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Ryad Assad
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Ryad Assad

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Grains de Sel EmptyJeu 5 Nov 2020 - 19:11
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Les cavaliers passèrent sous l’arche qui gardait l’entrée de la ville, paraissant moins effrayés que les gardes juchés sur les palissades, silhouettes anonymes et silencieuses. Pour la plupart, c’étaient de jeunes hommes inexpérimentés, qui serraient maladroitement leur bouclier et leur javelot dans leurs mains encore tendres, qui n’étaient pas marquées par la guerre et l’affliction. Des novices à qui l’on attribuait la délicate surveillance des alentours de la ville, dont l’emplacement la situation au carrefour des grandes puissances de la région. Ils suivirent du regard la petite cohorte qui s’enfonçait tranquillement dans les artères de leur cité, conscients qu’il n’avaient aucune raison valable d’arrêter ces étrangers, mais inquiets de voir une telle force pénétrer dans l’enceinte qu’ils défendaient courageusement contre les nomades du désert.

- C’est donc à ça que ressemble Djahar’Mok ? J’imaginais ça plus grand.

Arminka leva les yeux. Quand on lui avait parlé d’une cité du Delta de l’Harnen, elle s’était imaginée une puissante forteresse bâtie en harmonie avec le fleuve, suffisamment puissante pour repousser les assauts de ceux qui viendraient par terre ou par mer, afin de maintenir le commerce prospère dans cette région stratégique et assez fertile. Ce qu’elle découvrait la décevait assez. Des remparts de briques qui n’auraient certainement pas soutenu un siège, et des habitations modestes, construites en désordre et sans charme. Le seul avantage qu’elle reconnaissait à l’architecture locale était que l’étroitesse des lieux facilitait l’organisation de sa défense. Elle doutait, cependant, que le but premier de la manœuvre fût celui-ci. Eu égard aux chaleurs infernales qui s’emparaient de la région chaque été, elle soupçonnait qu’il s’agissait plutôt d’un moyen commode de mettre d’ombrager les ruelles.

Le cavalier à ses côtés haussa les épaules en réponse à sa remarque, et rétorqua :

- Oui, les gens sont souvent déçus en arrivant à Djahar’Mok. Déçus, mais contents de pouvoir trouver de l’eau, un lit, et un bon repas chaud.

- C’est exactement ce qu’il nous faut, Nasr.

Il acquiesça avec un petit sourire, et passa le mot à un des hommes de sa troupe. L’intéressé mit pied à terre, confia sa monture à un de ses compagnons, et s’enfonça dans les ruelles à la recherche d’une auberge qui pourrait les accommoder le temps de leur séjour ici, qu’ils espéraient brefs. Arminka appréciait volontiers l’efficacité et la discrétion des Naharim. Ces combattants du désert, que ses compagnons et elle avaient rencontrés par le plus grand des hasards, s’étaient révélés être plus que de simples connaissances. Elle avait noué une amitié solide avec le chef de ce clan nomade et guerrier, qui sillonnait le grand désert du Harad, et n’hésitait jamais à prendre les armes contre le Harondor. Nasr était son neveu, un homme poli, serviable et éduqué, qui n’en demeurait pas moins un combattant aguerri. Il avait participé à la campagne du Harondor dans l’armée de Taorin, et en était revenu auréolé de gloire. Aujourd’hui, sur ordre de son père, il accompagnait les Rhûnedain, accompagné d’une douzaine de guerriers naharim, prêts à mourir pour lui.

Arminka était ravie de cette escorte de circonstance qui ne les avait pas ralentis le moins du monde – au contraire – et qui leur avait sans doute évité d’être la cible des bandes armées qui sillonnaient désormais les environs de l’Harnen, autour d’Arwa notamment. Sa question était aussi sincère que parfaitement calculée :

- Je suppose que votre clan n’est pas contre le mercenariat, Nasr. Combien coûterait-il de vous engager, vous et vos compagnons, pour nous accompagner dans nos futures pérégrinations au Sud ?

Un sourire plus tard, il répondit :

- Rien du tout, Arminka. Mon oncle est un homme visionnaire, et quoique je ne sois pas dans le secret de ses pensées, je gage qu’il m’en voudrait d’accepter une promesse d’or, alors qu’il est possible de voir plus loin.

Arminka le laissa poursuivre. Elle aimait la franchise, et avait encore un peu de mal avec les talents de négociateurs des gens du Harad et du Khand, qui avaient fait de la diplomatie une chose fort complexe et fort élaborée. Depuis qu’ils se connaissaient, toutefois, Nasr avait appris à se montrer plus direct, pour éviter d’agacer la jeune femme :

- Vous venez du lointain royaume du Rhûn, et même si les raisons de votre présence ici vous appartiennent, je devine que vous êtes en ambassade. Quelques uns des mots que vous employez ressemblent à ceux que les Khandéens utilisent pour dire « diplomatie ». Vous n’en avez rien dit à mon oncle, car vous pensiez sans doute à cette époque qu’il était plus intéressant de négocier avec les grandes cités du Harad. Vous comprenez maintenant que non.

Nasr était particulièrement perspicace. En silence et sans en avoir l’air, il avait mis au jour la mission des Rhûnedain, qui devait pourtant rester secrète, dans la mesure du possible. Il essayait naturellement d’en tirer profit, mais de manière subtile et intelligente.

- Si vous cherchez des alliés au Sud, sachez que vous ne trouverez personne de fiable dans les cités de l’Harnen. Arwa, vous avez pu le constater, est peuplée de couards qui se terrent chez eux. Quant à Urlok… les nouveaux maîtres de la ville se contentent d’exécuter les ordres qui viennent d’Umbar. Ce n’est pas eux qui vous aideront. Quant à Djahar’Mok, je vous en ai déjà parlé.

Arminka hocha la tête. La cité avait réchappé à la campagne des Seigneurs Pirates en acceptant sans réserve l’entrée des troupes de Taorin. Une décision soigneusement calculée par les élites de la ville, qui avait sans doute évité un bain de sang – et la disparition de la noblesse locale. Il ne s’agissait pas d’un gage de fiabilité et de force cependant, et le long de l’Harnen on se moquait ouvertement des gens de Djahar’Mok, qui avaient préféré se rendre sans combattre. La sagesse n’était pas une valeur admirée au Harad. Pas quand on la comparait à la bravoure et à la témérité. Personne n’enviait le sort d’Urlok, évidemment, mais personne ne se serait avisé de les tourner en dérision.

- Je suppose, finit par lâcher la jeune femme, que le salut viendra des tribus du désert. On les dit pourtant désunies, désorganisées et empêtrées dans des querelles intestines.

- On le dit, oui. Mais vous ne verrez pas plus d’unité à Umbar, où les Neuf égorgeraient volontiers leur voisin de droite, s’ils ne craignaient pas tant de tourner le dos à leur voisin de gauche. Vous ne verrez pas davantage d’organisation au Harondor, croyez-moi. J’ai vu les armées de l’Émir, j’étais là quand Dur’Zork est tombée. Cette bataille fut gagnée par les tribus du désert, et les chevaliers du Nord doivent encore pleurer d’avoir osé nous affronter. Quant aux querelles… se bat-on moins dans les cours et les palais que dans le désert ? Nous avons seulement la décence de le faire face à face, l’arme à la main.

