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 L'intérêt est le lien le plus solide

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptyLun 27 Jan 2014 - 12:11
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- Nous installerons le campement ici.

La voix du général était sans appel, et personne ne trouva à contester son autorité, surtout pas après la journée éprouvante qu'ils venaient de subir. Cela faisait près d'une semaine qu'ils avaient quitté Vieille-Tombe, et qu'ils avançaient vers l'Ouest, bravant le froid, la neige et les dangers de ces terres sauvages et désolées. Au départ, les petits villages dans lesquels ils avaient fait halte avaient pu leur fournir un abri précieux, même s'il n'était guère aisé de loger plusieurs centaines de personnes. Ils avaient usé de leur autorité pour se faire une petite place au chaud, beaucoup avaient dû passer la nuit dans des tentes de fortune, collées les unes aux autres pour préserver le peu de chaleur générée par les corps. Et puis ils avaient fini par s'éloigner suffisamment pour ne plus voir de traces de civilisation. Le paysage qu'il connaissait bien évolua rapidement à mesure qu'ils avançaient, et la neige qu'ils connaissaient comme un fléau nocturne s'imposa comme une réalité quotidienne, même en plein jour. L'air était si glacial que le manteau blanc ne semblait pas vouloir disparaître.

Cette neige épaisse était un piège redoutable, un adversaire constant contre lequel ils devaient se battre à chaque instant. Les chevaux étaient assez rares dans leur petite compagnie, et seuls les marchands les plus fortunés en possédaient, ainsi que les officiers les plus gradés. Le général, par exemple, était juché sur le dos d'un fier destrier, tout comme les deux conseillers. Mais globalement, la plupart du convoi allait à pied, notamment les soldats. Ils avançaient en rangs serrés, mais leur progression était considérablement ralentie par la profondeur de la couche de neige, et ils devaient fournir de gros efforts pour réussir à s'en défaire. Les chevaux de trait, sur lesquels on avait chargé des marchandises et des biens en tout genre, devaient leur faire envie, mais personne n'osa protester. Dans cette situation difficile, il fallait faire preuve de solidarité, et ne pas céder à la panique. Tous étaient conscients de voyager en terrain ennemi, et ils préféraient souffrir que mourir.

Parmi les hommes du rang, dix étaient choisis tous les jours pour aller patrouiller en éclaireur. Ils avaient une heure d'avance - cela signifiait qu'ils devaient se lever une heure avant tout le monde, et prendre le départ alors que les autres dormaient -, et ils rendaient des rapports réguliers pour confirmer l'absence d'ennemis. Au départ, leur tâche devait être de former un cercle autour de la compagnie, pour surveiller toutes les directions, mais il s'était avéré que c'était impossible à cause des conditions climatiques. Ceux qui s'éloignaient, s'ils étaient pris dans une tempête de neige, pouvaient très bien ne pas revenir, et le général ne souhaitait prendre aucun risque de ce genre. C'était la raison pour laquelle, au lieu de suivre un chemin en ligne droite jusqu'à leur objectif, ils avaient décidé de longer les rives de la Celduin. En effet, ils s'aventuraient dans des terres qu'ils connaissaient mal, voire pas du tout, et longer le fleuve leur permettrait d'arriver à coup sûr à destination. En outre, cela avait pour avantage de leur garantir un accès constant à l'eau. En revanche, ils étaient facilement repérables par une troupe ennemie, ce qui ne cessait d'inquiéter les hommes.

Le fleuve charriait des plaques de glace qui descendaient paresseusement, mais sur certains tronçons il était entièrement gelé, et il leur avait fallu à plusieurs reprises s'acharner à la pioche pour creuser accéder au précieux liquide. De tels phénomènes climatiques étaient totalement étrangers aux Rhûnedain, qui y voyaient là un mauvais présage. Les officiers répandaient un discours rassurant et propagandiste, leur assurant que c'était une caractéristique des terres inhospitalières de l'Ouest, et qu'ils n'avaient rien à craindre. Et assurément, à voir la ferveur des gradés, ils croyaient entièrement dans ce qu'ils disaient. Pazrhdan, lui, n'était pas totalement de cet avis. Il avait eu l'occasion d'étudier l'histoire et le climat des régions de l'Ouest, et il savait que la neige n'était pas un phénomène naturel, bien qu'ils fussent au Nord du Gondor. Probablement que l'hiver qui persistait à l'Est avait frappé plus durement les terres occidentales. Il n'en fit pas part aux hommes, ne cherchant pas à les troubler davantage. Il préférait les voir se raccrocher à ce qui leur permettrait de tenir, et accomplir leur mission quelles que fussent leurs motivations. Si la crainte de l'étranger pouvait leur permettre d'aller jusqu'au bout, alors il était positif de l'entretenir.

En tant que Conseiller, celui-ci avait le privilège d'avoir un cheval, mais il fut toutefois heureux de pouvoir poser le pied à terre. Le général leur avait indiqué du doigt un emplacement intéressant. Les rivages du fleuve étaient relativement plats, mais à mesure qu'on s'en éloignait, le sol remontait considérablement pour former une proéminence de belle taille. Juste ce qu'il fallait pour leur fournir un abri naturel contre le vent, et un point d'observation pratique. Les hommes, désormais rompus à l'organisation du campement, se déployèrent sans un mot, parfaitement conscients de leur devoirs. De ci de là, on entendait des soupirs de soulagement, des gémissements affligés, et en passant parmi les marchands, il était possible de capter des bribes de conversation qui en disaient long sur leur état de fatigue. Pazrhdan, négligemment appuyé sur sa canne qui s'enfonçait de plusieurs centimètres dans la neige, récupéra son paquetage accroché à la selle de son cheval, et attendit que l'autre conseillère fût prête.

Ils avaient passé une semaine ensemble, et il ne la connaissait toujours pas. Tout au plus savait-il son nom. Quand il avait essayé d'entamer la conversation avec elle, elle s'était montrée particulièrement froide, répondant par monosyllabes, écourtant la discussion sans se soucier des règles de politesse. Mais bien loin de le décourager, cela l'avait amusé, et il avait respecté son silence, conscient qu'ils allaient devoir travailler ensemble de toute façon, et qu'elle allait bien finir par accepter de lui parler. Elle s'approcha de lui, l'air fermé, emmitouflée dans un épais manteau de fourrure, et lui emboîta le pas alors qu'ils se dirigeaient vers leur campement de fortune. Chacun savait désormais comment monter une tente en quelques minutes, et rapidement elles émergèrent du sol, transformant la berge en un village de toiles. De petits feux furent allumés, afin de dispenser un peu de chaleur. Le général avait décrété qu'aucun danger ne les menacerait, eu égard à leur nombre conséquent, et qu'ils pouvaient donc sans crainte se réchauffer, au risque de trahir leur position. Pendant que les deux conseillers achevaient de monter la tente qu'ils partageaient, une trentaine de soldats partirent monter la garde. Ils seraient relayés par trente de leurs compagnons dans quelques heures, puis une autre trentaine en pleine nuit. Il y avait peu de chances pour que quiconque les prît par surprise avec un tel déploiement de forces, et aucun groupe de bandits n'aurait osé attaquer les uniformes sang et or des réguliers. Du moins... aucun brigand du Rhûn. Pour ceux qui traînaient ici, c'était une autre histoire...

Le général, comme il le faisait tous les jours depuis le départ, convoqua les principaux représentants de la troupe pour discuter des éventuels problèmes. Il menait le convoi, et tenait à être personnellement informé des différentes questions relatives à la sécurité et à la logistique. Cinq marchands avaient été choisis pour représenter leurs collègues, et ils participaient en cela à ces petites réunions. Pazrhdan et Sh'rin, de par leur statut de conseillers royaux, assistaient à ces échanges en silence, intervenant parfois pour s'informer sur un point de détail qui les intriguait particulièrement. Mais en règle générale, c'étaient des choses sans importance dont on débattait : un cheval blessé qui avait besoin d'être ménagé, un chariot dont la roue était déformée et qu'il fallait réparer... Ensuite, les marchands retournaient à leurs affaires, chercher un bon repas chaud probablement, et laissaient la place aux soldats. Les éclaireurs entraient en premier, et faisaient un rapport complet sur la situation, sur ce qu'ils avaient vu ou cru voir le plus souvent. Avec la tempête, leurs rapports étaient nécessairement imprécis, et il fallait croiser les rapports pour avoir des informations fiables.

- J'ai cru voir un cavalier, général. Un cavalier solitaire qui nous regardait, et qui s'est ensuite enfui.

Un autre ajouta :

- Je l'ai vu aussi. Je pense qu'il nous tournait autour, sans oser s'approcher.

Le général fronça ses épais sourcils, et répondit d'une voix bourrue :

- Sans doute un aventurier perdu. Il doit se demander si nous sommes amis ou ennemis. Vous transmettrez aux sentinelles l'ordre d'être particulièrement vigilantes ce soir, je ne tiens pas à ce qu'on nous épie.

Les hommes hochèrent la tête, mais Sh'rin ne semblait pas totalement satisfaite par cette réponse. D'une voix sèche - ce qu'elle utilisait le plus souvent, en réalité -, elle coupa court à la conversation, et demanda :

- Combien de temps après être parti avez-vous vu ce cavalier ?

Pazrhdan hocha la tête, considérant que la question était légitime et intéressante. Les deux hommes se regardèrent. Ils s'étaient déployé loin en avant de la colonne, et ils n'avaient pas vraiment pris soin de noter l'heure qu'il était quand ils avaient croisé le cavalier. Toutefois, ils lui répondirent tous deux que cela devait faire une heure environ. La jeune femme, alors, prit un air très sérieux et se tourna vers le général qui attendait son avis d'un air légèrement impatient :

- Peut-être qu'il n'y avait pas qu'un seul cavalier, général. Peut-être était-ce un groupe, et qu'ils ne cherchent pas simplement à nous épier. Nous ne savons pas ce qui nous menace, et j'ai un mauvais pressentiment.

Le général fit un geste évasif de la main :

- Un pressentiment, conseillère. Je commande à une compagnie de plusieurs centaines d'hommes, je ne peux pas me fier à un pressentiment. Et avant que vous demandiez, je n'enverrai pas d'hommes en avant pour vérifier. Dans ces conditions, la marche est épuisante, et je préfère restreindre nos activités à de la simple surveillance.

La jeune femme, piquée au vif, encaissa le coup, avant de se préparer à répondre. Dans son visage, on lisait une forme de colère outragée qui pouvait nuire aux bonnes relations avec le général. De bonnes relations qui n'étaient déjà pas faciles à entretenir, au regard de leur statut particulier dans cette expédition. Pazrhdan intervint alors d'une voix posée bien que suffisamment ferme pour s'imposer dans ce début de dispute. Il avait eu une idée juste avant que la jeune femme répondît, et il la lança sans attendre :

- Nous irons en avant, dans ce cas. Nous avons des chevaux, et nous ne sommes de toute façon d'aucune utilité ici. Envoyez vos hommes en éclaireurs comme d'habitude, mais laissez-nous prendre notre propre chemin, et mener nos propres recherches.

- Faisons cela. Tâchez simplement de ne pas vous perdre. Une fois la nuit tombée, je doute que vous puissiez survivre très longtemps.

Les deux conseillers hochèrent la tête. Le premier était satisfait d'avoir réussi à trouver un compromis acceptable, qui lui permettrait en outre de s'occuper l'esprit sur quelque chose d'intéressant. La seconde, un peu moins heureuse, semblait trouver la solution contraignante, mais puisqu'elle se souciait de la sécurité du groupe, elle ne pouvait pas véritablement refuser. Elle accepta donc de mauvaise grâce, et demeura silencieuse pendant tout le reste de l'entretien, insondable. La petite réunion s'acheva tranquillement, sans qu'aucun problème majeur ne fut consigné, et tous retournèrent à leurs occupations. Pazrhdan et Sh'rin vinrent s'asseoir au milieu des marchands, comme ils en avaient pris l'habitude depuis le début de la semaine. Ils étaient tous deux formés aux arts de la guerre, mais les hommes du rang préféraient demeurer entre eux, et ils ne parlaient pas vraiment avec les envoyés de la Reine. Les marchands, même s'ils n'étaient pas particulièrement enclins à faire la conversation, se montraient toutefois plus ouverts, et il leur arrivait d'échanger quelques blagues, et de jouer un peu aux dés pour se détendre.

Le repas fut frugal, car rationné, et nul n'eut envie de s'éterniser alors qu'autour d'eux, les degrés tombaient sous la forme de petits flocons d'un blanc immaculé. Lourdement appuyé sur sa canne, Pazrhdan décida de regagner sa tente, pour essayer de profiter d'une vraie nuit de sommeil, avant son expédition du lendemain. Il s'allongea tout habillé, et s'enroula dans une couverture épaisse, tandis que Roublard venait le rejoindre en silence. C'était un chien de taille moyenne, tout en muscle, mais d'un caractère agréable. Il était très affectueux, et il vint s'allonger contre son maître pour lui procurer un peu de chaleur. Celui-ci, terrassé par la fatigue et par la douleur lancinante dans sa jambe, s'endormit presque aussitôt.

Sh'rin, une fois son repas terminé, décida d'aller marcher pour se détendre. Elle était soucieuse quant à la sécurité du campement, et elle inspecta elle-même les trente hommes qui montaient la garde. Ils avaient l'air sérieux, disciplinés, et attentifs malgré la fatigue. Ils la repérèrent de loin alors qu'elle approchait, preuve qu'ils étaient en alerte. Elle n'insista pas, certaine qu'elle ne pourrait pas les prendre en défaut. Un peu contrariée par ce pressentiment qui ne se confirmait pas, elle retourna d'un pas raide vers les tentes, avant que son regard ne se posât sur une silhouette de l'autre côté du fleuve. Il était large, et elle aurait aussi bien pu se tromper, mais elle était certaine d'avoir vu quelque chose. Elle s'arrêta net, plissa les yeux, avant de voir un mouvement furtif. Vivement, elle s'élança jusqu'aux eaux glacées du fleuve, espérant voir quelque chose de plus. Mais il n'y avait rien. Aucun mouvement, aucune silhouette suspecte. Les seules personnes qui se trouvaient là étaient quelques marchands, dont un de ceux qui avait été désigné pour les représenter tous. Il la regardait avec un peu d'étonnement, probablement intrigué de la voir courir sans but au milieu du camp. Elle s'expliqua sur un ton froid :

- Ce n'est rien, maître Ajark. Soyez tranquille.

Elle sentait elle-même que sa voix manquait d'assurance, mais elle était conseillère de la Reine, et elle n'avait aucun compte à lui rendre. Aussi, elle tourna les talons, et rejoignit la tente qu'elle partageait avec Pazrhdan et son chien. Elle n'avait jamais rencontré un être aussi étrange, car parmi les siens, les mœurs étaient assez encadrées, et on ne se permettait pas ce genre de comportements, surtout en public. Elle le trouvait frivole, désinvolte, et puéril. Elle avait bien vu qu'il boitait d'une jambe, sans qu'elle en connût la raison, mais elle était convaincue qu'il était né comme ça, et que l'épée qu'il portait au côté n'était que purement décorative. Un symbole quelconque de son clan, probablement. Elle s'allongea à ses côtés, à une distance suffisante pour être certaine de ne pas le toucher par accident, et ferma les yeux à son tour, essayant de se relaxer. Cela se révéla une tâche bien plus difficile que prévu, une silhouette sombre courant sur la berge opposé du fleuve occupant toutes ses pensées.


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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptyJeu 30 Jan 2014 - 21:55
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Ils avaient atteint les rives de la Celduin et la suivaient maintenant en direction de l’ouest. Ils avançaient plus que lentement, l’immense majorité de leur compagnie étant à pieds. Ajark avait la chance d’avoir un cheval et la bête ne se fatiguait guère. De temps en temps, il remontait au trot rapide toute la colonne simplement pour exercer sa monture… et afin de repérer chaque visage.

