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La fraîcheur du matin s'estompait doucement tandis que le soleil poursuivait sa course dans le ciel d'Imladris. La sérénité avait repris le pas sur l'agitation et la dernière maison simple était redevenue un refuge pour ceux qui cherchaient la paix.

Arminas se tenait dans le fauteuil central de la salle du conseil. En réalité, la salle n'en était pas une car aucun mur n'en gardait les contours. Seules les fleurs et les plantes constituaient une barrière contre les regards indiscrets. Tant de décisions majeures avaient été prises dans ce lieu symbolique. Aujourd'hui encore, l'endroit allait être un lieu d'échanges, de débats et de décisions.

Le Seigneur d'Imladris demeurait assez serein par rapport aux événements qu'il allait falloir tirer au clair. Il n'était qu'un témoin lointain et indirect. Néanmoins, il avait bien senti que l'arrivée de Lithildren avait chamboulé l'harmonie de sa cité. Elle avait pris la vie d'elfes dont le destin était intimement lié à ceux d'autres habitants de la cité cachée. Se faisant, elle avait contribué à libérer un de ceux qui avaient failli ruiner à jamais Imladris.

Trois elfes se tenaient sur la droite d'Arminas, deux hommes et une femme. A sa gauche, un elfe solitaire et visiblement peu à l'aise tenait compagnie à un hobbit.

Des pas résonnèrent dans l'escalier tandis que le capitaine Serambeur s'approchait, menant la prisonnière vers son jugement.

Tous les seigneurs présents se levèrent à son arrivée. Serambeur la conduisit sur la gauche d'Arminas, juste à côté de l'elfe mal à l'aise. D'un geste de sa main, Arminas invita tout le monde à s'asseoir. Serambeur se tenait juste derrière Lithildren, une main sur le dossier de sa chaise, l'autre sur la poignée de son épée. Elle était venue se livrer volontairement mais le capitaine connaissait son caractère instable.

“Bien…”, commença Arminas. “Nous sommes réunis ce jour pour juger les crimes de Dame Lithildren et convenir d'une condamnation proportionnée à la gravité des faits commis. En tant que seigneur de ces lieux, il me revient de diriger ce conseil extraordinaire, d'énoncer les faits, de permettre à chacun d'exprimer ses arguments et de poser ses questions. Il reviendra au conseil, composé ce jour de Dame Eilae, Première Conseillère du Seigneur Laurelin, du Haut Conseiller Ovadiel et de Gwingloth, Maître de la Forge d'Imladris, de se se positionner quant aux charges qui pèsent sur l'accusée.. Dame Lithildren sera assistée par le Seigneur Basaclar. Sir Eugénion sera également présent, nous verrons s'il nous est utile d'entendre son témoignage.”

Le seigneur d'Imladris marqua une pause après cette introduction solennelle. D'un regard il s'assura d'avoir l'attention de toute l'assemblée.

“Je vais énumérer et rappeler les faits qui nous amènent à délibérer aujourd'hui. Suite à cela, j'énoncerai les questions auxquels les conseillers devront pouvoir répondre. L'accusée et son défenseur pourront alors s'exprimer. Chaque membre du Conseil pourra alors poser toutes les questions jugées nécessaires avant la délibération.”

Arminas marqua à nouveau une pause.

“Voici les faits. Le 28 mai de l'an 301 du quatrième âge, alors que vous aviez été recueilli à Imladris, sauvée des sédéistes de l’Ordre de la Couronne de Fer, vous avez libéré Oropher, un ennemi notable de notre cité et de notre peuple. Ce faisant, afin de faciliter vos méfaits et votre fuite, vous avez assassiné de sang-froid un garde et blessé un de vos frères d’armes.”

L’elfe millénaire laissa ses mots résonner dans l’air.

“Les questions auxquelles le conseil sera amené à répondre sont les suivantes. Tout d’abord, Lithildren était-elle en pleine possession de ses moyens au moment où elle a commis les actes qui lui sont reprochés ? Ensuite, était-elle consciente de la dangerosité d’Oropher et des conséquences de ses actes ? Enfin, Lithildren avait-elle prémédité ses méfaits ? Des réponses à ces questions dépendront la sévérité du jugement qui sera prononcé à son encontre. “

Le seigneur d’Imladris se tourna alors vers Lithildren et Basaclar.

“Je vous laisse présenter votre défense, le conseil vous interrogera par la suite.”

Les pas de Calion avaient fini par le mener à proximité de la Salle du Feu. En début de matinée, elle était traditionnellement vide, les habitants d'Imladris préférant la douce lumière des jardins à la semi-pénombre de la salle. Pourtant, en passant, le Régent de la dernière maison simple à l'ouest des monts brumeux ne manqua pas de remarquer une silhouette familière élégamment installée dans un des confortables fauteuil de la salle.

"Seigneur #Arminas", fit l'elfe millénaire.

