Seigneur...

Tu en as peur ?

Je ne dirais pas cela, mais lors de sa transe, il peut devenir dangereux pour quiconque s'en approche. Vous savez que j'ai raison, Arkanos...

***

A cette heure, la salle d'arme était vide. C'était "son" heure. Un homme au centre de la pièce, le corp nu et tatoué, tenant une lame dans chaque main, baissait la tête, dans ce qui semblait un effort de concentration. Puis, lentement, il se redressa et ouvrit les yeux.

Il est là...à ma portée...le saisir...

Et dans un tourbillon de chair et d'acier, Khalid Al Khadiz trancha la "tête" des six mannequins qui l'entourait, en une fraction de seconde.

je l'ai eu...je l'ai vu...j'ai réussi...

Un large sourire illumina la face du guerrier Haradrim.

J'ai saisis...l'Instant!!

La brume si caractéristique au Haut de Galgals s'évanouit et l'air glacé par ces présences maléfiques se réchauffa jusqu'à devenir véritablemnt lourd. Pourtant, ce n'était pas un orage qui s'approchait, même si les claquements des sabots du cheval qui s'approchait avaient un petit quelque chose comparable au bruit du tonerre.
Il avait renoncé à aspirer la chaleur de tout être, mâis ce n'était pas pour ça qu'il était moins effrayant. Sa colère était perceptible et elle était tout aussi inquiétante.
Le cavalier Noir mit pied à terre.

A nouveau, il monta sur les collinnes sans se soucier de la présence de Esprits rôdant dans le coin. A nouveau il entra chez les Ombres du Destin grâce à quelqu'astuce de sa connaissance.
Et de sa voix profonde, il déclara :

"Votre petit protégé récalcitrant fait parler de lui... Il est entré dans le domaine d'Amouth, à Torech Ungol à la frontière du Mordor. Il a été reconnu par ses maléfices. Mais à l'heure qu'il est, Amouth est tombé, bien que j'ignore comment. Il était un grand Seigneur qui jadis connut Sauron en personne. Si votre cher ami y est pour quelque chose, il est grand temps que vous le retrouviez, en effet. C'est une perte qui nous est fort dure..."

Voilà sans doute la raison de sa colère, mais il ne semblait pas véritablement déstabilisé par la chose.
Il tourna les talons tout en se dirigeant vers la sortie. Il avait déjà un pied à l'extérieur quand il dit :

"Je saurai vous contacter. Que votre chasse soit bonne et Joyeux Noël !"




Pour ceux qui ne croient pas qu'un terrible ennemi puisse être touché par l'esprit de Noêl, la phrase serait plutôt :

"Je saurai vous contacter. Que votre chasse soit bonne et que Melkor soit avec vous."

Voila déjà plusieurs heures que le messager noir était parti. La rage se lisait sur tous les visages, et dans chaque pièce où se trouvait une Ombre du Destin, une aura de haine était perceptible à telle point qu'on aurait pu la croire matérielle. La nouvelle n'avait apparemment pas ravi les serviteurs des Ténèbres, et encore moins leurs Seigneurs. Sur son Trône d'os et de pierres, au beau milieu de la salle principale, Arkanos fulminait. Cette fois-ci, il était allez trop loin...Bien trop loin pour être récupéré sans payer le prix de ses déviances...Balak était devenu irrécupérable et presque...dangereux.
Cette pensée décrocha un sourire forcé au visage crispé du Seigneur Dément. Il en était persuadé depuis qu'il l'avait vu massacrer sa mère adoptive à l'orphelinat : ce gamin avait d'excellentes prédispositions. Comme un père tourmenté, Arkanos se demanda quelques instants où il avait pu échouer au cours de l'éducation de celui qui lui donnait tant de soucis aujourd'hui. Un sentiment qu'il condamna bien vite au fond de son coeur, le jugeant trop faible.
Le titan ne cessait d'agiter son épée large, si imposante qu'elle effrayerait un Troll enragé. Pourtant, quatre silhouettes entouraient le trône sans broncher, vêtues uniquement de noir et aux visages dissimulés sous leurs frusques. Elles ne bronchèrent pas plus lorsqu'un hurlement atroce retentit dans tous le repaire. Croc-Noir était également fureiux, et ses victimes en payaient le prix.

