Et tout s'est joué sur un détail.

LA ressemblance avec un homme-nain était grande, et tout observateur d'une autre race, qu'il soit humain, elfe ou je ne sais quoi encore, n'aurait certainement pas su reconnaître la femme-nain qui se cachait derrière ces rides prononcées, et encore moins deviner qu'il s'agissait de Drís, la mère de l'illustre Hadhod. Pourtant, tout Naugrim qui se respecte n'aurait pu s'y méprendre: le visage fin, les pommettes peu saillantes, le nez longiligne et les yeux allongés, et enfin la barbe soyeuse en bien entretenue, nul doute qu'il ne s'agissait pas d'un de ces représentants masculins aux visages carrés et aux tignasses hirsutes. Pourtant, ne vous y trompez pas, ces yeux doucereux et ce visage invitant à la confidence masquaient un esprit machiavélique et un puits sans fond de tromperie, si les dernières nouvelles étaient exactes.

CAR si la très vieille maman du suzerain projetait à présent son regard depuis l'autre côté des barreaux d'une geôle, il devait bien y avoir une raison.

SA longue descente aux enfers fut terrible. Arrestation, regard haineux de son fils, opprobre de la population, jugement par les six vénérables représentants du roi Krohr, longue marche dans les ténèbres, et enfin... l'atmosphère moite et renfermée d'une prison nanesque. Au vu de la haute trahison qu'elle venait de commettre et des conséquences que ses actes auraient pu avoir sur le Royaume de Durin, elle devrait y rester pour autant d'années qu'il y avait eu de trépassés chez les défenseurs: 96. Autant dire jusqu'à la fin de ses jours.

ET ces jours risquaient d'être bien déprimants... Dans la cellule centrale de la prison souterraine, la plus en évidence et la plus gardée de toutes, ses faits et gestes étaient épiés en quasi-permanence par les geôliers. Avec pour seuls ornement un lit, une chaise placée sous une petite table carrée et une étagère sur laquelle tenaient quelques broutilles personnelles, l'ennui était venu assez rapidement. Mais sa plus grande souffrance était l'ignorance dans laquelle on la tenait; ne pas savoir ce qu'il était advenu de l'organisation qu'elle avait servi et, plus encore, de son cher Ibun, était pire que tout. Elle avait réclamé des nouvelles, Hadhod les lui avaient refusées. Elle avait réclamé du papier pour écrire, Hadhod ne les lui avaient pas apportées. Il avait même interdit aux gardes de lui fournir toute information d'ordre politique ou militaire. Aucun risque ne devait être pris, il la savait beaucoup trop dangereuse.