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 La plaine étend son manteau blanc

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Kathryn Prospéris
Bourgeoise du Gondor
Kathryn Prospéris

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Localisation : Gondor

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La plaine étend son manteau blanc EmptyDim 23 Déc 2012 - 20:10
La plaine étend son manteau blanc Titre11


Sur les rives de l’Anduin, Kathryn Prospéris s’impatientait, les bras résolument croisés. Une petite entaille sur sa joue la brûlait et les perles de sang qui en coulaient avaient depuis longtemps gelé. Sous l’assaut du vent glacial et des flocons de neige qui la tourmentaient, elle tentait de rester droite et immobile, mais ce n’était pas chose aisée. Makhai, sa garde du corps, ayant renoncé à lui proposer de rentrer dans l’auberge, restait à ses côtés, prête à intervenir dans le cas où une bourrasque malvenue la ferait vaciller dangereusement au-dessus des eaux courroucées.

La jeune fille, dont les courts cheveux bruns s’agitaient dans le vent du Rude Hiver, se serrait dans une épaisse cape de laine. Ses yeux, à demi-fermés pour tenter d’échapper à la gaze blanche qui empêtrait ses cils, restaient vifs et alertes, car jamais elle ne supporterait de se laisser surprendre pendant sa mission. Elle attendait donc, comme de coutume, le bon vouloir de Kathryn Prospéris. Cette dernière raffermit sa prise sur les pans de sa cape fourrée et sa moue se fit plus agacée encore, si c’était possible.

Le voyage avait pourtant bien commencé. L’affaire avait été rapidement menée, sans même avoir à user d’arguments “particuliers”, et les promesses du commerçant avaient été encore au-dessus des espérances de Kathryn, qui n’étaient pourtant jamais moins qu’abusives. Mais un déplacement si mirifique ne pouvait éternellement durer. En effet, dès lors qu’elle et Makhai arrivèrent au bateau qui devait les faire remonter l’Anduin jusqu’à Minas Tirith, les ennuis commencèrent. L’on racontait que l’étreinte du Rude Hiver avait gelé les eaux pourtant vives du fleuve quelques dizaines de lieues en aval, et le batelier refusait de lever l’ancre. Ne réussissant pas à lui faire entendre raison par de probes moyens, Kathryn glissa une petite poignée de pièces clinquantes dans la poche de la vareuse du marin, lui promettant le triple une fois arrivée à destination, et celui-ci finit par accepter. Dès lors, tout se déroula bien, le capitaine, expérimenté, guidant son embarcation avec compétence dans le temps traître.

Mais, ayant sous-estimé l’impact du froid, ils furent abruptement rattrapés par la réalité. Les eaux étaient bel et bien gelées. S’armant de perches de bois ou de fer, les marins entreprirent de briser la glace, pour libérer la proue et continuer leur route. Cependant, la banquise qui s’était formée s’épaississait à mesure qu’ils avançaient, et bientôt, il leur fallut presque dix minutes de travail éreintant pour faire avancer le bateau d’un seul mètre.

Kathryn sortit alors sur le pont, Makhai sur les talons, pour constater de l’avancée de l’ouvrage. Elle se pencha par-dessus bord mais lorsque le matelot qui se tenait non loin fit exploser de sa perche la chape de glace sur laquelle il s’échinait, un éclat vola et coupa Kathryn à la joue. Dans un cri, elle porta les doigts à son visage, et les retira maculés de sang. Sans attendre, Makhai bondit, attrapa le gamin par le col et le plaqua contre le bastingage. Alors qu’elle allait le lâcher par-dessus bord, le capitaine, alerté par les hurlements de goret poussés par le moussaillon, intervint et l’en empêcha. Ecumant de rage, Kathryn tourna les talons et, sa lourde cape de fourrure tournoyant comme une aura furieuse, elle se dirigea à grandes enjambées vers sa cabine, son pas claquant sur le bois trempé du pont. Makhai lui passa une compresse imbibée d’alcool sur la joue, avec autant de délicatesse que possible, mais la brûlure restait lancinante. Ecartant sèchement le cataplasme du plat de la main, Kathryn se leva et se mit à faire les cent pas dans la petite cabine, faisant claquer ses bagues avec rapidité. Dans l’espace clos de la pièce, on eut dit de la grêle qui s’abattait sur des pavés.

Soudainement, la femme s’arrêta et ordonna à sa compagne de faire les bagages. Devant le silence qui s’ensuivit, elle se retourna et déclara d’une voix péremptoire :

- Hors de question que je reste à bord. Nous partons dans une heure.

Pendant que Makhai s’activait d’un bout à l’autre de la chambrette, trois coups retentirent à la porte. Le capitaine se vit ouvrir la porte pour celle qu’il croyait la suivante de Kathryn, et découvrit celle-ci assise sur le lit, un verre de vin à la main, au milieu d’un capharnaüm de valises à moitié faites et d’affaires répandues à même le sol. Elle lui annonça avec un sourire froid son départ, du fait des conditions de voyage déplorables qui rendaient son voyage pénible. Avant qu’il ait pu répliquer, Makhai lui ferma la porte au nez et s’en retourna aux bagages.

Une heure exactement plus tard, les deux femmes débarquaient par la petite passerelle, et se retrouvèrent face à un village minuscule, dont les maisons, qui vacillaient et tremblaient sous les rafales de vent, se blottissaient les unes contre les autres comme pour se protéger du froid. Des enfants s’étaient rassemblés près des voyageuses, curieux de découvrir qui elles étaient. Sous l’ordre de Kathryn, Makhai attrapa un gosse par le col et lui intima d’aller d’auberge en auberge, de maison en maison, répandre la nouvelle que Dame Kathryn Prospéris recherchait des guides pour l’escorter vers Minas Tirith le plus rapidement possible, avec à la clé une récompense.

Kathryn réfléchissait à ce déplaisant enchaînement d’événements, lorsque l’enfant reparût, tout essoufflé et tremblant de froid, leur racontant en bégayant et en claquant de dents que le voyage paraissait trop dangereux par les temps qui couraient pour la plupart des gens, mais que trois personnes s’étaient néanmoins portées volontaires, et l’attendaient à l’auberge, sur la place centrale du village. Alors qu’elle se mettait en chemin, suivant le gamin, quelqu’un se dressa devant Kathryn. C’était le capitaine du navire. Son haleine exhalait des relents d’alcool, et il semblait très en colère. Il invectiva la femme, lui réclamant son argent, car puisqu’il avait risqué son navire pour son bon plaisir, elle ne pouvait pas s’en aller comme si de rien n’était. Avec son habituel petit sourire, Kathryn recula d’un pas. Makhai bondit alors entre elle et l’homme, lui lançant un regard menaçant, malgré le fait qu’il lui rendit bien une tête. Il se pencha en avant pour la pousser sur le côté, mais la lame d’un poignard, pressée contre son ventre, l’en garda. Le menton haut et le profil altier, Kathryn les contourna tous deux et se remit en chemin. Lorsque le capitaine, dans un élan de rage, fit mine de la suivre, Makhai lui planta vivement la lame dans le flanc, avant de la retirer et de l’essuyer sur le tissu grossier de l’habit du marin. Elle prit les valises et rattrapa en trottinant la femme qui s’était déjà éloignée.

- Mourra-t-il ? demanda Kathryn par-dessus son épaule.
- Il était soûl, et je n’aime pas les assassinats, répondit la jeune fille en courbant la nuque.
- La compassion est une faiblesse que tu ne peux pas te permettre quand tu es responsable de ma sécurité.

Alors que Makhai allait se défendre, Kathryn leva la main pour lui intimer le silence, et ses mots restèrent dans sa gorge lorsqu’elle se souvint que Dame Kathryn avait toujours le dernier mot. En silence, elles continuèrent leur chemin vers l’auberge, suivant l’enfant qui se retournait constamment, sans doute terrifié par la cruauté montrée par Kathryn. Devant l’auberge, il leur tint la porte en s’inclinant maladroitement, et, voyant Kathryn rentrer sans un regard en arrière, Makhai sortit une pièce d’argent qu’elle fourra dans la main du gamin, avant de lui faire signe de filer. Elle se rappela les reproches de Dame Kathryn, et s’en voulut de ce nouvel excès de compassion, mais l’enfant avait déjà détalé.

Dans la salle commune, chaude et enfumée, les rares personnes assises à table ou au comptoir étaient encore serrées dans leurs lainages détrempés et râpés, qui en séchant à la chaleur du feu, répandaient une odeur animale dans la pièce. Kathryn ne se retourna pas, mais la raideur de ses épaules et la crispation de sa nuque suffit à faire comprendre à sa désapprobation. Aussitôt, elle annonça Dame Kathryn Prospéris d’une voix forte dans la salle. Tous se turent et se tournèrent vers les arrivantes, s’étonnant de leurs étranges manières. Elle la mena ensuite avec empressement à une table en recul, loin des autres voyageurs, et héla l’aubergiste, avant de s’asseoir près de sa compagne qui pinçait les lèvres à les faire blêmir. Ayant commandé son meilleur vin, elle s’assit. Kathryn hocha imperceptiblement la tête, et sa compagne se remit à respirer.

