En partance pour le Pays Noir.

« Eh bien, je me demande à quel point cet oiseau a encore besoin d'être dressé? Essayons de l'envoyer à l'avant de notre route, avant que celle-ci ne s'assombrisse de trop: ainsi, s'il nous fait faux bon, on sera au moins prévenus, et on saura qu'on ne pourra plus compter que sur nous-même. On verra bien. Si tu connais le langage des corbeaux, c'est le moment de te montrer le plus impressionnant possible, de lui faire comprendre la gravité de la situation et de lui promettre le châtiment qu'il mérite s'il nous sert mal. Je te laisse cet honneur, tu es bien plus doué que moi dans cet art. »

·· Même abîmé de tous les côtés, je vaux infiniment plus qu'eux ··

« Dis-moi Duïn, connais-tu l'histoire de Johun l'Aventurier? fit-il à l'improviste pour briser le silence. C'était un naugrim de la race des Petits-Nains, descendant de ceux qui avaient été chassés par leur peuple des cités du Premier Âge. Johun avait, un beau jour, accompagné un Nain de plus haute lignée sur la piste d'un trésor; et ils avaient trouvé ─ dieu sait où ─ ce qu'ils cherchaient, une magnifique Hache ornée de mithril. Mais hélas, le Nain obligea Johun à porter l'objet sur tout le chemin de retour et, lorsqu'ils se firent attaquer de nuit par une bande de voleurs, le Nain, lâche, s'enfuit. Et les malfrats s'en prirent au pauvre Johun, porteur de ce qu'ils convoitaient, et le tuèrent. Comme quoi, les aventuriers sont ceux qui trépassent les premiers... Mais je n'échangerais pas ma place contre une autre, fut-elle plus confortable, sois-en certain Duïn! »

"-Non, je ne la connaisais pas, répondit Duïn, mais à tout les coups c'est une histoire inventée par des hobbits pour décourager les éventuels aventuriers de leurs espèce. Enfin quoi qu'il en soit, si crwak -il avait baptisé ainsi le corbeau- fait bien son travaille, toute embuscade devrait être prévenus. Enfin si j'ai réussis à bien me faire comprendre, le corbeau devrait voler au dessus de notre route et faire demi-tour dans deux heures maximum, à moins qu'il remarque quelque chose de suspect ou qui en vaut la peine."

Duïn disait cela tout en profitant du paysage, à leur droite la rivière coulait lentement et doucement dans le même sens qu'eux. On pouvait voir de temps en temps en étant patient apercevoir des petits poissons ou des oiseaux de rivières. C'était des animaux que Duïn avait l'habitude de voir mort au marché d'Escargorth.
Cela faisait tout drôle à Duïn de les voir dans leur habitat naturelle.
A droite il y avait une plaine grisatre légèrement couverte d'arbustes et de buissons. Cela pouvait être un paysage triste pour de nombreuses personnes, mais c'était pour Duïn un paysage apaisant et agréable à regarder.
Devant on pouvait voir un début de forêt qui n'était plus qu'à quelques lieux.

"-Nous devrions faire un arrêt déjeuner à la lisière de la forêt, si Crwak nous cherche il faudrait mieux que nous soyons à terrain découvert pour qu'il nous trouve plus facilement."

Garìn était allongé à l'intérieur de son chariot. Il s'agissait d'un chariot très confortable, avec un petit bureau, un petit lit et quelques coffres. Le nain se souvenait encore de ses premiers voyages, de loin moins confortables. A l'époque son petit chariot miteux était rempli de tout son matériel de forge, de ses pièces et de ses vivres. Lui voyageait alors à l'avant, guidant la vieille mule qui se trainait sur les routes de la Terre du Milieu.

Depuis, il avait fait du chemin. La mûle avait été remplacée par des chevaux, le chariot par un autre plus grand puis par deux chariots et lui même avait laissé sa place à un conducteur. C'était la rançon du succès, et son dos ne s'en plaignait pas. Il y avait bien des cahots, des trous dans la route, quelque fois de petites escarmouches... Mais faire la route dans ces conditions n'avait plus rien de très effrayant.

Garìn ne dormait pas, il réfléchissait. La lettre qu'il avait reçue l'avait un peu perturbée. Il n'était pas nain à se mêler des affaires des puissants, mais pour le coup, il risquait fort d'y être forcé. Il entendit un cheval se rapprocher de l'arrière de son chariot et le héler.
Sans attendre, le nain se redressa et se dirigea vers le fond de sa maison roulante, soulevant l'épais pan qui l'isolait du monde extérieur.

" Seigneur Garìn ?"