Nasr était un homme fier, et il parlait de son peuple avec un orgueil qui rehaussait encore la noblesse de ses traits. Arminka commençait à entrevoir ce qu’il espérait obtenir d’elle, mais elle avait besoin de l’entendre dire.

- Quel intérêt auriez-vous à aider le Rhûn ?

- Le même que vous avez à venir au Harad, si loin de chez-vous. Négocier, peut-être pour faire commerce, peut-être pour des fins politiques, à tout le moins pour garantir la paix et que des deux côtés du contrat, il y ait plus de prospérité après qu’avant. Ici, les rois n’ont apporté que le sang et la mort. Votre reine, qui vit au-delà du désert, pourrait nous apporter bien davantage.

Arminka sourit, en comprenant ce qu’il ne disait pas. La prospérité d’une alliance avec une grande puissance était nécessairement alléchante, mais surtout il s’agissait d’un royaume éloigné, qui ne serait pas en permanence sur leur dos à surveiller leurs affaires. L’avantage d’avoir un patron, sans les inconvénients. L’avantage d’être le premier à tendre la main, pour doubler la concurrence, et s’imposer au détriment des autres tribus du désert. Décidément, ces Haradrim étaient d’excellents négociateurs, elle ne s’était pas trompée.

- Vous nous suivrez donc gratuitement, Nasr ?

Le visage du guerrier s’illumina comme s’il venait d’apprendre qu’il allait être de nouveau père. La fierté céda la place à la simplicité qui le caractérisait, et le sérieux du négociateur s’effaça au profit de la décontraction qu’il affichait en général :

- Rien n’est jamais gratuit au Harad, Arminka.


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Grains de Sel EmptyJeu 3 Déc 2020 - 21:51
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Pour un lynx, il était énorme.

Sagement adossé au bois vénérable, il accueillait les visiteurs de sa silhouette silencieuse mais menaçante, que tous étaient contraints de lever les yeux pour observer. Sa figure féline se dressait fièrement, légèrement à l’écart du port trop étroit pour accueillir sa majestueuse stature, tandis que son regard azuré se perdait dans le ciel. Ses oreilles, battues par les vents et abîmées par le temps, semblaient capables de tout entendre, et de percevoir l’entièreté du monde qui l’entourait, bien que sa tête demeurât figée dans cette position depuis ce qui semblait être des siècles. Arminka jeta un bref regard à Nasr, qui semblait absorbé dans sa contemplation. Il se grattait le menton avec perplexité, sans parvenir à cacher son admiration.

Il devait bien admettre qu’il n’avait jamais rien vu de pareil.

Presque deux cents pieds de long, une quarantaine de large, c’était un véritable monstre qui les dominait de toute sa taille. Comparativement, ils se sentaient minuscules, et bien démunis. Sur le dos de l’immense créature, s’affairaient une multitude de serviteurs, parasites misérables qui vivaient en symbiose avec le colosse, et qui semblaient lui vouer un respect teinté de crainte. Il fallait dire que les gardiens de la bête les surveillaient de près, et n’hésiteraient pas à leur faire payer cher la moindre incartade.

- Vous êtes déjà montée sur un machin comme ça ? Demanda Nasr.

- Quelques fois, oui. Mais jamais un de cette taille.

Ils restèrent là à contempler le Lynx et les hommes qui se dépêchaient de l’apprêter pour un éventuel départ. Ils n’échangèrent que quelques mots, chacun attendant anxieusement la suite. Ils se firent signe lorsqu’ils virent un homme se détacher de la foule et venir à leur rencontre, écartant les serviteurs qui ne se décalaient pas assez rapidement de son chemin. Il avait l’air antipathique, mais trop dangereux pour qu’on lui tînt tête ou même qu’on osât lui faire la moindre réflexion. Quand il fut près d’eux, ils purent constater qu’il était grand de taille, élancé avec des épaules larges et une mâchoire sévère. Contrairement à la plupart des gens ici, il portait de très beaux habits de soie légère que l’on n’aurait pas imaginés voir dans un endroit comme Djahar’Mok. Il puait l’importance, et pendant un bref instant ils se demandèrent si ce n’était pas lui qu’ils devaient rencontrer. La façon dont il s’adressa à eux leur fit comprendre que non. Il posa tour à tour les yeux sur Arminka et Nasr, avant de leur demander sur un ton sec et peu amène :

- Lequel de vous deux souhaite s’entretenir avec le Commodore ?

- C’est moi, fit Arminka.

Il posa un regard condescendant sur la jeune femme, puis acquiesça :

- Très bien. L’autre attendra ici.

La guerrière orientale fit signe à Nasr de ne pas s’inquiéter. Elle était capable de se défendre toute seule, et contrairement aux apparences, elle n’allait pas en terrain ennemi. Emboîtant le pas à son guide, elle le suivit sans hésiter à l’intérieur du Lynx, qui ronronnait doucement sous leurs pieds. Quelques portes et quelques couloirs plus tard, elle fut amenée face au Commodore, assis derrière son bureau. Il avait la mine lasse de celui qui devait endurer le fardeau du commandement, mais en voyant Arminka se présenter à lui, son regard se mit à briller d’une lueur nouvelle et mystérieuse. Une lueur qui jeta un frisson le long de l’échine de la jeune femme.

- Bienvenue à bord du Lynx, fit-il en lui tendant une main amicale qu’elle serra énergiquement. Asseyez-vous, je vous en prie. Nous avons des choses à discuter.

Elle s’exécuta, sentant immédiatement que le grand type derrière venait se caler dans son dos, pour garder l’entrée tout en l’observant froidement. Elle n’était pas inquiète, mais pas rassurée pour autant. Toutefois, elle devait se concentrer sur le Commodore. C’était un bel homme, de haute stature, dont la noblesse se devinait sur les traits sculptés de son visage. Il était difficile de lui donner un âge, mais l’expérience se lisait dans son attitude, dans sa façon de bouger, au moins autant que dans les plis qui s’étiraient délicatement au coin de ses yeux. Ces pattes d’oie ne venaient qu’après avoir vu de nombreux hivers.

- Pardonnez mon empressement, mais l’avez-vous ? Est-ce…

- Oui, Commodore. L’épée Lasgarnë.

Ses yeux s’agrandirent perceptiblement, alors qu’elle délivrait l’arme du tissu protecteur dans lequel elle l’avait enveloppée pour la transporter plus discrètement. Sans paraître pouvoir se contrôler, il tendit une main dans sa direction, comme s’il n’en revenait pas. Il échangea quelques paroles de ravissement avec le grand type dans une langue qu’Arminka ne parlait pas, avant de revenir à cette dernière :

- Comment l’avez-vous trouvée ?

- Cela a été le fruit d’une longue enquête, qui s’est achevée à Kryam, dans les territoires du Khand. L’arme a beaucoup changé de main, comme vous pouvez l’imaginer.

Il hocha la tête, feignant de s’intéresser à ce qu’elle venait de lui dire. En réalité, l’épée le fascinait plus que toute autre chose. Pourtant, il sembla se rétracter, retrouvant une certaine méfiance :

- Je suppose que vous n’avez pas traversé tant et tant de lieues pour m’amener cette épée sans rien attendre en retour… Quel est le prix que demande votre reine ?