Dans l'antique Cabinet, Le maître des lames-jumelles tentait de passer ses nerfs sur quelque chose, ou plutôt quelqu'un. On lui avait fait un reproche, à lui, l'un des plus puissant serviteur de l'Ombre, du moins à sa connaissance. L'idée qu'il ne savait rien des puissances occultes auquelle il appartenait lui fit redoubler de fureur, et sa frénésie meurtrière s'en trouva décuplé. La jeune fille devait avoir une vingtaine d'année, mais les chairs à vif, l'abondance de sang, de boyaux et d'organes sur le sol rendaient ardue toute identification. Installée près du "conduit", lieu d'où provenait les drogues qui rendaient les Ombres d'Arnor plus fortes que leurs homologues des autres contrées, la jeune femme hurlait encore à s'en décrocher la machoire tant le supplice était immonde. Si Croc-Noir avait installé son jouet près du fameux conduit, c'est qu'il avait également des qualités sonores exemplaires, permettant de faire faire partager le plaisir macabre de l'elfe souillé avec tous ses pairs. Ceux-ci ne s'en sont d'ailleurs jamais plains...

Aujourd'hui cependant, Arkanos n'avait aucnement la tête à étudier les cordes vocales d'une jeunette, et hurla de toutes ses forces :

Croc-Noir! Arrête ça! Et viens ici immédiatement!

Il était temps de reprendre les choses en main. Il fallait agir, dans les environs tout d'abord, puis à une plus grande échelle.Tromak et Brannor étaiet déjà parti glaner des informations diverses en Comté et à Annuminas. Quand à Khalid, il était parti à l'encontre de son "vieil ami"... Arkanos commençait déjà à échafauer ses plans lorsque Croc-Noir pénétra dans la Grande-Salle.

Vous m'avez appelez, Arkanos ?

Envoie des lettres à toutes les planques, tous les repaires et même aux deux autres Domaines. Que leurs chefs soient prêt à envoyer leurs hommes ici pour les conditionner un peu...

Croc-Noir, encore barbouillé de sang, se contenta de hocher la tête avant de quitter les lieux. Arkanos demeura alors seul, uniquement entouré de ses sbires aux âmes broyées il y a bien longtemps, ne laissant qu'un réceptacle dévoués aveuglément à leur Chef. Les pions avançaient sur l'échiquier du Destin.

Non... pensa-t-il.Je ne suis pas un pion...je suis un fou...et le pire de tous!

Et le rire irréel qui valait à Arkanos le surnom De Seigneur-dément s'accorda sur la monstrueuse harmonie de nouveux cris de douleur.

Alors que le maître aux lames jumelles s'éxerçait dans son monstrueux cabinet, quelques coups résonnèrent à sa porte, suivis de ces paroles :

Voila la réponse de l'intru, Seigneur.

un sourire mauvais se dessina sur les traits parfaits de l'elfe renégat. Délaissant ses ignobles experiences d'alchimie, il sortit en trombe, regarda son messager avec des yeux avides et tendit sa main blanchâtre pour récupérer son sésame. Une fois la missive en sa possession, Croc-Noir ne pu s'empêcher de sourire. Il retourna alors dans son antre, au plus profond de la pièce. Là se trouvait une grande table de torture, et de multiples objets de métal, d'os et d'ivoire. Et aujourd'hui encore, la table maudite était occupée par un malheureux infortuné. Le second des Ombres regarda le brave Sangar avec envie.

On dirait qu'il n'a pas vraiment compris les conséquences de son refus... Aucune importance, ça me permettra de jouer un peu avec toi. Je te l'avais pourtant déjà dit, Sangar! Tu ne devais en aucun cas trahir le principe de discrétion une nouvelle fois! Les règles sont les mêmes pour tous, et ton passé ne te permet pas d'en réchapper... Mais ne t'en fais pas, je ne te tuerais pas. Non, je te ferais endurer mille supplices, puis je te soignerai, et je recommencerai, encore et encore, jusqu'à ce que je te brise entièrement, mon brave petit Sangar. Chaque jour qui passera, ta raison t'échapperas un peu plus, et tu deviendras plus docile qu'un gentil petit chiot. Que dirais-tu de commencer dès maintenant...Je suis d'humeur joueuse, aujourd'hui!

Et alors que que le Maître aux lames jumelles se dirigeait en chantonnant vers ses sordides instruments, Sangar le brave ne put s'empêcher de verser une maigre larme de dépit...

Et Halbarad revenait dans la région qu'il avait quitté il y a quelques semaines. Il revenait vers les Hauts des Galgals, pour trouver le repaire du terrible Croc-Noir, il revenait pour accomplir son devoir et sauver Sangar, il revenait enfin pour s'opposer aux créatures maléfiques qui rôdaient depuis longtemps dans Tyrn Gorthad, les Collines Hantées.