C’était là un travail de longue haleine car plusieurs centaines d’hommes avaient pris part à l’expédition. Il avait bien sûr repéré rapidement les figures de tête de ce qu’il convenait d’appeler une colonie à part entière. Mais ses contacts avec eux demeuraient réduits au strict minimum. Sa place était avec les marchands. Après tout, c’était sous cette identité qu’il avait rejoint l’expédition.

Il avait fait route pour Blankânimad depuis le Khand dès qu’il avait reçu le message de Rezlak. Il savait bien que pour que celui-ci lui confie une mission qui l’éloignerait des Terres du Sud pour plusieurs mois, c’est qu’il s’agissait d’une mission primordiale. Il avait été surpris lorsque son maître lui avait révélé le plan de leur reine. C’était là un coup audacieux mais qui pouvait rapporter gros.

Si, à première vue, il n’était pas dans leur intérêt de soutenir une mission qui allait diminuer l’importance stratégique de Vieille-Tombe, il aurait été bien pire de ne pas savoir ce qui se passait dans ces terres reculées… et de ne pas influencer le cours des événements en leur faveur. Une telle position à l’ouest pouvait générer des bénéfices conséquents.

Ils n’avaient pas été les seuls à voir les choses sous cet angle car le nombre de marchands qui avaient rejoins la caravane à Vieille-Tombe était impressionnant. Ajark les connaissait tous de vue ou de réputation. Et, contrairement à leurs homologues originaires d’autres régions du pays, les marchands de Vieille-Tombe lui avaient de suite montré un respect exagéré.

Il faut dire qu’il avait passé de nombreuses années dans cette cité et qu’ils le connaissaient, au moins de réputation. Mais pour beaucoup le nom de son employeur était une crainte suffisante pour les pousser à se montrer respectueux. Ce n’était pas le cas de beaucoup d’autres marchands.

Sa nomination au sein du conseil chargé de discuter de l’avancée de leur progression avait fait grincer quelques dents, car seuls cinq d’entre eux avaient été admis à représenter l’ensemble des marchands. La somme qu’ils avaient déboursée pour rejoindre le convoi était conséquente et beaucoup d’entre eux étaient les dirigeants de leur commerce respectif. Ceux qui ne le connaissaient pas ne voyaient en lui qu’un employé et s’étaient sentis offensés par sa nomination. Mais de nombreux marchands de Vieille-Tombe avaient spontanément voté en sa faveur et cela avait fait pencher la balance de son côté.

Cela lui permettait de se renseigner facilement sur la progression de leur voyage et d’étudier de plus près les hommes et femmes qui constituaient les figures de proue de leur expédition. Ces derniers étaient singulièrement différents les uns des autres. Un général de l’armée commandait la mission. Ajark n’avait pas eu l’opportunité de lui parler en tête à tête mais les réunions du conseil étaient suffisantes pour cerner un peu sa personnalité. Il semblait plutôt capable, bien qu’un peu trop belliqueux. Il s’agissait sans conteste d’un fidèle de la reine qui prenait sa mission très au sérieux.

Ajark était plus dubitatif sur les deux conseillers qui prenaient part à la mission. Leur présence était purement politique. Ils n’avaient pas vraiment de pouvoir mais seulement un rôle d’observateurs et de conseillers. Sh’rin était extrêmement secrète. Tout ce qu’il avait pu apprendre d’elle était qu’elle venait d’un clan de l’est lointain et il pensait que, si elle avait eu le choix, elle aurait préféré y rester. Après tout, contrairement aux rumeurs propagandistes, la situation était loin d’être totalement réglée dans ces régions et il avait entendu des rumeurs selon lesquelles les combats pouvaient reprendre à tout instant. Il avait classé cette information comme il le faisait habituellement. Il y avait longtemps qu’il savait que la connaissance était un pouvoir en soi. Et pour un espion, cela pouvait aussi être une arme.

Le deuxième conseiller, Parzhdan était un mystère encore plus grand. Ajark savait que le clan de l’homme à la canne avait été jadis très puissant mais que son influence actuelle était assez limitée. Il n’avait pas vraiment eu l’occasion de jauger le caractère de cet homme mais celui-ci semblait plutôt compétent. Ses propositions étaient réfléchies et raisonnables. L’espion avait bien sûr noté le chien qui le suivait partout. C’était là un bon compagnon et qu’il valait mieux prendre en compte. Il n’y avait rien de plus insupportable qu’un chien qui donnait l’alarme quand on voulait passer inaperçu.

Enfin, il y avait l’homme lige de la reine. Personne n’avait encore vu son visage mais tout le monde savait qu’il était le seul à avoir tout pouvoir dans cette expédition. La plupart des membres du cortège préféraient ne pas y penser et Ajark ne pouvait les en blâmer. L’espion était en permanence sur ses gardes en sa présence car il n’avait pour l’heure aucun moyen de le contrôler ni même de juger un tant soit peu son caractères, ses motivations ou ses aptitudes au combat. Et quand on ignore tout de quelqu’un, le plus sage est de supposer le pire.

Néanmoins, sa principale source d’inquiétude était les marchands. Beaucoup d’entre eux étaient insignifiants ou alors ne représentaient pas une menace directe pour les intérêts commerciaux de Rezlak. Mais certains de ses concurrents faisaient partie du voyage. Ils venaient pour la plupart de l’est. Cela faisait longtemps que Vieille-Tombe et la partie occidentale de Rhûn leur était acquise. Mais si ces hommes prenaient pieds dans ce nouvel avant poste, ils menaceraient directement leur commerce avec les nations étrangères.

Ils étaient trois à pouvoir nuire à leur expansion commerciale. Pour l’heure, chacun campait sur ses positions et Ajark entendait bien éviter toute alliance potentielle entre eux. Qu’ils se nomment apothicaires ou pourvoyeurs de plaisirs en tout genre (cette appellation l’avait fait sourire car pour lui il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un trafiquant de drogues et d’esclaves dédiés au plaisir de la chair), ils pouvaient se révéler dangereux s’ils mettaient leurs forces en communs.

L’espion s’était contenté d’engranger le maximum d’informations à leur sujet tout en renforçant son propre pouvoir auprès de marchands alliés. Il n’était pas encore sûr d’avoir à intervenir et il préférait laisser les choses suivre leur cours. Son maître mot avait toujours été de ne pas faire de vagues tant que cela n’était pas nécessaire.

La nuit était claire et Ajark bavardait avec des marchands de Vieille-Tombe. Ces derniers étaient enthousiastes et ne voyaient que les bénéfices futurs de l’avant poste. Ils ne semblaient pas le moins du monde inquiet quant à la réussite de cette entreprise. Même s’il était vrai qu’il avaient peu de chances de se retrouver confrontés à une armée de métier, il n’en restait pas moins que leur caravane était une action hostile envers les peuples de la région. Qui pouvait prédire leur réaction devant leur avancée ?

Pour l’instant, il ne pensait pas qu’ils soient suffisamment avancés pour qu’on tente une action contre eux mais ils étaient facilement repérables. Plusieurs soldats avaient d’ailleurs parlé d’un cavalier sur l’autre rive de la rivière. Ce n’était pas réellement un motif d’inquiétude mais il était maintenant clair que leur avancée ne passerait pas inaperçue. Seule la conseillère orientale semblait se préoccuper démesurément de cette soi disant menace.

Elle était d’ailleurs en train de fureter non loin d’eux et lorsqu’elle vit qu’elle attirait l’attention sur elle inutilement, elle se drapa dans sa dignité et retourna vers sa tente. Etait-ce seulement là un excès de zèle ou était-elle dans le vrai ? Ajark n’avait pas envie de creuser la question dans l’immédiat.

Il écoutait attentivement la conversation autour de lui. Les marchands, tous originaires de Vieille-Tombe et impliqués dans des activités aussi diverses que les étoffes, les bijoux ou la vente de parchemins, réfléchissaient déjà aux meilleurs moyens de sécuriser la route entre l’avant poste et Vieille-Tombe. L’idée d’un partenariat afin de créer une route marchande semblait les séduire. Ainsi les produits venant de l’étranger transiteraient par la cité cémétériale avant d’être vendus dans le reste du pays. Ils ne comptaient pas abandonner la puissance commerciale de leur cité d’origine mais Ajark savait que cela serait inévitable. Néanmoins, il fît semblant d’abonder en leur sens.

Si l’avant poste se développait suffisamment rapidement, il serait profitable de s’y installer de façon durable et définitive. Cela faisait longtemps que Rezlak préférait écouler ses marchandises à l’étranger et la situation géographique du futur avant poste était un atout non négligeable. Mais c’était là mettre la charrue avant les bœufs et il s’agissait déjà d’arriver là bas sans encombres. Sans compter qu’il faudrait s’assurer d’être aux premières loges lorsqu’il serait temps de négocier des accords commerciaux avec les différentes puissances étrangères.

Même si cela faisait des années qu’il avait principalement élu domicile dans les Terres du Sud, il avait parcouru en tout sens les royaumes humains de l’Ouest. Il entendait bien mettre à profit cet avantage lorsque le moment serait venu.

Laissant les marchands à leurs bavardages, il se dirigea vers le centre du cortège. Il avait l’air d’un simple marchand effectuant une petite promenade avant d’aller prendre un peu de sommeil mais il écoutait attentivement les conversations des groupes près desquels il passait. Il repérait l’hypocrisie derrière les politesses de façade ainsi que les intrigues qui se nouaient et se dénouaient au rythme de leur progression. Car c’était un fait que nul ne pouvait nier. Le seul point commun que possédaient les différents marchands de l’expédition était l’amour de l’argent et du profit. Et chacun défendrait jusqu’au bout la défense de ses intérêts.

#Ajark #Pazrhdan
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Ryad Assad
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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptySam 1 Fév 2014 - 15:14
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Au petit matin, Pazrhdan se réveilla tranquillement avec les bruits du campement qui émergeait progressivement. Il entendait des bruits de pas autour de lui, des hommes qui chuchotaient, et qui s'affairaient. Ils étaient probablement en train de vérifier les chevaux, de ranger les tentes, et de remplir leurs outres d'eau fraîche. Pourtant, le départ était loin d'être imminent. Le général préférait attendre un peu, le temps que les neiges fondissent, avant de reprendre la route. Cela facilitait grandement le passage de leur convoi, et ils rattrapaient sur le terrain le temps qu'ils perdaient à attendre. Par ailleurs, cela donnait à ses hommes la possibilité de se reposer un peu plus longtemps, ce qui n'était pas du luxe. La plupart, il ne fallait pas l'oublier, étaient des marchands qui n'avaient qu'une expérience relativement limitée de la marche de campagne. Tous avaient été formés au maniement des armes, bien entendu, et s'ils n'étaient pas aussi doués que les soldats en uniforme, ils savaient naturellement se défendre - sinon, il était probable qu'ils n'auraient pas pris la route sans escorte personnelle. Cela ne signifiait pas pour autant qu'ils avaient l'endurance nécessaire pour marcher dans les vastes étendues glacées qui s'ouvraient devant eux, et il fallait les ménager, au risque de ralentir l'expédition.

Le Conseiller se leva rapidement, et sa couverture redevint son épais manteau qu'il ne quittait plus. Roublard à ses côtés décida de rester couché. Depuis qu'il avait compris qu'il n'était obligé de partir que lorsque la tente était démontée, il restait profiter de la chaleur dégagée par ses occupants un peu plus longtemps. Sh'rin dormait encore à poings fermés, et sa respiration régulière et profonde signifiait probablement qu'elle était plongée dans un quelconque rêve. Peut-être songeait-elle à sa terre natale, sans doute beaucoup plus chaude que les régions qu'ils arpentaient aujourd'hui. A moins qu'elle ne pensât à des proches laissés derrière, ses parents à qui elle s'était promis d'écrire dès qu'ils pourraient faire parvenir des messages sûrs au Rhûn. Pazrhdan se leva silencieusement, grimaçant à cause de sa jambe blessée, et sortit sans réveiller la jeune femme.

Au dehors, l'air était froid et sec, mais quelque chose c'était vivifiant. Il inspira profondément, appréciant les picotements qu'il sentait dans son organisme, comme s'il absorbait la fraîcheur ambiante en même temps que de l'oxygène. Il s'étira longuement, puis prit la direction des chevaux qu'ils avaient abandonné la veille. Ceux-ci étaient toujours là, et ils raclaient le sol de leurs sabots à la recherche de brins d'herbe à croquer. En vain. Le conseiller s'approcha d'eux et flatta leur encolure avec un sourire attendri. C'étaient de belles bêtes, bien nourries et bien soignées, qui souffraient du froid autant que les bipèdes, mais qui l'affrontaient courageusement. Les chevaux se rassemblèrent autour de lui, et il distribua les marques d'affection sans retenue, heureux de se trouver au milieu d'êtres qu'il jugeait bien plus sages et évolués que les humains, elfes, nains, et autres créatures du même acabit. Puis il décida de les seller, pour les tenir prêts au départ :

- Non, ce n'est pas ta selle, lâcha-t-il à l'un des chevaux qui tendait la tête vers lui. Et non, ça ne se mange pas. Tiens, écarte-toi un peu, que je puisse travailler.

Il parlait aux animaux sans hésiter, et sans se soucier outre mesure de ce que les gens autour de lui pouvaient bien penser. A dire vrai, il n'avait même pas l'impression de faire quelque chose d'original. A Blankânimad, il avait une animalerie complète chez lui, et il passait énormément de temps avec ses compagnons à plumes, à poils et à écailles. Il ne donnait de noms qu'à ceux qu'il côtoyait le plus fréquemment, et se contentait de laisser aux autres le nom qu'ils s'étaient choisis dans leur propre langue, qu'il aurait aimé comprendre. Il était convaincu que les animaux étaient plus intelligents qu'on voulait bien le croire, et il les respectait pour cela. Le respect qu'il éprouvait pour eux, toutefois, était tout à fait Rhûnien. Il adorait les animaux, mais n'aurait jamais hésité à en tuer un pour se nourrir, ou à en capturer un pour enrichir sa collection. Mais il ne les tuait jamais par plaisir, ni avec plaisir d'ailleurs. Et lorsqu'il en capturait un, c'était pour essayer de mieux le comprendre. Certains arguaient que des animaux étaient faits pour vivre en liberté, et non emprisonné, mais il s'en fichait. Il avait sa logique, et il faisait ce qui lui semblait bon sans se soucier des avis extérieurs.

On aurait pu, en le voyant, le croire empoté et incapable, mais il était plein de ressources, et malgré sa jambe blessée et la présence des chevaux qui tournaient autour de lui, il parvint à installer selles et harnachements sans la moindre difficulté. On sentait qu'il était habitué à cela, et qu'il n'en était pas à sa première fois.  Une fois les montures prêtes, il prit la direction de la tente de Sh'rin, afin de la réveiller. S'ils voulaient vraiment partir en avant de la colonne, ils devaient replier la tente, ce qui impliquait déjà de se lever. Il voulut frapper contre ce qui servait de porte, mais se souvint qu'il s'agissait d'un pan de toile, et se reprit juste à temps :

- Sh'rin ? Vous êtes réveillée ? Puis-je entrer ?

Une voix lui répondit immédiatement :

- Attendez, conseiller. Quelques instants.

Il haussa les épaules pour lui même, et se redressa tout en jetant un regard sur le campement. Les marchands émergeaient progressivement des tentes, l'air hagard et fatigué. En général, on ne dormait pas bien quand on partait en mission, mais les conditions climatiques rendaient les choses encore bien pires. Les soldats devaient avoir l'habitude, désormais, mais les civils paraissaient regretter amèrement leurs lits douillets. Ils discutaient entre eux, s'échangeaient des techniques pour améliorer un peu le confort de leurs tentes, ou bien se plaignaient ouvertement de leur voyage. Un d'eux finit par lâcher avec agacement : "personne ne vous a forcé à venir". Tous les marchands se turent, méditant sur cette affirmation. C'était la stricte vérité : ils étaient venus là amadoués par l'appât du gain, et ils avaient engagé des sommes considérables pour pouvoir participer les premiers à l'expédition. Ils savaient par avance que ce serait difficile, mais pire la situation serait, plus les profits augmenteraient. Si certains des commerçants abandonnaient ou mouraient en chemin, alors la part des autres augmenterait considérablement. La seule raison pour laquelle ils n'avaient pas commencé à s'entretuer était que les soldats qui les encadraient gardaient un œil sur eux. Le général ne voulait pas de bain de sang parmi les marchands, et il était prêt à les renvoyer de force à Blankânimad s'ils ne voulaient pas lui obéir. Un argument de poids, appuyé par une cohorte de soldats en armure sang et or.

