Retour chez soi (Aelyn)

L'odeur du fief avait manqué à Isilo. Cette fine odeur de jasmin qui flottait dans l'air, ce parfum d'été. Dès la première bouffée, Isilo se sentit chez soi. Il était de retour à Lime-Claire et ce, pour de bon...il l'espérait.

Dès leur arrivée sur le domaine un elfe pris en charge leurs chevaux et leurs affaires. Les enfants et Aelyn mirent pied à terre et regardèrent, émerveillés, tout ce qui les entourait. Les deux garçons se rapprochèrent de leur mère et se serrèrent contre ses jambes. Ils étaient complètement intimidés. Ils n’étaient jamais sortit du Rohan et les fiefs elfiques de leur imagination ne ressemblaient en rien à ce qu’ils avaient devant eux. Aelyn ferma les yeux et se laissa envahir par la douceur ambiante. Une agréable odeur emplissait les lieux. L’endroit irradiait la paix et le calme.
Au moment où elle rouvrit ses paupières, la jeune mère avait les iris brillants de surprise et d’émotion. Elle-même n’avait jamais eu l’occasion de visiter une pareille demeure. Ainsi resta-t-elle sans voix une bonne partie de la visite.

Petit à petit, Eofyr et Eogast reprirent de l’assurance malgré l’environnement peu familier et commençaient même à chahuter dans les couloirs, passant d’une pièce à l’autre comme s’ils risquaient de manquer quelque chose à la visite, furetant dans chaque coin. Peut-être cherchaient-ils un trésor elfique, comme dans les histoires de coin du feu.

Aelyn, elle, écoutait les explications de leur hôte tout en admirant la beauté qui l’entourait. De temps en temps elle rappelait à l’ordre les deux garçons afin qu’ils ne bousculent rien ni personne dans leur excitation. Elle ne savait plus trop où porter son regard.

Au niveau des cuisines, le seigneur elfe se pencha vers les deux enfants un peu calmés.

'' Vous pouvez venir y manger tout ce qui vous plaît quand vous avez faim. Vous n'avez qu'à dire aux cuisiniers que vous êtes invités spéciaux ''

Aelyn grimaça discrètement. Gourmands comme ils étaient, ils allaient passés beaucoup de temps à cet endroit et elle n’était pas spécialement sûre que ce serait très bon pour leur santé… mais c’était tellement gentil de la part d’Isilo qu’elle ne dit rien.
Puis ce fut au tour des bains. L’elfe leur assura qu’ils pourraient en profiter autant qu’il leur plaira puis il incita le petit groupe à le suivre. La visite se poursuivit.

Ils traversèrent des couloirs couverts de vieux tableaux. De temps en temps Eogast s’arrêtait devant l’un d’eux avec un air de concentration extrême. Parfois il présentait un air joyeux, d’autre fois l’air déçu de quelqu’un qui n’a pas trouvé ce qu’il cherchait. Puis il courrait rattraper les autres pour stopper quelques secondes plus tard. Jusqu’à ce qu’enfin ils arrivent aux chambres.

La pièce était presque aussi grande que la maison d’Aelyn à Aldburg. Deux grands lits finement ouvragés occupaient la salle ainsi que quelques meubles de même facture. Le tout était magnifique, elfique en fait. Derrière une porte, au fond de la chambre, se trouvait celle du seigneur.
 
'' Alors, s'il y a quoi que se soit, vous n'avez qu'à passer par cette porte. ''

Aelyn avait déjà pris la décision de ne jamais utiliser cet accès dès qu’il leur avait montré. Comment pourrait-elle osée, elle, fille du Rohan sans noblesse, pénétrer dans les appartements d’un seigneur ? Un seigneur elfe de surcroît ! C’était tout simplement impensable. Ça allait à l’encontre de l’ensemble de son éducation. D’ailleurs elle adressa à peine un rapide regard à la pièce derrière la porte.