Le Capitaine se souvenait du serment qu'il avait fait en quittant les Hauts: de venir de nouveau, pour libérer Sangar. C'est pourquoi il avait parcouru de longue lieues à la hâte, ne s'arrêtant que très peu. Et il les voyait à présent, ces monts aux Pierres Dressées, car le Dunàdan se trouvait à la frontière méridionale des Hauts. Mais il ignorait à quel endroit précis se trouvait le repaire du sinistre Elfe, de ce monstre au coeur sombre, ce Croc-Noir. D'après les légendes, lui et ses gens (ainsi que ses prisonniers) se trouvaient dans une sorte de caverne, contenant une salle de torture, et, disait-on, de fabuleux trésors.

Cependant, cela n'indiquait en rien la direction à suivre, et Halbarad erra dans les étendues sauvages. Aucun Galgal ne se voyait, c'était une chance. Les heures passèrent sans qu'il put trouver la demeure maléfique, et il lança soudain un appel:

"Sangar! Sangar où êtes-vous?"

Le Dunàdan regretta par la suite de s'être fait entendre: toute approche par surprise était maintenant exclue.

A peine l'appel du rôdeur avait retenti que quatre hommes avaient surgis de nulle part. Leur face était burrinné, leur corps noueux et leur bouche était déformée par un profond mépris. Deux tenait l'intru en joue, arc tendu et flèche prête à transpercer l'imprudent. les deux autres s'approchèrent légeremment, et l'un d'entr eux commença à parler.

Suivez-moi, je vous prie. Nos maîtres tiennent à vous voir de près...Et le Fouet sera sans doute ravi de vous revoir.

le gard eut un léger rictus, avant de reprendre, imperturbable.

Nous vous invitons au sein de notre demeure, mais avant tout, il nous faut prendre quelques précautions... Il nous faudra, tout d'abord, vous bandez les yeux. Vous sera donné également une potion qui atténuera votre odorat. Nous vous donneront par la suite une mousse qu'il faudra vous introduire dans les oreiles. une fois ce préparatif terminé, nous vous conduirons à nos Seigneurs, mais avant, sachez qu'il y a un protocole à respectez, si vous tenez à la vie. ne regardez jamais le Haut-suzerain dans les yeux, c'est passible de mort, cependant il vous as été autorisé de contempler sire Croc-Noir...à vos risques et périls. N'insultez jamais un membre de la bande, car qui que vous soyez, il pourra demander réparation, c'est à dire un duel à mort. Et croyez-moi un étranger, même victorieux, a très peu de chance de sortir vivant du Domaine. Bien évidemment, vos armes vous seront confisqués durant l'entretien. J'espère que votre visite ne sera pas trop... douloureuse.

Et à ces mots, l'émissaire et ses hommes éclatèrent de rire. Puis, redevenant aussi dur que le roc, le guerrier posa la question finale :

Acceptez-vous ces conditions ? Dépêchez, on n'attend pas que vous, ici!

Le ton était froid, presque hostile, et le guerrier scruta intensément le rôdeur, comme s'il avait voulu le transpercé de son regard.

Et Halbarad n'avait pas d'autre choix que de les accepter. S'il les refusaient, il ne serait plus d'aucune utilité et les flèches seraient alors décochées. Il parla d'une voix faible, mais fière:

"J'accepte vos conditions..."

Ses armes lui furent alors retirées sur-le-champ: son épée, ses flèches, son arc, tout ce qui était susceptible de blesser leur seigneur. On lui banda ensuite les yeux, avec une grande pièce de tissu noir. Puis une potion lui fut administrée; elle avait une saveur assez désagréable, en vérité. Le Dunàdan la but lentement et avec dégoût. Bientôt, sa gorge et son nez lui brûlèrent affreusement, tandis que son odorait avait presque disparu. En enfin, un des hommes lui boucha les oreilles, avec des choses dont le Capitaine des Rangers ignoraient la nature.

Ils se mirent en route, et commença alors une lente et longue progression à travers les collines hantées. Le voyage dans ce monde sans image, sans son ni odeur était des plus déprimant pour Halbarad. Les quatre hommes le poussaient de l'avant sans grande doudeur: ils le tiraient souvent par ses habits avec brutalité, et se riaient de lui, bien qu'il se s'en doutât pas.

Enfin, les hommes arrivèrent au repaire de Croc-Noir avec leur prisonnier. Halbarad ressentit aussitôt l'absence de vent sur son visage, et une impression d'étouffement l'envahit, comme s'il était entré dans quelque profonde caverne. Il se trouvait à présent dans le plus terrible endroit de tous les Galgals, et ils ne pouvait toujours rien voir.