Le soleil l'éblouit. La longue caravane s'étendait sur presque trois cent mètres derrière son chariot. De part et d'autre de la longue colonne, des cavaliers en arme, pour la plupart humains. A côté de chaque conducteur, d'autres hommes d'armes, souvent des nains. Ils portaient tous le casque à panache blanc reconnaissable de la Compagnie du Sud. Une escorte plus que bien venue sur les routes, la preuve que la Compagnie avait une influence non négligeable sur le commerce de Garìn.

"Qu'y a t'il ?
- Un corbeau seigneur... Il tourne autour de la caravane."

L'escorte était très professionnelle, parfois trop.

" L'arrière garde est bien en place, non ?
- Si seigneur..
- Alors laissons la faire son travail."

Le cavalier acquiesçât. Quant à Garìn, il s'en retourna à ses réflexions. La pause de midi allait bientôt arriver et il voulait prendre une décision d'ici là.

Alors que les nains discutaient tout en marchant, le corbeau Crawk fit irruption.
Il se rapprocha du duo, puis tournoya plusieurs fois.
Puis il fonça vers la plaine à leur gauche, cherchant à débusqué un rongeur.

Comme Duïn voyait bien le visage énervé de Ibun, il chercha à excuser le peu de sérieux du corbeau :
"-Il est encore jeune, et puis il ne doit pas y avoir urgence, sinon je suis sûr qu'il serait venu directement à nous... -Mais il n'en était pas si sûr que cela.-

Enfin au bout de plus d'une dizaine de minutes il revint vers les nains pour leur porter des nouvelles :
"-Il y a une énorme caravane dans la forêt à plusieurs kilomètres d'ici, elle fait plusieurs centaines de mètres, composé principalement d'humains sur cheval ou sur chariot pour ce que j'ai pus en voir."
-Il dit qu'il y a une énorme caravane pas très loin, traduisit Duïn à Ibun, ça peut-être une aubaine pour nos pieds s'ils acceptent de nous prendre sur un bout de route. Il faudrait pouvoir les rattraper. Qu'en penses tu?dit-il à Ibun.
A lui même Duïn se demandait d'où pouvait venir la caravane.

Hrp : j'ai présuposé que l'arrière-garde n'avait pas abattu le corbeau.

« Je suis d'accord, cette caravane pourrait nous être bien utile, encore qu'ils puissent ne pas nous offrir le luxe de monter avec eux: il faut se rendre à l'évidence, nous n'avons rien à donner en échange; pas encore, du moins. Si ce sont des marchands comme je le pense, ils pourraient être attirés par l'espoir de faire affaire avec nous, et dans le cas contraire ils ne nous poseront pas de problème. Enfin j'espère. Voilà ce qu'on va faire... »

« Notre Cwark surveille même nos arrières, glissa Ibun avec malice... Je commencerais presque à avoir de l'estime pour lui. »

« Non, pas encore. Attends-moi ici. »

·· Jetons quand même un œil... ··

·· Ils doivent être conservés là en cas de besoin. ·· pensa Ibun.

Le convoi s'était arrêté avant de passer le fleuve. Il était temps de faire un peu souffler les bêtes et les hommes. Garìn quant à lui allait très bien, il aurait bien continué ainsi pendant de longues heures. Cependant, il savait qu'une pause permettrait à tout le monde de repartir du bon pied, ou du bon sabot.
Le chef de la caravane avait pris son repas dans son chariot, compulsant en même temps ses livres de comptes. Il faudrait qu'il envisage assez rapidement un inventaire.
Il fut tiré de sa réflexion par une série de bruits assez inhabituel. Cela criait, hurlait même.. le nain discerna le bruit caractéristique des épées qu'on tiraient hors de leur fourreau. Saisissant sa lourde hache, une pièce de maitre dont il n'était pas peu fier, il sortit à pas lourd de son chariot pour prendre conscience de la situation.

Rapidement, il distingua deux grandes zones d'agitations, l'une venait du bout de la caravane, du côté des vieux chariots et l'autre venait de la rivière, du pont plus exactement. On entendait crier, et les hommes et nains d'armes s'agitaient dans tous les sens, rejoints par les marchands dans un état d'excitation incroyable.

" Coupez leur la main ! ", criait un premier.
" Coupez leur les deux mains ! ", surenchérissait un second.
" Coupez leur la tête ! ", concluait un troisième.

Garìn était circonspect, il tentait tant bien que mal de comprendre la situation. Un marchand, qui semblait au fait de la situation, s'approcha de lui pour lui expliquer en quelques mots.