Isilo demanda au majordome de mener les enfants dans des lieux plus adaptés à leur âge et à l’heure de la journée. Eogast suivit sans rechigner, et même avec entrain, après un regard vers sa mère qui hocha la tête pour marquer son assentiment. Eofyr, lui, traîna un peu plus. Il avait un air farouche sur le visage et semblait refuser de laisser sa mère seule avec l’elfe. La jeune femme leva les yeux au ciel avant de lui lancer un « Files rejoindre ton frère ! » maternel mais ferme. Le garçon obéit immédiatement bien que légèrement à contrecœur.

'' Voilà, je crois que nous avons fait le tour. J'espère vraiment que ça va vous plaire. Vous êtes maintenant membres de notre grande famille, c'est ici chez vous, si vous le voulez bien. ''

Aelyn se sentit un peu mal à l’aise, dépareillée dans ce décor inhabituel et magnifique. Elle attrapa sa manche déchirée en tentant de la faire tenir en place. Son geste recouvrit les marques des doigts de son agresseur qui avaient déjà pris une couleur violacée sur sa peau pâle. De l’autre main elle repassa une mèche rebelle derrière son oreille, tête baissée.
Parallèlement à ce sentiment, elle était très flattée d’être si facilement adoptée, d’une certaine manière, par son sauveur et hôte. En remerciement elle finit par relever le visage et lui offrit son plus beau sourire.

« Votre fief est magnifique… Ce lieu est bien supérieur en beauté à tous les endroits que j’ai eut l’occasion de voir… Je ne saurais jamais comment vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour nous… »

Elle se sentait légère, comme si elle pouvait laisser toutes ses responsabilités pour quelques instants. Ses enfants étaient entre bonnes mains, elle n’avait à s’occuper d’aucun patient, ni repas, ni aucun travaux domestiques. Au moins pour la fin de cette journée et la nuit à venir, elle allait pouvoir faire une pause. Une pause comme elle n’avait jamais eu l’occasion de faire depuis 5 ans. Ce sentiment l’envahit peu à peu comme la chaleur des flammes une soirée d’hiver, réchauffant ses membres et son cœur. Son visage s’éclaira doucement sans, pourtant, qu’on puisse noter le moindre changement dans son expression. Elle dégageait simplement une aura de sérénité.

La jeune Rohirrim profita de la conversation pour observer plus en détail Isilo. Et dire que les elfes avaient tous faillit quitter la Terre du Milieu au début de cet âge… En observant le visage de celui qui se tenait en face d’elle, Aelyn commençait à comprendre ce qu’aurait été l’ampleur de cette perte.

#Aelyn #Isilo

La visite était terminée, un grand stress s'était aussi envolé. Honnêtement, Isilo avait eus, au départ, un légèrement anxiété par rapport à son fief. Il se demandait comment allait être le tout à son arriver. Mais surtout, il se demandait vraiment si ses nouveaux invités allaient l'aimer.

Lorsqu'un étranger voyait Lime-Claire pour la première fois, il ne pouvait qu'être ébloui par la beauté d'un tel endroit. C'était un fait. Mais pour Isilo, c'était bien différent. Son fief était un peu comme son enfant; il voulait à tout prix qu'il paraisse bien aux yeux de ses invités.

Mais cette vision des choses changea du tout au tout depuis qu'il avait rencontré Aelyn, Eogast et Eofyr. Certes, le fief avait une grande importance pour lui car ce dernier lui rappelait son père et son frère, mais jamais il n'aurait pu savoir à quel point ce petit groupe de voyageurs égarés aurait changer sa vie, sa personnalité.

Isilo se voyait en ces enfants. Il revoyait le temps ou il gambadait encore sur les ponts d'Imladris. Ce temps ou tout semblait facile, si plaisant. Ce temps ou sa famille était encore unie. Ce temps ou il était heureux. Voilà pourquoi il aimait ces deux jeunes enfants.