On lui enleva par contre les morceaux de mousse qui lui bouchaient les oreilles. Son ouïe retrouvée, il entendit la voix d'un homme qui hurlait avec force. Le son provenait d'une salle assez profondément creusée dans la caverne, mais, soit à cause de la longue absence de son, soit qu'il y eut un grand résonnement en ce lieu, il lui semblait que ces cris étaient tout proches de lui. Il manqua défaillir, car il crut reconnaître la voix de Sangar, qui criait dans son tourment.

Sans qu'il le sut, un des hommes qui l'avaient trouvé quitta le groupe et se rendit en direction du lieu de supplice, pendant que les trois autres tenaient toujours fermement Halbarad par les habits. Les cris cessèrent, et le Dunàdan entendit la voix d'un des hommes qui l'avait capturé, bien qu'il se trouvât à la salle de torture, assez loin de lui::

"Nous l'avons!"

Et en retour, une voix sépulcrale se fit entendre. Elle faisait vraiment froid dans le dos, et Halbarad aurait bien voulu être maintenant à des lieues d'ici:

"Fort bien... disait-elle. Je l'attendais avec impatience..."

Halbarad se demandait de quel genre d'être il s'agissait, pour prendre un ton aussi macabre, si c'était ce Croc-Noir, qui lui avait envoyé la missive, ou le Maître aux Lames Jumelles dont lui avait parlé Sangar, ou bien encore si ces deux noms désignaient la même personne.

On enleva alors avec lenteur le bandeau devant les yeux du rôdeur. D'un rapide coup d'oeil, il s'aperçut avec effroi qu'une dizaine d'hommes aux yeux injectés de sang le dévisageaient. Il se trouvait à l'intérieur d'une salle caverneuse sombre, humide et gigantesque, où des volutes de fumée blanchâtre semblaient encore se propager. Au centre de cette pièce, un grand autel actuellement vide, mais les immonde traces de sang séché laissaient deviner aux âmes purs quel sort funeste peut leur être réservé. Les guerriers étaient parés d'une longue toge noir, mais leurs visages aux larges cicatrices n'avaient rien de commun aux traits d'un clerc ou d'un homme de culte. La violence, la haine, et la cruauté pouvaient se lire dans leur yeux, et les vapeurs de la pièces semblaient décupler ces noirs sentiments. L'un d'eux scanda au rôdeur :

N'aie pas peur...On ne va pas te manger... Juste te répandre un peu les tripes au sol, mais ça tu ne sentiras presque rien...

Alors que ses compagnons commençaient à afficher un rictus haineux, la voix froide et venimeuse se fit à nouveau entendre.

Il suffit, Vermines! Retournez à la prière!

Aussitôt, les encapuchonnés se détournèrent du visiteur, joignèrent leur mains et entamèrent une étrange mélopée, aux sons graves et intrigants, ce qui éveilla un certain malaise chez Halbarad. Puis vins l'homme à la voix de glace. C'était un être de grande taille, au long manteau noir brodé d'or. Deux fourreuax pendaient àsa ceinture.

Je suis Croc-Noir, maître des lames jumelles. Bienvenue à toi, Halbarad...

Et Halbarad s'inclina un bref instant devant Croc Noir. Cela lui coûtait de se prosterner aux pieds d'un personnage si sinistre et mauvais, mais il voulait absolument montrer une bonne image de lui, ne souhait pas vraiment finir sur l'autel, ni subir le sort que les hommes lui prédisaient. Puis il parla au Maître aux Lames Jumelles:

"Bonjour à vous, grand Seigneur. Je viens ici en paix, bien que j'ai répondu de manière assez irréfléchie à votre lettre. J'espère que votre personne me pardonnera cet écart. Mais ceci appartient au passé... Je suis venu car je pense que vous détenez en ce moment même Sangar, qui fut mon sauveur. En paiement de ma dette envers lui, je suis venu traiter avec vous pour qu'il puisse partir libre. Je pense que nous pourrions trouver un accord qui nous serait mutuellement profitable. Mais tout d'abord, dites-moi, je vous prie, si Sangar est bien ici. Il me semble avoir entendu sa voix, mais peut-être me trompais-je, peut-être s'agissait-il d'une autre personne?"

Le Dunàdan attendait la réponse de Croc-Noir. Il était tremblant, car il redoutait la réaction de cet être au coeur noir.

L'air de la caverne semblait immobile. Tous les bruits avaient cessé et un inquiétant silence s'était installé, si bien qu'Halbarad pouvait entendre battre son coeur dans sa poitrine. Le Capitaine des Rangers du nord et le Maître aux Lames Jumelles se regardaient droit dans les yeux, mais ce dernier semblait réfléchir longuement avant de donner sa réponse.

