HRP La première partie c'est
de ce côtéLorsque je revins à moi, il faisait totalement noir. J’approchais mes mains de mes yeux mais ne sentis nul bandeau. Je ne savais pas où j’étais mais l’espace était très restreint. La seule chose qui était certaine était que nous nous déplacions. Je sentais les secousses caractéristiques d’une carriole qui avançait sur une route passablement délabrée.
Alors que je m’attendais à souffrir le martyr à mon réveil, la douleur était plus que supportable. Rapidement je fis courir mes doigts sur mes blessures et me rendit compte qu’elles étaient déjà cicatrisées. Non, plus que cela, elles avaient disparues. Pas de trace de coupure, pas d’os brisé. Juste quelques contusions ici et là. Il était peu probable que j’aie dormi le temps nécessaire à une telle guérison. La seule explication rationnelle était l’utilisation des produits miracles de Rezlak. Mais pourquoi se donnerait-il la peine de me soigner s’il ne voulait plus me voir ? Et, plus important encore, pourquoi étais-je encore en vie et où m’amenait-on ?
Ces questions ne risquant pas d’obtenir des réponses dans l’immédiat, je ne pouvais qu’attendre et écouter, la vue me faisant défaut. Mais, mis à part le bruit des sabots des chevaux sur la route, mon environnement était bien silencieux. De dépit, je commençais à m’agiter et à donner des coups frénétiques sur le cercueil de bois qui me retenait prisonnier. La carriole s’arrêta et, quelques secondes plus tard, la lumière inonda l’espace réduit où je me trouvais. Même s’il faisait très sombre, le contraste avec le noir total dans lequel j’étais plongé m’aveugla un court instant.
Lorsque je pus voir à nouveau, je constatais que je me trouvais, non pas dans un cercueil, mais dans une malle recouverte par une épaisse couverture. Au dessus de moi se tenait Néhelac, l’air incroyablement calme, comme si transporter un jeune homme dans une malle était une chose commune. A bien y réfléchir cependant, cela devait être loin d’être la chose la plus étrange que l’espionne avait été amenée à accomplir.
- Tu peux sortir, nous sommes presque arrivés. Mais si jamais tu tentes quelque chose de stupide comme d’essayer de t’enfuir ou t’en prendre à moi, je n’hésiterai pas à te le faire regretter. Tu as bien compris ?Je hochais la tête en signe d’assentiment et, prudemment, sortis de ma prison. Il faisait nuit et je ne reconnus pas l’endroit dans lequel nous nous trouvions. Devant nous, de hautes et sombres montagnes semblaient barrer la route. Résigné, je m’installais auprès de Néhelac et nous reprîmes notre route. Je ne lui demandais pas notre destination, conscient qu’elle ne me répondrait pas et que, de toute façon, je serai vite fixé si, comme elle l’avait dit, nous étions bientôt arrivés. Ce n’est qu’au détour d’un sentier escarpé que j’entraperçus notre destination finale. Je n’y avais jamais mis les pieds mais la cité ressemblait en tous points à la description qui m’en avait été faite.
Car, devant nos yeux, venait d’apparaître Albyor, la cité qui ne voyait jamais le soleil. Le pont surplombant l’Ag-Dâshar était proche et on distinguait les portes au-delà. Ainsi donc, Rezlak comptait me revendre en tant qu’esclave. Je ne savais que trop ce pour quoi la sinistre cité était réputée. Cela expliquait pourquoi on avait pris la peine de me soigner. Sans doute espérait-il récupérer un peu de son « investissement ». Je ne cherchais pas à m’échapper (Où aurais-je pu aller ?), me disant qu’être esclave ici ne pouvait être pire qu’être esclave à Vieille-Tombe. Je n’étais qu’à moitié convaincu cependant car les récits abondaient sur le sort des malheureux se retrouvant vendus sur le marché aux esclaves. Je n’étais pas sûr de survivre bien longtemps dans cet antre de folie, que ce soit dans les cellules ou dans les mines.
Arrivés aux portes, Néhelac montra un laisser passer, ce qui n’empêcha pas les gardes de fouiller la carriole de fond en comble. Ils finirent par nous laisser entrer et nous pénétrâmes dans la cité basse. Alors que je pensais que nous nous dirigerions vers le marché aux esclaves, nous abandonnâmes la carriole et nous engageâmes sur la route grimpant vers les montagnes. Ce n’est que là que je compris quelle était notre véritable destination. Une peur panique s’empara de moi et je tentais immédiatement de faire demi-tour mais Néhelac me rattrapa facilement. Elle s’abattit sur moi comme un rapace sur sa proie et je m’effondrais sur le sol rocailleux. Elle planta son genou entre mes omoplates afin de m’immobiliser.
- Il me semblait t’avoir dit de ne rien tenter de stupide.
- Pitié. Tout mais pas ça ! Ne me conduisez pas au temple !
- Les ordres de Rezlak sont très clairs et il est hors de question que j’y déroge. Alors si tu souhaites finir le trajet sur tes jambes, je te suggère de te calmer.Je n’avais, de toute évidence, pas le choix et nous reprîmes notre route. Je ne pouvais m’empêcher de trembler à la pensée du temple Sharaman. Je n’avais qu’une vague idée de ce qu’il s’y passait mais, pour rien au monde, je n’aurais souhaité éclairer ma lanterne. Les rumeurs de sacrifices humains étaient fort nombreuses et, après ce dont j’avais été témoin à Vieille-Tombe, je n’avais aucun mal à y croire. J’avais beau essayer de m’endurcir, j’avais peur de mourir mais plus encore, je craignais la souffrance qui accompagnerait ce châtiment. Ce n’était, ni plus ni moins, que le lieu le plus sombre de Rhûn. Pour autant que je sache, cela pouvait bien être le lieu le plus sombre de toute la Terre du Milieu.
Nous arrivâmes devant la porte massive en bois et Néhelac frappa deux coups qui résonnèrent dans le silence environnant. La porte s’ouvrit dans un grincement inquiétant et je me tournais une dernière fois vers l’espionne, espérant sans trop y croire qu’elle changerait d’avis. Mais son visage impassible était suffisamment éloquent et, résigné, je franchis le seuil de la porte qui se referma derrière moi dans un bruit sourd.
#Mardil #Néhélac