« Votre fief est magnifique… Ce lieu est
bien supérieur en beauté à tous les endroits que j’ai eut l’occasion de
voir… Je ne saurais jamais comment vous remercier pour tout ce que vous
avez fait pour nous… »

Elle n'avait pas à le remercier. Isilo était un homme généreux et la compagnie lui manquait.

'' Vous savez...c'est moi qui doit vous remercier. Merci pour ce si beau sourire et pour m'avoir montré ce que c'est d'être une mère... ''

Isilo cessa de parler, puis regarda par la fenêtre le champ ou broutaient paisiblement son bétail, sans bouger le reste de son corps.Il se trouvait toujours devant elle. Il reprit:

'' Avant hier, je savais à peine ce que c'était de s'inquiéter pour quelqu'un. Mais dès que je vous ai vu, vous et vos deux jeune chevaliers, j'ai tout de suite compris. Si seulement ma mère aurait comprit elle aussi...''

Isilo se tût, puis sourit en direction de la femme qui l'écoutait. Il ne voulait pas paraître comme le souffre douleur des Elfes ou quelque chose du genre. Il tenait vraiment à la remercier pour la leçon que cette jeune dame courageuse lui avait apporté, sans rien demander de plus.

Assez subitement, le jeune seigneur changea son ton de voix. Il passa du '' piteux '' au '' la vie continue et je dois rester sérieux ''. Il enchaîna:

'' Je dois bientôt partir. C'est le Roi de Minas Tirith qui demande mon aide. ''

Aelyn rougit sous le compliment, ses joues prenant une jolie teinte écarlate. Elle détourna les yeux le temps de reprendre contenance. Elle n’était pas tellement habituée aux compliments de ce genre.
Quand elle se tourna de nouveau vers l’elfe, celui-ci regardait par la fenêtre. Il semblait perdu dans ses souvenirs. Puis il parla. Il parla d’elle, de ses enfants… puis il parla de sa mère. La tristesse qui émanait de ses paroles toucha la jeune femme. Elle fut prise d’une brusque envie de prendre Isilo dans ses bras, mais se retint cependant. Cela aurait été absolument déplacé de sa part. Ses yeux d’émeraude, qui continuaient pourtant à fixer son hôte, étaient le miroir de ses pensées.

Puis, assez brusquement, le seigneur de Lime-Claire changea d’attitude. Il pris un air plus sérieux, moins sombre.

'' Je dois bientôt partir. C'est le Roi de Minas Tirith qui demande mon aide. ''

La Rohirrim fronça les sourcils. Apparemment il n’y avait pas qu’en Rohan que les choses allaient mal. Que pouvait-il bien se passer en Gondor pour son roi fasse appelle aux elfes. Une chose grave à n’en pas douter. Elle hésita plusieurs secondes avant de demander d’un ton oscillant entre inquiétude, curiosité et résignation :

« Les nouvelles de la Cité Blanche sont-elles aussi mauvaises que celles du Rohan ou est-ce une toute autre raison qui pousse le Roi du Gondor à quérir votre aide ? »

Elle sentait les temps s’obscurcir et cela fit monter en elle un violent frisson. La dernière fois que des troubles avaient agités toute la Terre du Milieu elle avait perdu son époux. La perspective d’une nouvelle guerre qui déjà, sans confirmation ni infirmation, se dressait dans son esprit tel un serpent, troublait son cœur et son âme. Ce n’était pas vraiment de la peur, ni tellement de la colère, ni même de l’angoisse ou de la haine. C’était la fusion de toute ses émotions, fortement dilué dans l’inquiétude, qui avait pris possession des pensées de la jeune femme.