Fidèle à la consigne qu’elle avait reçue de la bouche de sa souveraine en personne, Arminka répondit avec simplicité :

- Aucun, Commodore, sinon l’amitié et la paix.

Il y eut d’abord un long et profond silence, qui sembla s’étirer pour l’éternité. Puis le Commodore se mit à pouffer, et à rire de plus en plus franchement, comme si la situation lui paraissait trop incongrue pour qu’il fût en mesure de conserver son sérieux. Après avoir succombé à l’hilarité, il s’efforça de retrouver une contenance devant une Arminka toute militaire qui n’avait pas laissé transparaître la moindre émotion.

- L’amitié et la paix… Ah, que voilà une heureuse nouvelle ! Les Armadin ne seront pas oubliés, quand viendra l’heure.

Cette dernière phrase demeura particulièrement sibylline pour Arminka, mais elle n’avait pas été choisie par la reine pour sa curiosité et sa conscience. Elle était une parfaite exécutante, et tant qu’une information n’interférait pas avec sa mission, elle ne s’en préoccupait guère. Le Commodore semblait ravi, et pour l’heure elle avait accompli ce pour quoi elle était là. Elle lui tendit l’arme, qu’il observa soigneusement sous toutes les coutures, fasciné par cet objet qui semblait tenir une place importante à la fois dans son histoire et dans ses plans.

- Parfait, c’est parfait… Avant que vous partiez, j’aurais besoin d’un autre service cependant…

Arminka haussa légèrement les sourcils.

Cela ne faisait plus partie de sa mission.


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Grains de Sel EmptyMer 16 Déc 2020 - 14:32
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Arminka s’agita sur sa chaise, visiblement mal à l’aise.

Elle n’aimait pas cet homme avec ses grands airs, son côté mégalomane, et ses manières de dandy qui cachaient mal l’esprit rusé et violent qui s’agitait sous la surface. Il ne lui avait toujours pas dit son nom, et ne le lui dirait probablement jamais, lui qui se plaisait à se faire appeler « Commodore ». Il vida un autre verre de vin, qu’il reposa bruyamment sur la table, et pointa sa fourchette vers son interlocutrice :

- Vous avez encore faim ? Non ? Dommage, car il nous reste encore du cabillaud. Ah vraiment vous devriez vous faire plaisir, il est rare que nous puissions si bien manger, nous qui sommes toujours en mer, occupés à sillonner les côtes de toutes allégeances.

Elle se retint de lever les yeux au ciel, et se contenta d’incliner poliment la tête avec un sourire. Être jolie et se taire. Elle savait exactement ce qu’il attendait d’elle pour le moment.

- Je disais donc, nous avons beaucoup de réparations à faire avant de pouvoir reprendre la mer. Djahar’Mok n’est pas le port le mieux équipé pour cela, ce qui va nous ralentir un peu… Mais rien de grave, rien de grave. Désormais que nous avons Lasgarnë, nous pouvons nous reposer un peu… Si en plus vous me dîtes que vous pouvez mettre la main sur mon héritage… ha ! J’ai presque envie de danser.

Fort heureusement, il resta assis, et continua à manger avec un raffinement qui ne lui allait guère.

- Mon héritage… Mon héritage… J’en rêve la nuit, vous savez… Et vous… si vous me l’apportez sur un plateau, je vous récompenserai, oh que oui. Tout ce que vous voulez… Il y a bien quelque chose qui vous plairait, n’est-ce pas ?

- Rien de particulier, Commodore. Je suis un soldat, je m’accommode de peu.

Il rit pour lui-même.

- Ah oui, oui bien sûr. Un soldat. Très bien, très très bien. Votre reine doit être particulièrement contente d’avoir quelqu’un comme vous à son service. Si j’avais cent marins avec votre droiture… non, si j’avais même dix marins comme vous, je serais déjà Seigneur d’Umbar, et en passe de devenir Roi du Gondor.

Il éclata de rire à nouveau, sans se soucier de rencontrer l’indifférence d’Arminka.

- Malheureusement, tout le monde ne pense pas comme vous, et la plupart des gens attendent une compensation de nature financière… De l’or, des bijoux, des pierres précieuses, ce genre de choses. Rien de bien ennuyeux quand, comme moi, on a de nobles objectifs. Mais il faut quand même aller chercher ces pièces, ces colliers, ces bracelets, ces pendentifs… Autant de temps perdu, autant d’énergie dépensée pour des choses pathétiques, sans valeur, à seule fin de contenter les hommes et leur amour des choses qui brillent.

- En effet, Commodore. Beaucoup de temps perdu.

Il ne saisit par l’ironie, et poursuivit :

- Oui, oui, beaucoup trop ! Vous pourriez peut-être m’aider, vous, avec vos incroyables ressources et votre droiture. Non ? Vous pourriez m’apporter l’or dont j’ai besoin pour financer ma campagne.

- Je ne crois pas pouvoir renflouer vos caisses à moi toute seule, Commodore. Je peux bien essayer, mais il me faudrait au moins un siècle. Je ne risque pas de vivre aussi longtemps.

Il eut un sourire compatissant :

- Je vous plains. Mais vous avez raison, et puis quel gâchis de vos immenses talents que de vous confier une tâche subalterne de la sorte. Pourquoi êtes-vous au Harad, au juste ?

La question était si précise et si inattendue qu’elle en fut désarçonnée. C’était comme si le Commodore avait endormi sa vigilance tout au long du repas pour mieux la prendre par surprise. Même le ton de sa voix avait changé quand il lui avait posé cette question, et il demeura là à l’observer les yeux dans les yeux, sans ciller, guettant la moindre de ses micro-réactions. Elle hésita, bafouilla quelque chose – ce qui ne lui ressemblait guère – avant de trouver l’énergie de répondre :

- Eh bien… La Reine Lyra n’a pas été très spécifique sur les détails. Je devais vous apporter cette épée, rencontrer quelques personnes, puis apporter mon assistance à ceux qui veulent renforcer le Harad. Elle considère que les Haradrim sont les alliés historiques du Rhûn, et que nos peuples gagneraient largement à développer leurs liens.

Le Commodore l’observait, décelant qu’elle lui cachait des choses, sans pour autant le dire explicitement. Il se contenta de hocher la tête avec une petite moue appréciative, avant de répondre :

- Un noble objectif, mais j’ai bien peur que vous soyez condamnée à échouer. Le Harad est instable par nature, et les gens d’ici préfèrent s’entredéchirer plutôt que de travailler à construire une paix durable. Ils ne s’unissent que contre un ennemi commun, et quand ils n’en trouvent pas, ils l’inventent. Le rêve de Taorin le Borgne de voir le Harad marcher jusqu’aux portes du Gondor s’est effondré quand les Seigneurs Pirates ont eu leur part du trésor, et qu’ils ont préféré le trahir et le faire enfermer plutôt que de le soutenir jusqu’à la mort.

- C’est donc lui qu’il faut sauver ?