Soudain, des pas lourds et des cris se firent entendre à l'extérieur, et deux hommes semblables aux autres firent irruption dans le repaire, traînant un troisième qu'ils semblaient avoir capturé. Croc-Noir eut un rire effrayant, et ajouta:

"On dirait que la pêche est bonne aujourd'hui."

Le nouveau prisonnier sembla attacher beaucoup d'importance à Halbarad, comme s'il le recherchait, et il s'adressa au Dunàdan à voix basse:

"Je vous cherchait... c'est urgent... j'ai un message pour v..."

Mais un grand coup de poing dans l'estomac de la part d'un des deux Hommes l'interrompit. Cependant, Croc-Noir ordonna de lâcher le nouvel arrivant et de le laisser parler, mais à haute voix, pour qu'il puisse lui-même entendre ces informations qui pouvaient être intéressantes pour ses sombres desseins. Le messager d'Arnor (puisque c'en était un) reprit:

"Capitaine Halbarad, le Roi m'a envoyé vous chercher, car la guerre va éclater en Arnor, et il souhaite votre présence dans les rangs, de toute urgence! Certains disaient que vous étiez dans les Galgals, et je suis venu, puis j'ai été capturé. Mais je ne m'attendais pas à vous trouver en ce lieu. Qui sont tous ces gens?"

"Plus tard pour les questions! répliqua Halbarad."

Et il se retourna vers Croc-Noir:

"La hâte m'est nécéssaire, Seigneur. Ne voulez-vous pas me laisser partir, ainsi que Sangar et le messager? Je peux vous être utile, je peux faire le serment d'accomplir quelque action pour votre compte, en échange de notre liberté. Que dites-vous?!"

Le sinistre Maître aux Lames Jumelles riait en son vilain for intérieur: le Rôdeur était tellement pressé d'aller défendre son Royaume qu'il pourrait lui demander n'importe quoi en échange. Et il répondit à Halbarad sur un ton froid, cachant sa malice:

"Très bien... très bien. Je vous demande alors de faire le serment de revenir dans ce lieu même, et que votre volonté soit soumise à la mienne, que vous soyez mon serviteur pour accomplir mes desseins. En retour, je vous jure que vous serez libre de partir avec votre messager, et Sangar fera de même s'il le souhaite, puisqu'il est effectivement là."

Et le Dunàdan accepta cet accord:

"Je jure de revenir en ce lieu, et d'obéir alors à votre volonté et à vos ordres."

"Bien... répondit Croc-Noir, et vous, messager d'Arnor, vous pourrez remercier Halbarad, car sans lui vous auriez fini le restant de vos jour sur l'autel que vous voyez là-bas. Quant à vous, Halbarad Dunàdan, puissiez-vous connaître un sort mille fois pire que la mort si vous transgressez ce serment! Ah oui, au fait, Sangar ne repart pas tout de suite, j'ai encore un petit entretien à avoir avec lui, mais je vous promet qu'il sera libre dans quelques heures. Sur ce, à bientôt cher Dunàdan!"

Et il fit entendre un rire profond et cruel. Les deux serviteurs d'Arnor n'eurent d'autre choix que de partir, avant que l'Elfe ne se ravise, et espérant que Croc-Noir respecterait sa parole et libérerait Sangar. On lui rendit ses armes, et les deux compagnons quittèrent la caverne, puis marchèrent plusieurs heures sans s'arrêter. Bientôt, ils passèrent la limite nordique des Hauts des Galgals.

Et Halbarad était heureux: il avait triomphé de la malice de Croc-Noir. Ce dernier avait commis une erreur: ne pas spécifier dans le serment à quel moment il devrait revenir le servir. Le plus tard serait le mieux, juste avant sa propre mort, pensait-il... Et il riait en pensant à la malédiction que Croc-Noir lui avait dit s'il ne respectait pas son serment, et qu'il appelait humoristiquement la Malédiction des Deux Epées, faisant allusion au Maître des Lames Jumelles, car Halbarad avait à présent le coeur plus léger.