Lorsqu’elle gouta le vin, Kathryn soupira avec agacement, mais ne dit rien. Elle savait qu’il ne serait pas utile de faire un scandale pour quoi que ce soit dans ce petit village minable, car ils n’avaient sans doute véritablement rien de mieux à offrir que ce qu’ils présentaient là. C’était dire la situation dans laquelle elle se trouvait. Makhai regardait en tous sens, comme à son habitude, et Kathryn se détendit quelques peu. La jeune fille faisait son travail de son mieux, et malgré les remontrances, Kathryn ne doutait pas de sa compétence. La voyant se raidir, elle sortit de ses songeries, et se tourna vivement. Trois hommes s’étaient levés et se dirigeaient vers sa table. L’un était grand et assez large d’épaules, vêtu d’une armure du Gondor, et, l’épée au côté, avançait d’un pas martial. Les deux autres étaient de grande taille et fins, ce qui ne laissait nul doute sur leur nature ; des elfes. Le premier, le visage assez grave, les cheveux noirs et lachés, emmêlés par la tempête, marchait d’un pas fluide et félin. Enfin, le dernier, était vêtu d’un long manteau noir, et sa capuche, rabattue sur sa tête, ne laissait entrevoir que le bas de son visage, pâle comme la mort, et marchait avec une lenteur solennelle, somme toute assez inquiétante. Prise d’un frisson, Kathryn resserra sa cape autour d’elle, mais ne laissa rien montrer de son désarroi dans sa physionomie. Du coin de l’œil, elle vit cependant Makhai se préparer à se lever, la main à portée de son poignard. Sous ses jupes détrempées, elle portait sa tenue de combat, ainsi que d’autres lames, ce qui rassura Kathryn et lui fit reprendre confiance en sa position. Lorsqu’ils furent près d’elle, elle leur lança avec hauteur :

- Vous devez être les volontaires dont m’a parlé l’enfant, je suppose. Asseyez-vous, leur intima-t-elle.

Makhai fit bien attention de se placer légèrement entre Kathryn et les hommes, prête à intervenir, mais la femme, sans préambule, commença à parler :

- Comme vous devez le savoir, il est impossible de remonter le fleuve en ce moment à cause des glaces. C’est pourquoi j’ai besoin de vos services pour m’escorter jusqu’à Minas Tirith au plus vite. Evidemment, vous serez récompensés à hauteur de votre tâche, car il n’est pas dans mes habitudes de me montrer ingrate, glissa-t-elle avant d’étouffer un petit rire de circonstance dans son gant.

Elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise, et but une gorgée de vin qu’elle avala sur un fugace soupir satisfait. Un sourire confiant aux lèvres, elle continua :

- Vous connaissez mille fois mieux que moi le chemin, et les dangers qui pourraient survenir. Je m’en remets à vous pour me conduire à bon port, saine, sauve, et le plus rapidement. Maintenant, je vous le demande, et si votre réponse est oui, alors le contrat est fin signé : Êtes-vous capable de mener à bien cette mission ?


Dernière édition par Kathryn Prospéris le Sam 29 Déc 2012 - 15:56, édité 2 fois
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Burfëa
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Burfëa

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La plaine étend son manteau blanc EmptyLun 24 Déc 2012 - 12:23
Le froid étreignait l'elfe comme un second manteau. Sa respiration projetait devant lui un fin rideau de fumée blanche. Ses épaules étaient maculés d'une couche de neige non négligeable. Depuis son départ de Lossarnach, de gros flocons moutonneux n'avaient cessé de tomber. Bien que la température n'ait aucun effet sur lui, la neige ralentissait son avancée. Moins certes que s'il avait été humain, car le pas naturellement léger de la gente elfe lui permettait de ne pas s'enfoncer dans l'épais manteau neigeux qui s'était formé depuis les dernières semaines. Plus d'un mètre sans doute. Et la chute actuelle laissait présager plus encore. Une nouvelle fois, il épousseta ses épaules en faisant tomber la pellicule qui s'était amasé. Effort inutile, car sitôt cela fait, les flocons entreprirent d'à nouveau s'y masser. L'elfe n'y prêta plus attention, reportant son attention d'une part à ses pieds - surveillant les éventuels trous qui étaient monnaie courante lorsque le terrain était aussi irrégulier et précaire qu'une couche de neige - et d'autre part sur l'Autre Monde, un monde étrange; il se concentra, alors que sa vision se troublait. Les détails s'érodèrent alors que les couleurs disparaissaient, laissant place à un monde flou de formes. Le monde des spectres, l'Invisible. Un monde impalpable, que sans doute peu de mortels verraient jamais. La "magie" comme ils l'appelaient tirait sa puissance de ce monde, cet Intangible parallèle au monde vivant. La manipulation de l'Invisible faisait écho avec le Visible, et c'est ainsi que ceux qui avaient la puissance et le savoir pour le manipuler pouvaient...Altérer leur monde. Créer des armes qui, lorsqu'elles tuaient, liaient les victimes à l'Invisible, les y entrainait en tant que spectres. Faire résonner des émotions, des sentiments particuliers qui s'insinuaient ensuite dans l'esprit de ceux présents...L'art de "guldur" comme le nommaient les elfes était vaste. Pourtant Burfëa soupçonnait que les différentes possibilités n'avaient pas été toutes exploitées, laissées de côté par ses pairs par peur ou par simple mépris. Il contempla une dernière fois les ombres, ces projections sombres extrêmement nettes au milieu d'un monde flou, puis battit des paupières et relâcha sa concentration? Là-dessus, il était de nouveau au milieu des glaces. Une ombre au milieu de la blancheur.

Les grandes bottes de Burfëa ne s'enfonçaient que peu dans la neige, laissant des traces très fines - trop fines pour être tracées par qui que ce soit, puisqu'elles seraient bientôt effacées par la tempête pâle. Les arbres ployaient sous un fardeau trop lourd pour eux, qui des branches, qui du tronc recouvert jusqu'à moitié ou la totalité pour certains. Le Noldor ouvrit son manteau, vérifiant sa troisième poche gauche, où il rangeait normalement ses provisions. Bientôt vide, comme il le craignait. Il lui faudrait bientôt refaire ses provisions, car il allait en manquer sous peu autrement. Et voyager sans provision était comme se jeter au milieu d'une horde de loups blancs, réputés pour leur voracité et leur tendance à ne laisser de leurs victimes guère plus que des ossements.

L'elfe, refermant son manteau, en sortit une carte jaunie et froissée, et la déplia. En suivant l'Anduin, il pourrait arriver bientôt à un village. Mais pour cela, il devait descendre au sud, et non pas tout droit vers l'Est comme il l'aurait aimé. Bah, peu importait. D'une manière ou d'une autre, il aurait bien eût à dévier tôt ou tard, car entre lui et Rhûn se dressait la région de Mordor, et surtout les pics de l'Ephel Duath et l'Ered Luin, qui n'auraient su être traversés. Bien qu'il ait plus voyagé que certains, Burfëa n'était pas fou; s'aventurer au milieu de ces chaînes de montagnes revenait à une mort certaine, car dedans pullulaient sans doute l'engeance des orques, mais aussi des trolls Noirs, des Olog Hai, ainsi que la sinistre descendance d'Ungoliant, et qui savait quelles autres monstruosités encore. La Terre du Milieu était loin d'avoir dévoilé tous ses secrets...Et certains étaient mieux ignoré, aussi n'irait-il pas les exhumer, pas aujourd'hui.

Aussi, tournant presque les talons, il commença à se diriger vers le nord, où se trouvait un petit village d'après sa carte. Restait à voir s'il avait survécu au Rude Hiver.

- Sur les tombes des rois la nuit tombait
Sommets de Fornost sans pareils
Le bras de givre sur les terres d'Arnor s'étendait
Et le terrible Roi avait capturé l'ancienne citadelle.

Vint Ëarnur et ses bannières,
Reliées d'or et d'argent
Qui ondulaient au gré des vents.

Vint Glorfindel sur son destier blanc
Avec lui de Fondcombe à Belfalas
Tous les guerriers de sa gent
Aux armures de Vrai argent
Aux heaumes resplendissants.

La rivière Lune fut
La place de la bataille.
L'Angmar face à la coalition
Fut balayée, et là-dessus

Le mauvais Roi apparaît,
Au milieu de ses troupes brisées.
Noir cavalier casqué, dont la simple existence
Fait naître la peur, l'horreur cristallise.

Ëarnur releva le défi, mais sa monture
Prise de terreur ne le lui permit.
Le régent d'Angmar, du plus mortel des rires,
Frissons de terreur pour ceux qui l'entendirent,
Parler de la Mort, semait le désespoir.

