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 Le chant du renouveau

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Helena
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Helena

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Le chant du renouveau EmptyLun 29 Juil 2024 - 15:52
En ce matin radieux d’été, Helena, emportée par l’espoir et le poids des adieux, s’était élancée sur les chemins poussiéreux du Gondor. Le lever du soleil avait baigné son village natal dans une douce lumière dorée, alors qu’elle disait au revoir à son passé pour embrasser son avenir. Chaque pas qu’elle faisait la rapprochait de Minas Tirith, la Cité Blanche, et son cœur battait avec une excitation mêlée d’appréhension.

Après plusieurs heures de marche à travers les collines ondoyantes et les vastes plaines, elle atteignit un hameau familier. C’était l’endroit le plus éloigné où elle s’était aventurée auparavant, un lieu de troc et de rencontres pour les villageois. Pour la première fois, elle se retourna et contempla la distance qu’elle avait parcourue. Les collines, pareilles à des vagues figées, s’étendaient à perte de vue, et son village avait disparu à l’horizon. Même le Gilrain, ce fidèle cours d’eau, était désormais hors de sa vue.

Profitant de cette halte, elle se ravitailla en eau et engagea la conversation avec les habitants du hameau. En reprenant sa route, une mélodie apprise de sa mentor, Elenriel, commença à monter en elle. « Le corps s’élève par l’esprit », répétait souvent Elenriel. Ainsi, chanter faisait partie de son entraînement, même si Helena n’avait jamais pleinement saisi le sens de ces mots. L’air qu’elle entonna était doux et mélancolique, empreint d’un calme qui semblait apaiser son âme.

Sur les sentiers du Gondor, là où les braves vont,
Je marche avec l'espoir, et le cœur plein de foi.
Sous le ciel étoilé, là où brillent les noms,
Des héros oubliés qui mènent mes pas droits.

Vers la Cité Blanche, où l'Arbre blanc s'élève,
Je porte dans mon cœur les chants des anciens jours.
À travers monts et vents, je franchirai sans trêve,
Pour que le Gondor vive, et brille en ses atours.


Enfin, après deux semaines de périple, les murs majestueux de Minas Tirith apparurent à l’horizon. La Cité Blanche se dressait, imposante et splendide, ses tours et remparts scintillant sous le soleil. Une vague d’émotion submergea Helena : joie, fierté et une pointe d’appréhension. Elle avait dédié sa vie à une ville qu’elle n’avait jamais vue, à un royaume qu’elle ne connaissait que par les légendes et les récits.

Passant sous les grandes portes de Minas Tirith, elle s’immobilisa, émerveillée par la splendeur de la cité. Jamais elle n’avait contemplé quelque chose d’aussi grandiose. Les sept niveaux de la ville s’élevaient, chacun plus majestueux que le précédent, touchant presque le ciel. Les pierres blanches des remparts et des édifices resplendissaient sous le soleil d’été, et la lumière jouait sur la surface lisse du mithril et de la pierre, créant l’illusion d’étoiles tombées du ciel.

La grandeur de la cité éveilla en Helena un respect profond et un émerveillement enfantin. Elle venait d’un modeste village aux maisons de bois et de chaume, où la vie suivait le rythme des saisons et des récoltes. Ici, chaque pierre semblait conter les histoires anciennes et glorieuses du Gondor. Les rues pavées résonnaient des pas de milliers de citoyens, soldats et voyageurs, tous pressés mais dignes.

Impossible de contenir l’émotion face à pareil spectacle. Un sourire béat, parsemé de gouttes brillantes, trahissait sa joie. Helena, la tête levée, sentit son cœur battre plus fort. La vue des remparts solides et des tours élancées remplissait son esprit de visions des grandes batailles passées, des héros du Gondor et des sacrifices faits pour protéger cette terre sacrée. Elle était arrivée, elle, simple fille de fermier, dans ce sanctuaire de l'histoire et de la puissance humaine. Ses yeux s’embuaient légèrement alors qu'elle tentait d'absorber toute la magnificence qui l'entourait.