Son regard se tourna vers la fenêtre, le soleil éclairait encore le paysage. Tout semblait si paisible, comme si aucun mal ne pouvait pénétrer ces lieux. Cette vision calma instantanément le flot tumultueux des émotions qui se disputaient son esprit. De nouveau elle se laissa bercer par l’atmosphère de l’endroit. Elle pu de nouveau faire face à son interlocuteur afin d’entendre sa réponse aussi calme qui si les dernières secondes n’avaient pas eu lieu.

Isilo se devait de rester confiant. S'il laissait la crainte transparaître dans son visage habituellement trop calme, cela inquièterait probablement Aelyn davantage.

« Les nouvelles de la Cité Blanche
sont-elles aussi mauvaises que celles du Rohan ou est-ce une toute autre
raison qui pousse le Roi du Gondor à quérir votre aide ?


Isilo devrait être très franc. Par contre, il savait très bien comment sa franchise pourrait s'avérer douloureuse à entendre, surtout pour une mère inquiète pour ses enfants.

Le jeune Elfe avait reçu la missive du Gondor bien avant sa rencontre avec la famille dans les plaines. Il savait donc depuis longtemps qu'il devrait partir tôt ou tard. Mais, vu leur arrivée, ça changeait beaucoup les choses.

Le seigneur n'était pas du tout confortable de laisser ici ces jeunes gens. Certes il avait certitude qu'ils seraient traités comme des petits rois. Là n'était pas le problème. Isilo ne voulait simplement pas se séparer d'eux, déjà maintenant.

'' Le fils du Roi de la Blanche Cité a été enlevé par les autorités du proche Harad. Il demande l'aide de toutes personnes de bonne volonté. Je dois prêter main forte. J'hésitais avant de vous demander....mes hommes auront certainement besoin d'une guérisseuse dans tout leur voyage...alors. Nous vous inquiétez pour vos deux hommes, ils sont en sécurité à Lime-Claire.''

Il eut un bref moment de silence, puis il reprit:

'' Moi et mes hommes partons demain à l'aube, direction Minas Tirith ''

La nouvelle fit un choc à Aelyn. Son esprit et son cœur de mère furent profondément indigné et attristés par l’évènement décrit par Isilo. Elle baissa les yeux pour cacher le froncement de ses sourcils. Roi ou simple mendiant, il n’y avait pas de différence face à la perte d’un fils. Elle pouvait mesurer l’ampleur de la rage et du désespoir d’un parent dont on aurait arraché l’enfant.

Il ne lui fallu pas très longtemps pour réfléchir à la proposition du seigneur elfe. Oh, bien sûr, son débat mental était peuplé de conflits et de doutes. Pouvait-elle abandonner ses enfants pour sauver l’enfant d’un autre, tout roi qu’il était ? Isilo lui affirma qu’ils seraient en sécurité à Lime-Claire… Peut-être serait-ils mieux chez ses propres parents ?… Mais le Riddermark n’était pas sûr en ces jours sombres… Un fief elfique dont la majorité des soldats seraient absents était-il plus sûr ?... Et son peuple dans tout ça ? Ils avaient besoin de guérisseurs… Oui mais Farma saurait gérée tous les volontaires qui affluaient à Aldburg pour aider son peuple…
Sa réflexion continua ainsi quelques secondes de plus. Cherchant puis trouvant une solution à chaque problème. Enfin elle releva la tête. Sur son visage, l’espace d’un instant, était gravé l’air des combattants Rohirrim. Une expression plus neutre repris le dessus bien que sa réponse fût sûre et ferme.

« Je viendrais avec vous ! Quand demain le soleil se lèvera je chevaucherai à vos côtés pour aider de Roi du Gondor. Mon savoir de guérison est au service de mon peuple mais également à celui de tout ceux qui en ont besoin. »

Aelyn savait qu’elle allait devoir laisser ses enfants derrière elle pour un temps. Elle en avait conscience et cela la peinait au plus haut point. Elle soupira en regardant par la fenêtre. Elle était déterminée mais elle savait que la soirée allait être un déchirement.