Absorbé par ses réflexions, il ne revint à la réalité que lorsque le pan de tente se souleva, laissant passer Sh'rin, qui avait pris soin de remettre de l'ordre dans sa coiffure et de faire une petite toilette avant de sortir. Elle nota le regard insistant du conseiller, comprit qu'il avait compris qu'elle avait fait preuve d'une coquetterie un peu étrange en la circonstance, et rougit perceptiblement. Pazrhdan, qui n'avait toujours rien dit, se permit un sourire amusé que la jeune femme interpréta très négativement. Elle fronça les sourcils, et lança d'une voix plus sèche que d'habitude :

- Que vouliez-vous, conseiller ?

- Simplement voir si vous étiez réveillée, comme je vous l'ai dit. Si nous voulons avoir le temps d'explorer la région, nous devons partir bientôt.

Elle hocha la tête, et entreprit de défaire la tente. Pendant ce temps, Pazrhdan s'escrima à convaincre Roublard de quitter les lieux qu'il occupait. Le chien se roula sur le dos, croyant que son maître voulait jouer, et ce dernier dut le soulever dans ses bras pour permettre à la jeune femme de continuer :

- Tu n'aurais pas maigri, par hasard ? Demanda-t-il à son chien en le reposant par terre.

Celui-ci ne répondit pas, naturellement, et s'en alla en quête de nourriture. Il était assez débrouillard, et quelque peu chapardeur, il fallait bien le dire. Mais tant que le général ne s'apercevait de rien, alors tout allait bien. Personne n'oserait venir lui faire une remarque, eu égard à son statut. Le conseiller donna un coup de main à sa coéquipière pour achever de remballer la tente, et ils se dirigèrent tous deux vers les chevaux, installant leurs affaires dans les sacs prévus à cet effet. Leurs montures étaient chargées, mais s'ils les ménageaient sur le trajet, elles tiendraient le choc. Sans attendre d'autorisation de la part du général - ils en avaient déjà une, en vérité -, ils se hissèrent en selle, et commencèrent à quitter le camp.

- Y a-t-il un endroit par lequel vous aimeriez commencer ?

- L'autre côté du fleuve, si possible.

Pazrhdan ne s'attendait pas à ce qu'elle lui répondît de manière aussi rapide, et il se demanda pourquoi elle voulait aller voir cet endroit en particulier. Il n'était pas dupe, et il pensait bien qu'elle avait une bonne raison de vouloir observer les environs immédiats du camp, quand la veille elle avait laissé entendre que les menaces pouvaient se trouver devant eux. Puisque son avis avait changé, c'était que la situation avait changé. Et puisqu'il n'avait pas eu l'impression que tel était le cas, c'était qu'elle lui cachait quelque chose. Il décida de ne pas lui poser davantage de questions cependant : il finirait de toute façon par obtenir les réponses qu'il attendait. Ils quittèrent le campement, non sans attirer les regards surpris des soldats ou des marchands qui les observaient en se demandant probablement où ils partaient. Les deux cavaliers, affublés d'un chien qui gambadait joyeusement autour d'eux, avancèrent pendant un bon moment, à la recherche d'un passage pour rejoindre l'autre rive. Ils cherchaient un point où la glace était assez solide, ou bien un endroit où ils pourraient traversé à gué. Mais cette dernière option était difficile à vérifier, et ils conclurent qu'il valait mieux avancer sur la glace. Ils tâtèrent le terrain longuement, posant le pied à terre pour ne pas compromettre leurs chances. Ils avançaient avec une grande prudence, conscients que s'ils tombaient à l'eau, ils pouvaient être emportés par le courant déchaîné de la rivière. Ils finirent par trouver un point où la glace ne craquait pas, et ils s'empressèrent de rejoindre l'autre bord, bien soulagés d'avoir pu franchir le cours d'eau sans y sombrer.

Leur exploration des environs leur prit une bonne demi-heure, durant laquelle ils ne virent strictement rien. De la neige était tombée pendant la nuit, et avait recouvert les traces que la jeune femme semblait chercher. Pazrhdan doutait sérieusement qu'un individu eût l'idée saugrenue de les espionner, car le risque de se faire prendre était grand, et le risque d'être torturé et exécuté l'était encore plus. Il ne dit rien cependant, conscient que la jeune femme tenait particulièrement à montrer qu'elle n'était pas complètement paranoïaque. Mais dans ces conditions, il aurait impossible même au meilleur des pisteurs de trouver une empreinte. Finalement, elle se résigna à admettre qu'ils n'avaient aucune chance ici, et accepta d'aller explorer en avant de la colonne. Ils poussèrent les chevaux au petit trot, pour gagner du terrain pendant qu'ils le pouvaient, sans toutefois fatiguer les bêtes. Il valait mieux les garder en forme pour l'avenir. Ils remontèrent le fleuve, sur l'autre rive, et explorèrent les environs. L'endroit était vraiment désolé, abandonné, et ils ne croisèrent pas âme qui vît. Tout au plus aperçurent-ils des traces laissant à penser qu'il y avait quelque animal sauvage dans les parages, mais c'était l'empreinte d'un seul individu, qui ne représenterait donc pas un danger pour eux.

Ils explorèrent les environs avec une grande attention, s'écartant du fleuve à la recherche d'indices susceptibles de les renseigner. Sh'rin paraissait déterminée à trouver une preuve allant dans le sens de ses allégations, et elle menait leur duo sans se retourner. Pazrhdan suivait docilement, tout en se demandant jusqu'où elle irait ainsi. Ils avançaient depuis au moins deux bonnes heures, observant la région alentour, quand soudain ils repérèrent quelque chose. En vérité, ce fut Roublard qui renifla une odeur suspecte, et qui se mit à aboyer pour le signaler. Les deux humains se retournèrent dans la direction vers laquelle il s'était tourné, et finirent par voir ce qu'il avait vu. Une forme était allongée dans la neige, à bonne distance, les observant. Elle était difficile repérable, mais maintenant qu'ils y regardaient de plus près, ils ne pouvaient pas ne pas la voir. Pazrhdan vit pivoter sa monture, et se dirigea vers la forme. Immédiatement, celle-ci se mit en mouvement, et elle battit en retraite, disparaissant de leur champ de vision.

- Après lui ! Cria Sh'rin en talonnant son cheval.

Les bêtes étaient vaillantes, mais partir au galop sans transition sur un sol instable et où elles s'enfonçaient profondément était un exploit qu'elles ne parvinrent pas à réaliser. Elles stagnèrent au début, puis gagnèrent un peu de vitesse, et seules les exhortations de leurs cavaliers les poussèrent à se dépasser. Sh'rin fut la plus rapide, et elle gagna plusieurs mètres d'avance sur Pazrhdan, qui la suivait de près. Le terrain était en pente, et ils gravirent une petite déclivité, pour finalement arriver au sommet. Ils repérèrent alors un individu qui courait, pataugeant dans la neige, se dirigeant vers un cheval solitaire. Il réussit à grimper dessus, et à le lancer à toute vitesse. La jeune femme, l'air déterminé, se lança à sa poursuite sans attendre. Pazrhdan voulut lui crier d'attendre, mais le vent et le fracas de la cavalcade empêchaient sa voix d'atteindre sa coéquipière. Résigné, il accepta donc de la suivre. Les traces de l'individu étaient clairement visibles, et il n'était pas difficile de les suivre. Toutefois, il gagnait du terrain sur eux, et il parviendrait certainement à leur échapper. Mais Sh'rin ne voulait pas le perdre, et elle donnait désormais de la voix pour encourager sa monture.

- Sh'rin ! Sh'rin ! C'est peine perdue, arrêtez !

Elle ne répondit pas, mais s'arrêta tout de même, le regard baissé vers le sol. Pazrhdan la rattrapa aisément, et se porta à sa hauteur :

- Nous ne le rattraperons pas, lâcha-t-il. Nos chevaux sont trop chargés pour ça.

- Je sais, répondit-elle. Mais regardez ça.

Sous leurs yeux, les restes d'un feu de bois, et de ce qui avait dû être un campement temporaire. C'était probablement là que leur homme s'était installé pour passer la nuit. On voyait encore un espace parfaitement plat où il avait dû s'allonger. Il n'avait pas dormi plus de quelques heures, de toute évidence, et il repartait vers le Sud et le fleuve, à la recherche d'un peu de chaleur, probablement. Mais ce qui était le plus intéressant dans ce campement, c'était la présence de plusieurs espaces plats, où des hommes s'étaient visiblement installé. Ils en comptèrent au moins trois, mais il pouvait y en avoir d'autres que la neige avait recouvert, et ils hésitèrent sur deux autres traces qu'ils ne purent identifier formellement, mais qui les intriguèrent tout de même. De toute évidence, un petit groupe les avait à l'œil. Restait à établir leurs intentions.

- Je me demande bien ce qu'ils nous voulaient, lâcha Pazrhdan d'une voix absente.

- Peu importe pour le moment, nous devons avertir le général.

Le conseiller hocha la tête. Ils firent volte-face, et entreprirent de rejoindre le convoi. Il leur fallut un bon moment pour retrouver le fleuve, car leur chevauchée les avait amené plus loin qu'ils ne l'auraient cru. Ils l'atteignirent à la nuit tombée, et ils durent trouver un moyen de le traverser, ce qui s'avéra plus complexe que prévu. Si Roublard réussit à passer sans encombre, les deux cavaliers - gênés par l'obscurité -, faillirent fracturer la glace et se laisser emporter par elle. Pazrhdan, dont la jambe n'était pas très sûre, ne dut son salut qu'au réflexe de la jeune femme qui parvint à lui agripper l'épaule avant qu'il ne sombrât. Une fois de l'autre côté, ils longèrent le fleuve en suivant les traces - nombreuses - laissées par leurs compatriotes, et finirent par être repérés par des sentinelles.

- Qui va là ? Leur demanda-t-on dans leur langue.

- Conseiller Dosrnia, conseillère Sharaki. Il n'y a que nous.

Trois hommes quittèrent leur poste pour les encadrer, et on contrôla leur identité. Fort heureusement, ils étaient connus et on ne leur fit pas d'histoires :

- Confiez-nous vos montures, le général vous attend. La réunion a commencé sans vous, mais nous avons reçu l'ordre de vous y amener.

Les deux conseillers hochèrent la tête en un bel ensemble, abandonnèrent leurs chevaux, et emboîtèrent le pas d'un soldat qui les conduisit jusqu'à la tente de commandement. On entendait distinctement des éclats de voix à l'intérieur. De toute évidence, il y avait quelque désaccord, et on discutait vivement. Sh'rin et Pazrhdan s'invitèrent dans la conversation, soulagés de retrouver un peu de chaleur humaine :

- ... est inadmissible. Nous avons payé pour participer à cette expédition, et nous ne tolérerons pas ce genre de comportements ! Oser nous menacer... J'escompte bien que vous ferez quelque chose, général.

L'intéressé jeta un regard en coin aux deux politiciens, comme pour leur dire "cette affaire, aussi insignifiante et ennuyeuse qu'elle paraisse, requiert toute mon attention", et revint aux marchands qui se disputaient. D'une voix neutre, il répondit :

- Les négociations que vous menez entre vous ne sont pas de mon ressort. Vous pouvez conclure toutes les alliances que vous voulez, cela ne m'intéresse pas. Toutefois (il coupa court aux premières protestations), je ne tolérerai pas de menaces, et encore moins de comportement violents au sein de cette expédition commandée par notre Reine en personne.

Il marqua une pause, pour s'assurer que chacun baissait religieusement la tête à la mention de Lyra. Tout le monde s'exécuta humblement - du moins en apparence -, même les deux conseillers. Ils n'étaient pas, stricto sensu, obligés de lui rendre hommage en son absence, mais il valait mieux apparaître comme un serviteur zélé comme un séditieux potentiel. Le général apprécia cet instant de silence, avant de revenir :

- Notre ennemi, ce sont les barbares. Vous voulez traiter avec eux, et vous avez la bénédiction de Sa Majesté, soit. Mais je me chargerai personnellement de décapiter celui ou celle qui osera compromettre notre mission. Est-ce que c'est bien compris ?

De toute évidence, c'était le cas. Tout du moins en surface. Les marchands passèrent au second plan, mais ils ne quittèrent pas la tente pour autant. Ils étaient probablement curieux de savoir quel serait le rapport des deux conseillers, qui semblaient impatient de faire part de leurs découvertes. Ce fut Sh'rin qui prit la parole :

- Général, nous avons exploré l'autre rive du fleuve, et nous avons croisé un cavalier. Il a fui à notre approche, mais nous avons découvert ce qui semble être leur campement.

- Leur ? Nota le militaire.

- Nous pensons qu'ils sont plusieurs, général. Trois au moins, peut-être davantage.

Un silence gêné suivit ces paroles, alors que chacun réfléchissait à leur implication. Il n'était pas possible de savoir qui étaient ces cavaliers pour l'heure, et chacun essayait d'imaginer ce qu'ils pouvaient bien vouloir. Les marchands les plus cupides songeaient déjà qu'il pouvait s'agir d'émissaires venus en reconnaissance, et qu'il serait peut-être possible de négocier avec eux. Les conseillers penchaient plutôt pour des brigands, ou un groupuscule armé agissant dans la région. Ils les pensaient simplement curieux. Les plus avares songèrent à des voleurs qui voudraient dérober les biens précieux que le convoi véhiculait afin de les vendre. En effet, leur compagnie transportait beaucoup de richesses. Le général, quant à lui, semblait avoir une vision à plus grande échelle du problème :

- Vous avez eu raison d'aller vérifier, conseillère. Votre intuition était bonne, et je vous remercie. Nous ne savons pas qui sont ces individus, ni ce qu'ils recherchent, mais je pense qu'il s'agit d'une avant-garde armée chargée de nous espionner. De toute évidence, notre progression ne pouvait pas passer inaperçu, et certains des barbares peuvent considérer notre approche comme une attaque. Peut-être viennent-ils du Gondor...

Il resta songeur un moment, avant d'ajouter :

- Marchands. Au lieu de vous chamailler pour vos précieux accords, dites-nous ce que vous savez sur ces régions. Vous avez probablement commercé avec ces gens avant l'édit royal, et vous savez des choses qui nous seront peut-être utiles. Allons, n'ayez pas peur, ces informations peuvent nous sauver la vie...

Le général regarda les marchands tour à tour, attendant qu'un d'entre eux prît la parole.


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Mardil
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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptySam 8 Fév 2014 - 21:09
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Il n’était pas certain de savoir comment les choses en étaient arrivées là et cela ne l’intéressait guère. Néanmoins le ton montait entre les représentants de Vieille-Tombe et certains marchands de l’est. Qu’ils viennent d’Albyor ou de plus loin, ils avaient fait front commun contre les marchands de l’ouest. Leurs avertissements ressemblaient plus à des menaces et la confrontation verbale menaçait de déraper sérieusement. Et quelle était la cause de ce remue-ménage ? Ni plus, ni moins que l’existence de la future route commerciale vers Vieille-Tombe.

Alors que cette dernière n’existait encore que dans l’imagination de ses compatriotes, elle avait déjà soulevé l’unanimité contre elle dans les régions est. Le ridicule de la situation n’échappait pas à Ajark mais il se gardait pour le moment de tout commentaires. Du reste les marchands de Vieille-Tombe, indignés, étaient suffisamment bruyants pour qu’il n’ait pas à s’en mêler. L’un d’eux appela finalement au calme et il fût décidé de s’en remettre au jugement du général. L’espion réprima un sourire, certain que ce dernier ferait bon accueil à toute contestation quelle qu’elle puisse être.