Ardenath et Thénéril avaient marché pendant longtemps. Les quelques brigands rencontrés n'avaient pas posé de problème, hormis le sentiment d'être sans cesse espionner. Ardenath et Thénéril n'étaient que deux pour assurer les tours de garde les nuits, les deux soldats marchaient tout de bon pas. Aucun incident notable n'aurait été à relevé, et les deux voyageurs avaient une marche si tranquille qu'on aurait pu croire qu'ils étaient détendus. En vérité, ils marchaient sur les hauts des Galgals où les Êtres des Galgals sévissaient. En outre, parfois, des Wargs sauvages attaquaient les rares voyageurs qui arrivaient à fuir les Êtres des Galgals. Ces Wargs sauvages avaient souvent faim, ce qui les affaiblissait mais les rendaient aussi plus hargneux. S'ils n'avaient nulle intention d'affronter seuls les Êtres des Galgals, Ardenath savait qu'en défendant les voyageurs égarés des Wargs sauvages, il en sauverait plus d'un. Thénéril l'avait suivit longtemps, et se tenait toujours prêt au combat.

Puis, ce fut lors d'une nuit sans lune, alors qu'Ardenath dormait. Thénéril montait la garde, entretenant de brindilles et d'herbes sèches un maigre feu ne réchauffant guère et éclairant à peine. Mais c'était suffisant pour éloigner les prédateurs les moins hardis. Puis un hurlement sauvage déchira le silence nocturne, les oiseaux s'enfuirent des arbres proches, les rongeurs se cachèrent et se terrèrent dans leurs terriers et autres habitats. Thénéril se leva brusquement. Ardenath était déjà réveillé.

"Thénéril ?" demanda le soldat d'Arnor.

L'interpellé se retourna avec un visage inquiet. Le cri indiquait que les Wargs étaient proches, mais la lune invisible et le maigre feu ne permettait pas de les voir. Ardenath planta sa lance dans le sol et dégaina son épée. Thénéril l'imita presque immédiatement.

"Contre de tels monstres, rapides et furieux, parfaits pour le combat rapproché, les lances ne nous serviront pas tellement, expliqua Ardenath. Plantons-les sur nos arrières, et ils les garderont."

Les Wargs sauvages bondirent d'un fourré. Ils n'étaient qu'une poignée, et la première attaque fut repoussée, les blessures étaient superficielles et n'étaient que de simples coupures. Les épées des Arnorien firent par contre tomber plusieurs Wargs. Les survivants fuyèrent. La victoire était facile.

"Ne range pas ton épée, conseilla Ardenath. Ils n'étaient qu'une dizaine et ils se sont enfuis vite. Le reste de la meute devait être... derrière nous !"

Il se retourna brusquement, et leva son bouclier juste à temps pour se protéger d'un Warg qui bondissait sur lui. Sous le choc, les deux combattants roulèrent à terre, mais le Warg était bloqué par le bouclier. Une épée frappa son flanc gauche, et l'animal sauvage cria, puis rendit son dernier souffle. Thénéril repoussait plusieurs attaquants.

"Tiens bon, Thénéril !" lança Ardenath.

Thénéril fit reculer ses attaquants d'un grand coup d'épée et en profita pour replacer son bouclier, l'épée par-dessus le bouclier. Un moyen de protection efficace mais presque inutile à l'attaque. Ardenath jeta son épée, prit une branche morte qu'ils avaient gardée en réserve pour la nuit et la plongea dans le maigre feu de camp. Elle prit feu immédiatement, et Ardenath s'avança dans le combat. Il fit reculer les Wargs sauvages, et brûlèrent plusieurs d'entre eux. Ils s'enfuirent, mais Ardenath savaient que ce n'était que pour mieux revenir à la charge. Il garda sa torche improvisée et lança à Thénéril :

"Remballons nos affaires et réfugions-nous dans le bosquet là-bas, nous y serons plus en sécurité."

Ils rangèrent leurs affaients, Ardenath éteignit sa torche et prit sa lance. Ils courrurent dans la nuit noire vers un bosquet presque invisible aux yeux des hommes.

Ardenath remballa rapidement les affaires, tandis que Thénéril éteignait le feu à coup de pied. Ils récupérèrent leurs lances et filèrent vers le fourré. Les Wargs les harcelaient sur le chemin, et la nuit sombre ne les aidait pas. Ils distinguaient à peine ce qui leur semblait être le salut, et si les attaques des Wargs étaient incessantes, elles étaient sans véritable conséquences autre que le ralentissement. Les soldats d'Arnor atteignirent enfin le fourré et jetèrent leurs sacs puis s'emparèrent de leurs armes. La tension montait, le combat était proche, le sang et la mort rôdaient près d'eux.

"Mets ton bouclier en avant, Thénéril, chuchota Ardenath, et garde la ligne. Ne recules sous aucun prétexte. Ce fourré est épais, et ralentit bien les Wargs. Si nous arrivons à tenir d'ici la lumière du jour, nous aurons gagné. Courage ! Dans deux heures, l'aube se lèvera et les Wargs fuieront. Le feu peut aussi les faire fuir, mais cela signifirait brûler ce fourré et que l'un de nous deux ne combatte pas, ce qui causera peut-être la perte de l'autre."