Avançant dans les rues animées, elle observa la diversité des habitants : nobles en vêtements richement ornés, artisans affairés, enfants joyeux, et soldats en armure, droits et fiers. L'air résonnait des sons de la vie quotidienne - le cliquetis des marteaux, les cris des marchands, le murmure des conversations, et les chants lointains des troubadours. Elle accosta un soldat, qui lui indiqua gentiment la direction de la caserne.

L'aventurière débutante profita des derniers mètres qui la séparaient de sa destination pour sécher ses larmes et renouveler sa détermination. Son élan fut rapidement interrompu par la garde protégeant l’accès de la caserne. Après avoir expliqué la raison de sa venue, le factionnaire ne put contenir un sourire, joie ou moquerie, difficile à dire, mais la laissa franchir le poste en lui indiquant la personne à rencontrer.

Le cœur de Helena battait la chamade, son destin se jouait maintenant. Des peurs stupides qu’elle n’avait pas encore ressenties envahirent son esprit, comme oublier son nom, ne pas réussir à justifier son choix, dire papa au lieu de monsieur. Arrivée devant la personne, elle s’exprima d’une voix forte et claire, sans identifier plus en détail son correspondant.

Bonjour! Je voudrais m’engager et servir le Gondor. Peu importe où! Là où vous estimerez que je serai utile!

#Helena
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Evart Praven
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Le chant du renouveau EmptyLun 29 Juil 2024 - 21:25

- PUTAIN ! Mais laisse moi tranquille !

- Pas tant que tu vivras sous ce toit ! Tu obéis !


* Bordel, déjà de bon matin *

L’aube venait à peine de se lever que déjà sa femme et son fils s’engueulaient. Ils voulaient pas le laisser tranquille, putain… Impossible de se rendormir, maintenant. En plus, il faisait déjà drôlement chaud. Ernon se leva péniblement de son lit et enfila une tunique. Elle était censée être propre mais avec la chaleur de ces derniers jours… Sa jambe lui faisait mal. Péniblement, il se traîna jusqu’à la table. Il avait faim. Le pain était sec, il avait déjà quelques jours, alors il étala un peu de ragoût de légumes qu’ils avaient acheté l’avant-veille. Il avait déjà commencé à tourner et son goût aigre aidait à peine à faire passer le pain. Un grand claquement le surprit. Et merde… il venait de faire une tache de courgette molle sur sa tunique moche. Sa femme déboula devant lui :

- Mais tu vas bien faire quelque chose, bordel !

Il y a quelques années, Ernon se serait levé. Il aurait tempêté. Il lui aurait dit que c’était lui le chef de famille, c’était lui qui décidait. Aujourd’hui, il se contentait de fixer la fenêtre. Elle donnait sur un gros mur de pierre grise. Heureusement, ce gris n’était pas le même gris que les tristes murs de chaux vieillis et grisâtres de son appartement. Il porta à ses lèvres sa chope. Le vin était aigre, il avait tourné. On aurait presque dit du vinaigre. Quelle vie de merde… Même pas un petit remontant digne de ce nom. Son fils et sa femme continuaient à s’engueuler à coté. Cela n’aurait tenu qu’à lui, il leur aurait foutu deux baffes chacun pour leur apprendre le silence. En vrai, ça ne tenait qu’à lui, mais il avait la flemme de se lever. Il préférait continuer à fixer sa fenêtre. Tout à coup, il eut une idée lumineuse. Il se leva doucement, pour ne pas relancer sa jambe douloureuse et s’approcha de l’embrasure. D’une main, il déposa quelques miettes de pain pour attirer les oiseaux. On disait que les oiseaux aimaient le pain; et lui aimait les oiseaux, il aimait leurs petits plumages colorés et leurs petits gazouillis moqueurs. Il attendit mais aucun oiseau ne vint et il devait partir.