L'interpellation tenait tant de la salutation que du questionnement. Arminas, Maître du Conseil Elfique, était un invité de marque et sa présence au sein de la cité aurait dû lui être signalée.


L'elfe aux cheveux blancs répondit par un sourire doux. Arminas, malgré ses hautes fonctions, était toujours resté d'une grande bienveillance et d'une sagesse sans égal. Il avait toujours réussi à exercer son influence dans la douceur et la conciliation. Il formait avec le Haut Prince Rustor un duo complémentaire. L'un conciliait, l'autre décidait.

" Cela fait trois jours que je suis arrivé à Imladris", répondit-il sans même que la question ne soit posée.

D'un geste léger il indiqua le siège en face de lui, invitant son interlocuteur à s'asseoir.

"Vous avez fait un travail remarquable pour redonner à la Salle son lustre d'antan."

Même si Imladris portait encore les stigmates du passage de Lamath, même si certains pertes ne pourraient jamais êtres compensées, la cité avait retrouvé une grande partie de son charme et de sa beauté.

"Cela faisait longtemps que je n'étais plus resté aussi longtemps au même endroit.", il laissa échapper un petit soupir.

La vie itinérante avait ses charmes mais Arminas regrettait souvent la chaleur d'un foyer. Malgré la légendaire longévité des elfes et leur extraordinaire résistance, la fatigue le gagnait peu à peu. Les moments de calme, de contemplation et de réflexion devenaient trop rares.

"Je voulais venir m'entretenir avec vous quelques jours avant le Conseil, vos compagnons m'ont indiqués que vous étiez indisponible. Peu importe, il nous reste quelques heures avant l'arrivée des autres."

Un voile passa sur le visage de Calion, il paraissait se réveiller d'un long sommeil.

"Calion, ça va ?", une véritable inquiétude transparaissait dans la voix d'Arminas.

Arminas conduisit Calion à travers les différents bâtiments de la ville. Ils sortirent un moment dans les rues pour emprunter le grand escalier qui menait à la Citadelle qui surplombait la ville. L'escalier était composé d'un grand nombre de marches étroites. Cela rendait la ville quasiment imprenable. Installé en haut de la cité, un petit groupe d'homme pouvait en défendre l'accès face à des ennemis beaucoup plus nombreux.

Lorsqu'il avait repris la cité, Rustor avait du affronter une certaine résistance dans l'escalier mais sa détermination lui avait permis de mettre à bas les ennemis. Pour Calion qui était resté de longs jours sans activité physique, la montée représentait sans doute une effort assez conséquent. Arminas le guidait, sautant chaque marche avec une grande légèreté. Derrière Calion, un elfe portait tout le matériel qu'il avait emmené avec lui dans la Cité du Prince Erumelgos.

" Nous vous avons trouvé un petit appartement dans la forteresse. Cela vous évitera de devoir redescendre et remonter les escaliers chaque jour... Le Conseil pourrait être long."

L'attitude d'Arminas semblait indiquer qu'il ne comptait pas détailler son point de vue, comme pour s'en assurer, il avait avalé en quelques secondes une dizaine de marches, de quoi s'éloigner considérablement de Calion. Ils arrivèrent enfin en haut de la cité dans la cour de la forteresse.

" Suivez-moi, le Conseil vous attend."

Ils prirent encore quelques embranchements dans la citadelle avant d'arriver face à une grande porte.

" C'est ici..."

La porte s'ouvrit, laissant Calion devant une large salle. De nombreux seigneurs elfiques s'y trouvaient. Calion reconnut Elladan et Elrohir, les fils d'Elrond, Laurelin le Seigneur des Havres Gris, Earwen l'épouse de Rustor, Angrod qui désormais régentait Vertbois, Gelmir et, au centre de l'assemblée, Rustor Erumelgos.

Arminas traversa la pièce et alla s'installer à côté de Rustor, son ami de toujours. La porte se referma et on amena une petite chaise à Calion au cas où il aurait désiré s'asseoir. Arminas commença alors à parler.

" Calion Palantir, nous sommes rassemblés ici pour parler de ce qui s'est passé à Imladris afin de tirer au clair les différentes responsabilités et convenir de la suite à donner à ces tragiques évènements..."

Rustor se pencha en avant et planta ses yeux dans ceux de Calion.

" Capitaine Palantir... Veuillez nous expliquer ce qui s'est passé dans la ville sur le temps où vous y étiez..."

#Calion #Rustor #Arminas #Laurelin #Earwen #Elladan #Angrod #Gelmir

Un elfe à l'allure noble, comme la plupart des elfes d'ailleurs, entra dans l'infirmerie. Il s'approcha des guérisseur et s'enquit de l'état de santé des blessés. Il semblait que les deux survivants de l'attaque sur Imladris soient stabilisés et capables de retrouver un minimum de liberté de mouvement. Il était temps, le Conseil Elfique s'enlisait et aurait bientôt besoin d'un peu de sang neuf pour réussir à régler la situation catastrophique des elfes.