Les boucliers en avant et les lances poitées vers les Wargs, les soldats d'Arnor attendirent la première vague. Elle fut furieuse et se déchaîna comme un torrent de lave. La puissance phénomale percuta les boucliers Arnoriens, et le choc fut tel que les deux compagnons faillirent reculer. Leurs lances respectives frappèrent et les premiers Wargs tombèrent. Les Wargs déferlaient, battaient en retraite et revenaient. Les deux Arnoriens ne pouvaient se défendre de tous les côtés, aussi, Ardenath décida de faire une sortie. Il embrocha un Warg de sa lance, et força sur le manche. L'arme traversa le corps du Warg pour en tuer un autre. Il dégaina son épée, et avança d'un pas, le bouclier sur le flanc gauche. Un Warg se précipita vers lui, mais son épée l'intercepta. Un autre Warg l'attaqua sur le bouclier et il tint bon ; Thénéril protégeait ses arrières. Ardenath s'écria soudain :

"Thénéril ! Récupère nos affaires et fais un feu ! Cherche du bois sec, tu en auras besoin ! Je les retiendrai, mais allume le feu, quitte à brûler nos affaires si tu n'as pas de combustible ou si je ne tiens pas assez longtemps !"

Thénéril traîna les affaires hors du fourré et élimina les Wargs qui passaient près de lui. Il réunit un tas de bois et de brinille, et il y mit feu presque immédiatement. Pendant ce temps, Ardenath repoussait les Wargs. Son épée battait frénétiquement l'air, et un Warg le mordit à l'épaule. Un lourd coup de bouclier le fit tomber, et une épée l'acheva. Puis les Wargs fuyèrent à la vue du feu, quand Thénéril approcha avec une torche. Ardenath était blessé, mais Thénéril était indemme.

Un matin, le moment où la brume de la nuit tombe et où la fraîcheur du matin réveille ceux qui dorment à la belle étoile, où la pâle lumière du soleil peine à réchauffer les voyageurs du matin... Les deux soldats d'Arnor étaient déjà debouts avant l'aube. Un feu de camp émanait assez de chaleur avec le soleil levant pour qu'Ardenath et Thénéril ne tremblent pas. Ils essayaient en vain de faire cuire un morceau de viande. Thénéril alimentait le feu d'herbe mais la rosée empêchait que son geste soit vraiment utile. C'était plus par réflexe que par réel nécessite. Ardenath, lui, scrutait l'horizon à la recherche d'un éventuel ennemi. Aucun des deux soldats n'osaient briser le silence matinal, comme si le briser aurait conduit à une sanction, car ce silence évoquait la sérénité d'un lieux pourtant envahi par des Orques, des Wargs et bien pire encore. Finalement, au bout de plus d'une heure de cuisson, le morceau de viant fut mangeable. Le soleil était maintenant assez haut pour chauffer davantage les Arnoriens, à leur grande joie.

"Thénéril, annonça Ardenath, aujourd'hui, nous ferons route vers Bree puis vers la Comté. Nous devrons marcher vite et bien. Normalement, le voyage se fera en moins de quatre jours, je l'espère."

Thénéril avala sa bouchée de viande avant de demander :

"Pourquoi cela ? La Comté est paisible, les Dùnedains veillent sur les Hobbits. Ces rangers hors-pair sont aptes à arrêter n'importe quel ennemi."

"En effet, n'importe quel ennemi, mais ils sont débordés, à ce que j'ai entendu. La Comté est désormais accessible par les mals anciens de l'Arnor, et je crains pour les Hobbits. Ils ne sont pas fait pour le combat."

"Les rumeurs ne sont pas toujours des faits véridiques. Tu sais aussi bien que moi que les hommes aiment embellir la vérité, que ça soit par le nombre d'ennemi ou par les hauts faits d'arme," rétorqua Thénéril.

"Tu n'as pas tort, admit Ardenath, mais les Hobbits seraient en danger. Je crois qu'il y a déjà des hommes mais si les Dùnedains n'ont pas réussi à arrêter la vague d'ennemis, je crains que les hommes ont besoin de renforts."

"Très bien, capitula Thénéril. Comme d'habitude, ton entêtement aura le dessus sur la voie de la raison. Comment va ta blessure ?" ajouta-t-il pour changer de sujet.

"Elle cicatrise, elle cicatrise. Elle n'est pas profonde mais me gêne un peu pour le combat. Remballons le camp et mettons-nous en route."