" On a été attaqué par une bande maraudeurs... Ils ont tenté de voler nos coffres ! "

L'explication semblait un brin exagérée. Garìn savait qu'il n'y avait rien de vraiment précieux dans le coffre et il était relativement confiant en son arrière et avant garde. Il aurait sans doute été mis au courant si des maraudeurs s'étaient tenus à distance proche de la caravane.
A force d'appel au calme, il réussit néanmoins à y voir un peu plus clair. En fait de "bande de maraudeurs", il y avait deux nains qui paraissaient complètement surpris de l'agitation qu'ils avaient créée. Ils étaient portés à bout de bras par les gardes, et leur crime consistait à avoir tenté de voler un vieux marteau de forgeron. L'affaire avait pris des proportions extrêmes, mais le vol demeurait malgré tout un crime intolérable pour des marchands.

" Dites moi ce que vont deux nains à quelques lieues d'Esgaroth, à la lisière de Forêt Noire, et surtout pourquoi ils se permettent de voler dans MA caravanne !"

Si Garìn était plus sage et plus patient que la plupart des marchands de sa caravane, il n'en restait pas moins que les deux nains avaient tout intérêt à avoir une excellente explication.

·· Et mince ! ··

« Je ne suis pas un voleur... enfin techniquement si, bien sûr — il tenait toujours le marteau dans sa main —, mais, voyons, il est rare qu'un brigand s'attaque sans arme à une caravane. Non, je suis plutôt... un mendiant... oui c'est cela, un pauvre mendiant vagabond qui doit s'en remettre à ce genre d'indélicatesses pour survivre. Et mon compagnon n'est guère mieux loti que moi, bien que je le connaisse depuis fort peu de temps; il n'y est pour rien là-dedans. Quant à notre présence dans ces régions... »

« ... eh bien nous sommes en route pour le Sud. Pour le Mordor, exactement. Oui, nous pensons que des objets appartenant aux Nains pourraient s'y trouver encore, auquel cas nous pensions les restituer à leurs propriétaires, les seigneurs de notre peuple, contre quelque généreuse récompense, qui serait certes la bienvenue. Cela en vaut la peine, mais c'est risqué...

D'où le marteau » ajouta-t-il avec un sourire contrit.

Duïn ne comprenait pas grand chose à ce qu'il se passait, mais il n'avait pas envie de perdre trop de temps.
Il interpella celui qui semblait être le chef et lui dit :
"-Je ne comprend pas où il y a un problème, nous ne sommes pas des voleurs et il y a visiblement un malentendu, à présent, il nous reste à savoir si nous devons faire route ensemble, je ne sais pas si vous allez au même endroit que nous, et si c'est le cas nous acceptons volontiers de grossir votre escorte de deux valeureux nains afin que nous arrivions à destination de façon plus sûr. Si vous ne nous faîtes pas confiance ou si vous n''allez pas au même endroit, quittons nous en bon terme, et faisant route chacun de notre coté après s'être souhaité mutuellement bonne chance."

Après cette plaidoirie improvisé, Borador attendit la réponse en se disant que ses arguments étaient peut-être fallacieux, mais qu'ils n'avaient pas de temps à perdre avec cela, ils devaient reprendre la route.
Mais il se dit également qu'il faudrait qu'Ibun s'explique au moins à lui sur ce qui lui avait pris de fouiner dans un chariot.

Garìn réfléchissait à une vitesse folle... On aurait pu croire qu'il envisageait toutes les manières possibles pour punir les deux brigands (il n'était absolument pas dupe sur les réelles intentions du voleur de marteau), mais ce n'était pas le cas. En réalité, il envisageait simplement toutes les clauses du "contrat".
Il afficha un léger sourire puis, sa décision prise reprit la parole.

" Bien... Menez moi ces deux bons à rien dans mon chariot, Oluf, tu monteras la gardes !"

Oluf était un nain de très bonne constitution qu'il aurait été fâcheux de mécontenter.
Ibun et Duïn furent donc conduits sans ménagement dans le chariot du chef de la caravane. On les jeta sur le sol, c'était un sol assez confortable mais la situation n'en était pas moins humiliante. Garìn les contourna et s'installa à son petit bureau et d'un geste invita les deux autres à s'asseoir sur les tabourets en face de lui.

" Soyons lucide... Ainsi harnachés, vous n'atteindrez jamais le Mordor. Ces régions sont hostiles et mal famées."

Le nain avait saisit un parchemin sur lequel il avait commencé à rédiger une série de phrases.

" Vous avez l'esprit d'aventure et j'ai les finances... faisons donc alliance."

Le nain leur tendit le parchemin sur lequel il avait fini d'écrire. De toute évidence les "objets nains" avaient attirés la convoitise du marchand.

