Le Second et le Capitaine [Passé]

15 mars 278 QA.

Un homme se tient en face d'un autre qui est assis derrière un bureau. C'est le bureau du capitaine du Amarth lay Asmodaï, un navire pirate. La navire mouille dans le port d'une petite ville marchande qui n'a pas grand chose d'un repaire de flibustiers, pourtant. La ville n'est pas en Harad. Elle est plus au sud et plus à l'est. Elle est simplement plus loin.

L'homme porte des vêtements légers à la manière d'ici, couleur rouge sang et noir et brun. Il a rabattu le voile qui lui couvre souvent la tête et on voit ainsi ses cheveux qui n'ont pas de couleur. Son visage, où on peut lire des marques de combat, n'est pas aussi brun que celui des habitants d'ici, et ses yeux sont couleur de la mer. Un sabre et deux poignards pendent à sa ceinture. C'est le capitaine qui brise le silence.

"Tu as acquis une sale réputation, Reznor... On raconte que les navires sur lesquels tu embarques ont une facheuse tendance à connaître une mutinerie avant peu... On dit que quand tu embarques sur un navire, sous six mois tu en es capitaine..."

Le visage du jeune pirate reste inflexible. Avec un calme déconcertant, il répond :

"En effet. Les bruits ont courru, il me semble. Plus personne ne veut m'engager comme second, sur cinquante lieues de côtes."

"Et pourquoi est-ce que moi, je le ferais ? "

"Parce que je suis le meilleur."

Le capitaine Ephron ne s'attend pas à telle réponse. Parce que vous avez fait de moi un pirate. Parce que j'ai déjà servi comme second pour vous. Ca oui, mais pas cette réponse-là.

"Vraiment ? Pourquoi alors n'est tu pas capable de garder un navire pour de bon ?"

"Parce que le sort est contre moi. S'il ne faut six mois au plus pour me rendre maître d'un navire, sous six mois il m'arrivera quelque catastrophe. J'en ai perdu plusieurs à cause de tempêtes déchaînées. Un par sabotage. Deux attaqués par ces choses du fond de la mer. Mais je suis toujours en vie. Cela prouve que je suis le meilleur."

"Et qu'est-ce qui me dit que je ne risque rien en t'engageant ?"

"Parce que, pour en revenir à ce que vous m'aviez dit un jour pour une histoire de bottes, je ne pense pas être assez fort pour vous prendre le navire."

Une fois encore, Ephron ne s'attend pas à cette réponse. Il affiche un regard perplexe et se soulève quelque peu pour regarder les pieds de son interlocuteur. Elles sont là. Les bottes de bon cuir aux boucles d'argent, il les porte. Comment cela est possible, il ne sait pas. Mais rien ne le surprendrait. Il a toujours dit qu'il irait loin. Il s'interroge un moment, un long moment. Et il se décide.

"Bienvenue chez toi, mon garçon."