Il habitait tout en bas de la Cité Blanche, là où elle était grise et boueuse. Il n’avait pas les moyens d’habiter ailleurs. Tous les jours, malgré sa jambe qui lui faisait mal, il devait monter les cercles jusqu’aux casernes. Avant, c'était un soldat, et un bon. Aujourd’hui, il claudiquait péniblement jusqu’à la caserne. Encore, il avait la chance de savoir lire et écrire, il avait pu obtenir un poste à l'enrôlement. C’était aussi que son ancien lieutenant l’avait à la bonne. Après tout, il avait eu sa blessure à son service et celui du Roi. Lorsqu’il passa devant ce grand escalier, son cœur se serra. Il se souvenait de cette journée d’hiver, de cet exercice décidé au petit matin décidé par le général Cartogan. Maudit soit-il. Il se souvenait du verglas de l’escalier et de sa chute plusieurs mètres plus bas. Sa jambe en mille morceaux avait été recollée à grand peine mais plus jamais ils ne pouvaient servir à la guerre. Heureusement, son lieutenant avait obtenu que ce soit considéré comme une blessure au service de Sa Majesté. Maudite soit-elle.

Lorsqu’il arriva à la caserne, il soupira. Quel putain d’endroit de merde, ça aussi… Il en pouvait plus de voir toutes ces recrues joviales venir s’engager. Il avait juste envie de leur crier de fuir, de partir le plus loin possible de cette maudite armée. Ils se destinaient à une sacrée vie de merde. Malheureusement, s’il leur disait la vérité, il serait viré et perdrait le peu de stabilité qu’il avait dans sa vie. Non… En vrai, c’était l’inverse. Il avait trop de stabilité dans sa vie de merde. Ils étaient là parmi tous ces cons dans ce grand bureau lugubre avec cinq autres gratte-papiers chiants. Eux et tous les jeunes hommes qui passaient à longueur de journée. Quel enfer… D’un coup, l’un d’entre eux arriva avec encore plus d’emphase et de joie.

- Bonjour! Je voudrais m’engager et servir le Gondor. Peu importe où! Là où vous estimerez que je serai utile!

Mais quel maudit de putain d’enfer… Ernon n’osa même pas lever la tête. Il avait pas envie de voir le sourire béat d’un jeune homme plein de vie prêt à aller mourir pour ce maudit Roi dans ses guerres de merde.

- Vous avez le formulaire A48 ? Il est nécessaire pour être admis dans l’armée du Roi.

Il en pouvait plus de tous ces jeunes cons. Il en pouvait plus de cette vie de merde. Il en pouvait plus de rien. Mais il y avait un truc bizarre. Il leva le regard. Il y avait quelque chose de bizarre. Il plissa les yeux. Non, mais c’était quoi ce bordel. Il se frotta les yeux. Il n’en pouvait plus de tous ces incapables. Pourquoi avait-on envoyé une femme à son bureau ? Mais quel bordel… Pff… Il soupira. D’une voix lasse, il se fit violence d’être gentil :

- On vous a mal indiqué, ma petite dame. Pour devenir guérisseuse, il faut que vous alliez au maison de guérison, c’est eux qui gèrent ça pour l’armée. Et si c’est pour devenir cantinière, il faut que vous trouviez un marchand qui a déjà un contrat, il vous donnera peut-être du boulot. Moi, je peux rien pour vous. Du balais, maintenant.
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Le chant du renouveau EmptyDim 4 Aoû 2024 - 20:19
Le formulaire A48? Helena ignorait jusqu'à son existence. Un peu perdue, elle scruta l'homme en quête de davantage d'informations. Il était d'âge moyen, et son visage, creusé par les ans, portait les marques indélébiles de l'expérience. Avant qu'elle n'eût le temps de prononcer un mot de plus, l'homme leva les yeux et s'aperçut qu'une femme se tenait devant lui. Son ton changea aussitôt, se durcissant pour lui faire comprendre clairement qu'elle n'était pas la bienvenue.

Helena fronça instinctivement les sourcils. Était-ce une maladroite tentative d'humour ou une pensée sincère? Après avoir été congédiée, elle comprit qu'il s'agissait de la seconde option. Une réponse qu'elle ne pouvait accepter. Sans bouger, mais soutenant le regard de l'homme, elle s'exprima avec fermeté.