Mais alors s'avance Glorfindel,
Herulaurë, Elenfëa.
Le Seigneur lumière, l'Esprit d'étoile,
Et l'Ombre fuit à cela,
Elfe qui n'avait pas son pareil.


L'elfe se tut. Sa voix s'était élevée mélodieuse. L'évocation de ces noms anciens avait semblait-il réveillé quelque chose en lui, comme une écharde de lumière qui vivait toujours au cours des ténèbres. Une part de lui était joyeuse à cette idée, mais il fit vite taire ses pensées; le village était tout proche. Accelérant le pas, alors qu'une bourrasque de vent violente lui fouettait le visage, il ne mit guère que quelques minutes à passer des fences de bois qui devaient faire office de limites. Des lumières jaunes passaient des fenêtres des quelques maisons du hameau, qui avait bien tenu au Rude Hiver...Pour l'instant du moins. Sous les pieds de l'elfe, la neige gelait, le froid s'étendait. La nuit commençait à tomber, moment où ses pouvoirs grandissaient, car dans le monde spectral, les ombres s'étendaient alors. Il fallait trouver l'auberge. Rien de bien complexe, c'était en général le bâtiment le plus bruyant et le plus éclairé.
Pourtant, un enfant se mit soudain sur le chemin de notre voyageur. Burfëa avançant généralement d'un pas rapide, mais qui semblait lent de part ses vêtements, s'arrêta. Le petit humain, aux joues frappées de rouge et de taches de rousseur, avait un petit air effronté, et une tignasse brune qui lui retombait sur les yeux.

- La dame Kathryn Prospéris cherche des volontaires pour une mission bien payée! déclama-t-il, visiblement fier de sa phrase. Sans doute avait-il été payé pour la répéter à quiconque croisait sa route. C'était même certain. Une mission...Cela faisait longtemps que Burfëa n'avait pas rendu un service...Enfin, à part à Swan. Et ce dernier lui pardonnerait sans doute qu'il aide quelqu'un d'autre que la Couronne de Fer. Après tout, jamais n'avait-il prêté allégeance à l'organisation. Ce n'était qu'un moyen pour lui d'obtenir ce qu'il désirait, des connaissances. Si une personne avait les moyens de se payer des gamins pour annoncer partout qu'elle recherchait des volontaires, sans doute la récompense serait-elle intéressante. Restait à voir les termes de la mission en question. Sans répondre au gamin - qui semblait enfin avoir saisi le froid qui entourait l'elfe, car il tremblait, le Noldor reprit sa marche. Dans le petit village, les rues n'étaient guère nombreuses. Trouver la taverne se révéla encore plus facile que prévu...Toutefois, le bâtiment était en piteux état, et il avait sans doute connu des jours meilleurs. Ouvrant sans cérémonie la porte, l'elfe entra.

Une vague de chaleur aurait dû le frapper, mais...Son entrée ne fit rien de plus qu'entraîner une baisse de la luminosité et la température ambiante. Il ne dit rien, enfermant la tempête et la neige au dehors, avant de se diriger d'un pas lent et discret vers le comptoir. Les ombres projetées par les éclairages faisaient qu'il était presqu'invisible. Aussi, lorsqu'il demanda au tavernier des provisions, ce dernier sursauta-t-il de surprise. Un paiement plus tard, il se dirigeait vers le fond de la taverne, où ses yeux avaient repéré deux jeunes humaines qui semblaient correspondre à cette Kathryn. L'une était semblait-il une garde du corps, l'autre ressemblait plus à une bourgeoise, à la chevelure blonde, portant une grande robe telle que seuls les nobles savaient les faire, extravagante à souhait, parée d'ornements qui n'avaient aucun charme aux yeux de l'elfe. Les humains n'avaient rien du savoir-faire elfique, et ces habits n'étaient qu'un vague écho à ce qui s'était fait chez son peuple. Les bagues que la femme portait à ses doigts étaient similaires; grossières à ses yeux, taillées sans aucune habileté ni finesse. Toutefois, il n'en toucha mot. Deux autres personnes s'étaient avancées en même temps que lui. Prenant une chaise et s'asseyant dans un coin, Burfëa détailla également la deuxième personne. Ses oreilles elfiques percevaient de légers frottements métalliques. La femme était armée.
La bougie qui éclairait la table, à l'approche de Burfëa, avait vacillé un instant. Mais il avait diminué sa froideur, qui ne provoquerait sans doute que des frissons chez les deux. La femme armée semblait un peu nerveuse. L'autre était parfaitement détendue lorsqu'elle exposa sa situation.

Les glaces avaient scellé pour elle tout espoir d'aller à Minas Tirith, c'était pour cela que la femme avait besoin d'une escorte jusqu'à la cité blanche, les trois volontaires. Après un petit rire bourgeois qui n'eut pour résultat que de laisser l'elfe parfaitement indifférent - le théâtre de la richesse était un spectacle qui le laissait de glace - elle demanda confirmation des aptitudes de chacun à mener à bien cette mission. Une question comme seuls les mortels en posaient. Aux oreilles de Burfëa, c'était une interrogation si frivole et rhétorique qu'il répondit, malgré sa nature silencieuse.


- Si nous ne le sommes pas, vous ne serez sans doute guère plus de ce monde pour le constater gente dame. Nous pourrions tout aussi bien être des brigands, qui dès votre sortie, vous égorgerions...Nous pourrions aussi être des chasseurs de tête, qui en vous enlevant, réclamerions ensuite une prime à vos concurrents - car je ne doute pas que vous ayez...Ou bien peut être sommes nous simplement des voyageurs qui connaissons la Terre du Milieu, et qui pouvons offrir nos services...Je vous ferai noter que vous n'avez pas encore évoqué la récompense, fut-ce son montant ou sa nature...
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Amadeo du Rohan
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La plaine étend son manteau blanc EmptyMar 25 Déc 2012 - 14:21

La tempête de neige s'abattait sur Gôlasgil depuis de longues heures. Aux alentours du village, la couche de neige atteignait déjà plus d'un mètre de hauteur. Tous les efforts des paysans du coin avaient été recquis pour dégager autant que faire se peut les trois routes principales qui coupaient le hamaux.
Comme chaque soir, l'auberge était le seul lieu "animé" du village. Cela faisait bientôt trois ans que Berethil était assigné ici, sous les ordres d'Adrahil. Ce dernier était un véritable tyran, abusant de son pouvoir à la moindre occasion. Et ce soir encore, il affichait avant d'entrer dans l'auberge son petit sourire satisfait au coin de la bouche.

- On fais comme d'habitude ; on rentre, on geule et on sort un ou deux soulards pour montrer l'exemple.

Sans attendre de réponse, le capitaine poussa la porte. Berethil acceuilis la petite vague de chaleur comme un soulagement, relâchant sa lourde fourrure recouverte de neige. Seul Adrahil ne semblait pas être atteint pas le froid glacial, et s'amusait même à en faire usage pour calmer les ardeurs des fortes-têtes. La semaine précédente, il avait ordonner d'attacher un adolescent à un arbre, et de le laisser dehors toute la nuit sans fourrure. Le lendemain, le jeune homme ressemblait à un véritable glaçon. Quelques heures en plus, et la mort venait l'emporter.
Déjà, le capitaine s'avançait vers un vieillard qui, apparement, avait déjà bien bu.

- Et alors mon cher Tobby-la-feuille-morte, on se laisse aller ?


L'ambiance avait descendu d'un cran depuis que la patrouille était entrée dans le bâtiments. Tous avaient les yeux rivés sur les cinq hommes en armure, et en particulier sur le gradé. Le vieillard, d'une voix tremblante, lui répondit :

- "hips" Va .. va au diable Adrahil, "hips" tu es un monstre !!

A peine avait -t-il achevé sa phrase que le capitaine lui avait déjà saisit le col, et le trainait sur le sol jusqu'à la porte de sortie.

- Comment oses-tu m'insulter vieillard ? On va aller régler ça dehors !!


Les quatres soldats ne disaient pas un mot, observant leur supérieur avec effroi. Mais si ils s'opposaient à lui, c'était sans doute le même sorte qui les attendait.
Adrahil sortit, le vieillard trainant à présent dans la neige. Le cuatuor gondorien suivait, refermant le porte de l'auberge derrière eux.
Le capitaine donna un coup de pied dans les cotes du vieil homme, l'insultant de porc et de sélérat. Il répéta son action plusieurs fois, durant de longues minutes, les insultes étant de plus en plus dégradantes et le corps de la malheureuse victime déjà presque entièrement recouvert de neige.
Berethil s'avança :

- C'est assez, laissons-le. Il est vieux et saoul, Adrahil.

La capitaine stoppa ses coups de pieds pour fusiller son second du regard.

- Si tu n'es pas content Berethil, va donc voir ailleurs si j'y suis. Tu es un faible, toujours à contesté, je te libère de tes devoirs pour ce mois-ci. Fais ce que tu veux, payes-toi à boire, va voir les catins, tu es en vacance. Et tu n'auras pas ta paie.