- Cela n’aurait aucun sens, rétorqua le Commodore en savourant un nouveau verre de vin. Taorin n’est qu’un homme, et sa vision – permettez-moi le jeu de mots – est limitée. Celle des Neufs aussi. Prenez Aric par exemple. Vous en avez entendu parler ? Un fou qui veut s’en prendre au Gondor pour venger la mort de son maître. Un fou qui, à l’heure où nous parlons, a rassemblé une véritable armée et entend mener son projet à bien. Un fou qui pourrait bien faire du tort au rêve de voir un Harad stable et unifié.

Si j’étais-vous, je crois que je commencerais par là… Aric et ses hommes doivent arriver d’ici une semaine, je le sais de source très sûre. Nous serons loin quand il arrivera pour ajouter le Lynx à sa flotte, mais les hommes d’ici le suivront sans hésiter. Les gens de Djahar’Mok sont des couards, et ils se rallieront à Aric plutôt que de risquer son courroux. Si vous pouviez éviter cela, vous rendriez un grand service à la cause d’un Harad plus sûr…


Arminka cligna des yeux. Cet homme était-il complètement fou, ou venait-il de la mener très exactement où il le souhaitait depuis le début de la conversation, après avoir fait un détour incroyable pour cela ? Elle avait l’impression d’avoir été manipulée comme une enfant, et alors qu’elle était venue en espérant négocier avec lui, elle se retrouvait à recevoir des consignes qui ressemblaient presque à des ordres. Elle lui avait donné ses cartes, et il les jouait désormais une à une contre elle, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle.

- Tuer Aric ne serait-il pas plus efficace ? Demanda-t-elle tout de même.

- Non. Vous ne feriez que donner raison à ses partisans. Avec ou sans lui, ils attaqueront le Gondor. Et il vaut mieux qu’ils l’attaquent avec lui que sans, croyez-moi. Mais que croyez-vous qu’il se passera quand Aric attaquera le Gondor ? Il réveillera la bête endormie, et alors le Gondor fera ce qu’il fait de mieux : envahir ses voisins, en détruisant tout sur son passage. Ils reprendront le Harondor méthodiquement, puis mèneront une campagne radicale pour aller déloger les Seigneurs Pirates. Umbar est riche et gorgée d’or, et c’est précisément la raison pour laquelle elle ne tiendra pas. Tout le monde préférera s’enfuir avec son butin plutôt que d’affronter la mort. Pour le futur du Harad, il est important… non, essentiel qu’Aric échoue…


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Grains de Sel EmptyJeu 24 Déc 2020 - 12:48
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- Et… de combien d’hommes disposez-vous, au juste ?

Nasr reposa lentement la cuillère qu’il tenait en main, et répondit sur un ton apaisé :

- Mille cavaliers. Mille de plus si nous devions enrôler tous ceux en âge de se battre, mais qui sont occupés à d’autres tâches. Et encore deux cents qui sont occupés au Harondor, mais pourraient revenir si nous les appelions.

« Occupés au Harondor ». L’expression était élégante, et désignait en réalité le travail de mercenariat auquel se livraient les Naharim, comme bien d’autres clans. Ils sillonnaient les régions les moins dangereuses – laissant les autres aux idiots – et se faisaient payer par les Neufs pour cela. C’était une bonne opportunité d’entraîner les jeunes, sous l’égide de quelques vétérans qui leur apprenaient la vie en campagne, la guerre et leur racontaient de belles histoires au coin du feu.

- Mille hommes, donc…

Le troisième neveu du maître de la ville fit claquer sa langue, sans cacher son agacement. De toute évidence, il n’aimait pas Nasr, probablement car il avait une aversion pour les tribus du désert. Les nomades étaient souvent imprévisibles, agressifs et rétifs à tout contrôle. Ceux des villes préféraient en général l’ordre, la stabilité, et un commerce libre. De quoi développer leurs activités, leur fortune et leurs projets, sans être embêtés par les velléités guerrières de cavaliers ancrés dans des traditions archaïques et révolues. Entre Nasr et le prince Saar Alraddah, il y avait plus qu’un monde… il y avait toute une époque. Ils n’appartenaient tout simplement pas au même univers. Le prince reprit :

- Mille hommes ne nous aideront pas à gagner la prochaine guerre, et à nous protéger efficacement contre les autres tribus. Les Djunni, au Sud d’ici, ont environ sept cents hommes, et ils viennent prélever leur tribut comme ils l’entendent sur nos terres. Mille hommes n’en viendront pas à bout facilement. Je crains de devoir refuser.

- Si vous ajoutiez les forces de Djahar’Mok aux nôtres, nous pourrions les surpasser à pratiquement deux contre un. Nous n’avons pas besoin d’entrer en guerre contre eux, seulement de leur opposer une résistance suffisante pour qu’ils comprennent qu’il est dans leur intérêt de négocier avec vous.

Le prince s’absorba dans ses pensées un instant, considérant ses options. Ses liens avec la famille dirigeante de Djahar’Mok étaient éloignés, et il n’avait pas les faveurs du maître. Seul son titre lui garantissait un statut ici. Cependant, s’il pouvait préserver la ville du danger que représentaient les Djunni, s’il pouvait s’imposer militairement… nul doute que sa place dans la famille serait consolidée, au point peut-être d’obtenir un office important, ou une charge prestigieuse. Cependant, pour y parvenir, il devait convaincre son oncle d’envoyer tous les hommes d’armes de la cité au Sud, pour y affronter les Djunni et leur tenir tête… Le discours audacieux plairait, c’était certain.

Mais était-ce suffisant pour convaincre un homme rationnel et prudent ?

- Djahar’Mok, lança Saar, est défendue par à peine trois cents hommes… C’est bien peu pour une cité portuaire qui se trouve en première ligne dans le Delta de l’Harnen. Trois cents hommes qui manquent d’expérience et de discipline… Des hommes qui n’ont pas l’habitude d’affronter des cavaliers du désert, et qui risquent de fuir avant même le premier sang.

- Il est évident que les hommes de Djahar’Mok ne sont pas prêts en l’état, mais nous pouvons les entraîner. Je viens accompagné d’une conseillère militaire du royaume de Rhûn, loin dans les terres orientales.

- Une femme ?

Le prince ne cacha pas sa surprise. Il se demandait depuis le début de l’entrevue qui était cette femme silencieuse qui restait debout sans rien dire, avec la rigidité d’un soldat. Il comprenait mieux désormais. Nasr fit un signe pour inviter l’intéressée à s’approcher. Elle s’inclina brièvement devant le prince, qui répondit à son salut par un geste évasif de la main :

- Vous êtes dans l’armée, c’est ça ?

- C’est exact, votre altesse. Je suis capitaine des Varkayin, de la Garde Royale de Blankânimad.

Saar jeta un coup d’œil en coin à Nasr, comme pour lui demander où il avait réussi à dénicher un officier de l’armée du Rhûn. La discipline de l’armée rhûnienne était bien connue à travers le monde, et louée au même titre que le courage des Haradrim, ou les exceptionnelles habilités de cavaliers des Khandéens. Disposer d’un tel appui pour entraîner ses troupes pouvait réellement faire la différence. Saar réfléchit intensément, et finit par demander :

- Et je suppose que vous avez un nom ? « L’orientale » n’est pas une façon décente de vous nommer.