"Monsieur, je vous prie de m'excuser si je me suis mal exprimée. Si je suis ici, c'est pour combattre. J'ai été formée, et sans vouloir me vanter, je pense exceller au combat mieux que certains de vos collègues, qui ne se sont engagés que parce qu'ils ne savaient rien faire d'autre. Je m'entraîne depuis ma plus tendre enfance pour servir dans l'armée! J'ai appris à manier l'épée, le bouclier et l'arc. Je sais survivre dans la nature. Je suis dynamique et réactive! Je pourrais être d'une grande utilité! Testez-moi si vous ne me croyez pas!"

Helena avait un profond respect pour tous ceux qui servaient le Gondor, mais elle savait que beaucoup devenaient soldats pour la solde, la situation, ou pour fuir une vie à la campagne. La majorité apprenait l'art des armes durant leur formation; elle, elle avait des années d'avance sur eux. Elle posa sa main sur la dague que lui avait offerte sa mentor. Un instant plus tard, elle tendait l'arme au recruteur, la tenant par la lame.

"Je ne sais si cela peut vous convaincre, mais c'est un cadeau de l'elfe qui m'a formée pendant toutes ces années! Je viens ici avec sa bénédiction! Elle ne m’enverrait pas à une mort certaine!"

Les yeux brillants de détermination, elle poursuivit.

L’armée régulière, l’artillerie, la cavalerie, les rangers ou les gardes de la citadelle! Ou ailleurs, vous savez mieux que moi. Mais je serais un atout pour n’importe quel corps!
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Evart Praven
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Le chant du renouveau EmptyMer 7 Aoû 2024 - 22:11
Oscillant entre l’agacement et le désespoir, Ernon regardait la jeune fille d’un œil étrange. D’un côté, il était circonspect. Pourquoi une fille voulait-elle s’engager dans les armes ? Les filles n'étaient pas faites pour ça. De l’autre côté, l’homme sentait bien que cette histoire allait le faire chier. Elle avait l’air beaucoup trop motivée pour accepter d’être congédiée. Quelle conne… Elle pouvait juste se tirer plutôt que d’emmerder tout le monde. Surtout que bon… c’était une sacrée métier de merde. Cela aurait presque été une bénédiction pour elle. Elle avait l’air bien trop gentille et innocente pour aller à la guerre. Il n’avait qu’une envie : lui crier au visage de fuir, fuir le plus loin possible, de fuir chez elle, de fuir loin de la guerre. Mais il avait plus l’énergie, plus l’énergie de crier, plus l’énergie de la dissuader, plus l’énergie de s’engueuler… Alors il se pencha sur sa chaise, hélant un vieux soldat au fond de la pièce :

- Isthan ! Appelle le patron ! se tournant vers Helena, il ordonna. Attendez, vous, là.

Il fallut quelques minutes pour que le lieutenant Malegeon débarque. Il était probablement en train de se gratter le cul dans son bureau à l’étage du dessus. Qu’il était con lui aussi… En même temps, un mec toujours lieutenant à presque soixante ans alors qu’il était issu d’une bonne famille d’Osgiliath… Il avait dû sacrément briller dans la merde pour stagner dans ce service de paumés et de minables pendant des décennies. Il avait la mine aussi abrutie que l’était son caractère. Il fallait juste le savoir. De sa voix de gueulard, il lança :

- C’EST QUOI CE BORDEL ?!?

- C’est pour la petite dame, elle veut s’engager. Lieutenant.

- COMBIEN DE FOIS IL FAUT QUE JE LE DISE. POUR ÊTRE GUÉRISSEUSE, C’EST LES MAISONS DE GUÉRISON. POUR CANTINIÈRE, ELLE SE TROUVE UN MARCHAND QUI BOSSE. C’EST CLAIR ?!

Comme d’habitude, il gueulait. Un sacré con lui aussi. Heureusement, c’était pas Ernon qui devait le convaincre alors il laissa Helena à sa merde. Après tout, tant d’entrain et d’allant pour aller se faire massacrer dans les armées du Roi, elle pouvait bien convaincre l’autre con alors il la laissa à son laïus. Lorsqu’elle eut fini, le lieutenant prit son regard circonspect. Ernon connaissait bien ce regard, il ressemblait à celui d’un poisson crevé. Il était bête à bouffer du foin, ce lieutenant. On aurait dit une poule devant un couteau. Heureusement, il fit la seule chose sensée à faire :

- ISTHAN ! Va me chercher, Bothren !