Malgré le froid, Berethil brûlait d'envie de rétorquer. Mais si il faisait ça, il serait définitivement viré. Et il avait besoin d'argent. Faisant demi-tour, l'homme rentra à nouveau dans l'auberge, laissant derrière lui les plaintes du vieillards agonisant dans la neige.

***

A nouveau à l'intérieur, Berethil se dirigea vers le comptoire. Alors qu'il attendait de pouvoir commander (le barman servait rarement les soldats en premier), un enfant s'approcha de lui, visiblement épuisé.

- Sieur Berethil, je passait tout prêt quant j'ai entendu votre méchant chef dire qu'il avait plus besoin de vous. Par contre y'a une madame qui a l'air riche et qui a besoin de quelqu'un pour l'aider. Elle est là-bas.

Le petit garçon pointa du doigt une table au fond de la salle, où se tenait une femme en robe bourgeoise en compagnie de ce qui paraissait être son garde du corps, ainsi que d'une autre femme moins noble que la première.
Berethil abandonna le comptoir et se dirigea vers le groupe, la main sur la garde de son épée. Au moment où il arrivait, la femme lui jeta à peine un regard avant d'expliquer une certaine mission. L'homme qui devait lui servir de garde du corps semblait un peu trop sûr de lui.

Une bonne lame dans le ventre à celui-là et il ferait déjà moins le coq ... - Pensa Berethil.

Berethil n'écouta qu'à moitier, en habitué des briefing. La "mission" pouvait servir à combler sa non-paie du mois, et il connaissait bien les environs.
L'étrange bonhomme à côté de lui commença à parler.

- Ou bien peut être sommes nous simplement des voyageurs qui connaissons la Terre du Milieu, et qui pouvons offrir nos services...Je vous ferai noter que vous n'avez pas encore évoqué la récompense, fut-ce son montant ou sa nature...

Commençant à s'impatienter, Berethil prit le relai d'une voix grave.

- Je suis capable de vous amenez sains et saufs à la cité blance en quelques jours madames. Toutefois, j'ose esperer que votre chien de garde se tiendra assez loin de moi, je n'aime pas trop ce genre de fanfaron. Quant à vous, il serait utile d'échanger vos frofro et vos bijoux contre une tenue voyage. Si vous devez marcher avec cette ... robe, nous irons trop lentements et le froid aura raison de nous.

Berethil ne faisait pas dans le détail. Si quelqu'un se sentait frustré, il pouvait venir le lui dire, il l'attendait. Ce n'était pas un mercenaire de bas étage et une peuso-bourgeoise qui l'impressionnait. Il n'avait pas beaucoup d'amitié pour ce genre de personnes, mais actuellement ils payaient, c'est tout.

- La caserne est à deux pas d'ici, et il n'y a personne. Les autres soldats sont tous en fonction ce soir. Allons-y, il y a de quoi s'équiper. Fourrures, armes, bottes, tout ce que vous voulez. Le soleil se lève dans trois heures, il ne faut plus trop traîner. Nos pires ennemis seront sans doute les loups, et je les redoute plus la nuit qu'à la lumière du jour.

Berethil reculait déjà de quelques pas, invitant les autres à le suivres. Il détestait les conversations qui s'éternisaient autour d'une table, surtout qu'il n'y avait pas beaucoup de choix qui se présentaient à eux. Lui avait besoin d'argent, eux de bras armés, et l'étrange elfe à sa droite était sûrement en manque d'action. En bref, de quoi passer un voyage assez ... particulier.


Dernière édition par Amadeo du Rohan le Dim 30 Déc 2012 - 10:10, édité 1 fois
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Sirion Ibn Lahad
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La plaine étend son manteau blanc EmptySam 29 Déc 2012 - 16:54
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L'Elfe rôdait dans les alentours depuis déjà un moment. Ses pas agiles et les dons de sa race faisaient que rares étaient les mortels pouvant le voir dans la nature. Aucun son ne sortait de sa bouche, ni de ses mouvements, il était telle une ombre bien qu'étant un être de lumière. Il était descendu il y a quelques semaines depuis le Nord-est. Mirkwood. Sombres actions pour de sombres évènements s'étaient déroulés là-bas mais l'Elfe n'était pas intervenu. Trop de dangers, pas assez de savoir sur les ennemis. Non, d'autres avaient été là pour combattre et repousser le mal. Avaient-ils gagné ? L'Elfe n'en savait rien, il avait disparu bien avant le dénouement.

Il s'était arrêté dans ce petit village car un brin de confort lui avait manqué. Un lit chaud et sec, un feu de cheminée, quelque chose de chaud à boire et à manger, l'Elfe ne demandait rien de plus. Un enfant criait à qui voulait l'entendre qu'une femme fortunée cherchait des volontaires pour un petit périple. Ma foi, l'Elfe n'était pas contre, de toute manière, revenir à son foyer était impensable pour l'instant étant donné... la situation.

L'Elfe avait suivi de loin le soldat de Gondor qui semblait avoir également répondu à l'appel de la dame -ou de l'argent. Une fois dans l'auberge, il resta près de l'entrée, s'appuyant contre un mur scrutant la salle et ses occupants. L'Elfe aimait observer, qui plus est les humains en particulier, ils étaient si... jeunes. Même si certains sortaient du lot, ils avaient toujours une sorte de naïveté, qu'ils appelaient parfois eux-même du courage. L'Elfe se devait d'admettre qu'ils avaient du caractère.

Puis enfin, la dame se manifesta. Aux côtés de cette femme d'âge mûre se trouvait une jeune fille, dotée d'un regard fort et d'une farouche détermination à protéger son aînée. Peut-être était-ce sa fille ? Mais l'Elfe ne parvint pas à trouver de choses en commun dans leurs visages.

La plus vieille prit alors la parole pour énoncer leur mission. Simple, direct, l'Elfe écouta avec attention. Mais il y avait quelque chose qu'il n'appréciait pas dans sa voix...

Tandis que l'autre premier né et le soldat répondirent l'un après l'autre, l'Elfe se contenta d'un regard et d'un signe de tête amical pour signifier à la dame qu'il était du voyage.

Mais il ne dit pas un mot.



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Kathryn Prospéris
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Kathryn Prospéris

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La plaine étend son manteau blanc EmptyDim 30 Déc 2012 - 16:52
Kathryn observa les trois hommes avec un léger sourire aux lèvres. Elle leur avait lancé volontairement cette remarque, car d’expérience, elle savait que la colère d’un orgueil piqué au vif était souvent un prisme hyalin qui laissait observer à loisir la vraie personnalité de quelqu’un, celle cachée sous les couches savamment orchestrées et organisées, sous les voiles de faux-semblants et d’attitudes étudiées. Tous les masques brûlent dans les flammes de la fureur. C’est comme cela que Dame Kathryn le lui avait appris. Et bien que le résultat de son petit stratagème l’ait surprise, elle ne fut pas déçue.

- Si nous ne le sommes pas, vous ne serez sans doute guère plus de ce monde pour le constater, gente dame. Nous pourrions tout aussi bien être des brigands, qui dès votre sortie, vous égorgerions... Nous pourrions aussi être des chasseurs de tête, qui en vous enlevant, réclamerions ensuite une prime à vos concurrents - car je ne doute pas que vous ayez... Ou bien peut être sommes nous simplement des voyageurs qui connaissons la Terre du Milieu, et qui pouvons offrir nos services... Je vous ferai noter que vous n'avez pas encore évoqué la récompense, fut-ce son montant ou sa nature...

Kathryn se retourna gracieusement vers l’elfe qui venait de parler, mais son sourire confiant se figea imperceptiblement sur ses lèvres. Elle vit Makhai se redresser légèrement, elle aussi mal à l’aise, et se rasséréna quelque peu ; sa compagne gardait un œil vigilant sur lui. L’étrange personnage se dressait comme un roc noir, le dos droit sur sa chaise qui en paraissait ridiculement minuscule. Sa voix inquiétante arracha un frisson à Kathryn, qui fit mine de secouer sa chevelure blond argenté d’un air décontracté, constellant de petites perles d’eau le bord de la table de bois brut. Elle adressa un sourire faussement indulgent à l’elfe, et, bien qu’elle sut parfaitement que ses atours bourgeois ne lui faisaient ni chaud ni froid, elle se sentit rassurée de consolider son attitude et son rôle, et, par-delà, sa position même. Elle se racla la gorge avec hauteur, avant de répondre, avec la douceur insupportable du miel :

- Mon cher ami, je comprends parfaitement votre réaction quelque peu… emportée, je vous prie de pardonner ma maladresse, commença-t-elle avec dans le regard une étincelle qui indiquait clairement qu’elle ne s’abaisserait jamais à le prier. Cependant, en tant que digne représentant de la très gracieuse race des elfes, vous ne me ferez jamais croire que vous pourriez vous montrer assez vil pour menacer, et pis, mettre à exécutions des menaces proférées de telle façon. Car je suppose que vous êtes suffisamment éclairé pour reconnaître quelqu’un d’éminent. Si vous étiez quelque brigand, il me semble que vous auriez tout fait pour vous attirer mes bonnes grâces et ma confiance, et ainsi m’attirer sans vigilance hors de ces charmants lieux, où vous auriez pu me couper la gorge avec une grande facilité. Mais c’est en admettant que j’accorde ma confiance au premier vil flagorneur venu, et ceci, je vous l’assure, c’est tout sauf certain.