- Arminka ira très bien.


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Grains de Sel EmptyMer 13 Jan 2021 - 0:59
Le prince Alraddah peinait à en croire ses yeux. Les voiles défilaient devant son regard, longues et noires comme la nuit, pareilles à une armée d’oriflammes remontés des profondeurs des mers du Sud pour venir le hanter. Les premiers avaient déjà encerclé le port de la petite portuaire de l’Harnen, que les autres semblaient à peine surgir de l’horizon. Des dizaines de vaisseaux fendaient les vagues, tels des monstres attendant de fondre sur une proie. Des monstres aux yeux innombrables, qui fixaient la côte avec une sorte d’impatience malsaine dans le regard. Des yeux qui ne désiraient rien d’autre que la vengeance et le sang. Même l’or ne paraissait pas les exciter autant que d’habitude.

Il y en avait de toutes les tailles. Des larges, au faible tirant d’eau, qui transportaient de toute évidence des équipages nombreux et sans doute malmenés par les rudes conditions de vie. D’autres, plus racés, plus élégants… plus rapides aussi, capables de mener le combat face aux navires du Gondor. Les fameux navires corsaires d’Umbar, dont les capitaines haranguaient leurs hommes au moment de la délicate manœuvre consistant à stopper cette armada. Et autour d’eux, une foule de navires plus petits, destinés à l’escorte, à la reconnaissance, ou simplement des navires de pêche rassemblés avec le soutien plus ou moins forcé de leurs propriétaires. Des éclaireurs innocents qui pouvaient se faufiler l’air de rien sous le nez des Nefs de Dol Amroth et des frégates de Pelargir. Des assistants indispensables, dont les voiles faisaient exception, puisqu’elles n’avaient pas été peintes aux couleurs de la guerre.

Alraddah vit les hommes en armes débarquer dans sa cité, lourdement armés, riches des butins pris à Dur’Zork. Certains étaient vêtus d’armures de très bonne facture, d’autres portaient des lances à lame argentée, et nombreux étaient ceux qui se paraient de bijoux à la manière des tribus du désert quand elles partaient en guerre. Ces combattants étaient des vétérans de la campagne de Taorin, des marins endurcis, des guerriers zélés… Et il y en avait des centaines. Ils furent accueillis maladroitement par les habitants de la petite cité de l’Harnen, largement dépassés par ce déploiement de forces, et bientôt leur état-major prit la direction du centre de la ville, où se trouvait le maître des lieux. Le prince Alraddah, en tant que membre de la famille régnante, avait été convié à la réunion à une place subalterne.

Son oncle accueillit la délégation des Umbarites avec tous les honneurs nécessaires, mais sans en faire trop. Ce n’étaient pas, à l’évidence, des Seigneurs Pirates, bien que l’homme à la tête de cette flotte impressionnante parût le croire. Il parlait fort, et avec emphase, exaltant chez ceux qui se trouvaient dans la salle une fierté Haradrim que beaucoup enfouissaient soigneusement de crainte que les vents de la guerre ne changeassent, et qu’il fallût bientôt endosser de nouveau les atours des fidèles du Harondor.

Il venait avec des mots d’unité, de solidarité, de devoir et d’honneur, mais tout ce qu’il leur promettait, c’était la guerre. Une guerre contre le Harondor. Une guerre contre le Gondor. Une guerre contre tous ceux qui se trouvaient au Nord de l’Harnen, contre tous ceux qui avaient osé trahir les Haradrim, qu’ils fussent originaires des confins septentrionaux ou de l’Extrême-Harad, du désert ou de la mer, des cités ou des campagnes. Il agitait les bras en s’exprimant, mais le prince sut immédiatement pourquoi tant de navires s’étaient ralliés à lui. Il avait quelque chose d’enthousiasmant, de convaincant, de passionné. Il avait l’étoffe d’un homme capable de restaurer enfin la place du Harad dans ce monde, de balayer les restes du Royaume Réunifié, et de rétablir l’unité Haradrim, du Poros aux immenses oasis méridionales, dont parlaient les légendes. Il était facile de se laisser abuser par son discours, et d’oublier la réalité.

Cent navires ne viendraient pas à bout du géant Gondorien.

Mille navires se briseraient devant les immenses remparts de Minas Tirith, que l’on disait si haute qu’elle touchait les étoiles.

Si Djahar’Mok souhaitait survivre, elle ne pouvait pas s’engager dans une guerre si loin de ses frontières, contre un ennemi invincible, qui dormait présentement, mais qui risquait fort de se réveiller si de vulgaires pirates sans notions militaires avancées se risquaient à le poignarder traitreusement. C’était ce que Saar avait dit à son oncle, quand les voiles avaient surgi à l’horizon, plongeant la cité dans une grande peur. Se concentrer sur les enjeux du présent, sur les affaires de voisinage… Bien malin était celui qui entendait toucher les nuages, mais l’homme ne pouvait en définitive contrôler que ce qui se trouvait à portée de son bras. Il avait longuement argumenté auprès de son oncle, cherchant à se positionner, à écarter l’opinion des fils désireux de prendre part à la guerre, pour faire prévaloir son avis.

Un discret sourire étira ses lèvres lorsqu’il entendit le pirate évoquer le soutien militaire que Djahar’Mok proposait.

- Seigneur Aric, répondit le maître de la ville, je crains fort de ne pas pouvoir accéder à votre demande… Nous n’avons tout simplement pas assez d’hommes pour garantir la défense de notre cité. Voyez par vous-même, nos remparts sont bien dégarnis, et j’ai à peine assez de lances pour garder les portes de ma demeure. Mais je sais comment vous aider…

La déception d’Aric, teintée d’une colère sourde, se mua en intérêt. Il n’aimait pas qu’on lui dît non, de toute évidence, et l’alternative avait intérêt à être bonne.

- Laissez-moi vous fournir des vivres, et du matériel. Vous en aurez besoin, peut-être plus que vous aurez besoin de lames. Donnez-moi quelques mois, le temps de lever des hommes dans tous les villages environnants, de les former à la guerre, et de les mettre sous votre commandement. Si nous rassemblons tous les hommes vaillants et disponibles, je peux décemment vous offrir le soutien de… disons deux cents hommes… Et trois cents de plus d’ici six mois.

- Six mois ! Explosa Aric. Six mois ? Mais dans six mois, nous aurons déjà mis le Gondor à feu et à sang ! Vos hommes arriveront trop tard !

- Six mois, c’est le mieux que je puisse faire. L’hiver arrive, les vents seront capricieux, et la guerre est une affaire imprévisible, seigneur Aric. D’ici six mois, vous pourriez bénir les renforts de Djahar’Mok.

L’intéressé hocha la tête. De toute façon, que pouvait-il faire de plus qu’accepter ce qu’on lui proposait ? Enrôler des hommes de force allait contre ses principes.

Le prince Alraddah regarda l’hésitation passer sur le visage du pirate, qui finit par accepter l’accord. Six mois. C’était plus que suffisant pour lui permettre de perdre la guerre, si les Gondoriens faisaient convenablement leur travail.