De toute l’équipe d’attardés mentaux qui composaient ce bureau d'enrôlement, il y en avait qu’un qui tenait la route : le sergent Bothren. Lui avait une vraie expérience du combat et, en plus de ça, il était pas con. Après sa blessure à la guerre, il avait été affecté ici mais son cerveau était encore à peu près fonctionnel. Dès qu’il y avait un truc important, c’était lui qui donnait la solution.

- On a besoin de toi, c’est pour la petite dame, là.

- Bien, Lieutenant. Pour madame, c’est simple. Si elle souhaite devenir guérisseuse, elle devrait plutôt s’adresser aux maisons de…

- ON SAIT ! ELLE VIENT POUR NOUS !

- Ah, intéressant. Laissez-moi quelques secondes.


L’homme sortit un petit carnet relié de cuir vert. Il feuilletait ses petites pages de fin parchemin. Le temps parut comme se figer. Tout le monde était suspendu à l’avis du vieux sergent.

- Ah, intéressant. Je vous confirme, il n’y a rien dans la loi qui empêche une femme d’intégrer les rangs de l’armée. Notez que j’ai rarement vu un cas semblable mais, en général, les femmes qui s’engagent prennent des noms et apparence d’hommes. Rien d’obligatoire mais je ne sais pas comment vous comptez vous y prendre, Madame ? Néanmoins, étant donné la situation un peu particulière, il me paraîtrait sage d’évaluer ces compétences.

- D’acc… D’accord. On fait ça. Au … Au boulot tout le monde.

Avec tout le spectacle qui se déroulait dans le bureau de recrutement, tout le monde s’était arrêté de travailler. De la plus humbles des recrues au plus incapable des gratte papiers, tous regardaient le petit manège. Certains commençaient même pas à s’agglutiner autour d’eux pour mieux saisir ce qui se disait. Après tout, rien ne valait un bon cancan. Puis bon, une femme qui s’engageait n’était pas une affaire banale. Cela dû sembler très pénible au lieutenant qui beugla :

- DEHORS !

* Quel sacré con celui-là… Et tous les autres cons, là aussi… Ils ont que ça à foutre *

Visiblement, Ernon n’était pas convaincu par tout le bordel qu’il voyait, il aimait l’ordre. Peu à peu, le bureau se vida de tout son monde pour rejoindre la cour de la caserne. A mesure qu’un cercle se formait autour d’Helena, tous ceux qui passaient par là rejoignait cette joyeuse farandole. Devenue une véritable attraction, Helena fut laissée seule au milieu de ce petit monde pendant que le lieutenant alpaguait des recrues encore en formation. Il porta son dévolu sur un conscrit en fin de formation, un golgoth de deux mètres aux épaules comme un taureau et aux bras larges comme des cuisses. Un mec solide capable de foutre une raclée à la petite prétentieuse. Au moins, si elle était battue, le lieutenant aurait réglé la question. Ni vu, ni connu. L’homme se plaça au milieu du cercle, face à Helena. Tandis qu’un homme approchait des épées d'entraînement en bois, le lieutenant gueula :

- Range ça, abruti ! File la tienne ! Pas besoin de jouets pour enfants !

Vite fait, bien fait, le problème allait être résolu. Le lieutenant avait choisi l’autre montagne et de vraies épées pour se faciliter la tâche. En deux coups de cuillères à pot, il allait l’estropier et hop, fini le recrutement, fini les emmerdes. Puis bon, ça lui éviterait d’envoyer une bonne femme dans les régiments du Roi.
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Helena
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Le chant du renouveau EmptyVen 9 Aoû 2024 - 11:14
Elle ne comprenait pas ce qui se passait autour d’elle. Les hommes qui se succédaient pour la juger lui semblaient tous tenir le même discours, comme s’ils récitaient une leçon apprise par cœur. Pourquoi? Qu’est-ce qui faisait qu’une femme était plus qualifiée pour la guérison et la restauration? Était-ce le sens de l’attention? L’intelligence? Non, c’était absurde. Tous, hommes et femmes, possédaient les mêmes capacités, les mêmes forces et les mêmes faiblesses. Alors pourquoi cette insistance à la cantonner à des tâches de soins?

