Plus qu'une épée, un symbole...

Debout devant la tombe en pierre de Thorïn II Écu-de-Chêne, l'intendant Grimbeärd du Mont solitaire était partagé entre tant de sentiments différents que ceux qui le connaissaient bien se demandaient comment il n'allait pas éclater. Outre de la colère, il ressentait de l'incompréhension et du doute, mais aussi du remord et de la peur, mêlées à une pointe de honte. Venaient également s'ajouter un désir de vengeance et un sentiment de défi encore plus grands que lors des nombreuses injustices ou affront que ses ennemis lui avaient fait subir dans sa vie sans pour autant ternir sa réputation.

Orcrist, l'un des symboles d'Erebor, la lame qui depuis trois siècles avait assuré la pérennité de la montagne, venait de disparaître dans la nuit! La stupéfaction était grande dans la salle de Thròr, parmi les autorités maintenant en cercle autour de la sépulture nue, mais également parmi la population, car la nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Et le seigneur Grimbeärd semblait de marbre, comme pétrifiés par tous les sentiments qui se bousculaient en lui...

De l'incompréhension. Car il n'avait jamais pensé qu'un Nain siégeant en ce lieu puisse commettre un acte de trahison aussi grand sans en mourir de honte: le voleur ne pouvait en effet qu'être un ressortissant d'Erebor ou bien avoir eu un complice parmi eux, car nul garde n'avait surpris un quelconque étranger en train de s'introduire dans la cité.

Du doute. Parce que Grimbeärd fils de Beärd ignorait bien pourquoi une telle chose venait d'avoir lieu, mais qu'au fond de son cœur il sentait que le seul prix matériel ou historique de la lame n'avait pas motivé ce geste, mais qu'en s'attaquant à ce symbole le criminel s'emparait d'un pouvoir de déstabilisation important.

Du remord. En l'espace de quelques instant, l'Intendant se remémora les erreurs ou les largesses qu'ils avaient commises depuis que la paix s'était installée: se croyant trop sûr de lui, son Roi avait négligé des principes de sécurité basiques comme celui de poster un veilleur en faction dans la salle de Thròr. Ainsi, c'était un peu de sa faute si l'épée-sœur de Glamdring s'était volatilisée...

De la peur. Comment ne pas ressentir un peu de peur, même lorsqu'on est à la fois un personnage puissant politiquement et courageux à la guerre, quand du jour au lendemain un moyen infaillible de connaître l'approche des Orcs quitte votre royaume. Le pouvoir d'Orcrist était en effet de s'illuminer d'une teinte bleutée lorsque les engeances maudites approchaient trop.

De la honte. Car de ce manque de vigilance pouvait découler non seulement sa propre mort et celle de son armée, mais également le trépas de tout ou une partie de son peuple, si la chose venait à se savoir chez les Gobelins ou dans toute autre organisation dont les soldats du bas de l'échelle étaient apparentés à la race orque.

De la vengeance et du défi. Oui, où que se cache ce voleur et ses associés, ils seraient retrouvés et châtiés. Où que se trouve le précieux objet, il serait retrouvé et ramené ici-même!

« Que la recherche de la lame et de son possesseur dure une semaine ou bien cent ans, nous les retrouverons tous les deux! déclara enfin Grimbeärd. J'en fais le serment, Mahal m'en sois témoin. »

C'étaient les premières paroles qu'il prononçait depuis le début de la matinée.