Il avait plus urgent à faire pour l’instant et il s’éloigna du bruit des discussions. Le jour déclinait déjà et la réunion se tiendrait d’ici une heure ou deux. Cela lui laissait le temps d’agir s’il faisait ça rapidement. Or il avait besoin de concentration et l’excitation du camp n’était pas propice à ce petit exercice. Il prît donc ses distances et trouva le moyen de s’isoler quelque peu.

Il s’assît à même le sol, les jambes en tailleur, et ferma les yeux. Il était conscient du froid permanent qui tentait d’abattre ses barrières. Il sentait l’humidité du sol s’infiltrer en lui. Il réprima un frisson et peu à peu il perdit contact avec le monde extérieur. Il entendait toujours les bruits du camp et il savait pertinemment que personne ne pourrait s’approcher sans qu’il s’en aperçoive. Seulement les informations qu’il recevait de son environnement par l’intermédiaire de ses sens étaient maintenant totalement dissociées de son esprit. Il avait conscience de leur présence mais les avait reléguées au second plan.

Il avait travaillé cette pratique à l’aide de Rezlak. Ce dernier lui avait enseigné des techniques de méditation pour renforcer, aussi bien son corps que son esprit. L’espion les avait simplement adaptées à l’un de ses autres talents : son excellente mémoire. Il fît le vide dans son esprit et sa respiration se ralentit au point de devenir indétectable. Pour un observateur extérieur, il aurait pu aussi bien dormir. Et pourtant il était plus conscient que jamais.

Peu à peu la nuit tomba à l’intérieur de son esprit. Il se tenait sur les rives de la Celduin et il discutait avec les marchands de Veille-Tombe. Il revît la conseillère Sh’rin qui rôdait près des berges mais la chassa de son esprit. Elle n’avait rien à voir avec le problème qui l’occupait. Un à un, il passait en revue les visages de ceux qui étaient présents à la petite réunion. Il écarta ceux qu’il connaissait personnellement, soit que les trahir ne soit pas dans leur intérêt, soit qu’ils n’en aient pas le courage.

Son attention se fixa ensuite sur un jeune homme qui était resté en retrait durant la réunion. Il identifia les cheveux noirs, la petite barbe taillée avec soin, et les yeux sombre du jeune homme. Mais c’est sa tenue qui retînt son attention. Elle avait été rapiécée à plusieurs reprises et bien que le tissu soit de qualité, il ne s’agissait pas là de l’opulence d’un riche marchand. Compte tenu de son jeune âge, il était probable qu’il s’agisse d’un employé plus que du propriétaire d’un commerce profitable.

Son mutisme n’avait pas échappé à l’espion mais c’est surtout son expression qui l’avait trahie. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres minces. Le sourire de celui qui en sait plus que les autres et qui préfère se taire. L’espionnage n’était pas donné à tout le monde  et lorsqu’on tombait sur plus fort que soi, il fallait reconnaître sa défaite.

La scène s’effaça de l’esprit d’Ajark et les visages défilèrent devant ses yeux. Si ce jeune homme avait été convié à la réunion, alors il faisait partie des régions occidentales de Rhûn. Le nombre de visages diminua brusquement et l’espion continua des déductions jusqu’à se rappeler. Le traître, car comment l’appeler autrement, voyageait continuellement en queue de peloton. Il l’avait vu marcher aux côtés de son employeur, un vieil homme, dont la santé, sans être déplorable, aurait dû le tenir éloigné de l’expédition. Un commerçant acariâtre, spécialisé dans les encens, chandelles et autres articles du même genre. Ses produits étaient de qualité et se vendaient particulièrement bien dans la capitale. Néanmoins son commerce était bien basé à Vieille-Tombe.

Le jeune homme était forcément son apprenti. Le paysage changea de nouveau et c’était cette fois-ci un matin brumeux. La caravane venait de se mettre en mouvement et Ajark chevauchait son étalon alezan. Alors qu’il se trouvait à proximité des deux hommes, il entendît des éclats de voix. Manifestement, le jeune homme se plaignait du manque de considération de son maître au sujet de ses talents d’artisan. Il n’avait pas entendu clairement la suite mais il avait remarqué le sourire méprisant du commerçant lorsqu’il avait secoué la tête en répondant à son apprenti :

- Le talent n’est pas… tu l’appendras un jour, Braken, si tu…

Le vent qui soufflait dans ses oreilles ne lui avait pas permis d’en entendre plus mais c’était suffisant. Braken avait-il dit. Ajark ouvrit soudainement les yeux et la lumière déclinante l’aveugla un court instant. D’après la position du soleil, il ne s’était écoulé que quelques minutes, une demi-heure au grand maximum. Cela lui laissait amplement le temps de se mettre à la recherche de sa cible. Il se fichait de la raison qui avait poussé le jeune homme à les trahir mais il ne pouvait souffrir un espion ennemi dans leurs rangs.

Il se releva avec souplesse, sans même ressentir un picotement dans les jambes après son immobilité prolongée. Il regagna le camp à grands pas et il ne fût pas long à trouver celui qu’il cherchait. Il était en train de finir de ranger les affaires de son maître dans la tente de celui-ci. Le jeune homme, vu son statut, devait probablement se contenter de coucher à la belle étoile.

Ajark s’approcha de lui et peu à peu, ses traits se modifièrent de façon surprenante. Un sourire jovial s’épanouît sur son visage et sa démarche se fît plus lente, à la fois plus détendue et presque déséquilibrée. Le jeune homme le regarda s’approcher sans faire le moindre signe attestant qu’il le reconnaissait. Il sembla tout d’abord suspicieux puis, comme s’il mettait ses craintes en réserve, sa position se fît moins sur la défensive.
Ajark sortit du tabac de sa poche et se présenta au traître sous son vrai nom. Après quelques paroles de salutations, il lui proposa un peu de tabac et c’est ainsi qu’ils s’éloignèrent en bavardant.

Lorsque l’espion fût certain de n’être plus visible de façon claire par le camp, il prît Braken par le bras et stoppa leur progression. Tout sourire avait disparu de son visage et il observait le jeune homme sans chercher à se dissimuler. Il se plaça entre lui et le camp, de façon à ce que son interlocuteur ne voie que lui et comprenne que personne ne viendrait les interrompre.

- Maintenant Braken, je vais te poser une simple question et j’aimerais que tu me répondes sincèrement. Je me fiche de savoir pourquoi tu as révélé les projets de la route commerciale aux marchands de l’est mais, si tu es avisé, la réponse à cette question te sera facile.

Le jeune homme était aux aguets, conscient de la force de son interlocuteur. L’inquiétude se laissait maintenant voir dans son regard et il avala sa salive à deux reprises. Alors Ajark le regarda droit dans les yeux et posa sa question calmement et à voix basse.

- Pour qui travailles tu ?

- Tu peux toujours courir, je ne te dirai rien.


La main de l’espion se déplaça sur le bras du jeune homme et d’un geste vif celui-ci se retrouva projeté contre le sol avec violence. Il atterrît sur le ventre, le souffle coupé et avant qu’il n’ait pu faire le moindre geste, il sentit qu’on tirait son bras en arrière. Ajark s’empara de l’auriculaire de l’apprenti et d’un geste sec le ramena vers l’arrière. Le doigt se brisa avec un craquement sec et le jeune homme cria de douleur. Néanmoins, ils étaient contre le vent et assez éloignés du camp pour que son cri ne soit pas audible des gardes.

- Pour qui travailles tu ?

- Pour Leuthiag, l’apothicaire. Il m’a promis une belle somme si je lui rapportais les conversations des marchands de l’ouest.


Ajark s’empara de l’annulaire de Braken et le brisa avec aussi peu de considération que le doigt précédent.

- Pour qui travailles tu ?

- Je viens de vous le dire. C’est Leuthiag qui m’a approché et m’a fait cette offre. Il veut s’assurer que ses produits s’écouleront à l’ouest. Le marché lui est fermé depuis trop longtemps a t’il dit.


L’espion prit le majeur du jeune homme dans sa main et le doigt subit le même sort que ses prédécesseurs. Manifestement l’apprenti était quelque peu lent à tout comprendre. Il répéta une nouvelle fois sa question en accentuant le deuxième mot.

- Pour qui travailles tu ?

- Pour… pour vous.


Ajark le lâcha et Braken ramena sa main blessée contre son torse. La nuit était maintenant presque tombée et l’espion devait se dépêcher s’il ne voulait pas arriver en retard à la réunion. Il tendit la main à la forme recroquevillée sur le sol et le jeune homme la saisit avec méfiance. Il l’aida à se relever.

- Désormais c’est à moi et à personne d’autres que tu feras tes rapports. Tu ne rapporteras à Leuthiag que ce que je te dirai de dire et rien de plus. Tu vas maintenant te rendre à l’infirmerie du camp et les prévenir que tu as fais une mauvaise chute et que tu penses t’être cassé un ou plusieurs doigts. Tu m’as bien compris ?

Braken hocha la tête frénétiquement et Ajark le laissa partir de son côté. Il se dirigea ensuite vers la tente du général et il arriva alors que la réunion commençait tout juste. Il écouta sans rien dire les sujets sans importance qui constituaient toujours le début de ces réunions mais intérieurement il pensait à Leuthiag. Ainsi donc ses ennemis avaient fait le premier mouvement. L’apothicaire agissait-il seul ou s’était-il lié à un autre de ses semblables ? Ne visait-il que les marchands de Vieille-Tombe dans leur ensemble ou Ajark devait-il s’attendre à une attaque sur sa personne ? Tout cela était bien préoccupant mais une fois de plus, il convenait d’attendre et de voir la direction que les évènements allaient prendre.

Lorsque le représentant des marchands de Vieille-Tombe évoqua les menaces dont il avait fait l’objet, un concert de protestations s’éleva des trois autres marchands. Pour ne pas sembler diffèrent des autres, Ajark apporta son soutien à Craqès, le marchand de la cité cémétériale. Le général trancha vite et bien la question alors que les deux conseillers pénétraient dans la tente. Ils avaient été absents toute la journée et Ajark se demandait bien ce qui les avait retenu.

La conseillère orientale fît son rapport et chacun sembla un instant perdu dans ses pensées. Il était trop tôt pour déduire quoi que ce soit mais le général prît le taureau par les cornes et décida qu’il s’agissait surement d’une avant garde ennemie. L’espion ne partageait pas la certitude de l’homme d’armes mais c’était une possibilité à ne pas négliger, car si les minces chances qu’elle soit vraie se concrétisaient, alors c’est toute leur mission qui était en péril.

Le général s’adressa ensuite à eux et leur demanda des informations qui pourraient être utiles. Ajark crût un instant à une blague de mauvais goût mais jusqu’à présent il n’avait décelé aucune trace d’humour chez le commandant de l’expédition. Ainsi donc il croyait vraiment aux propagandes selon lesquelles les hommes de l’Ouest étaient différents des hommes du Rhûn. L’espion préféra se montrer honnête car aucun des marchands n’avait le cran d’ouvrir la bouche.

- Si vous m’excusez général, je ne vois pas ce que nous pourrions vous apprendre que vous ne sachiez déjà. Cette région est désolée et nos activités commerciales, pour être profitables, se déroulent dans des régions plus peuplées et plus prospères. Nous n’avons donc pas commercé directement sur les terres que nous foulons actuellement. Cette présence humaine peut être inoffensive ou hostile mais tant que nous n’avons pas d’idée de l’identité de ces mystérieux hommes, il est stérile de se livrer à des suppositions.

Il se tourna vers les conseillers et s’adressa directement à eux.

- N’avez vous pas remarqué quoi que ce soit dans l’apparence de cet homme qui puisse nous indiquer d’où il vient ? Après tout, ces terres n’appartiennent de facto à personne. Il peut aussi bien s’agir d’un homme du Gondor ou bien du Rhovanion. Il est aussi possible qu’il ne s’agisse que de bandits dont la loyauté ne va qu’à eux mêmes. Le plus petit indice pourrait nous aider à préciser la menace qui pourrait peser sur nous.
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Ryad Assad
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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptyJeu 13 Fév 2014 - 16:08
Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide Homme_10

Pazrhdan se tenait aussi droit que le lui permettait sa blessure, et observait avec attention tous les membres de l'assistance. Il s'était départi de son petit sourire en coin pendant quelques instants, quand Sh'rin avait pris la parole pour exposer le fruit de leurs découvertes, et dans l'attente de voir quelle serait la réaction du général. Il avait anticipé ses conclusions, et aurait d'ailleurs probablement réagi de la même manière s'il avait été lui-même à la tête de l'expédition : considérer que la menace était extrêmement sérieuse, et agir en conséquence pour ne pas se retrouver pris de court. Leur corps expéditionnaire était d'une taille importante, et ils pouvaient facilement résister à l'assaut d'une avant-garde, même s'il s'agissait de soldats de métier. Il faudrait plus d'un régiment du Gondor pour venir à bout de leur résistance, ce qui obligerait leurs éventuels adversaires à mobiliser un grand nombre d'hommes. Néanmoins, il ne fallait pas sous-estimer la détermination des peuples de l'Ouest, qui pouvaient interpréter - légitimement - l'avancée d'un détachement du Rhûn comme un acte de guerre. Or, si tel était le cas, leur réponse proportionnée serait de contrer la menace par tous les moyens nécessaires. Et malheureusement, les orientaux ne pouvaient compter sur aucun soutien. Ils avançaient dans le flou le plus total, absolument incapables de prédire quel serait leur destin. Les plus optimistes pensaient que tout se passerait bien, mais les autres se doutaient que de nombreuses menaces planaient sur eux, et que l'une d'entre elle finirait par les gêner sérieusement.

Et parmi les menaces, il y avait les dissensions internes qui menaçaient l'équilibre de l'expédition. Naturellement, tous les militaires qui participaient à la mission avaient été choisis avec soin, et ils étaient parfaitement loyaux à leur général. Ils lui obéiraient sans hésiter, et se montreraient aussi zélés que s'ils servaient Lyra en personne. Mais les marchands, quant à eux, ne servaient que leur propre intérêt. Et puis qu'ils étaient en compétition, il était certain que des frictions allaient éclater. Les conseillers avaient évoqué brièvement cette possibilité au début du voyage, mais ils étaient surpris de voir les conflits éclater aussi vite après le départ, alors qu'ils n'étaient même pas encore installés. La situation s'annonçait tendue, et il faudrait remobiliser l'esprit patriotique des Rhûnedain s'ils voulaient s'en sortir en vie. Divisés, ils échoueraient nécessairement, et seule une parfaite cohésion allant jusqu'à la négation de l'intérêt individuel leur permettrait d'accomplir leur mission. C'était ainsi que Pazrhdan voyait les choses. Sh'rin ne partageait pas sa vision des choses, mais elle agissait dans l'intérêt général autant que possible, ce qui convenait très bien au conseiller. Par contre, les tensions entre les marchands l'inquiétaient bien davantage... Et visiblement il était le seul, car le général semblait penser que ce n'était pas une affaire aussi importante qu'il paraissait. La conseillère qui l'accompagnait était, de son côté, focalisée sur la menace extérieure, et semblait négliger purement et simplement les querelles internes. Etait-ce parce qu'elle était habituée à ce mode de pensée individualiste ? Ou bien était-ce lui qui s'étonnait chaque fois qu'il rencontrait des gens qui n'étaient pas fidèles jusqu'à la mort à leur nation ? Un subtil mélange, probablement.