Le bandage de fortune faisait en fait souffrir Ardenath à chaque mouvement de l'épaule ou du bras droit. Mais le soldat d'Arnor était trop fier pour l'admettre. En vérité, que Thénéril lui demande tous les jours si sa blessure allait bien le gênait un peu. Un jour, son entêtement et ses envies de combat le tueront, il le savait, mais pour l'instant, il était toujours en vie. Les Arnoriens rangèrent les couvertures et la nourriture non utilisée et se mirent en route, épée à la ceinture, lance dans la main droite, bouclier dans la main gauche. Ils n'étaient pas loin de Bree mais la route n'était pas forcément sûre. Si la Comté était en danger, qu'en était-il des routes où les Dùnedains ne pouvaient plus veiller ? Orques, Trolls et Wargs, voir Être des Galgals pouvaient les surprendre à tout moment, et deux Arnoriens, aussi forts soient-ils, ne peuvent résister à une bande d'Orques. Leur survie la nuit où les Wargs avaient attaqués était dû en grande partie à la chance. Et Ardenath n'aimait pas compter sur la chance, trop aléatoire. Il se dit tout de même que le jour, les Orques, les Trolls et les Wargs étaient moins enclins à attaquer les voyageurs égarés.

Il fut un temps où un tertre plus grand les autres s'élevait, gardé par des êtres à peine humains, qui depuis des éternités en gardaient l'accès. Il fut un temps où ce lieu abritait une petite armée de dangereux combattants, avides de sang et de Bataille. Il fut un temps où nommait ce sanctuaire de la destruction "Le Domaine des Ombres". Mais ce temps n'est plus. Aujourd'hui il n'y a que des ruines, des corps pourrissants, et des cris à peine humains se perpétuant dans les sombres collines sans tenir compte ni du temps, ni de l'espace.
Cendres et désolation, Le domaine fut détruit lors de la chute du Gardien. Certaines Ombres du Destin ont survécu, ils racontent avoir vu à leur arrivée leur foyer complètement détruit, mais ce qui traumatisa les hommes de Khalid Al Khadiz, c'est les paroles d'un spectre, le premier qui vint à leur rencontre. Il les regarda, tous sans exception, avec la froideur de l'au-delà. es mâchoires putréfiés s'agitèrent lentement, et tous entendirent sa sinistre sentence :

"Le gardien est Mort. le pacte est rompu."

Puis, surgissant du néant comme une vague éthérée, d'autres spectres des Galgals ont déferlé sur l'armée de mercenaires. Presque tous les hommes sont tombés, et les rares survivants vivent désormais dans la terreur, étrange sensation qu'ils n'avaient encore jamais ressentis, même en plein coeur de leurs ignobles batailles. Les Ombres du Destin avaient été anéantis.
Mais pourquoi le Domaine s'était-il effondré ? Le Gardien a été vaincu, cela ne fait aucun doute, mais par qui ? Certains murmurent un nom, et leur haine est grande. Ils s'appellerait Balak, fils de Wagoc, et il aurait vaincu le maître des Lames Jumelles. Bien qu'inimaginable pour la plupart des Ombres, ce fait semble être établis, et parmi les survivants, certains se sont mis en chemin, aveuglés par la vengeance. Ils le cherchent. Et si aujourd'hui ils n'ont encore aucune piste, ils s'accrochent à la rancoeur qui les ronge, et demeurent décider à trouver le coupable et à lui faire payer.

Parmi ces traqueurs, un homme connait bien celui qui les as trahis. Il était prêt à le servir, à mettre tout son pouvoir pour l'aider dans sa quête de pouvoir. Il était enclin à aimer son frère d'arme comme autrefois, à partager son existence avec lui, à marcher à ses côtés, à se battre sous ses ordres. Mais lorsqu'un spectre lui arracha une partie de son âme, le transformant en un être dénué de sentiments heureux comme la joie, la bravoure, l'honneur, il ne trouva plus dans son esprit qu'une haine dévorante et un ordre :

"Trouve le Briseur de pacte. Tue-le."

Etait-ce là le fruit de son esprit à jamais déchiré ? L'entité qui lui avait ravi son bonheur avait-elle distillé en lui un ordre inflexible ? Il nen savait rien et s'en moquais éperdumment. Khalid Al Khadiz voulait tuer Balak. Voila tout. C'était effroyablement simple. Balak devait mourrir.
Khalid a reformé la compagnie avec les quelques survivants, ainsi que d'autres mercenaires engagés sur le tas. Ils se font désormais appelés les Lames du Destin, et compte une quinzaine de membres. Ils sillonnent les terres du milieu à la recherche de l'homme qui leur vola frères, amis et avenir.