Une troisième personne arriva, semblant confirmer que la situation était vraiment inhabituelle. On l’avait bien avertie que les femmes prenaient rarement les armes, mais si même à Minas Tirith cette idée semblait inconcevable… Ce nouvel arrivant, Bothren, parlait avec le même ton, les mêmes mots que ses prédécesseurs. Helena, commençant à être sérieusement agacée d’être sans cesse sous-estimée, s’apprêtait à protester avec force, mais elle se ravisa lorsque le dernier venu prononça enfin des paroles sensées.

Ils voulaient la tester. Parfait. Elle se souvint des conseils de sa mentor : souvent, un combat pouvait être évité en affrontant directement le chef ou la personne la plus redoutable. Tandis qu’elle se dirigeait à l’extérieur avec le reste de la troupe, son regard scruta les hommes présents. Elle en aperçut un qui se détachait nettement du groupe, une véritable montagne de muscles, parfait pour ce qu’elle avait en tête. Il fallait qu’elle l’affronte, lui, et le destin semblait être de son côté, car ce fut précisément cet homme que l’on désigna pour l’épreuve. Helena jeta un regard plein de gratitude au lieutenant, se promettant de le remercier plus tard.

Lorsque l’homme chargé d’apporter des armes en bois fut renvoyé, puis même dépouillé de sa propre épée, elle ne parvint pas à contenir le mépris de son regard. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait jugé bon d’humilier ainsi le pauvre homme, mais peu importait. Ainsi, le duel se ferait avec de véritables armes? Parfait. Personne ne pourrait alors insinuer que le combat était trop facile ou dénué de danger. Il lui faudrait vraiment remercier ce chef, songeait-elle, même si le mot « bienveillant » n’était certainement pas celui qu’elle aurait choisi pour le décrire.

Helena saisit l'épée qu’on lui tendait, une arme dont le poids n'aurait pas déstabilisé un vétéran. Elle la jaugea un instant, la faisant tourner dans sa main pour en éprouver l'équilibre, avant de poser son regard acéré sur son adversaire. Le géant qui se dressait devant elle, ce colosse au visage de brute, la toisa de toute sa hauteur. Un sourire narquois flottait sur ses lèvres, comme s'il savait déjà l'issue de ce combat.

Le cercle des soldats, qui s'était formé autour d'eux, se resserrait, créant une arène improvisée. Les murmures et les rires discrets se faisaient entendre ici et là, des paris étaient probablement déjà en cours sur la rapidité avec laquelle l’importune serait mise à terre. Mais elle ne prêta aucune attention aux moqueries. Elle sentait son cœur battre dans sa poitrine, non pas d'appréhension, mais d'une excitation qui la traversait de part en part. Parmi tous les entraînements, c’étaient les véritables combats qu’elle préférait, et en cela, Elenriel ne l’avait jamais ménagée.

L'instant où tout s'immobilisa, où le silence tomba brusquement, marqua le début du combat. Le colosse attaqua le premier, avec une brutalité aveugle. Sa lame fendit l'air dans un sifflement menaçant, cherchant à abattre Helena d'un coup unique et implacable. Mais elle esquiva avec une agilité surprenante, se déplaçant d'un pas fluide sur le côté, si rapide que l'attaque de son adversaire ne rencontra que le vide.

Sans perdre une seconde, Helena contre-attaqua. Son épée jaillit vers le flanc découvert du géant, une frappe rapide et précise, mais le conscrit, s'il était lourd, n'était pas lent. Il para habilement, le métal résonnant dans un claquement sec. Le choc fit vibrer leurs lames, mais Helena n'attendit pas qu'il se rétablisse. Elle pivota sur elle-même, une rotation gracieuse, pour frapper à nouveau, visant cette fois son autre côté. Le géant, désarçonné par la rapidité et l'adresse de son adversaire, ne put esquiver totalement le coup. L'épée d'Helena effleura son bras, une coupure superficielle mais suffisante pour faire couler un mince filet de sang. Le colosse grogna, plus de surprise que de douleur, et recula de quelques pas pour réévaluer la situation.