Le sourire du conseiller était plaqué sur son visage, et ses yeux acérés analysaient avec un flegme certain la situation, curieux de savoir lequel des marchands allait répondre en premier au général. Tous se regardaient, comme s'ils hésitaient sur la marche à suivre. Finalement, l'un d'entre eux prit la parole d'une voix calme et posée. On sentait en lui beaucoup d'assurance et de tranquillité, alors même qu'il se trouvait face à une personne qui pouvait décider de son sort d'un claquement de doigts. Même s'il n'en avait pas l'air, il paraissait être l'homme le plus compétent parmi ses pairs, et sa réflexion était visiblement fondée sur une bonne connaissance de la situation, car il répondit avec une précision presque militaire, et conclut qu'il était impossible de statuer pour l'heure. Une manière de clouer le bec à un général qu'il plaçait implicitement du côté des gens qui commandent sans expérience du terrain. C'était bien entendu le cas, puisque l'intéressé n'avait jamais foulé ces terres à la tête d'un bataillon pour y implanter un poste-avancé. mais tout de même, il fallait du cran pour oser cela. Pazrhdan profita de l'ouverture laissée par le silence gêné :

- C'est bien dit, mon vieux ! Dit-il en lui donnant une claque amicale sur l'épaule. Une vraie réponse de soldat !

Sh'rin lui lança un regard désapprobateur, mais il lui répondit avec un sourire espiègle qui lui fit lever les yeux au ciel. Le tout n'avait duré qu'une seconde, et le marchand reprit la parole, s'adressant cette fois directement aux deux conseillers. Pazrhdan se tourna vers sa coéquipière, qu'il estimait plus capable de répondre que lui-même. Elle secoua la tête négativement, et répondit d'un ton sec :

- Nous n'avons pas pu l'approcher, il s'est enfui dès qu'il a compris que nous avions repéré sa présence. Et même si nous avions été en mesure de l'approcher, je ne pense pas que j'aurais pu faire la différence entre un homme du Gondor ou de cette région que vous appelez Rhovanion. Toutefois, nous poursuivrons notre exploration demain, et nous essaierons d'en tirer quelque chose de plus probant.

Pazrhdan lui jeta un bref coup d'œil. Il aurait largement préféré rester avec la compagnie, pour des raisons assez diverses. Premièrement, il n'était pas certain qu'une nouvelle exploration leur permît de trouver trace de leurs hommes. Ils étaient trop peu nombreux pour constituer une menace, et s'ils étaient les éclaireurs d'un groupe plus important, alors celui-ci devait se trouver assez loin pour ne pas qu'ils l'eussent repéré. Par ailleurs, il aurait souhaité garder un œil sur les marchands, et surveiller leurs querelles qui pouvaient prendre un tournant malsain si on les laissait faire. Certains étaient particulièrement déterminés. Et puis il y avait ce marchand éloquent, à qui le conseiller avait administré une tape dans le dos qui n'en était pas vraiment une. En fait, il avait surtout cherché à mesurer ses réflexes. Dans ce genre de cas, les hommes ont tendance à laisser parler leur corps, et il avait senti perceptiblement la contraction des muscles prêts à réagir, retenus au dernier moment par une volonté entraînée. Il ne pouvait pas affirmer avec certitude que c'était un guerrier, mais en tout cas il ne réagissait pas comme le commun des mortels, et il était soit particulièrement en contrôle, soit légèrement sur ses gardes. Un homme intéressant à bien des égards, mais Pazrhdan semblait être le seul à l'avoir remarqué.

Malgré son envie de rester avec la troupe, il ne s'opposa pas à la décision de Sh'rin, et se résigna à passer une nouvelle journée à patauger dans la neige, à affronter le vent froid et mordant, à observer un paysage morne à en pleurer. Il ne détestait pas la région, mais il avait l'impression que dès qu'il abandonnait les siens, la nature se mettait en devoir de leur barrer la route, de les repousser, de les éloigner des hommes qui les espionnaient. Quelle force avaient-ils de leur côté pour rallier ainsi les éléments à eux, et s'en servir comme bouclier ? Le conseiller se permit une prière aux dieux du panthéon traditionnel de sa tribu, puis il adressa quelques mots in petto à Melkor, pour faire bonne mesure. La réunion s'acheva sur un bref discours du général, qui les encourageait à aller se reposer, et qui autorisait officiellement les conseillers à repartir en exploration.


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La nuit se passa sans encombres, et le lendemain matin aux aurores, Sh'rin et Pazrhdan prirent la route à nouveau. Ils quittèrent le camp qui s'éveillait à peine, et se dirigèrent de l'autre côté du fleuve pour essayer de retrouver la trace de leurs poursuivants. Ils avaient peu d'espoir, mais beaucoup de motivation, ce qui les incita à avancer. Ils laissèrent la colonne loin derrière eux, et allèrent droit vers le Nord, se demandant si leurs ennemis ne se réfugiaient pas là. Ils marchèrent des heures durant, affrontant le blizzard qui s'était levé, s'emmitouflant autant que possible dans leurs épaisses vestes pour se protéger des flocons projetés à grande vitesse qui leur fouettaient le visage. Ils avancèrent ainsi jusqu'au midi, puis décidèrent d'un commun accord qu'il était préférable de bifurquer vers l'Ouest, pour suivre le trajet de leur compagnie, et ne pas prendre trop de retard. Ils n'avaient vu aucune trace, aucun signe de passage ou aucun reste de bivouac, et l'humeur maussade de Sh'rin se fit soudainement massacrante. Essayer de lui parler était peine perdue, et le conseiller se retrouva donc seul avec Roublard, son chien à qui il donnait quelques consignes, que l'animal respectait ou non, selon son bon vouloir. Mais même cela ne réussit pas à arracher un sourire à la jeune femme.

Ils obliquèrent lentement vers le Sud, à mesure que les heures passaient, pour finalement mettre le cap sur ce qu'ils pensaient être la direction du fleuve, conscients qu'il leur faudrait probablement forcer l'allure pour arriver avant la nuit tombée. Il était difficile de calculer les distances, car l'amoncellement de nuages dans le ciel dévorait les heures du jour aussi sûrement que les vaches d'Araw dévoraient les pâturages... ce qui n'était pas très bon pour eux. Ils profitèrent de ce que le terrain leur offrait une pente favorable pour accélérer un peu, et tenter de gagner du temps sur la course du soleil, dont les rayons se faisaient de moins en moins nombreux. Mais bientôt, ils virent une forme sombre se découper sur le manteau neigeux. De là où ils étaient, on aurait dit un amas noir, mais en approchant ils découvrirent les restes d'un campement, et les restes d'os humains. Récents, a priori. Les malheureux étaient au nombre de deux, et un peu plus loin traînaient les restes d'un cheval qui s'enfonçaient déjà dans la neige.

- Qui a fait ça ? Demanda Sh'rin, essayant de contenir son dégoût.

Pazrhdan était descendu de sa selle, et il avait l'air soucieux. Il avait déjà vu ce genre de choses avant, et cela ne lui disait rien de bon. Il se pencha sur les cadavres pour les examiner de plus près, à peine incommodé par l'odeur immonde qui s'en dégageait, et par leur aspect prodigieusement répugnant. Il fallait croire qu'il était habitué à ce genre de choses. Il nota que les chairs qui restaient sur les os étaient encore humides et sanguinolentes, ce qui signifiait qu'on avait tué ces hommes peu de temps auparavant, et qu'on les avait dévorés :

- Est-ce que vous connaissez les orques, Sh'rin ?

La jeune femme sembla blêmir d'un coup. Pour ceux qui avaient combattu à la Bataille du Nord, ces monstres étaient des abominations sans nom, des créatures de cauchemar dénuées de morale et de retenue, des monstres abjects qui ne méritaient qu'une mort lente et douloureuse en rémission de leurs atroces exactions. Pour les peuples du lointain Est, à qui ne parvenaient que des rumeurs de ce qu'il se passait à l'Ouest, c'était bien pire. De toute évidence, la tribu de Sh'rin faisait partie de celles qui n'avaient jamais rencontré ces créatures, et qui se les représentaient uniquement à travers les légendes qui couraient à leur sujet : dévoreurs de chair, tueurs impitoyables, des démons prompts à la profanation et adeptes du chaos. A voir son visage, elle avait dû entendre certaines histoires comme quoi ils faisaient tous deux mètres de hauteur, avec des crocs et des griffes aussi tranchants que le fil d'un rasoir. Elle essaya de préserver sa dignité, mais il était évident qu'elle n'en menait pas large :

- Des orques, vous dites ? Ce serait leur œuvre ? Combien sont-ils, à votre avis : deux, trois ?

Pazrhdan regarda vers le Sud. L'obscurité était en train de s'emparer des lieux, mais maintenant qu'ils avaient rejoint le campement, ils n'étaient plus gênés par une petite colline qui leur cachait les traces encore fraîches d'un groupe de ces créatures qui se dirigeait droit vers le fleuve. Il réfléchit à toute vitesse, cherchant quelle était la meilleure solution. L'endroit n'était pas sûr, et il était possible que des orques traînassent encore dans les parages, susceptibles de leur tomber dessus à n'importe quel moment.

- Conseiller ? Appela-t-elle, le ramenant à la réalité.

- Je dirais une cinquantaine, pas davantage. Si les choses sont telles que je le crois, alors ils doivent chercher de la nourriture, et ils risquent de s'en prendre à notre compagnie.

La jeune femme semblait choquée de savoir qu'ils pouvaient être aussi nombreux, alors que pour Pazrhdan, c'était plutôt un soulagement de savoir que ce n'était qu'une petite bande en maraude. Il n'y en avait pas vraiment dans les terres du Rhûn, car les orques se méfiaient des hommes qui vivaient là, et qui se réfugiaient dans des forteresses de pierre. Ils préféraient s'attaquer aux Khandiens, dont les demeures étaient moins bien protégées. Ceux-là, poussés par la faim, devaient traquer tout ce qui bougeait, et venir égorger les malheureux voyageurs dans leur sommeil pour les dévorer. Ils ne représentaient pas une menace sérieuse pour la sécurité de l'expédition, mais s'ils frappaient par surprise, ils pouvaient blesser grièvement voire tuer plusieurs sentinelles. Des pertes dont le groupe n'avait pas besoin. Le conseiller remonté en selle, ils se hâtèrent de suivre la piste laissée par les orques, conscients qu'une course contre la montre s'engageait désormais.


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La colonne s'était arrêtée au bord de la rivière, comme à l'accoutumée, et les gardes désignés pour rester en faction avaient pris leur quart immédiatement, regardant à l'horizon avec un professionnalisme qui aurait rendu fier n'importe quel officier. A ceci près qu'aucun ne regardait du côté du fleuve. Le général avait estimé qu'il formait une barrière naturelle, et qu'aucun ennemi ne serait assez fou pour se jeter sur les eaux glacées suffisamment rapidement pour surprendre toutes les sentinelles. Il se trompait. Les hommes étaient en train de manger tranquillement, se reposant après une dure journée de marche, quand soudain ils entendirent des appels désespérés. Des appels à l'aide. Et puis tout se passa très vite.

Un cavalier solitaire surgit de nulle part, de l'autre côté du fleuve, et pila devant le pont de glace qui se dressait face à lui. Il leva la tête vers les Rhûniens de l'autre côté, qui n'avaient pas eu le temps de se mettre debout, simplement de le regarder, et voulut leur crier quelque chose. Il en fut toutefois empêché, par une flèche assassine qui se ficha dans son dos. Aucun son ne franchit ses lèvres, et il tomba à la renverse, laissant son cheval terrorisé prendre la fuite. Les orientaux n'avaient pas eu le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer qu'une horde d'orques fondit sur eux. Ils sortirent en braillant et en hurlant, et se jetèrent sur la glace sans réfléchir, sans s'arrêter. Ils étaient chétifs, malingres, mais pourtant déterminés car affamés. Leurs bottes en acier frappaient contre la glace avec brutalité, et ils couraient vite si bien qu'ils se trouvaient à mi-chemin au moment où l'alarme fut donnée.

Un grand cri qui perça l'air, suivi du bruit simultané de lames sortant de leurs fourreaux. Les marchands valides et suffisamment courageux pour oser brandir l'épée s'avancèrent à leur rencontre. Les soldats qui n'étaient pas en faction - et donc immédiatement à côté du fleuve - se placèrent à leurs côtés, arme au poing, prêts à recevoir leurs adversaires. Des douzaines d'orques jaillirent avec des hurlements guerriers, et dès lors qu'ils posèrent le pied sur le sable, une bataille rangée s'organisa, avec un avantage numérique très nettement favorable aux hommes.

Parmi les assaillants, un orque d'une stature peu commune s'avança, repoussant ses adversaires du revers de la main, les envoyant rouler au sol comme s'il n'étaient que des poupées de chiffon. Il faisait de grands moulinets incohérents avec son arme, puis frappait sur le bouclier d'un soldat du Rhûn pour le déstabiliser, s'ouvrant ainsi un passage vers le cœur de leur formation. Il s'arrêta enfin quand trois hommes lui firent face. Parmi eux, un soldat en armure complète, un vieillard dont la barbe était presque aussi longue que l'épée qu'il brandissait, et un marchand dans la force de l'âge. Ils s'étaient retrouvés sur la route de l'orque par mégarde, et ils étaient contraints de faire cause commune contre lui.

- Je suis là, Ajark, lança le veillard avec conviction.

L'orque fronça les sourcils, puis reprit son avancée en poussant un hululement martial. L'affrontement commençait.


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Pazrhdan et Sh'rin galopaient à bride abattue, inquiets à l'idée de voir ces orques prendre les leurs par surprise. Ils furent si rapides qu'ils rattrapèrent immanquablement les orques qu'ils traquaient. Les créatures, nombreuses et presque coordonnées, étaient soumises à un chef immense, qui dépassait de la tête et des épaules la plupart de ses congénères, ainsi que les deux conseillers. Il donnait de la voix pour pousser ses guerriers à la traque, mais s'arrêta lorsqu'il vit que deux cavaliers venaient de surgir sur leurs arrières. Dans la langue gutturale qui leur servait de moyen de communication, et qui devait être du Noir Parler, il distribua ses ordres. Il poursuivit sur sa lancée avec la majorité de ses compagnons, tandis que six orques faisaient volte-face pour charger les cavaliers. Sh'rin essaya de changer de direction pour éviter le contact, ce qui fut une erreur monumentale. Elle perdit de la vitesse, et présenta son flanc aux orques, qui sautèrent sur elle pour la poignarder. Elle avait eu le réflexe de dégainer sa lame, si bien qu'elle blessa son premier adversaire avant qu'il eût le temps de lui porter un coup fatal, mais elle tomba lourdement sur le sol, déséquilibrée. Pazrhdan, lui, avait décidé de charger droit dans leurs lignes, insensibles à la menace qu'ils pouvaient représenter. La plupart des orques s'écartèrent, mais il réussit à en faucher un à l'aide de son arme.

En se retournant, il vit que Sh'rin était à terre, aux prises avec trois orques, et il piqua des deux pour la rejoindre. Il chargea les orques qui la menaçaient, et les força à reculer. Manœuvrer un cheval sur un terrain aussi peu stable était loin d'être une sinécure, mais il parvint miraculeusement à ne pas piétiner la jeune femme qui essayait de s'éloigner et de se relever pour contribuer au combat. Pazrhdan, arme en main, descendit de selle et s'appuya sur son fidèle destrier pour compenser sa jambe blessée. Il grimaça, mais avança finalement vers les orques qui couraient dans sa direction. Sh'rin lui cria quelque chose... peut-être en rapport avec le fait qu'il avançait vers quatre ennemis simultanément, alors qu'il était blessé. Il n'y prêta pas attention, et se concentra sur leurs mouvements. Ils chargèrent en grand désordre, désespérés et trop affamés pour réfléchir. Le conseiller mit à profit cette situation pour les anéantir. En deux frappes précises et mortelles, il étala les deux premiers de ses adversaires, qui n'avaient pas eu le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer. Avec une vivacité surprenante pour quelqu'un qui d'ordinaire marchait appuyé sur une canne, il esquiva les deux attaques qu'on lui portait, et riposta avec une efficacité diabolique. Son coup de taille ouvrit un trou béant dans la gorge de son adversaire, avant qu'un puissant coup d'estoc ne vînt stopper net la charge de l'orque, qui s'écroula lourdement.