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Grains de Sel EmptyJeu 14 Jan 2021 - 23:42
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- Merci ! Merci !

Les mains jointes du malheureux tombèrent sur le sol, rapidement imitées par sa tête qui alla rouler près des autres. La lame, émoussée d’avoir frappé si souvent l’acier, la chair et les os, n’avait pourtant eu aucune difficulté à mettre un terme à une nouvelle existence. La dernière vie qui serait prise ce soir. Les cavaliers fuyaient dans le plus grand désordre, sous une pluie de flèches et d’injures, tandis que les fantassins reculaient à qui mieux mieux, en s’efforçant d’éviter de se rapprocher de la furie.

Arminka fit tourner son épée entre ses mains expertes, éclaboussant de sang les alentours, indifférente aux gouttelettes qui coulaient sur son visage. Ses cheveux s’étaient détachés durant l’affrontement, et cascadaient librement, encadrant des yeux enflammés qui promettaient à ces hommes une mort certaine s’ils osaient faire un pas vers elle. Même les archers n’osaient plus tirer dans sa direction, de peur d’attirer son attention.

Elle prit une profonde inspiration.

Ils reculèrent de dix pas en réponse.

- Arminka ! Arminka !

Nasr avait rallié ses hommes, qui eux-mêmes se regroupaient et réorganisaient les troupes de Djahar’Mok, semblables à des chiens de berger assurant la cohérence d’un troupeau de moutons. Son arrivée provoqua une panique subite chez les fantassins, qui cette fois se débandèrent et partirent en courant, abandonnant tout ce qui pouvait les ralentir derrière eux. Privés de la protection des cavaliers, prestement mis en déroute, ils ne voulaient pas être à la merci des Naharim, qui auraient tôt fait de les massacrer. Ce n’était pas l’intention de Nasr, cependant, qui considérait la victoire acquise.

- Tout va bien ? Demanda-t-elle en voyant son regard soucieux.

Il mit pied à terre, mais sa posture trahissait un certain malaise.

- Que se passe-t-il ? Reprit-elle. Nous avons gagné, n’est-ce pas ? Il y a un problème ?

Nasr recula légèrement, comme si elle lui avait soudainement aboyé dessus. Elle ne l’avait jamais vu ainsi, et comprit immédiatement quel était le problème. Il lui fallut de longues secondes pour se calmer, inspirant profondément pour essayer se clarifier les idées.

- Que s’est-il passé, Arminka ? Les hommes disent que…

- Oublie ce que disent les hommes. Écoute-moi…

Elle sentait son cœur qui battait la chamade, et elle fit de nouveau en sorte de s’apaiser.

- Écoute, répéta-t-elle un ton plus bas, nous avons gagné, et c’est tout ce qui compte. Les Djunni y réfléchiront à deux fois, désormais, et j’ai le sentiment que nous nous en tirons bien. Les Naharim ?

- Euh… Ça va… Nous avons eu l’effet de surprise, et nous ne déplorons que quelques blessés. Eux, en revanche, ont eu la frousse de leur vie. Ils laissent derrière eux une bonne centaine de chevaux, quelques armes, et ce qui ressemble à un trésor.

Arminka l’écoutait en essayant d’essuyer sa lame sur son avant-bras. A cause de l’obscurité, il lui fallut un moment pour se rendre compte que sa peau imbibée du sang de l’ennemi ne l’aiderait pas à nettoyer son arme. Elle abandonna, et se contenta de répondre :

- Excellent. Dis aux hommes de prendre ce qu’ils peuvent et de ramasser leurs morts. Qu’ils enterrent les autres selon les coutumes des nomades : nous avons obtenu la victoire, ne déclenchons pas une guerre sans raison.

- Très bien… Euh… Au fait, Arminka ?

Elle s’apprêtait à partir, et se retourna vers lui au dernier moment, une lueur mauvaise sur le visage. Nasr se décomposa, mais elle l’invita d’un geste à parler, et il lança :

- Arminka, il faudra que nous parlions de… de tout ça… Fit-il en désignant les cadavres autour d’elle. Je connais la guerre… Je connais la bataille. Et ça, ça n’est pas normal.

Ces paroles la touchèrent plus qu’elle n’aurait voulu l’admettre. Peut-être parce qu’elle était seule ici, sans personne pour la rassurer sur le fait que si, elle était normale, et qu’elle n’était pas le monstre que d’aucuns voyaient en elle. Peut-être parce qu’elle voyait en Nasr un ami, et qu’elle ne se félicitait pas d’être à l’origine de la réaction de dégoût qu’elle décelait dans son regard.

- Très bien, Nasr. Nous en parlerons.

« Je suis désolée ».

Elle aurait voulu prononcer ces derniers mots, mais ils restèrent bloqués dans sa gorge.


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Grains de Sel EmptyDim 31 Jan 2021 - 19:35
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L’eau glacée la fit frissonner, alors qu’elle frictionnait ses cheveux avec attention, dans l’espoir de faire partir les dernières traces de sang. Sa peau semblait désormais immaculée, comme au premier jour, mais ses longues mèches brunes semblaient collées entre elles, et elle devait les démêler avec les doigts, ce qui n’était pas pratique. Elle aurait payé cher pour avoir un peigne, mais elle se refusait à en demander un. Non pas qu’on le lui aurait refusé, mais elle avait gagné le respect des gens d’ici en mettant de côté sa féminité, et elle n’entendait pas tout détruire pour son confort personnel. Si elle devait ressembler à une sauvageonne un jour de plus, elle y survivrait.

- Arminka ?

- Nasr ? Je me douche.

Elle se sentit stupide : il le savait. Les hommes à sa disposition s’étaient lavés avec de l’eau trouvée dans l’oasis près de laquelle campaient les Djunni. Pour Arminka, ils avaient construit une petite cabine en bois, avec quatre lances fichées dans le sol, et des morceaux de tissu pris à l’ennemi. Le tout était étonnamment confortable, mais aussi parfaitement remarquable, puisque c’était la seule « structure » à des lieues à la ronde. Si Nasr était là, ce n’était pas par hasard.

- Est-ce que je peux te parler ?

- Maintenant ?

Son agacement était perceptible dans son ton, mais de toute évidence Nasr ne l’entendit pas – ou fit semblant de ne pas l’entendre.

- Ce moment est aussi bien qu’un autre, non ? Je voulais revenir sur ce qui s’était passé tout à l’heure. Je suis désolé d’avoir mal réagi. Je crois que j’ai encore du mal à m’habituer au fait qu’une femme soit capable de…

- Tuer ?

Il y eut un long silence, et elle-même cessa de frotter ses cheveux pour un temps, suspendue à ce qu’il allait répondre.

- …Oui… Tuer… On peut appeler ça comme ça. Je crois que les hommes ont eu peur, Arminka. Et franchement, moi aussi… C’est pour ça que je veux te parler… M’assurer que tu es toujours… toi. Que tu n’es pas une créature envoyée par Melkor, ou quelque chose de ce genre.

- Et si c’était le cas ?

Nouveau silence.

- Je… suppose que je devrais mieux apprendre mes prières.