Kathryn s’arrêta un bref instant, guettant avec un sourire amusé une quelconque réaction chez le sombre interlocuteur qui lui faisait face, mais sous son capuchon, il était difficile de distinguer la moindre réaction. Elle bluffait de manière abusive, mais elle ne devait pas montrer la peur qui lui étreignait la gorge lorsqu’elle regardait l’elfe ténébreux. Elle toussa avec une délicatesse empruntée, mais pris langoureusement le temps de reprendre son souffle, avant de continuer, un air d’insolence nouvellement acquis flottant sur ses traits.

- De plus, si vous aviez ourdi de me livrer comme un simple colis à mes concurrents, j’aurais su vous convaincre du ridicule de la chose, car, quoi qu’auraient pu vous promettre lesdits concurrents, je me serais montré toute disposée à vous en offrir le double en échange de ma libération. Je vaux bien plus vive que morte, je puis vous l’assurer et quoi que vous en pensiez, il y a au moins autant de personnes qui seraient prêtes à me protéger que d’hypocrites qui voudraient voir mon cadavre, car je sais récompenser mes amis à leur juste valeur, déclara-t-elle d’une voix feutrée et pleine de sous-entendus en balayant du regard les trois hommes.

Elle prit dans sa main fine et pâle son verre de vin, et, faisant tournoyer le liquide dans le verre, en contempla la robe de rubis, qui étincelait à la lueur intimiste des chandelles à demi consumées. Elle le porta ensuite à ses lèvres, et, sans se presser, en but une gorgée qu’elle prit le temps de savourer, observant avec délices les mines agacées des personnes attablées avec elle.
Cependant, le soldat, sans doute excédé par ses manières nonchalantes, prit la parole :

- Je suis capable de vous amenez sains et saufs à la Cité Blanche en quelques jours madame. Toutefois, j'ose espérer que votre chien de garde se tiendra assez loin de moi, je n'aime pas trop ce genre de fanfaron. Quant à vous, il serait utile d'échanger vos frofro et vos bijoux contre une tenue voyage. Si vous devez marcher avec cette ... robe, nous irons trop lentement et le froid aura raison de nous. La caserne est à deux pas d'ici, et il n'y a personne. Les autres soldats sont tous en fonction ce soir. Allons-y, il y a de quoi s'équiper. Fourrures, armes, bottes, tout ce que vous voulez. Le soleil se lève dans trois heures, il ne faut plus trop traîner. Nos pires ennemis seront sans doute les loups, et je les redoute plus la nuit qu'à la lumière du jour.

Kathryn, dont le regard était resté braqué sur ses mains croisées sur le plateau de bois de la table, le releva pour le braquer sur l’homme en armure, qui s’était permis de lui parler ainsi. Autant elle s’était montré d’une politesse scrupuleuse bien qu’impénitente avec l’elfe qui s’était adressée à elle, autant là, le ton du soldat lui échauffait les sangs de manière incontrôlable. Le premier lui avait parlé d’un ton critique mais logique, restant, comme sa race seule sait le faire naturellement, sur la frontière du politiquement correct, la mettant comme au défi de répondre à la hauteur du trait initial, tout en dansant toujours sur les limites de la courtoisie. Elle était intimement convaincue d’avoir réussi le test, car sans jamais se départir de son sourire et de ses manières policées, elle avait passé le message qu’elle ne se laisserait pas intimider par les grands airs mystérieux d’un vulgaire arpenteur de forêts, tout paré de ténèbres et d’occulte qu’il était. Cependant, elle ne pouvait tolérer que cet homme-là lui parle de cette façon. Elle avait un statut à tenir, et, si elle acceptait qu’un soldat lui manque de respect de cette façon, elle perdrait la face, et toute crédibilité. Sans même qu’elle s’en rende compte, elle se mit à faire tinter ses bagues l’une contre l’autre, tout d’abord pour rassembler ses esprits et ses mots, puis, pour marquer le rythme soutenu et implacable de ses propos.

- Je ne souffrirais pas un tel manque de respect de votre part, soldat, lança-t-elle d’un ton dédaigneux. Si vous escomptez me voir supporter ce ton durant tout le voyage, j’ai bien peur que vous vous fourvoyiez. Je remarque que vous arborez une armure du Gondor, et pourtant, vous vous engagez pour un voyage d’une, voire de plusieurs semaine, si la chance nous fait défaut. À mon sens, cela laisse deux possibilités toutes plus intéressantes l’une que l’autre ; soit vous êtes présentement en train de déserter, ce qui m’étonnerait cependant vu que vous ne faites visiblement aucun effort pour vous faire oublier, soit vous n’êtes temporairement pas de faction pour une raison qui reste mystérieuse, bien que votre ton impertinent m’en laisse présager... Quoi qu’il en soit, je doute que vous souhaitiez que je fasse remonter quelque mauvaise impression à votre sujet à un supérieur hiérarchique. Et je parle de quelqu’un de vraiment haut placé, et pas du capitaine de section de ce misérable village, au cas où vous ne l’auriez pas compris, se permit-elle-même d’ajouter.

Elle poussait sa chance, elle le savait. Si elle avait quelques contacts dans les hautes sphères de l’armée, elle doutait que ceux-ci eussent quelque chose à faire d’un garde en possible désertion, vagabondant d’un bout à l’autre du Gondor. Cependant, elle ne pouvait se résoudre à lâcher son jeu. Le soldat ne savait sans doute pas que les menaces qu’elle proférait ne pouvaient être mises à exécution, mais mieux valait qu’il continue à la soupçonner d’en être capable. Tant qu’il aurait ce doute, elle garderait une position tenable, mais dès lors qu’elle serait percée à jour, il aurait un ascendant sur elle. Et un ascendant de taille, vu la largeur de ses épaules.

Kathryn, les yeux plissés, se mordilla l’intérieur de la lèvre. Ses bagues marquaient un rythme plus lent, plus calme, signe qu’elle était pensive. Au fond, elle n’avait cure du ton qu’employait le garde pour lui parler, mais elle ne pouvait revenir sur ses pas. Elle s’était laissée prendre à son propre piège, et avait fait une erreur de débutant en laissant la fureur prendre le pas sur sa logique et sa réflexion. Elle s’était trop avancée, et avait dit des choses qu’elle pourrait regretter par la suite. Elle s’en mordait maintenant les doigts, mais ne pouvait le réparer sans perdre la face. En revanche, la colère passée, elle se rendait maintenant compte qu’elle n’avait pas intérêt à se mettre ses guides, et ses gardes, à dos. Elle pouvait le menacer, brandir une nébuleuse épée de Damoclès au-dessus de sa tête, c’était au final celui qui tenait la vraie lame qui gagnait, si on lui en laissait la possibilité, et surtout si on lui en donnait une motivation. Elle prit donc une grande respiration, avant de reprendre la parole, d’une voix posée, apaisée, cachant du mieux qu’elle pouvait que chaque mot prononcé lui brûlait les lèvres :

- Nous sommes sur le point de commencer un voyage qui s’avérera de toute façon pénible. Il semble donc ridicule d’aggraver cet aspect par des inimitiés au sein de notre petit groupe. Tentons de nous entendre et d’atteindre notre but le plus rapidement possible, et en nous épargnant les désagréments qu’il est en notre pouvoir d’éviter.

Elle balaya une poussière imaginaire de l’épaule de son épaisse cape, puis recroisa ses mains avec fermeté. Elle s’était aplatie et elle détestait ça, mais c’était pour se prévenir d’une rancœur tenace qui pourrait lui coûter cher. Cependant, elle redressa brusquement la tête et lança, en fusillant le soldat d’un regard hautain :

- Mais il est hors de question que je supporte ce ton irrespectueux et irrévérencieux, car je vous rappelle que c’est moi qui vous paie. Et si vous pensez que je vais voyager à pied, vous rêvez.

Malgré cette pique, elle avait perdu, elle le savait, et elle se doutait qu’il le savait également, mais elle espérait cependant qu’il apprécierait son effort pour se rendre amicale. Elle posa les mains à plat sur la table, stoppant net son tic nerveux qui s’accentuait maintenant qu’elle s’était sentie sur le point de perdre pied.

- Comme notre ami l’a fait remarquer, je n’ai pas encore abordé le sujet d’une récompense, et je suppose que c’est ce que vous devez attendre avec impatience depuis le début de notre conversation. J’ai eu le loisir de réfléchir, de vous observer, aussi naïf que puisse paraître mon avis de citadine, et je pense qu’il est raisonnable de vous proposer 800 £ chacun, pour le voyage entier.