Sh'rin était toujours allongée sur le sol, empêtrée dans la neige qui s'enfonçait sous son poids. Elle venait d'une région où le sol était dur comme la pierre, et la transition était aussi brutale que si on lui avait demandé de marcher sur les flots. Elle se sentait lourde, incapable, et surtout exposée à la menace du dernier orque - celui qu'elle avait blessé -, et qui brandissait désormais un poignard dans sa direction. Il se jeta vers elle avec un grognement rauque. La jeune femme frappa avec son épée pour le repousser, mais ne réussit qu'à le freiner. Il attrapa son épée dans sa main gantée, sans se soucier d'abîmer sa pièce d'armure, et écarta la seule chose qui le menaçait. De l'autre, il abattit son poignard férocement. Sh'rin s'empara de son poignet au vol, et dévia le coup qui partit s'écraser à moins de cinq centimètres de sa tête. Elle essaya de se dégager, mais l'orque était terriblement fort. Il envoya une claque terrible à la jeune femme pour la tenir tranquille, puis brandit son arme avec l'intention d'en finir. Son mouvement ne s'acheva jamais, et il poussa un hurlement de douleur et de rage. Un chien qui tombait à pic venait de lui déchirer littéralement la cheville, le tirant en arrière. Cela donna le temps à Sh'rin de se dégager, d'empoigner son arme, et de frapper en visant soigneusement son cou. Elle toucha son dos, et ouvrit une faille gigantesque. L'orque hurla derechef, et elle frappa à nouveau, pour être sûre qu'il était bien mort. Lorsqu'il cessa enfin de s'agiter, elle s'abandonna à l'épuisement consécutif de la bataille, et chercha Pazrhdan des yeux.

Il s'approcha d'elle en s'appuyant sur son arme rengainée. Derrière lui, quatre cadavres disparaissaient déjà dans la neige maculée de leur sang. Son visage était inquiet, et il y avait de quoi. Sh'rin avait la tunique couverte de sang noir, elle était échevelée et elle avait l'air hagarde. Le froid, la fatigue, et la terreur d'affronter un de ses cauchemars d'enfance n'étaient pas étrangers à tout cela. Le conseiller la prit par les épaules pour s'assurer qu'elle allait bien, et la frictionna un peu pour la réchauffer, car elle tremblait perceptiblement.

- C'étaient...

- Des orques, oui. Malades et très affaiblis, sinon nous n'aurions eu aucune chance.

Elle accusa le coup, et changea de sujet :

- Vous les avez...

- Oui, trancha-t-il encore, sans rien ajouter cette fois.

De toute évidence, il préférait se montrer discret par rapport à ses talents de bretteur. Il préférait se faire passer pou un infirme complet, et laisser les gens croire qu'il était incapable. En réalité, même avec une jambe blessée, il restait un adversaire formidable, dont la principale force résidait sur sa grande expérience du combat réel, et sur un entraînement conçu pour faire de lui un soldat aussi efficace qu'élégant. Il surclassait en cela beaucoup de ses compagnons militaires, qui n'avaient pour seule formation que celle apprise dans les casernes de l'armée régulière. Un avantage de taille, dont il n'usait que très rarement. Il examina Sh'rin brièvement, posant une main sur son front, vérifiant ses pupilles, scrutant son pouls, pour être sûre qu'elle allait bien. Une fois rassuré, il l'aida à se remettre en selle, et en fit de même :

- Ecoutez... On dirait qu'un combat a lieu tout près. Notre campement ne doit pas être loin, profitons-en pour rentrer, et prêter main-forte si besoin. Vous vous sentez prête ?

Elle hocha la tête, essayant de paraître aussi confiante que possible. Il n'en crut rien, mais ne dit pas un mot. Talonnant leurs montures, ils s'élancèrent là où les combats faisaient rage, l'arme au clair, prêts au combat.


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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptyDim 9 Mar 2014 - 16:21
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Finalement, ils quittaient la réunion guère plus avancés qu’en l’entamant. Loin d’être dissipées, les dissensions entre les marchands n’étaient que plus présentes car chacun était mortifié de l’absence de réaction favorable de la part du général. Craqès était d’avis d’organiser au plus tôt une nouvelle réunion des marchands de Vieille-Tombe. Depuis longtemps, ils possédaient, non un monopole, mais de grands avantages sur leurs confrères orientaux. Il était hors de question de céder du terrain maintenant, alors qu’une nouvelle ère de profits semblait se profiler à l’horizon.

Ajark le laissa organiser la rencontre, parfaitement conscient qu’il devrait y assister. Et pourtant il aurait de loin préféré savoir ce qui ce dirait dans l’autre camp. Nul doute que Leuthiag ferait tout pour leur mettre des bâtons dans les roues. L’espion maudissait le manque d’informations dont il disposait. Mais il ne devait surtout pas agir de façon précipitée. Pour l’instant il se contenterait de récupérer autant de bribes d’informations qu’il le pourrait.

Il décida de ne pas se joindre aux petits groupes qui se formaient ça et là et s’étendit sur sa couche dès qu’il en eût l’occasion. Les marchands de Vieille-Tombe se retrouveraient pour discuter le lendemain soir, afin de laisser à tous le temps de réfléchir à ce qu’il convenait de faire. Ajark appréciait de voir qu’aucun d’entre eux ne souhaitait prendre de mesure exagérée dans l’immédiat. Sans doute la menace du général avait dissipée leurs ardeurs les plus vindicatives.

Comme à son habitude, il se repassa dans la tête les évènements de la journée, essayant de comprendre les motivations de tous ainsi que les tenants et les aboutissants de la situation actuelle. Il avait désormais un avantage grâce au jeune Braken. Il doutait fort que le jeune apprenti lui apprenne quoi que ce soit d’utile sur ses ennemis mais il pourrait l’utiliser afin de mener ceux-ci sur une fausse piste lorsque le besoin s’en ferait sentir. Toutefois c’était là une carte qu’il lui faudrait abattre au bon moment et qu’il ne pourrait jouer qu’une fois.

Le plus grand risque qui le menaçait restait l’alliance des marchands contre Vieille-Tombe. D’un point de vue strictement économique, leur poids était inférieur mais d’un point de vue numérique, ils étaient de loin les plus nombreux au sein de l’expédition. Les marchands les plus riches et les plus influents étaient tous liés de près ou de loin à la cité cémétériale à l’exception des marchands d’esclaves d’Albyor et de ses environs. D’autres petites exceptions pouvaient être trouvées mais dans l’ensemble tout ce menu fretin avait tout intérêt à se lier contre les gros poissons.

Quoi qu’il en soit, il ne pouvait que se montrer patient et attentif. Il passa ensuite au problème suivant, à savoir la sécurité de l’expédition. Le général avait parfaitement raison lorsqu’il avait exhorté les marchands à faire front commun. Si un danger se présentait c’est la réussite de leur mission qui était en péril et alors, peu importerait les allégeances des uns et des autres.
La conseillère Sh’rin n’avait pas été en mesure de leur dire quoi que ce soit d’utile et il aurait aimé savoir qui étaient les hommes qui les observaient. Il ne craignait nullement une troupe de bandits car ils étaient suffisamment nombreux pour tenir n’importe quels malfrats en respect mais s’il s’agissait d’espions ou d’une avant garde, les choses pourraient rapidement se compliquer.

A terme, il croyait fermement que les futurs partenaires commerciaux de la région trouveraient leur compte dans la formation de cet avant poste mais pour le moment, ils n’étaient que des envahisseurs qui voyageaient totalement illégalement dans un pays étranger. Une action violente restait du domaine du possible et, bien qu’il fasse confiance aux espions de la reine qui affirmaient que le Gondor et Dale étaient bien trop occupés pour riposter, on ne pouvait jamais totalement prévoir la réaction d’un souverain qui voyait ses terres menacées.

Une fois de plus il mesura l’étendue de son ignorance sur les menaces qui pesaient sur lui, directement ou indirectement. L’attitude du conseiller Pazrhdan le laissait bizarrement sur la défensive. Sa petite sortie lors de la réunion avait été aussi imprévue qu’incongrue. Fallait-il mettre ça sur le compte du caractère apparemment désinvolte que le conseiller avait affiché jusqu’à présent ou y avait-il une raison plus grave à son comportement excentrique ?

L’espion aurait été bien en peine d’expliquer pourquoi mais il ne se sentait pas totalement rassuré en sa présence. Il avait passé de nombreuses années à examiner ses congénères et, s’il ne savait pas ce que cachait le conseiller, il était néanmoins persuadé qu’il n’était pas ce qu’il prétendait être. Bien sûr, il se montrait peut être tout simplement un peu paranoïaque mais, dans son métier, trop de prudence valait toujours mieux que pas assez. Il résolut de surveiller du coin de l’œil le conseiller dès qu’il en aurait l’occasion.

Ce ne serait en tous cas pas pour le lendemain car les deux conseillers partirent une fois de plus en éclaireurs et on ne les revît pas de la journée. Celle-ci se passa à une lenteur indigente. Certains marchands commençaient à fatiguer, guère habitués à une telle existence et l’allure de la caravane était de toute façon très réduite au vu du nombre d’hommes qui allaient à pieds.
Ajark s’arrangeait pour croiser le regard de Braken de temps à autre afin de bien rappeler au jeune homme où se situait son intérêt. Il allait et venait au sein de la compagnie comme à son habitude mais les marchands de l’est ne se montraient guère bavards lorsqu’il était à leur hauteur. Les clans étaient maintenant bien formés et si chacun se tenait tranquille, on ne pouvait que réagir à l’atmosphère de tension permanente qui régnait entre les différentes factions.

Puisqu’il ne parvenait pas à obtenir d’informations auprès des autres marchands,  l’espion résolut de se rapprocher des soldats. Ces derniers se montrèrent plus loquaces bien qu’ils le traitèrent avec condescendance. Après tout, il n’appartenait pas à leur monde et n’avait que peu d’intérêts à leurs yeux. Il parvînt tout de même à se faire une idée du moral des troupes et de ce que ces hommes espéraient de cette mission.

Lorsqu’ils installèrent le camp pour la nuit, l’espion décida de faire le tour des différentes tentes. Il avait un mauvais pressentiment qu’il n’arrivait pas à expliquer. Tout était pourtant calme, à défaut d’être silencieux. Il faut dire qu’il était impossible de cacher le bruit que produisaient des centaines d’hommes en train de monter un camp. Des feux s’élevèrent bientôt afin de lutter aussi bien contre le froid ambiant que contre l’obscurité grandissante.

La réunion ne tarderait pas à commencer mais, alors qu’il allait se diriger vers la tente du général, Ajark fût interrompu par un vieil homme à la longue barbe blanche. Il le connaissait de vue et de réputation même s’ils ne s’étaient jamais adressé la parole. Ce n’était pas le meilleur moment mais l’espion ne souhaitait pas offenser Garoth Myzcar. Le vieillard était l’un des marchands les plus prospères du pays et l’un des seuls dont la fortune avait été bâtie principalement en dehors des frontières du royaume. En effet il produisait le vin le plus fameux de Vieille-Tombe et à vrai dire le meilleur de tout le pays. Beaucoup de connaisseurs auraient même affirmé que son vin n’avait pas d’égal dans tout Arda.

Alark s’était montré surpris lorsqu’il avait appris que le vieil homme faisait parti de l’expédition. Qu’importe la localisation des frontières du royaume, son vin se vendrait quoi qu’il arrive. Il arrivait à peine à répondre à la demande des nobles des quatre coins de la Terre du Milieu tant ses produits étaient réputés. Et vu l’hiver interminable qu’ils vivaient, les rares produits de sa récolte risquaient d’atteindre des prix jamais vus auparavant. Même s’il souhaitait protéger ses bénéfices d’éventuels concurrents, il aurait pu envoyer l’un de ses nombreux fils.

- Maître Bator. Pourrais-je vous dire un mot ?

- Bien sûr maître Myzcar. Je dois vous avouer que je suis étonné de vous savoir ici.

- Vous vous dîtes sûrement qu’il n’est pas très sage pour un homme de mon âge de partir ainsi à l’aventure.

- Je ne l’aurais pas formulé ainsi mais c’est à peu près ce que je pensais en effet.

- Je ne suis pas encore sénile même si je ne suis plus tout jeune. Ma femme est décédée depuis longtemps et mes fils seraient ravis de me voir enfin dans la tombe. Je me suis dit que c’était l’occasion idéale de voyager un peu et qui sait d’obtenir un bon marché avec les peuples du Rhovanion.

- Il me semblait que vous possédiez déjà de tels accords commerciaux.

- C’est le cas en effet. Mais un accord peut toujours être amélioré.


Ajark apprécia l’honnêteté du vieil homme. Il avait toujours pensé que Garoth Myzcar représentait ce qu’il y avait de mieux chez les marchands de Rhûn. Il aurait peut être fait un meilleur ambassadeur que tous ces incapables désignés par l’ancien roi. Mais, une partie de sa réussite venait du fait qu’il ne se mêlait jamais de ce qui ne le regardait pas, ce qui expliquait son refus de participer au conseil de l’expédition.

- Que pensez-vous de la situation actuelle avec les marchands orientaux ?

- Je pense que cela va mal finir.

- C’est aussi mon opinion. Craqès ne veut rien entendre à ce sujet alors j’ai préféré venir vous voir. Il nous faut trouver un moyen de régler ce conflit. Si la manière diplomatique ne suffit pas alors…


Il laissa sa phrase en suspens mais Ajark n’avait pas besoin d’explications supplémentaires. Le vieillard en savait plus sur lui qu’il ne l’aurait crû. Ou alors il en savait plus sur Rezlak et cela lui avait suffit pour se faire une idée des activités réelles de l’espion. Même si le vieil homme était de son côté et ne représentait pas une menace, Ajark se demanda à quel point sa couverture était solide. Il avait passé trop de temps à Vieille-Tombe pour qu’on le prenne pour un simple marchand là bas. Il espérait que tous ceux qui voyaient en lui plus qu’un commerçant ordinaire sauraient tenir leur langue.

- Et que proposez-vous ? Que j’élimine les deux tiers des marchands de cette expédition ?

- Il me semble qu’il serait plus judicieux de se débarrasser du ou des leaders uniquement. Je me doute que vous avez déjà réfléchi à cette solution et je souhaitais seulement vous dire que si nous devons en arriver là, vous avez mon soutien inconditionnel.


Ajark savait ce que cela signifiait de la part d’un homme qui ne concluait jamais d’alliance avec qui que ce soit. Il avait suffisamment d’influence au sein de l’expédition pour lui venir en aide si le besoin s’en faisait sentir. L’espion avait là un allié de poids car beaucoup de marchands orientaux respectaient le vieil homme et si les principaux gêneurs venaient à disparaître, il saurait rallier nombre de leurs adversaires à son point de vue.

Alors qu’il allait remercier le vieil homme, un bruit soudain se fît entendre du côté du fleuve. Ils eurent à peine le temps de se retourner qu’ils aperçurent un groupe d’orques qui traversaient le fleuve au mépris de toute prudence. Ils semblaient faméliques mais ils n’avaient rien perdus de leur sauvagerie, bien au contraire. Peu de soldats se trouvaient à cet endroit du camp et les marchands étaient totalement exposés.

Ceux qui savaient se défendre tirèrent donc leurs armes en attendant le renfort des soldats qui se dépêchaient de traverser le camp. Ajark tira son sabre et avant même qu’il ne se rende compte de ce qu’il se passait, la folie du combat s’empara de lui. Les deux premiers orques qui se présentèrent devant lui étaient affamés et fatigués. Il ne fût pas bien difficile de les réduire à néant pour le maître-espion.

C’est alors qu’un orque gigantesque fît son apparition. Il mesurait au moins deux mètres et, s’il n’était pas au mieux de sa forme, il semblait en bien meilleur état que ses congénères. Il tua les quelques soldats et marchands qui se trouvaient sur son passage et ajark se rendit compte qu’ils n’étaient que trois face au colosse. L’un des deux hommes était un soldat avec lequel Ajark se souvînt avoir échangé quelques mots plus tôt dans la journée et le deuxième n’était autre que Garoth Myzcar. La tenue du vieil homme était tâchée de sang mais vu la couleur de celui-ci, il s’agissait de sang d’orque.