Ils partagèrent un rire bref mais nécessaire, qui contribua à faire retomber la tension. Les hommes du désert étaient notoirement superstitieux, et ce qu’ils ne comprenaient pas immédiatement, ils le plaçaient souvent entre les mains de puissances supérieures. Parfois le Désert personnifié, parfois les esprits anciens. En l’occurrence, il avait bien fait en choisissant Melkor, car contrairement au Désert et aux esprits, lui avait un réel pouvoir sur cette terre.

- Si tu as peur de moi, Nasr, pourquoi es-tu venu ?

- Parce que nous avons scellé un pacte, Arminka du Rhûn. Une alliance. Au nom des Naharim, je te protège, et je te guide sur ces terres. Mais il semble que tu n’aies pas besoin de ma protection.

- Non, fit-elle en souriant. Mais je suis contente que les Naharim marchent à mes côtés.

Il sembla lâcher un soupir de soulagement, mais elle n’en était pas trop sûre. Le fait de ne pas le voir était gênant, et elle se dépêcha de se sécher et de s’habiller pour pouvoir lui parler face à face.

- C’est très bien, Arminka. Je suis content que notre alliance ne soit pas compromise et que tu sois toujours… Arminka. J’aurais été triste de troquer ta compagnie contre celle d’une créature de Melkor. Mais j’ai une dernière question… c’est important. Est-ce que… est-ce que tu aimes tuer ? Les hommes ont dit que tu riais pendant la bataille.

Elle était sur le point de sortir, mais retint son geste au dernier moment. Les paroles de Nasr la figèrent sur place, et elle pesa soigneusement ce qu’il venait de lui dire. Les mots franchirent difficilement ses lèvres :

- Ils ont pu se tromper, Nasr. Je n’aime pas tuer, je fais simplement mon devoir.

Sa main resta refermée sur le tissu. Elle était incapable de le regarder dans les yeux, car il aurait su alors. Il aurait su qu’elle mentait.


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Grains de Sel EmptyDim 7 Fév 2021 - 19:21
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Ils étaient une quinzaine, tous armés et la mine sombre, mais Nasr avait dit de ne pas s’en faire. Apparemment, ils étaient là pour négocier un traité de paix. Arminka devait se fier à la traduction de son compagnon de route, car elle ne comprenait pas un mot de ce dialecte qu’ils utilisaient, savant mélange des langues du Sud teinté de quelques mots de Parler Noir prononcés avec un accent à couper au couteau.

Le Naharim lui avait donné les grandes lignes de l’entrevue, en lui décrivant précisément les éléments symboliques aussi bien que pratiques qui entouraient ce rituel. Les Djunni avaient demandé à s’entretenir avec le maître de Djahar’Mok à l’extérieur des murs de la cité, en convoquant une trêve que les deux camps se devaient de respecter… ce qui ne signifiait pas pour autant que l’un des deux camps acceptait de venir sans armes. Chacun avait amené une escorte, et il était certain que d’autres cavaliers du désert se tenaient non loin, bien cachés, mais prêts à intervenir pour sauver la vie de leurs chefs. Arminka en était sûre, car les troupes de Dur’Zork et les Naharim se tenaient en position eux aussi. Personne ne duperait personne.

- Que font-ils ? Demanda-t-elle.

- Ils boivent ensemble, répondit Nasr, pour reconnaître tout d’abord qu’ils partagent la même eau et, comme tu le vois, le même pain. C’est un signe encourageant. Cela veut dire qu’ils reconnaissent le droit des gens de Djahar’Mok à être ici, et vice-versa. Ils n’auraient pas fait ça avec des étrangers.

Arminka hocha la tête en faisant une petite moue. Elle trouvait les coutumes locales curieuses, pour ne pas dire arriérées, mais elle ne pouvait qu’être satisfaite de voir qu’ils avançaient dans la bonne direction. Ils pouvaient boire ce qu’ils voulaient, manger ce qu’ils voulaient, elle s’en fichait. Le plus important pour elle était que sa mission pût se poursuivre. En emmenant les troupes de Djahar’Mok à l’assaut des Djunni, elle avait fait d’une pierre deux coups : mettre des bâtons dans les roues d’Aric et de ses pirates, tout en renforçant ses alliés locaux. Elle en récoltait les fruits aujourd’hui, et se félicitait de cette avancée.

- Et là, que disent-ils ?

- Ils échangent des paroles de paix, en relatant chacun à leur tour les origines de leur peuple, et leurs combats communs. Les Djunni sont les ennemis de Djahar’Mok depuis plusieurs générations, mais les deux peuples se sont alliés à maintes occasions. Dernière en date : la Guerre de Taorin. Les Djunni se sont ralliés au Chien Borgne, et ont servi aux côtés des citadins. C’est très prometteur.

La négociation était longuette, mais Arminka s’efforça de suivre tout ce qui se disait du début à la fin. Elle comprenait progressivement que les coutumes locales permettaient de toujours trouver un terrain d’entente malgré les dissensions. Les Haradrim étaient au moins aussi belliqueux que les sauvages Khandéens, mais ils se faisaient la guerre tant et tant qu’il y avait toujours un moment dans leur histoire où ils s’étaient alliés. Il appartenait aux conteurs et autres spécialistes de la mémoire de garder la trace de ces épisodes du passé, pour jeter les bases d’une paix qu’il fallait espérer durable. Hélas, les tribus du Sud étaient connues pour être versatiles, et aucune amitié ne tenait sans la menace d’une guerre meurtrière.

Ainsi allait le Sud.

Les discussions se poursuivirent jusque tard dans la nuit, évoquant les sujets les plus pressants. Djahar’Mok voulait s’assurer que les routes commerciales vers Umbar seraient sûres, et que les attaques des caravanes cesseraient. En échange, les Djunni demandaient le paiement d’un tribut en nature, que la ville se proposait d’offrir : du sel, du fourrage pour les chevaux, et un pourcentage des surplus chaque année. Les denrées les plus rares, depuis l’hiver qui s’était abattu sur la région, et n’avait pas épargné l’Harnen. D’ordinaire fertile, le fleuve avait gelé par endroits, faisant craindre à tous de nouveaux cataclysmes, et contribuant à éroder les anciennes alliances. Vers la fin de la discussion, les deux dirigeants se serrèrent la main et se prirent dans les bras, geste universel d’amitié. Arminka voulut se lever pour partir, mais Nasr lui fit comprendre que ce n’était pas encore terminé. En effet, le chef des Djunni se leva et se tourna vers la guerrière, la pointant du doigt et proférant des paroles qui, de toute évidence, n’étaient guère apaisées.

- Il dit quoi ? Demanda Arminka en portant la main à son épée. Il veut qu’on se batte ?

- Non, non, non, reste calme, il dit juste que…

Le chef des Djunni leva la main et intima le silence à Nasr, avant de lâcher :

- Je peux parler pour moi, jeune homme. Je demandais à ce que la femme-loup soit bannie des terres de Djahar’Mok. Nous acceptons de négocier avec les Haradrim des cités, quoique nous ne les aimions guère. Mais nous ne voulons pas traiter avec les étrangers. Encore moins ceux qui sont… possédés.

Il avait craché ce dernier mot comme une insulte, et la tension monta d’un cran entre les deux camps. Nasr fut le premier à bondir sur ses deux jambes, répondant avec une agressivité qu’Arminka ne lui connaissait pas.