Kathryn prit encore une gorgée de vin, puis se remit à faire claquer ses bagues sur un rythme qui lui était familier. Elle était désormais sur son terrain de chasse, prête à négocier, car elle savait bien que ce prix était scandaleusement bas pour une telle quête, et surtout en considérant les conditions climatiques qui régnaient actuellement. Elle s’était fixé comme grand maximum un prix de 1500 £, mais elle souhaitait donner à ses compagnons une impression de victoire pour leur faire débuter le voyage sur de bonnes dispositions. Elle essayait déjà de les arnaquer, alors qu’ils n’étaient pas encore partis, mais après tout, elle n’était évidemment pas devenue une grande et prospère marchande en se montrant honnête et bonne avec son prochain.

Recoiffant une fine mèche blonde d’un élégant revers de main, elle soupira d’un air las en regardant autour d’elle. La journée avait été longue, et elle se sentait vraiment épuisée. Elle se retourna vers ses interlocuteurs, qui semblaient tous plus ou moins impatients de quitter le conciliabule. Seul l’elfe brun, adossé contre un mur, se contentait depuis le début d’écouter les joutes d’un air serein, peut-être vaguement… amusé ? Mais elle n’en aurait pu jurer. Il ne pipait mot, mais tout dans son visage exprimait son approbation. Un compagnon de voyage agréable et conciliant, c’était là un élément inopiné qui saurait sans doute calmer les tensions internes. Se reprenant, elle s’adressa à eux tous :

- Je pense que nous allons accepter votre offre, soldat, fit-elle en se tournant vers l'intéressé. Je pourrais en profiter pour m’octroyer un peu de repos pendant que Makhai, ma suivante, s’occupera de mes bagages.

Celle-ci hocha la tête avec un empressement feint, mais ses yeux sombres scrutaient le visage des hommes, guettant un signe qui pourrait révéler le caractère dangereux de l’un d’entre eux. Kathryn, s’adressant cette fois aux trois compagnons :

- Bien, je vous propose donc de nous rendre à la caserne dont a parlé notre compagnon, poursuivit-elle en esquissant une moue comme contrariée de l’usage de ce terme. Pouvons-nous y aller ?
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La plaine étend son manteau blanc EmptyMer 2 Jan 2013 - 14:06
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Berethil


Le Gondorien sourit intérieurement en regardant d'un air amusé la femme s'emporter comme une enfant à qui ont aurait confisqué son jouet préféré, puis aussitôt s'embourber dans de semi-excuses tout aussi croustillantes à écouter. Pour clore son epineux monologue, la femme déclara :

- Bien, je vous propose donc de nous rendre à la caserne dont a parlé notre compagnon. Pouvons-nous y aller ?

La moue qui s'était affichée sur son visage n'avait pas échappé à Berethil. Il avait affreusement envie de lui répondre d'une nouvelle pique, mais il se ravisa, jugeant également qu'il était mieux de ne pas partir sur de trop mauvaises bases. Les deux elfes restaient silencieux, et le soldat invita le groupe à le suivre.

- Très bien. Suivez moi.

Comme d'habitude, le choc thermique arracha une grimace à Berethil lorsqu'il ouvrit la porte de l'auberge. Ajustant son épaisse fourrure, il ouvrit la marche au milieu de la tempête de neige. Au bout de cinq longues minutes, il arrivèrent au baraquement de Gôlasgil.

***

Le bâtiment militaire était peut-être le mieux isolé du froid mordant. Les murs de pierre étaient particulièrement épais, et le vent glacial penait à se faufiler à l'intérieur.
Berethil s'assura que le grand feu n'était pas menacé, puis invita ses compagnons à s'installer autour d'une table en bois massif. Une carte de la Terre du Milieu s'étendait sur tout le mur en face d'eux. A la lueur des bougies, Berethil prit la parole ;

- A l'aube, nous prendrons donc la route vers la Cité Blanche. Gôlasgil est situé non loin de la division d'Anduîn avec la rivière Poros. A cet endroit, il y a un refuge. Normalement un avant poste-militaire, mais qui a prit des airs d'abris social depuis l'arrivée du Rude Hiver. Nous pourrons y faire une première halte, nous y seront je l'espère avant la tombée de la nuit.


Le soldat fixait tour à tour les différentes personnes qui l'écoutaient attentivement.

- Nous tenterons bien évidement de passer un minimum de nuits dans la nature. Sans les rayons du soleil, les degrés chutent encore d'avantage. Et les dangers se mutliplient.


Bref silence.

- Après la refuge, nous continuerons vers l'Est. D'ici trois jours, nous devrions atteindre Pelargir. Je n'aime pas cette ville, mais elle constitue un arrêt obligatoire. C'est là que l'Anduîn s'arrête, pour se diviser en deux. Les jours suivants, nous empreinterons la Route du Sud qui relie Pelargir à Minas Tirith. Il y a plusieurs hamaux le long de cet axe, nous ne devrions pas avoir de grosses difficultés à trouver des endroits pour y passer la nuit. Et la progression devrait y être plus aisée. La durée totale du trajet devrait être d'une grosse semaine, peut-être deux.

Une fois l'intinéraire tracé, le gondorien servit du thé bouillant. Puis il termina son discours ;

- Je connais bien la région, mais je ne prétend pas tout connaitre d'elle. Nos deux amis elfes pourront nous être également très utile pour guider notre voyage. En ce qui concerne le déroulement de notre périple, nous avons la chance d'avoir des montures. L'écurie se trouve juste à côté, et il y a assez de bêtes pour que les soldats ne remarquent pas si nous en réquisitionnons quelques-unes.

Alors qu'il allait se diriger vers sa chaise, une dernière pensée s'infiltra dans les pensées de Berethil, qui ne pu s'empêcher de sourire légèrement et d'ajouter ;

- Ah oui, Madame, il est une chose que je voudrais tout de même vous dire. A l'auberge, vous n'avez cesser de vous revendiqué comme appartenant au "gratin" de la société, si je me souviens bien. Moi, humble soldat du Gondor qui en effet à été mis en congé par mon supérieur, je voudrais tout de même signaler à Sa Seigneurie que, même dans ce "misérable village", tous ici nous connaissons ceux qui détiennent le pouvoir en ces terres. Depuis le Haut Roi Méphisto jusqu'à ses plus timides collaborateurs, et ce compris son neveu Aldarion roi d'Arnor, ainsi que tous les alliés de Gondor. Et cette sphère, que vous devez appelé "les vraiment hauts placés", vous n'en faites hélas pas partie. Votre nom est encore méconnu. Certes vous avez de l'argent, peut-être une certaine autorité là d'où vous venez, peut-être même du sang noble coule-t-il dans vos royales veines. Mais je vous inviterai tout de même à faire preuve de plus d'humilité en ces terres.


"Ou je vous ferez ravaler votre joli sourire à coups de poings" pensa-t-il

Rien n'avait été dit sur un air de défit, Berethil avait simplement voulu faire en sorte que par la suite, les relations soient moins tendues. Si la Dame acceptait de se mettre sur un pied un peu plus égalitère, et si eux ne la provoquaient pas, tout irait pour un mieux.

- Si quelqu'un souhaite encore ajouter quelque chose, libre à lui.


Berethil retourna enfin à sa chaise.

//HRP: Burfëa, normalement c'était ton tour mais j'ai poster ceci pour faire avancer un peu les choses Wink Mnt c'est à toi d'écrire la suite. A+ //
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Burfëa
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La plaine étend son manteau blanc EmptyLun 7 Jan 2013 - 23:54
Burfëa émanait une froideur mortelle. Alors que Kathryn parlait, cette froideur semblait plus menaçante encore, comme une ombre tentant de saisir la bourgeoise, l'attendant au premier faux pas qu'elle ferait dans sa réponse à l'elfe. La peur dans son coeur, elle tentait de la dissimuler, mais...Les yeux d'un elfe ne sont pas aisément trompés. Et le visage d'un humain n'est pas sous un aussi bon contrôle que ce dernier aimerait le croire. Alors que la femme parlait, le sorcier avait gardé ses yeux carmins fixés sur sa face. Les muscles de l'humaine se contractaient, d'une manière imperceptible, qu'aucun homme n'aurait vu. Mais ce n'était pas un homme...Il était un premier-né, et de tels détails ne lui échappaient nullement, pas plus que les gouttes de sueur qui perlaient à la racine des cheveux de la dame. Ni le sourire ni la douceur forcée, exagérée dans la voix de cette personne ne le convainquaient vraiment. Elle faisait preuve d'une éloquence certaine, mais ses arguments ne prenaient pas en compte toutes les possibilités. Ce serait là sa perte. Mais enfin...Elle s'en était plutôt bien tirée. À bon compte comme disaient les humains.