L'elfe à la chevelure presque blanche s'approcha de Calion Palantir.

" Seigneur Palantir... Vous souvenez-vous de moi ? Je suis Arminas, Seigneur du Conseil Elfique... Je viens à vous afin de voir si vous êtes en état de parler. Vos guérisseurs estiment que vous êtes capable de supporter cette épreuve, mais je tenais à m'en assurer auprès de vous."

Son ton était doux et ses paroles semblaient couler comme du miel au bout d'une cuillère.

" Le Conseil requiert votre témoignage. Le Seigneur Sombre-Chêne a été nommé responsable d'Imladris. Il a perdu la ville et sa responsabilité personnelle est donc engagée... Cependant, le conseil tient à être juste avant de le condamner. Il aimerait pour ce faire avoir le témoignage d'une personne ayant échappé à l'attaque et ayant été témoin de cette sombre affaire."

Calion semblait ne pas avoir le choix. Le Conseil était divisé entre ceux qui imputaient une responsabilité totale à Sombre-Chêne et ceux qui tentaient d'atténuer sa peine. Le témoignage de Calion semblait le seul capable d'éclairer davantage la situation.

Arminas se tourna vers un autre coin de la pièce où se trouvait Sighild.

" Et vous ma Dame, vous sentez-vous prête à affronter les épreuves vous permettant de résider à Gar Thulion ?"

#Arminas

Arminas avait fermé les yeux, droit et immobile, quelques pas en retrait. Devant lui, le regard perdu dans le lointain, Rustor méditait. Il était resté figé plongé dans ses pensées depuis près de deux jours. Ces choses n'avaient rien d'étonnant pour un elfe et Rustor, depuis qu'il était revenu à Gar Thulion appréciait ces moments de réflexion.

Pourtant, sur son visage, Arminas qui le connaissait depuis des siècles, lisait de la douleur. Une douleur intense, celle du seigneur qui aimait son peuple.

Cette douleur datait depuis que la forêt noire avait vu s'entredéchirer le peuple elfique. A l'époque le général Erumelgos avait vu semer les graines de ce qui aujourd'hui lui déchirait le coeur. Arminas était là ce jour là, tout comme Gelmir qui se tenait aujourd'hui encore à ses côtés.

Gelmir fit un pas en avant, il savait que son frère pouvait encore rester dans le même état pendant des semaines entières. Il était temps pour lui de quitter son enveloppe de douleur et de retourner à Gar Thulion, le Dernier Refuge.

" Frère et Seigneur,... "

Sa voix était douce comme la brise qui soulève à peine les feuilles en automne. Rustor ferma rapidement les yeux et les ouvrit à nouveau.  

Un voix plus douce et plus cristalline encore brisa à nouveau le silence.

" Amour et Prince, je n'ai aucune certitude sur ce que mon esprit m'a montré... "

Rustor se tourna, doucement.

" Arminas, Gelmir... Étiez-vous là au Nord ? Avez-vous vu le Dragon ? "

Les deux elfes acquiescèrent.

" Alors vous savez comme moi que l'esprit de la Dame Earwen n'a pas usage de la tromper... "

Tous trois tentaient de lui faciliter la tâche, de lui libérer l'esprit du fardeau qui l'écrasait depuis que son épouse lui avait confié ses rêves.

" Il n'y a pas d'autres interprétation possible. Les elfes, paisibles et cachés, sont à nouveau menacés. "

Les mots de Rustor libérèrent le coeur de ses amis. Ils avaient compris eux aussi et ressentaient un chaud réconfort que leur Seigneur réagisse face au danger.

" Que devons-nous faire ?"

Gelmir avait parlé d'un ton calme, tout comme l'était la blanche cité endormie dans un sommeil presque surnaturel.

" Nous devons fermer les portes de nos cités. A commencer par celles de Gar Thulion. C'est le dernier refuge défendable de notre peuple. Envoyez des messages partout à travers le monde. Nos portes seront ouvertes aux elfes au coeur pur et loyal. "

Arminas inspira profondément.

" Et les autres ? "

Rustor fit un effort pour ne rien laisser paraître tandis que la tension devenait palpable.

" Nous ne pouvons prendre de risque... tout elfe qui connait l'entrée de la Cité et dont la loyauté n'est pas prouvée devra être traqué et éliminé... "


Ce fût au tour de Gelmir d'interrompre le silence de mort qui pesait dans la pièce.

" Tous ? Ne me demandez pas de m'en occuper... "

Rustor se tourna et le  fixa intensément dans les yeux.

" Envoyez un message à Calion Palantir de la Maison du Roi. Son coeur et loyal et son âme est pure. "

Arminas acquiesçât au contraire de Gelmir qui surenchérit.

" Et son bras est-il assez rapide et puissant ? "

Rustor le toisa à nouveau, jugeant en lui même la pertinence de la question.

" Il devra l'être, le combat sera rude... mais il le serait pour chacun d'entre nous."

#Arminas #Rustor #Gelmir #Earwen