- Cette femme est sous la protection des Naharim, et aucune insulte ne lui sera faite. Vous avez souhaité la guerre, et nous vous l’avons apportée. La femme-loup a versé le sang honorablement, et…

- Honorablement !? Tempêta le Djunni. Honorablement ? Elle a tué des hommes qui demandaient merci. Des hommes désarmés. Nous exigeons qu’elle soit punie pour ses crimes. Vous ne lui donnerez pas la mort qu’elle mérite, alors acceptez au moins de la chasser de nos terres. Ou je le ferai.

- Vous ne ferez rien, Djunni ! Répondit vertement le maître de Djahar’Mok. Cette femme, quoi que vous en pensiez, demeurera à mon service et sera placée sous ma protection tant qu’elle se trouvera sur nos terres. Laissez-moi vous offrir cette paix… ou bien j’ordonnerai à cette femme de vous apporter la guerre.

Le Djunni garda le silence un long moment, puis après avoir jeté un dernier regard à Arminka, il répondit dans sa propre langue.

Personne ne daigna offrir une traduction à la jeune femme.


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Grains de Sel EmptyMer 10 Fév 2021 - 22:31
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Le retour à Djahar’Mok avait été triomphal.

Les hommes avaient célébré leur victoire et l’alliance conclue par des festivités qui s’étaient déroulées deux jours et deux nuits durant. Le maître de la ville avait serré quelques mains, son neveu Saar avait gagné une place importante dans l’entourage de son oncle, et les Naharim avaient été acclamés en héros protecteurs, alliés bienheureux, et tout un tas d’autres titres pompeux dont Arminka se fichait. Elle s’était tenue à l’écart de cette effervescence, ce qui avait convenu à tout le monde. Les hommes de la garde n’étaient pas très à l’aise en sa présence, et s’ils étaient prêts à la suivre au combat, ils ne voulaient pas vraiment l’avoir à table pour boire, chanter et danser. Quelques uns avaient bien essayé de l’approcher, mais c’étaient surtout de jeunes hommes un peu ivres qui fantasmaient sur leur officier supérieur. Rien de nouveau.

Elle avait passé le premier jour à se reposer, et le second à essayer vainement d’entrer en contact avec le prince Saar Alraddah. Trop occupé pour la recevoir, de l’aube au crépuscule, il lui avait indirectement fait comprendre que ses priorités étaient ailleurs. Et comment lui en vouloir ? Son monde s’étendait à peine plus loin que les frontières de sa cité, et à son échelle, il venait de remporter une grande victoire. Elle convint de le laisser célébrer, et entreprit de se retrancher seule dans ses appartements.

En rentrant ce soir-là, elle ne s’attendait pas à croiser la route du Commodore, cependant, qu’elle avait du mal à imaginer ailleurs qu’à bord de son navire. Le Lynx avait quitté Djahar’Mok avant l’arrivée des pirates d’Aric, mais de toute évidence ils étaient revenus pour une brève escale, et il avait souhaité lui parler. Elle leva les yeux au ciel en le voyant, mais accepta sa proposition de marcher quelques pas dans la fraîcheur du soir. A dire vrai, elle n’avait pas envie d’être seule.

- Arminka… J’ai l’impression que la ville vous doit beaucoup. Toutes ces célébrations, je me doute que vous avez contribué à ce triomphe. Et pourtant vous voilà, sobre comme une vierge, à peine plus souriante que si nous avions perdu. Mais dites-moi… vous n’êtes pas vierge, n’est-ce pas ?

Elle lui lança un regard interloqué. Avait-il toujours des questions aussi déplacées ?

- Célébrer ? Fit-elle en ignorant parfaitement son impolitesse. Je ne vois l’intérêt de célébrer la victoire d’une bande hétéroclite que je n’appellerais pas une armée, face à une bande tout aussi hétéroclite de pillards du désert.

Il fit un geste de la tête, comme pour lui concéder ce point, avant de reprendre :

- On dit que ce sont les vierges, les pires… Les femmes qui n’ont pas eu la chance d’être dressées par un homme… C’est comme les peuples, figurez-vous. Tant qu’ils ne se sont pas fait baiser bien profond par plus fort qu’eux, ils demeurent rétifs, farouches, un peu rebelles sur les bords… Vous voulez une mauvaise nouvelle ?

Elle n’avait aucune idée de ce qu’il lui voulait. Un instant il semblait monologuer, parlant pour lui-même avec l’air de vouloir la provoquer, et l’autre il paraissait revenir à leur propos comme si rien ne s’était passé. Déroutant.

- Aric s’est montré un peu plus déterminé que je le pensais… Son échec à Djahar’Mok l’a poussé à envoyer des hommes par voie fluviale, jusqu’à Urlok. Quelques négociateurs, qui sont chargés de lever des troupes, et d’apporter ensuite leur soutien à la cause. Nous ne pouvons pas laisser faire ça, n’est-ce pas ?

- Je ne suis pas à vos ordres, Commodore.

Elle s’assombrit un instant, mais le serpent en face d’elle savait se montrer persuasif :

- Je sais, Arminka, je sais… Vous n’êtes aux ordres de personne, sinon votre reine… Je comprends tous ces concepts, la loyauté, l’honneur, tout ça… Mais que croyez-vous que votre reine voudrait… ? Elle qui s’est donné tout ce mal pour m’offrir l’amitié et la paix ? Hm ? Que vous abandonniez ainsi un ami de la couronne ? Vous n’êtes pas bête, Arminka, ce qui est d’ailleurs fort rare chez les gens comme vous. Vous avez de l’esprit. Utilisez-le. Que se passera-t-il si les hommes d’Aric parviennent à soulever Urlok… Urlok la Couarde, Urlok la Dévastée, Urlok la putain des Seigneurs Pirates ? Que se passera-t-il quand le verrou de l’Harnen va sauter, hm ? Si ces hommes parviennent à convaincre les nouveaux seigneurs locaux, on pensera qu’ils ont la bénédiction d’Umbar… On pensera que le Harad peut réellement se soulever à nouveau… Et vous savez ce qu’il adviendra d’Urlok, quand les Gondoriens reprendront la ville ? Ils la raseront, jusqu’à la dernière pierre, ils en feront un exemple, et ils saigneront ce pays comme jamais encore le Harad n’a été saigné. Si j’étais vous, je ferais tout pour éviter ça.

La jeune femme médita ces paroles. Elle s’était engagée à apporter son aide à ceux qui voulaient soutenir le Harad, mais qu’est-ce que cela impliquait ? Faire les basses besognes de tous les tarés obsessionnels qu’elle rencontrerait ? Accepter de se sacrifier au profit d’individus qui ne pensaient qu’au pouvoir, et à leurs intérêts ? En même temps, elle savait que les alliés étaient rares dans ces terres méridionales, et que le combat qu’elle menait impliquerait de s’allier avec des hommes plus que douteux. Le spécimen qu’elle avait en face d’elle comptait parmi les pires, mais avait-elle le choix ?

- Tout faire pour éviter ça… Je suppose que je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?

- On a toujours le choix, Arminka. Toujours.


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