Citation :

Nous soussignés ............. et ................ concluons le présent contrat avec Garìn Barbe-d'or, marchand de la Compagnie du Sud.
En échange d'un financement pour une expédition au MORDOR (Terre du Milieu) lui sommes redevables :

- De l'équivalent en objets ou or de la valeur du matériel neuf fourni.
- D'un droit de primauté sur l'achat de tout objet ramené de ladite expédition.

La valeur du matériel fourni et des objets est déterminé par accord bilatéral ou par jugement d'un juge de la Compagnie du Sud.
D'autre part, une fois le matériel en possession des explorateurs, il leur sera interdit :

- D'emprunter un itinéraire qui ne conduirait pas d'une manière ou d'une autre au Mordor ou qui mènerait les explorateurs vers la caravane de Garìn Barbe-D'Or.
- De vendre des objets à un autre marchand.

Chacun des explorateurs est responsable de la totalité de l'accord. La coordination entre chacun d'eux est laissé à leur appréciation.
Garìn Barbe-D'Or ne pourra être tenu pour responsable de la mort d'un des deux explorateurs, qu'elle soit due à un membre de l'expédition ou à un élément extérieur.

Garìn Barbe-D'Or ............ .............

" Vous pouvez bien sur refuser, mais dans ce cas, je serai contraint de vous mener devant un juge de la Compagnie du Sud pour obtenir réparation de votre vol..."

La situation semblait critique pour les deux explorateurs. Garìn sourit et en rajouta encore.

" Je pense qu'une bonne hache chacun, un poney vigoureux, des arcs, des vivres et un bonne cuirasse devraient suffire non ?"

Ibun se mit à réfléchir très vite. Être mené devant un juge de la Compagnie du Sud pour payer réparation du vol ne lui disait rien qui vaille, rien que dans la formulation. Ce Garìn — soit-disant Barbe d'Or — semblait appartenir à une institution puissante et officielle, et Ibun était bien placé pour savoir qu'un individu, ou même un duo, serait déchiqueté à coup sûr par les engrenages de cette terrible machine, quelle qu'elle fut. Combien leur ferait-il payer ce modeste marteau? Au moins dix fois son prix, il en était convaincu. Et encore.

Et que leur arriverait-il si, arrivés au fief de la Compagnie du Sud, il s'avéraient incapable de fournir les sommes demandées. Non, lui et Duïn n'avaient pas le choix; il fallait boire le calice jusqu'à la lie.

Le voleur prit tout de même le temps de bien lire les termes importants du contrat. Financement... Voilà qui était alléchant, au moins leurs chances de survie dans cette aventure s'accroissaient. Redevables... hum, hum. Mot d'emblée assez désagréable, mais il lut la suite. Ils devraient rembourser les équipements donnés, car ceux-ci ne resteraient pas longtemps neuf. Droit de primauté... aïe, maintenant Garìn pourrait fixer ses prix.

Voilà pour l'essentiel, le reste allait de soit et Ibun lut les dernière lignes en vitesse, mais sans en rater une seule.

« L'équipement que vous nous proposez me semble très correct. Mais à vrai dire, je préférerais discuter tout de suite de sa valeur plutôt que de laisser cela à ces... juges de la Compagnie du Sud. Au moins, nous serions fixés. »

Disant cela, il ne signa pas tout de suite, laissant ceci en suspens. C'était une technique de marchandage extrêmement basique qui n'impressionnerait guère ce Garìn, et il le savait. En ce moment même, Ibun se sentait assez pitoyable.

Duïn ne comprenait rien à rien. Tout d'abord l'autre au lieu de les punir les équipait de manière à ce qu'il ne manque de rien. Mais son compagnon au lieu de saisir l'occasion se permettait de faire le difficile.
°C'est à rien y comprendre° songea t-il.
Alors il prit la décision qui lui parut le plus sage :
Ses parents disait toujours : Quand on ne sait pas on se tait où on pose des questions.
Il aurait été très maladroit et peu professionnel de poser des questions, et cela aurait été le meilleur moyen de montrer à leur investisseur qu'il formait un groupe aussi désynchronisé qu’inexpérimenté, ce qui n'était pas bon pour les affaires.
Donc Duïn décida de se taire pendant toute la négociation. Mais il ne fallait surtout pas que les autres et en particulier le marchand comprennent l'incompréhension de Duïn, il devait donc avoir l'air professionnel sans dire un mot.
La seule attitude qui lui sembla professionnel fut de croiser les bras et de froncer les sourcils.
°Vivement que la conversation se termine, ma couverture ne tiendra pas longtemps aux yeux d'un marchand° se dit-il à lui même.