Les ricanements avaient cessé. Les soldats observaient désormais avec une attention nouvelle, un respect naissant dans leurs regards. Son style devait assurément être déconcertant, non seulement pour son adversaire, mais aussi pour les spectateurs. Elle n’avait pas appris le maniement des armes parmi les Hommes, et cela se percevait. Bien qu’elle ne puisse qu’effleurer la grâce des Elfes, leur empreinte était visible dans chacun de ses mouvements, aucun d’eux n’étant superflu.

Le géant, piqué au vif, décida d'adopter une approche plus prudente. Il arrêta ses assauts téméraires et commença à avancer prudemment, cherchant une faille dans la défense de la jeune femme. La guerrière, de son côté, se mouvait avec l'élégance d'une panthère, ses yeux ne quittant jamais ceux de son adversaire. Ils tournaient l'un autour de l'autre, cherchant le moment propice pour frapper, dans une tension palpable.

Enfin, il attaqua à nouveau, cette fois avec une série de coups rapides, tentant de la submerger par sa force brute. Mais Helena, vive comme l'éclair, parait chaque coup avec une maîtrise remarquable. Leurs lames s'entrechoquaient, créant un concert métallique qui résonnait dans la cour. Chaque fois que le géant croyait avoir trouvé une ouverture, elle se dérobait comme une ombre, glissant hors de sa portée.

Puis, en un éclair, elle profita d'une ouverture dans sa garde. D'un pas rapide, elle se faufila sous sa garde et frappa à l'arrière de son genou, forçant le géant à ployer. Il bascula en avant, déséquilibré, et Helena, dans un autre mouvement fluide, pivota pour frapper à nouveau. Cette fois, sa lame siffla près de son cou, s'arrêtant à une fraction de pouce de sa peau. Un silence tomba sur la scène, lourd et plein d’interrogation. Le géant, le souffle court, était à genoux devant elle, sa poitrine se soulevant lourdement. La pointe de l'épée d'Helena restait suspendue près de sa gorge, immobile mais tranchante.

Elle relâcha sa prise et se tourna vers celui qui avait initié le duel.

« Si ce sont mes cheveux ou mon nom qui posent problème, je n’hésiterai pas à me défaire de l’un ou de l’autre, mais je prendrai les armes, quoi qu’il advienne ! »
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Evart Praven
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Le chant du renouveau EmptyLun 19 Aoû 2024 - 21:47
Haletant et difficile, le combat déchaîna les passions dans l’assistance. Pour nombre de jeunes recrues, un frisson les envahit. La plupart n’avait jamais vu un vrai duel alors le puissant et impressionnant colosse contre la vive et redoutable bretteuse était dès plus excitant. Finalement, les jeunes hommes du Gondor n’étaient pas différent de ceux du Khand qui se pressaient dans les Arènes de Kryam. D’ailleurs, on y jouait probablement autant. Les paris avaient fusé et, d’après le cours, ils étaient peu à parier sur une victoire de la jeune femme. Seuls quelques fous avaient parié sur elle, peut-être par la confiance qu’elle inspirait, peut-être parce qu’ils la trouvaient jolie, peut-être par l’attrait de la côte d’un pour dix. En tout cas, ils furent grandement récompensés. L’autre fou de lieutenant semblait furieux. Premièrement, sa stratégie avait été mise en échec et il était bien obligé de laisser la petite dame intégrer l’armée royale. Quelle humiliation pour lui… En plus, cette petite cruche avait été assez maline pour ne pas lui faire de mal. Quel dommage… Cela aurait été si commode. Elle l’aurait amoché, ou pire tué, il aurait pu l’accuser d’être une simple hystérique, incapable de se contrôler, incapable de tenir une arme et incapable de servir. Il aurait pu la faire jeter dans une cellule pour quelques années et être débarrassé du problème. Maintenant, il lui fallait gérer ce problème. Et puis, non, tant pis, c’était celui qui l’avait mis dans la merde qui aurait à le gérer. Ainsi, le lieutenant lui beugla :