- Vous oubliez une chose ma chère...L'argent n'est pas la seule récompense que l'on puisse espérer en ce monde. Certaines vous dépassent de loin...Et qu'est-ce qu'une vie, pour atteindre parfois un idéal occulte? Peut être comprendrez vous par ce voyage que non, il n'y a décidément pas que la fortune qui puisse signifier puissance...D'autres avant vous ont foulé cette terre. Certains qui y laissèrent de merveilleuses choses, que sans doute vous pourriez tenter d'acquérir...D'autres, des cicatrices, dont la seule proximité sèmerait la folie dans votre esprit. Il y a des paiements que même vous, madame, ne pourriez espérer égaler...Mais fort heureusement...Il semble que le vôtre soit celui que nous cherchons aujourd'hui...Du moins je vous le souhaite.

Là-dessus, happé par son propre silence, l'elfe se tut. Alors, le soldat homme parla, acceptant ouvertement la mission, mais parlant avec un tel manque de tact que la bourgeoise perdit tout sang froid, s'emportant contre ce dernier, à grand renfort de menace et de pics dédaigneux. Le voyage n'avait pas même commencé que déjà ils s'entredévoraient...Les humains, et leur hâte excessive. Cette jeunesse était distrayante à voir, quoiqu'au final assez décevante. Tant de menaces dites si rapidement, aucune subtilité, aucune nuance, dans ce langage ouistrain grossier. La femme tenta d'elle-même de calmer les ardeurs à présent, et se reprenant, présenta ce qui sonnait pratiquement comme des excuses. D'elle et le soldat, c'était le second qui avait gagné le bras de fer, encore qu'il n'en eut sans doute pas conscience, limité d'esprit qu'il était. Toujours était-il qu'elle en vint enfin à la prime qu'ils toucheraient pour la mission. 800£. Une petite somme. Certes, Burfëa n'avait jamais vraiment détenu d'argent, il n'en avait pas le besoin, éternel voyageur qui se procurait par sa seule ingéniosité et sa seule chance tout ce qu'il cherchait. Mais obtenir cet argent pourrait lui permettre d'acheter sans doute quelques armes, car il en était dépourvu presqu'intégralement, si ce n'était...Non, l'utiliser était hors de question. Cette carte qu'il gardait cachée, il ne la jouerait pas, pas immédiatement. Son but était tout autre, et sa création méditée. Elle trouverait son fourreau, son véritable fourreau, lorsque l'heure serait venue. Tout du reste, la somme proposée était, au final, bien dérisoire. Insuffisante, compte tenu des divers dangers possibles. Mais l'humaine tentait de se montrer la plus forte. Céder maintenant face à ce petit caprice de la mortelle signifiait-il céder ensuite tout du long?

Non.

Car elle n'avait aucune connaissance de la peur. Toujours habituée à vivre dans des places luxueuses, entourée et en sécurité, elle était, même dans cette taverne miteuse, dans son élément en intérieur, en ville. Néanmoins...Dès que le groupe quitterait les sentiers battus pour s'enfoncer dans la nature sauvage, où rampaient des choses parfois sans nom, alors...Alors elle serait à leur merci. Alors le véritable prix pourrait être fixé, enfin.

Lorsque Burfëa acheva sa réflexion, lui et le groupe étaient assis dans la caserne. La chaleur était remontée un tantinet, et le soldat servait à présent du thé, tout en indiquant l'itinéraire. Lorsqu'il indiqua Pelargir, l'attention de l'elfe se reporta totalement sur la discussion. Une étape nécessaire disait le soldat. Malheureusement, il ignorait que le port était tombé. Des mains même de Burfëa, et de la Couronne de Fer, la cité avait été capturée, en à peine une nuit, et était depuis totalement sous l'emprise de l'Ordre. Si l'elfe sorcier n'aurait eu aucun mal à entrer dans la cité, ses compagnons de route n'y parviendraient sûrement pas.
Les méthodes qu'employaient Swan, qui plus est, impliqueraient sans doute la capture de cette Kathryn, et après avoir levé maintes taxes pour sa libération, sans doute aurait-elle finie tuée. Le soldat? Tué également, pour ne pas diffuser l'information. Leur compagnon elfe aurait sans doute aussi péri, jusqu'à ne laisser que...Lui, seul. Encore que cette idée ne l'eut pas dérangé, il devait être payé. Laisser ses compagnons mourir était donc pour l'heure inenvisageable.


- Nous ne passerons pas par Pelargir, dit simplement le sorcier. Cette route, aucun de vous ne peut l'emprunter. Je vous assure à tous que ce serait là votre perte.
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Kathryn Prospéris
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La plaine étend son manteau blanc EmptyDim 27 Jan 2013 - 19:46
Lorsqu’ils poussèrent la porte de la caserne, Kathryn ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Devait-elle vraiment s’étonner que chaque bâtiment de ce village semble pire que le précédent ? Sans doute que non, mais la saleté qui régnait dans la pièce ne l’insupporta pas moins pour autant. Cependant, les épais murs de pierre faisaient barrière au froid, et on entendait le vent siffler avec rage, il restait bien au dehors. Ils s’installèrent à une énorme table de bois, faisant face à une carte de la Terre du Milieu fixée sur un pan de mur. Le feu peu vivace crachotait dans l’âtre, mais avec les bougies déposées sur la table, ils avaient suffisamment de lumière pour y voir. La lueur vacillante du feu tenait en retrait l’obscurité fuligineuse, la repoussant en tas ondoyant dans les recoins de la pièce. Un vague sourire flottant sur ses lèvres, Kathryn observait ce spectacle, fascinée par la lutte acharnée entre ombre et lumière. Des deux, elle savait qui allait gagner. Le feu finirait toujours par s’éteindre, et les ombres ramperaient hors des recoins pour épouser toute la pièce.

Elle s’était laissé entraîner par sa lassitude, et elle le regrettait, mais, bien qu’elle le cacha sous ses airs bravaches qu’elle tirait de ses dernières réserves de faux-semblants, elle était éreintée, et profondément agacée et angoissée par le retard qu’elle prenait. Dame Kathryn détestait les retards. Tant d’affaires à régler, de comptes-rendus à rédiger, de listes de comptes à établir, de contacts à prendre l’attendaient à Minas Tirith, et ces trois personnages sortis d’elle ne savait où manquaient de respect à leur employeur ? Elle n’avait pu le supporter, malgré tout ce qu’on lui avait enseigné sur la maîtrise de soi. Elle avait tenté de se reprendre, de se repentir de son emportement, quoi qu’il en coûtât, mais cela n’avait servi qu’à lui faire perdre encore un peu du respect qu’on devait lui porter. Elle tenterait d’arranger cela plus tard. Elle contempla ses nouveaux gardes, un par un, pensive.

Ainsi, ils la pensaient superficielle et frivole, une capricieuse petite fille riche hors de son palais ? Ils la méprisaient, elle le voyait bien. Ils croyaient la connaître. «L'argent n'est pas la seule récompense que l'on puisse espérer en ce monde,» avait dit l’elfe tout de sombre vêtu. Tant mieux s’il la croyait si sotte. Il tentait de l’effrayer avec ces paroles obscures, et, honnête avec elle-même, Kathryn le craignait. Elle le craignait parce qu’elle ne savait pas de quoi il était capable. Lui ne la craignait pas, parce qu’il ne savait pas de quoi elle était capable. Ils étaient tous si certains de la connaître, et cela lui donnait un avantage d’autant plus certain. Ils comptaient sur sa peur et sur sa futilité pour la tenir en laisse, mais ce qu’ils ignoraient, c’était que Dame Kathryn était partout. Dame Kathryn était tout. Elle jouait sur le fil, mais, contrairement à ce qu’ils pensaient, ce n’était pas la première fois qu’elle s’avançait dans le noir, tendant sa gorge à un couteau qu’elle entendait mais ne voyait. Mais comme elle le leur avait dit, elle valait plus vivante que morte, plus libre que captive, et bien qu’ils ignorassent à quel point, ils semblaient suffisamment avisés pour y prendre garde. Enfin, deux d’entre eux le semblaient. Le troisième en revanche, fougueux et impulsif, poussait la mansuétude de Kathryn.

Le garde parlait maintenant, mais Kathryn ne prit pas la peine de porter attention à ses paroles. Makhai, assise à côté d’elle, se chargeait déjà de mémoriser tout cela. Les yeux de la jeune fille passaient d’un homme à l’autre avec vivacité, enregistrant leurs réactions et les mouvements de leurs corps. Cependant, ces sourcils se fronçaient invariablement lorsqu’elle observait les elfes. Leur immobilité surnaturelle lui opposait des difficultés à déterminer ce qu’ils pouvaient bien penser. Kathryn regardait la petite brune menue avec contentement. Elle avait été excellemment formée, et en était devenue une extension de la volonté de Dame Kathryn. Nul besoin de lui indiquer quoi faire, elle connaissait ses prérogatives comme un élément d’elle-même à part entière. Exactement comme Kathryn, en réalité. Mais à la vérité, Makhai avait une tendance à la compassion qui se montrait parfois agaçante. Mais, un seul mot de Kathryn rappelait à l’ordre son obéissance et sa docilité.