Si le vieux marchand était encore dans une forme étonnante pour son âge il n’avait aucune chance face au monstre qui se dirigeait vers eux. Malgré cela il ne fît pas un geste pour suivre, ce qui témoignait d’un courage formidable… ou d’une bêtise incommensurable. Il para le premier coup d’épée de l’orque mais il ne pût rien faire contre la force brute de la créature de Morgoth. Celui-ci balaya le vieil homme d’un simple mouvement du bras et celui-ci se retrouva projeté plusieurs mètres en arrière.

Le soldat et l’espion s’étaient entre temps jetés dans la bataille mais Ajark n’avait jamais affronté un orque aussi puissant auparavant. Alors que le géant maléfique s’apprêtait à décapiter l’homme d’armes, l’espion parvînt à dévier la lame de son adversaire, ce qui sauva la vie du soldat oriental. L’orque chargea et les deux hommes furent envoyés à terre. Ajark roula sur lui et, en se relavant, il aperçût deux cavaliers au galop qui faisaient route vers eux. Les deux conseillers fondirent sur les orques par l’arrière mais Ajark n’eût pas l’occasion d’en voir davantage car déjà son adversaire revenait à sa hauteur.

Si l’espion ne possédait pas la force colossale de l’orque qui lui faisait face, il était beaucoup plus rapide que lui. En temps normal il n’aurait pas fait usage de ses talents devant tant de témoins mais il ne pouvait pas risquer d’être gravement blessé. Ou à plus forte raison de passer de vie à trépas. Ses mouvements se firent plus rapides et plus fluide. S’il n’infligeait pas de blessures sérieuses à son opposant, chaque coup qu’il portât toucha sa cible, alors que l’orque ne parvenait pas à l’atteindre.
Enfin il vît une faille et sa lame trouva le chemin de la gorge sans protection de l’orque monstrueux. Ce dernier vacilla et s’écroula dans la boue, mortellement blessé. Il ne tarderait pas à se vider de son sang. Essoufflé, l’espion se rendît compte que la bataille était gagnée. Certains de ceux qui avaient été le plus proche de lui le dévisageaient, ouvertement ou à la dérobée. Il venait de démontrer que ses talents de combattants dépassaient de loin ceux des soldats de l’expédition. Il maudît les orques silencieusement car il allait lui être difficile d’endormir la méfiance de ses ennemis maintenant qu’ils l’avaient vu à l’œuvre. C’est alors que son regard croisa celui du conseiller Parzhdan et Ajark se demanda furtivement s’il devait compter ce dernier parmi ses ennemis ou non.
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Ryad Assad
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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide EmptyMer 12 Mar 2014 - 15:47
Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide Homme_10

Galopant à si vive allure que le paysage autour d'eux ressemblait à un mur uniforme, blanc et sombre, les deux conseillers cassèrent la distance qui les séparait des orques, l'épée levée dans la posture d'attaque traditionnelle de la cavalerie. Leurs lames étincelaient à la lumière de la lune, et bien qu'ils ne fussent que deux, qu'ils ne portassent ni l'un ni l'autre l'armure caractéristique des Cataphractes, ils terrifièrent les orques qui se retournèrent dans leur direction en entendant le fracas de leur chevauchée. Deux créatures furent jetées à terre par le poitrail massif des chevaux, tandis que deux autres périssaient sous les coups d'épée des humains. Pazrhdan frappa de gauche et de droite, annihilant les deux pathétiques monstres qui avaient tenté de s'en prendre à lui. De son côté, Sh'rin semblait avoir repris le contrôle de la situation, et sa lame parvint à fendre net un casque sommaire, ainsi que le crâne difforme qui se trouvait au-dessous. Ils ferraillèrent peu de temps, toutefois, car leurs chevaux ne leur permettaient pas de poursuivre l 'assaut de l'autre côté du fleuve, qui était relativement étroit en cet endroit. Ils firent s'arrêter les chevaux au bord des flots, et durent se contenter d'observer le reste de la bataille qui se jouait de l'autre côté.

Sous leurs yeux, ils virent les orques être progressivement repoussés jusqu'à la couche de glace qui recouvrait le cours d'eau. Leurs hurlements guerriers se transformèrent en cris plaintifs quand ils comprirent que tout était perdu. Ils tentèrent alors de se replier, mais ils étaient mis sous pression par l'avancée régulière des soldats du rang qui venaient de se joindre à la mêlée, et qui progressaient en rangs alignés, profitant de l'allonge que leur conférait leur longue hallebarde. Les orques se débandèrent en un clin d'œil, et la bande en maraude explosa soudainement, pour laisser la place à une somme d'individus qui semblaient ne plus avoir d'intérêts communs. Leur seul objectif était la survie. Ils coururent comme de beaux diables, et passèrent à côté de Pazrhdan et Sh'rin, qui ne se donnèrent même pas la peine de les achever. Les misérables trouveraient la mort dans ces étendues glacées, ou succomberaient des blessures infligées par les Rhûnedain.

Ainsi donc la bataille s'achevait, mais Pazrhdan n'avait d'yeux que pour un seul individu en l'occurrence. Son regard était rivé sur Ajark le marchand, qu'il aurait plutôt dû appeler "l'exterminateur", ou quelque chose comme ça. L'homme d'apparence banale venait de faire une démonstration magistrale de ses talents, que le conseiller avait pu observer à loisir de là où il se trouvait. Un équilibre proche de la perfection, une rapidité hors du commun, et surtout une précision redoutable. Il n'avait pas combattu contre l'orque... il avait joué avec lui, jusqu'à lui porter le coup de grâce. A aucun moment, il n'avait été réellement en danger, et dès lors qu'il était passé à la vitesse supérieure, la vile créature avait été débordée, blessée à de nombreuses reprises, avant de finalement s'écrouler, un trou béant dans la gorge. Et le regard du Conseiller n'était pas le seul à se porter sur lui. Les autres marchands n'avaient rien perdu de sa démonstration, et il paraissait qu'on commençait déjà à murmurer sur son compte.

Le combat terminé, une agitation fébrile s'empara du camp. On s'empressa d'aller vérifier qui était blessé, qui était mort, et on s'interrogea à haute voix sur la sécurité, sur les raisons de cette attaque, sur la façon dont la situation était gérée. Pendant que tout le monde se rassemblait, Pazrhdan et Sh'rin firent traverser le fleuve à leurs montures, et se retrouvèrent sur la berge au moment précis où le général en charge de l'expédition réclamait un peu de silence. Son visage était tendu, mais il ne semblait pas craindre une attaque extérieure : non, ce qui le troublait était la perspective de perdre le contrôle de la situation intérieure. D'une voix forte et claire, il tonna :

- Silence ! Silence j'ai dit ! Cessez de piailler, voulez-vous ? Vous saviez que cette expédition serait dangereuse, et nous ne pouvons pas nous prémunir contre tous les dangers. Ces orques nous sont tombés dessus par surprise, certes, mais nous avons réussi à les neutraliser sans subir trop de pertes...

Un officier se pencha et murmura quelque chose à l'oreille du général, qui hocha la tête :

- Nous déplorons trois morts, dont deux de nos vaillants soldats. Les autres sont blessés, et seront traités du mieux possible pour pouvoir voyager demain. En attendant, je veux du calme, du silence, et de la discipline ! Vous obéirez à mon lieutenant sans discuter, il vous dira quoi faire. En attendant, je convoque un conseil extraordinaire immédiatement. Que tous les représentants des marchands me suivent !

Sur ces mots, il tourna les talons et planta là l'ensemble de l'assistance. Et puis il commença à y avoir du mouvement. Les deux conseillers emboîtèrent le pas des marchands qui se dirigeaient vers la tente de commandement, tandis que les autres allaient vaquer à leurs occupations, qui consisteraient particulièrement à rapprocher les tentes les unes des autres pour permettre une meilleure protection en cas d'attaque. Un travail fastidieux, mais qui irait beaucoup plus rapidement s'ils s'y mettaient tous. Pazrhdan ne savait trop que penser de la situation, et il demeurait pensif. L'attaque n'était pas alarmante en soi, et ce genre d'incidents était à prévoir dès le départ. Toutefois, il se demandait si le général aurait les épaules assez solides pour gérer une potentielle crise interne sans fracturer le fragile équilibre de leur petite compagnie. Après tout, il y avait bon nombre d'intérêts divergents, et leur cohésion ne tenait que grâce à la perspective d'un gain important. Si les risques étaient mal contrôlés, la situation pouvait devenir critique, et potentiellement très dangereuse pour eux tous. Le Conseiller, laissa son esprit analyser les options possibles, tandis qu'il observait les regards des hommes autour de lui, qui pénétraient un par un dans la tente.

Les visages étaient pour la plupart tirés, les traits figés, et certains affichaient quelques blessures légères. La moins en forme du lot était sans conteste Sh'rin, dont la pommette gauche était gonflée à cause du coup qu'elle avait reçu de la part d'un orque, quelques dizaines de minutes auparavant. Elle devait probablement sentir une vive douleur, mais elle n'en disait rien et restait droite comme un I. Fierté des tribus de l'Est lointain, probablement. Elle ne demanderait pas d'assistance, fût-elle en train de se vider de son sang sur place, et elle attendrait poliment qu'on lui proposât des soins. Comme le général ne semblait pas avoir vu qu'elle avait la joue tuméfiée, Pazrhdan prit sur lui de demander à un des soldats à l'extérieur de lui ramener un linge humide pour la jeune femme. Ce n'était pas une demande déraisonnable, ni très difficile à trouver, et il revint rapidement avec l'objet attendu, qui fut transmis à la jeune femme. Elle jeta un regard presque contrarié au Conseiller, qui ne se formalisa pas, et la laissa grimacer en plaquant le tissu sur sa joue. Le général en profita pour prendre la parole d'une voix tonitruante :

- Conseillers, si vous pouviez vous expliquer sur cette attaque, nous vous en serions très reconnaissant. Est-ce une de vos patrouilles qui a mal tourné ?

Pazrhdan entendit le reproche derrière cette question apparemment anodine. On les suspectait d'avoir été cherché trop loin, et d'avoir rameuté une bande d'orques qui avaient fondu sur eux par surprise. Il était tellement simple de chercher un coupable sur lesquels les marchands pourraient passer leurs nerfs, mais le conseiller n'était pas dupe, et habitué à ce genre de coups bas. Ce n'était d'ailleurs rien à côté de ce que tentaient les membres du Conseil entre eux. Il avait déjà échappé à bien pire, et ce fut d'une voix détachée - comme à son habitude - qu'il répondit :

- Au contraire, nous avons obtenu de précieux renseignements : les hommes que nous traquions ont été pris en embuscade par les orques, tués et dévorés. Certains ont pu s'échapper, mais ils ne représentent plus une véritable menace actuellement. Quant aux orques, ils ont simplement suivi leur instinct de chasseur, et se sont attaqués à la principale source de nourriture à des lieues à la ronde : nous. Nous avons tenté de les ralentir, mais à deux...

Le général fronça les sourcils, mais accepta cette explication. Ce n'était peut-être pas un génie, mais il n'était pas non plus inutilement suspicieux. Il n'avait aucune raison - et aucun intérêt - de suspecter les deux conseillers d'avoir délibérément provoqué l'attaque des orques. Il lui aurait de toute façon fallu démontrer qu'ils en avaient eu les moyens et la volonté, ce qui n'était pas dans ses capacités pour l'heure. Il hocha la tête pesamment, et revint aux marchands, pour les rassurer :

- Des mesures seront prises pour garantir la sécurité du campement dès à présent, et jusqu'à ce que nous soyons arrivés à destination. De tels dangers peuvent se présenter à nouveau, et se présenteront sans doute à mesure que nous approcherons de terres habitées... Votre sécurité, toutefois, ne peut être garantie par nos forces, et vous devrez tous être prêts à vous servir d'une arme en cas de besoin. J'ai cru comprendre que certains d'entre vous avaient fait preuve de beaucoup d'efficacité face aux orques.

Pazrhdan tourna lentement la tête, croisant le regard d'Ajark, que tous les autres regardèrent comme un seul homme. Ses exploits n'étaient pas passés inaperçus, et il lui faudrait beaucoup de temps avant de faire oublier à quiconque qu'il avait proprement massacré un chef orque, pratiquement tout seul, et avec l'assurance d'un vétéran de la guerre du Nord. De telles compétences n'étaient en général pas très répandues parmi les commerçants, en dépit du fait que tous eussent reçu une formation militaire dans leur jeunesse. Il fallait croire qu'un négociant particulièrement frileux avait confié la tâche à un homme de confiance - un guerrier en plus d'être son représentant - d'aller faire fleurir son marché à l'Ouest. Le sourire du conseiller était difficile à interpréter, et il ne chercha pas à clarifier la situation, satisfait de voir que le doute était de mise. Il abandonna Ajark, et revint au général qui venait de reprendre la parole :

- Encore une fois, je sais que vous êtes tous concurrents, et que vous défendez des intérêts parfois opposés. Je refuse catégoriquement que les capacités martiales de certains soient employées pour faire pression sur les autres. J'ai ordre de vous mener à destination, et d'assurer la cohésion de ce groupe au nom de notre Reine Lyra, louée soit-elle. Mon autorité s'étend à votre vie, et je n'hésiterai pas à faire exécuter tous ceux qui seront reconnus coupables d'un crime envers un membre de cette compagnie.

La menace était claire, et personne ne semblait avoir besoin d'une explication. Le général tenait visiblement à réaffirmer son pouvoir de commandement sur l'ensemble du groupe, mais il paraissait évident que les marchands étaient tendus. Cela se voyait dans leurs yeux. Le chef de la compagnie reprit et conclut :

- Mes consignes seront donc claires : les expéditions sont interdites en dehors de la surveillance des réguliers, et cela vaut également pour vous, conseillers. Vous resterez avec nous demain. Pour le reste, nous définirons un périmètre de sécurité plus strict, et nous posterons des gardes de manière plus régulière pour surveiller le campement. La journée de demain nous permettra de mettre en place les choses de manière plus efficace. En attendant, je vais vous laisser : nos morts ont besoin d'être inhumés, et je me dois d'être présent. Vous pouvez disposer.

Les hommes s'inclinèrent respectueusement, et quittèrent les lieux pour laisser le général préparer les quelques mots qu'il allait dire lors de l'oraison funèbre. Tout le monde n'y serait pas convié, probablement, et seuls les soldats et les proches du marchand assisterait à la cérémonie. Il n'y avait pas de raison de convoquer l'ensemble de la compagnie pour si peu, après tout. Pazrhdan se retrouva donc dehors, et il s'empressa d'aller saluer le marchand Ajark, non sans s'appuyer sur sa canne. En fait, il peinait à l'appeler "marchand". Il trouvait déjà que le terme ne lui collait pas vraiment lorsqu'il l'avait vu au départ, mais maintenant qu'il avait pu voir l'étendue de ses compétences, il ne pouvait pas continuer à se mentir à lui-même. Cet homme était un combattant, et pas un mauvais en plus. Il valait donc mieux l'aborder frontalement, plutôt que de lui tourner autour en pensant qu'il ne remarquerait rien. Ce fut ainsi que le conseiller l'aborda :

- Félicitations pour votre duel de tout à l'heure. J'ai eu l'occasion de vous voir à l'œuvre, et c'était très impressionnant. En tant que fidèle serviteur de la Reine, vous pourriez faire une belle carrière dans l'armée avec vos compétences. J'imagine que votre employeur doit payer vos services à prix d'or.