Suivant les yeux de Makhai, Kathryn regarda Berethil. Elle n’écoutait qu’à moitié, et ne se fatiguait même pas à paraître intéressée, mais elle avait saisit quelques mots qui lui suffiraient. Poros. Refuge. Halte. Est. Pelargir. Route du Sud. D’un air distrait, elle suivait le trajet des yeux sur la carte en face d’elle. « Une grosse semaine, peut-être deux, » dit le garde, et elle soupira discrètement. Elle était initialement attendue à Minas Tirith sous cinq jours. Ce retard serait très dur à rattraper, et une importante masse de travail l’attendrait à la capitale. Vraiment, Dame Kathryn détestait les retards. C’est alors qu’elle était songeait à ces contrariétés que Berethil se tourna vers elle :

- Ah oui, Madame, il est une chose que je voudrais tout de même vous dire.

Kathryn se redressa, sourcils froncés, déjà outrée par le ton utilisé par ce simple garde pour s’adresser à elle. Il continua :

- À l'auberge, vous n'avez cessé de vous revendiquer comme appartenant au "gratin" de la société, si je me souviens bien. Moi, humble soldat du Gondor, qui en effet a été mis en congé par mon supérieur, je voudrais tout de même signaler à Sa Seigneurie que, même dans ce "misérable village", tous ici nous connaissons ceux qui détiennent le pouvoir en ces terres.

Les sourcils maintenant haussés, Kathryn regardait le garde, les lèvres étirées par un sourire amusé. Ses yeux bleu-vert étaient cependant froids, plus froids encore que les neiges qui appesantissaient les forêts, que les glaces qui étranglaient l’Anduin. Elle garda le silence, attendant qu’il en ait fini.

- Depuis le Haut Roi Méphisto jusqu'à ses plus timides collaborateurs, et ce compris son neveu Aldarion roi d'Arnor, ainsi que tous les alliés de Gondor. Et cette sphère, que vous devez appeler "les vraiment hauts placés", vous n'en faites hélas pas partie. Votre nom est encore méconnu. Certes vous avez de l'argent, peut-être une certaine autorité là d'où vous venez, peut-être même du sang noble coule-t-il dans vos royales veines. Mais je vous inviterai tout de même à faire preuve de plus d'humilité en ces terres.

Enfin, au terme de cette longue tirade, il conclut :

- Si quelqu'un souhaite encore ajouter quelque chose, libre à lui.

Il retourna s’asseoir à sa chaise, et Kathryn sourit encore plus largement. Un sourire de félin, féroce et cruel. Elle croisa ses doigts fins sur le plateau de bois de la table, et, avec la régularité des tambours de guerre, commença à frapper ses bagues entre elles.

- Maître garde , commença-t-elle avec une ironie palpable. Je vous répondrais tout d’abord en disant que je ne me revendique rien, ni ‘gratin’ de la société, ni aucune expression de paysan de ce genre. Je fais partie d’une classe sociale supérieure à la vôtre, c’est un fait. Mais votre – quel mot utilisiez-vous ? – humble éducation ne vous permet apparemment pas de faire montre du respect de circonstance. Il semblerait même que ce soit une habitude, puisque votre supérieur vous a mis à pied. Mais passons.

S’adossant au fauteuil avec délices, elle prit le temps de respirer profondément, avant de continuer :

- Vous dites connaître ceux qui détiennent le pouvoir ? Félicitations, vous êtes plutôt bien renseigné pour un simple garde parmi tant d’autres d’un misérable village parmi tant d’autres.

Elle avait prit un ton amusé, puis, comme s’adressant à un enfant :

- Permettez-moi de vous corriger. Vous ne connaissez le Haut-Roi Méphisto que par son visage frappé sur les pièces de monnaie que vous recevez chaque mois, martela-t-elle mot par mot, au rythme du tintement de ses bagues. Et ces pièces de monnaie, ce sont les gens comme moi qui les distribuent. Le visage du Haut-Roi vous est familier ? Dites-vous bien que j’habille des rois, que j’habille des princes. D’où viennent les soies et les velours portés par les figures royales ? Je les habille, je les conseille.

Maintenant penchée en avant, incisive, le fixant dans les yeux, elle parlait avec dureté et verve.

- Vous prétendez connaître tous les alliés de Gondor ? Ses plus timides collaborateurs ? Pour qui vous prenez-vous ? Ne me faîtes pas rire, garde. Vous voudriez que je m’inquiète qu’un simple soldat ne connaisse pas mon nom ? Si vous pouviez seulement imaginer à quel point cela ne me chaut. Que feriez-vous de mon nom, de toute manière ? Votre paie ne suffirait pas à acheter le lin le plus modeste de mon catalogue, très cher.

Elle respira un bon coup, avant de terminer :

- Et ne me parlez pas d’humilité, vous qui vous permettez de prendre de haut un personne qui vous est socialement supérieure. N'essayez pas de m'abaisser à votre niveau. C’est moi qui vous paie, alors je vous ordonne de ranger ce ton irrévérencieux, si vous ne souhaitez pas que je vous laisse sur place. Deux gardes me suffisent amplement, et je suppose qu’ils ne seraient pas contre se partager votre paie.

Sur ces mots, elle se leva.

- Maintenant, si personne d’autre ne souhaite parler, je vais aller me reposer quelques temps avant notre départ. Makhai vous aidera à préparer provisions et montures. Bonne nuit, messieurs.

Makhai hocha la tête avec sérieux. Kathryn savait que, dévouée jusqu’au fin fond de son être, elle n’oubliait jamais sa mission, et garderait l’œil sur les membres de cette escorte disparate. La jeune femme s’éloigna de la table, s’installa dos à eux, dans un fauteuil de vieux cuir usé, et, s’enroulant dans sa lourde cape bordée de fourrure, se renferma sur son univers intérieur, sur ses paysages intérieurs, se préparant à un sommeil léger.
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Amadeo du Rohan
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La plaine étend son manteau blanc EmptyLun 28 Jan 2013 - 17:19
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Berethil

- Nous ne passerons pas par Pelargir. Cette route, aucun de vous ne peut l'emprunter. Je vous assure à tous que ce serait là votre perte.


Le regard d'acier du gondorien se braqua quelques secondes sur l'étrange individu. Pelargir ? A eviter absolument ? Etrange. Néanmoins, l'elfe semblait être sûr de lui. Berethil jeta un bref coup d'oeuil à la carte avant de répondre.

- Dans ce cas, nous nous débrouillerons pour franchir le cours d'eau plus au nord. Le détour ne devrait pas poser trop de problème, si ce n'est que nous ne pourrons pas compter sur la ville pour nous ravitailler. Mais ainsi soit-il.

La bourgeoise prit alors la parole, déballant une nouvelle tyrade tout aussi ennuyeuse que la première. N'écoutant qu'à moitier, la conclusion arriva enfin.

- Maintenant, si personne d’autre ne souhaite parler, je vais aller me reposer quelques temps avant notre départ. Makhai vous aidera à préparer provisions et montures. Bonne nuit, messieurs.

Berethil soupira intérieurement. Décidement, il allait devoir faire un effort surhumain pour la supporter jusquà Minas Tirith. Pendant que la Dame se reposa, la jeune femme qui l'accompagnait s'occupa de rassembler ses bagages. Quelques heures plus tard, ils quittaient enfin le village.

***

Berethil chevauchait en tête, sur son étalon blanc comme la neige qui recouvrait l'entierté du paysage. La plaine ouverte laissait peu à peu place à la forêt et à ses hauts pins. De légers flocons s'écrasaient avec douceur sur le sol, tandis que d'autres formaient une fine couche scintillante sur les vêtements et les bagages. Le soldat avait enfilé une tunique de voyage chaude, gardant par-dessus son plastron en acier. Son bouclier était attaché dans son dos, et son fourreau pendait sur son flanc droit. Il avait prit soin d'enfiller des gants, et son casque avait été troqué contre un capuchon en fourrure.

Il progressait une cinquantaine de mètres à l'avant, accompagné de l'elfe étrange qui avait déconseiller le passage par Pelargir. Derrière, l'autre elfe était resté avec la bouregoise et sa suivante. Ils gardaient le contact visuel, c'est ce qui avait été convenu juste avant le départ.

La matinée s'écoulait ainsi, sans embûche apparente. Alors que Berethil scrutait la brume qui plongeait la forêt dans une ambiance inquiétante, l'elfe s'immobilisa. Le gondorien fit de même, faisant confiance en l'ouïe de son compagnon. Après une paire de secondes, on entendit un gognement inquiétant.

- Un ours ... souffla Berethil.

La bête était encore cachée par la brûme. Le gondorien tira son épée.

- On est sur son territoire de chasse. Il faut rejoindre Dame Prospéris, vite !
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