Et sans rien ajouter d'autre qu'un sourire élégant, il s'éloigna flanqué de la conseillère, qui n'adressa qu'un signe de tête respectueux au marchand. Pazrhdan était satisfait de son entrée en matière. Il lui avait fait comprendre non sans ironie qu'il avait cerné globalement à qui il avait affaire, et qu'il n'était pas dupe sur la raison de sa présence ici. Un tel individu ne pouvait qu'être le représentant de quelqu'un de plus puissant, et il aurait aimé savoir qui. La plupart des marchands venaient ici pour commercer, pour établir une tête de pont susceptible de leur ouvrir de nouveaux profits. Mais lui, s'il était là pour cette raison, semblait armé pour faire face à des situations où la seule capacité à négocier ne suffisait pas. Les motifs réels de sa présence étaient troubles, et ne pouvaient donc pas manquer d'intriguer le conseiller.

Ils alla se réfugier dans sa tente, où l'attendait son chien, fidèle compagnon qui avait fait preuve d'un grand courage un peu plus tôt en s'attaquant à l'orque qui essayait d'attaquer la conseillère. Des années de dressage qui avaient porté leurs fruits, et dont il n'était pas peu fier. En parlant de Sh'rin, lorsque cette dernière pénétra dans la tente, elle parut prise d'une grande lassitude, et elle s'écroula presque sur sa petite couchette. De toute évidence, le combat l'avait un peu secouée, et il fallait dire que ce n'était pas facile pour tout le monde, la première fois que l'on faisait face à des créatures aussi étranges que les orques. Ils ne réagissaient pas comme des humains, et la cruauté qu'on lisait dans leurs petits yeux vils était profondément perturbante. Pazrhdan arracha le linge humide des mains de la jeune femme, et indifférent à ses protestations, il versa l'eau de son outre dessus. Elle voulut le récupérer, mais il ne la laissa pas faire, et s'occupa d'apaiser sa blessure au visage. Visiblement dérangée qu'on s'occupât d'elle comme si elle était une enfant, elle changea de sujet :

- Vous avez un drôle de comportement avec ce marchand... ce Ajark...

Il haussa un sourcil :

- Ah ? Vous avez remarqué ?

- Qui n'aurait pas remarqué ! Aïe, faites attention ! Euh... Je disais donc que tout le monde avait noté que vous l'observiez étrangement. Vous n'appréciez pas que quelqu'un soit meilleur que vous, c'est ça ?

Cette fois, il plongea son regard dans celui de la jeune femme, qui le soutint sans sourciller. De toute évidence, elle faisait référence à la facilité avec laquelle il s'était débarrassé de quatre adversaires, lui qui prétendait pourtant être blessé à la jambe. Elle commençait, semblait-il, à le prendre au sérieux, et elle ne le regardait plus avec une affliction pleine de condescendance, mais avec davantage de méfiance et de suspicion. Elle continuait à le fixer droit dans les yeux, cherchant probablement à y lire ce qu'il ne pourrait formuler avec des mots. Malheureusement, ils étaient tous deux conseillers, et formés pour être parfaitement maîtres de leurs émotions. Pour remporter leur petite joute visuelle, il appuya sur sa joue un peu plus fort que nécessaire, et elle tressaillit perceptiblement. Comprenant qu'il faisait ça pour le déstabiliser, elle essaya de s'emparer du tissu, mais encore une fois il fut plus rapide, et réussit à échapper à ses doigts tendus. Tandis que sa main revenait vers son visage, il répondit :

- Premièrement, j'aimerais que vous ne parliez de ce que vous avez vu à quiconque. Si vous saviez à quel point mon infirmité m'éloigne des problèmes... Deuxièmement... je doute fort qu'Ajark soit meilleur que moi.

Il avait dit ça sur un ton particulièrement confiant, et il était difficile s'il faisait cela pour se moquer d'elle et passer pour un homme sûr de lui, ou s'il était parfaitement sérieux. Probablement qu'avant de l'avoir vu à l'œuvre, elle aurait choisi de le prendre pour un vantard, mais maintenant qu'elle avait entrevu ses capacités, elle s'autorisait à douter. D'autant qu'Ajark également semblait avoir des ressources à faire valoir, et des talents cachés. Ils n'avaient fait que révéler la surface, tous deux, et il était évident que leur compagnie comportait au moins deux très bons combattants... en plus de cet assassin royal, qui rôdait en permanence sans dire un mot, et de quelques officiers particulièrement talentueux qui obéissaient fidèlement aux ordres qu'on leur donnait.

- Dites-moi, conseiller... Pourriez-vous me dire d'où vous vient cette blessure ?

De toute évidence, elle cherchait à se faire une idée de qui elle avait en face d'elle, peut-être un peu maladroitement. Il lui sourit, et répondit d'une voix espiègle :

- Plus tard, quand vous emploierez mon prénom naturellement.

Sur ces mots, il sortit de la tente et alla chercher un repas pour eux deux, laissant Sh'rin avec ses pensées. Elle ne savait trop comment analyser la situation, et avait l'impression qu'il y avait beaucoup trop de secrets qui flottaient dans l'air. Une atmosphère qu'elle n'appréciait pas, et qui risquait de leur coûter cher si les intérêts particuliers prenaient le dessus sur les impératifs de leur mission. Elle se tourna vers la seule autre forme de vie dans la tente à part elle, et tendit une main pour caresser la tête du chien qui, allongé sur le ventre, semblait dormir. Il ouvrit un œil, et le referma presque aussitôt, content d'être traité avec bienveillance. Elle n'était pas habituée aux animaux, et n'y voyait en général que des créatures sans cervelle, mais elle devait bien reconnaître qu'elle devait la vie à ce quadrupède :

- Tu m'as sauvé la vie, tout à l'heure... Merci...

Elle se trouva idiote de parler ainsi à un chien, quand elle se rendit compte de ce qu'elle était en train de faire. Elle se laissait influencer par le conseiller, et ce n'était pas bon. Elle retrouva instantanément son masque de sérieux, et s'allongea pour se reposer, tout en appliquant sur son visage le tissu humide que Pazrhdan lui avait laissé...


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Garoth Myzcar avait attendu sagement la fin de la réunion entre les marchands et le général, occupé à faire soigner la bosse qu'il avait sur la tête, conséquence de sa rencontre avec l'orque géant. Une telle blessure aurait pu être un problème pour un homme de son âge, mais il s'était remis sur pied avec une vigueur étonnante, et à l'exception du bandage qui lui ceignait le front, il paraissait aller très bien. Lorsque les hommes quittèrent la tente les uns après les autres, il se leva de la buche sur laquelle il était assis, et s'approcha d'Ajark, l'homme avec qui il avait combattu côte à côte. Il était encore assez loin, et l'échange fort bref qui eut lieu avec le conseiller de la reine se passa hors de sa portée, si bien qu'il n'entendit pas de quoi ils discutaient. Arrivé à hauteur du marchand, il lui lança :

- De quoi voulait-il vous parler celui-là ?

Son ton n'était pas agressif, mais on sentait de la méfiance. Après tout, les envoyés de la Reine n'étaient pas toujours favorables au commerce avec les régions extérieures, et il était possible qu'il y eût de sa part une animosité naturelle à l'égard des gens de la capitale. Toutefois, on sentait qu'il y avait plus. Il changea toutefois de sujet, revenant à des sujets plus importants :

- Je n'ai pas eu le temps de vous remercier pour tout à l'heure, vous avez fait du bon travail avec cet orque.

Les félicitations étaient bien méritées, car il était probable que le vieillard ne s'en fût pas sorti si Ajark n'avait pas été là. La question était de savoir pourquoi l'homme, pourtant âge, avait à ce point tenu à affronter l'orque. Garoth Myzcar avait ses propres raisons, et bien qu'il eût déclaré apporter son soutien à son sauveur - ce qui était la stricte vérité -, il n'agissait en définitive que dans son intérêt exclusif. Il fallait dire que la coïncidence était trop belle : l'orque les avait attaqués, et sa présence avait joué un rôle déterminant dans la réaction d'Ajark, qui avait dû user de ses talents de guerrier. S'il l'avait voulu, il aurait tout simplement pu battre prudemment en retraite et laisser à d'autres le soin de s'occuper du monstre. Mais pouvait-on vraiment penser que Myzcar avait orchestré tout ça ? Premièrement, il n'avait pas pu prévoir l'attaque des orques.  Deuxièmement, aurait-il réellement pris le risque de perdre la vie ? Troisièmement, quels pouvaient bien être ses motivations ? Autant de questions qui demeureraient sans réponse. Le marchand prit Ajark par le bras, et l'éloigna des autres commerçants, pour lui parler à part :

- L'attaque de ces orques est une aubaine : elle pourrait faire prendre conscience à tous que nous avons besoin d'être soudés, et que nous n'avons pas d'intérêts à aller vers l'escalade. Mais j'ai peur que dans l'affaire, nous soyons perdants. Leuthiag... l'apothicaire, vous savez... il a profité de votre absence à tous pour parler aux marchands de Vieille-Tombe, et leur proposer une trêve, et des négociations sur la future route commerciale. Tous ne sont indifférents à ses paroles.

Le vieillard marqua une pause, alors qu'un marchand qu'il ne connaissait pas, probablement un homme originaire de l'Est, passait non loin d'eux. Ils devaient avoir l'air de deux conspirateurs, mais ils ne se cachaient pas particulièrement. Myzcar ne semblait pas inquiet des conséquences d'un éventuel complot... à moins qu'il n'en fût simplement pas conscient. On pouvait certainement faire confiance au général pour faire respecter l'ordre, et on pouvait aussi faire confiance aux marchands pour comprendre que leur intérêt était - temporairement - à la coopération davantage qu'à la discorde. Mais il ne fallait pas sous-estimer leur roublardise, pas plus que leur paranoïa. Il reprit, une fois qu'il fût certain qu'ils n'étaient plus à portée d'oreilles indiscrètes :

- D'après ce que j'ai entendu, les marchands de l'Est auraient misé sur le transport fluvial, et auraient armé une flotte en Mer de Rhûn. Quand le commerce sera ouvert, ils disposeront d'un moyen sûr pour contourner Vieille-Tombe, et nous faire concurrence. Ils ne rempliront pas leurs cales au départ, c'est certain, et pour ne pas voyager à vide, ils proposent à certains marchands d'embarquer avec eux. Vous comprenez les possibilités... une ouverture vers les marchés d'Albyor et de Blankânimad... C'est une belle opportunité...

Myzcar resta pensif, et n'ajouta rien. Il ne souhaitait peut-être pas trop en dire, à moins qu'il ne fut simplement incapable de trouver une réponse appropriée au problème. L'élimination de Leuthiag ne pourrait se faire sans représailles de la part des marchands de l'Est, et du général qui ferait décapiter prestement tous ceux qu'il estimerait coupables. Il allait falloir jouer finement pour réussir à rallier les marchands qui doutaient, et à tempérer les ardeurs de leurs adversaires sans toutefois être à l'initiative du déclenchement des hostilités. Myzcar semblait attendre une proposition de la part d'Ajark, mais leurs options étaient cruellement limitées...


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Ajark - L'intérêt est le lien le plus solide Homme_12

Leuthiag déposa son écuelle vide sur le sol, et tendit ses mains au-dessus du feu pour les réchauffer quelque peu. Le vent froid qui soufflait dans le camp dissipait la maigre chaleur que dispensaient les flammes qui brûlaient ici et là. S'ils voulaient survivre à leur dure traversée de ces terres hostiles, ils devaient faire preuve de courage et surtout d'intelligence : savoir se préserver, savoir faire le dos rond, savoir survivre. Les regards des quatre hommes qui l'entouraient étaient braqués sur lui, attendant qu'il prît la parole. Il ne faisait pas partie du conseil des marchands, appelés pour représenter leurs semblables, pour des raisons stupides d'après lui : il était un des plus puissants, mais comme les négociants venaient de tout le pays, ils se connaissaient mal, et n'avaient pas su s'organiser pour coordonner leur vote... ce que les marchands de Vieille-Tombe avaient réussi à faire intelligemment dès le début, prenant une longueur d'avance sur les autres.

Depuis, Leuthiag travaillait ardemment à unifier les marchands du reste du pays, de préférence sous son contrôle, et il avait déjà réussi à former une coalition suffisamment puissante pour tenir la dragée haute à ces arrogants de l'Ouest. Ils étaient en supériorité numérique, mais il leur manquait encore de la cohésion... tous n'avaient pas compris qu'ils avaient des intérêts communs. L'apothicaire, dont la zone d'influence s'étendait principalement à Albyor, avait immédiatement compris que la question de la route commerciale serait le principal problème à régler. Le fleuve constituait une voie d'approvisionnement naturelle, mais il était réservé jusqu'alors aux marchands de vin. Les bateaux étaient peu nombreux à partir, et aucun des marchands de Vieille-Tombe ne se serait risqué à braver l'interdit de commerce avec l'étranger en investissant lui-même dans un navire. On utilisait donc ceux qui allaient jusqu'à Dale ou Esgaroth, et qui en général n'étaient pas pleins, pour faire passer en douce des cargaisons plus ou moins importantes. Les gardes touchaient leur part pour fermer les yeux, et finalement les choses allaient pour le mieux.

Mais l'ouverture de cet avant-poste allait redistribuer les cartes, et faire perdre le monopole si longtemps conservé par Vieille-Tombe. Les villes de l'arrière pays pourraient se fournir directement, sans avoir besoin de passer par la cité occidentale pour leur commerce. Mais pour cela, il fallait naturellement rentabiliser les trajets, et donc conclure des alliances. Les marchands du centre et de l'Est du pays n'avaient pas tous pris le parti de se lancer personnellement dans cette expédition, à la différence des hommes de Vieille-Tombe, qui pour beaucoup représentaient personnellement leur commerce. De fait, il avait été assez facile à Leuthiag de s'imposer parmi les hommes qui le suivaient, et qui attendaient donc ses décisions :

- Mes amis, commença-t-il d'une voix posée et sûre, nous avons déjà fait un grand pas en nous unissant. Désormais, nous devons nous montrer patient. Notre nombre nous garantit un poids conséquent dans l'expédition, et nous ne devons pas gaspiller nos forces. Attendons... Laissons les marchands de Vieille-Tombe agir les premiers, frapper les premiers. Notre route commerciale privée est en train de se mettre en place, et ils devront accepter son existence tôt ou tard.

Il y eut quelques hochements de tête. Les hommes qui se trouvaient avec lui étaient parmi les plus puissants : des marchands qui avaient engagé de lourdes dépenses pour réussir à s'imposer, et qui pour certains étaient en mesure de réaliser de somptueux profits. Il leur manquait simplement l'appui d'un homme comme Leuthiag, qui pouvait les aider à contourner les marchands de Vieille-Tombe. Reprenant, l'apothicaire leur glissa :

- Continuez à faire profil bas, et continuez à exclure les marchands de Vieille-Tombe de toutes les conversations économiques. Nous ne pouvons pas négocier avec eux si nous sommes en position de faiblesse : attendons qu'ils aient compris quelle importance nous pouvons prendre. Ceux qui essaieront de négocier seul à seul avec eux y perdront leur âme... Ils vous proposeront des contrats alléchants, et vous serez tentés d'accepter, mais en définitive ils vous placeront sous leur coupe, et vous exploiteront...

Il s'interrompit et tourna la tête vers une silhouette qui approchait. L'homme marchait d'un pas raide, et on voyait bien qu'il essayait d'être naturel... en vain. Ce n'était pas véritablement important, cela dit, et Leuthiag l'accueillit avec un sourire :

- Braken, assieds-toi donc. Alors mon ami, dis-nous ce que tu as appris aujourd'hui, et ensuite file prestement : je ne voudrais pas que tes amis s'imaginent des choses.

On se poussa pour faire une place au nouveau venu, et on se pencha pour l'écouter, comme si l'obscurité absorbait aussi le bruit des conversations. Une paix de façade régnait dans le campement, et si aucune lame n'avait quitté son fourreau, la lutte se poursuivait plus terrible que jamais. C'était une grande partie d'échecs qui venait de se lancer, et chaque coup devait être pesé avec soin, car les conséquences pouvaient être terribles. Les marchands avaient les mains liées, et le premier qui serait pris par le général servirait d'exemple pour les autres : ils marchaient donc tous sur la corde raide, restait à savoir qui allait tomber le premier.


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