- LA FERME ! UN MOT DE PLUS ET C’EST DEUX SEMAINES DE CACHOT ! BOTHREN ! TU T’OCCUPES DE ÇA ! LES AUTRES ! AU BOULOT ! LE ROI VOUS PAYE PAS À VOUS GRATTER LES COUILLES ! ET VOUS ME FEREZ DES CORVÉES D’AVANCE !

De toute évidence, le lieutenant était énervé. Comme tout le monde savait que c’était un sacré con, la foule mit moins d’une minute à se disperser. A la fin, il ne restait que le vieux Bothren et la jeune Helena. Tous deux prirent quelques dizaines de secondes pour se jauger. D’un coté, cette jeune femme dans le plus bel âge et la meilleure des formes, de laquelle émanait une énergie rayonnante et une force conquérante. De l’autre côté, ce vieux monsieur à l’âge du déclin, marqué par la vie et les guerres, duquel émanait la force tranquille de l’expérience et la sagesse des vieux briscards. D’une voix posée, il constata la fureur de son vieux lieutenant et invita la jeune femme à entrer avant de l’amener dans son étroit bureau. Il n’y avait qu’une toute petite fenêtre en hauteur mais au moins, il y était tranquille. Tous deux purent s’asseoir et commencer :

- Toutes mes félicitations pour votre duel. Vous savez vous battre et le Royaume aurait perdu quelque chose en vous envoyant chez les guérisseurs ou un marchand de l’armée. Pour être tout à fait honnête; je pense même qu’on peut vous éviter le dégrossissage à Minas Tirith. Vous avez l’air de vous débrouiller même s’il vous faudra apprendre à la fermer et obéir. Mais bon, je me fais pas de soucis là dessus, vous avez la tête dur mais un officier et les sergents aussi. Pour savoir où je vous envoie, je vais avoir besoin d’en savoir un peu plus sur vous et ce que vous savez faire. Peut-être aussi ce que vous préférez. Je verrai où je peux vous envoyer.
#Bothren
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Le chant du renouveau EmptyJeu 29 Aoû 2024 - 22:05
Lorsque le lieutenant éleva la voix, sa rage éclatant comme un orage soudain, Helena ne put s'empêcher de laisser apparaître un mince sourire en coin, une expression discrète, à peine perceptible, mais révélatrice de ses pensées. Les hommes autour d'elle se dispersèrent rapidement, comme une volée d'oiseaux effrayés par un cri perçant. Pourtant, dans l'esprit d'Helena, une inquiétude naissait. Si cet homme était représentatif des officiers de l'armée royale, comment pourrait-elle les servir avec honneur et loyauté ? Mais elle chassa bien vite cette pensée, préférant se tourner vers Bothren, l'homme à qui elle devait ce duel, cet ancien soldat au regard empreint de sagesse et de sérénité. Sans un mot, elle accepta son invitation à le suivre, laissant derrière elle la tension de l'arène pour pénétrer dans la quiétude du bureau.

Helena ne put s'empêcher de ressentir une certaine admiration pour cet homme qui, malgré les années et les combats, savait encore reconnaître la valeur d'un soldat. Il lui parlait avec une franchise respectueuse, une rareté dans ce monde où les jeunes recrues étaient souvent traitées avec condescendance. Dans cet instant, Helena se surprit à penser que cet homme, avec sa sagesse tranquille et son respect des autres, était probablement son humain préféré de la caserne.

Lorsqu'il évoqua la possibilité d'éviter le dégrossissage à Minas Tirith, elle sentit une vague de perplexité la submerger. Elle n'avait jamais envisagé d'obtenir un passe-droit ; cela n'était pas dans son esprit. Était-ce un piège ? Une manière subtile de la tester, de voir si elle était prête à renoncer à la rigueur pour un avantage personnel ?

Elle savait bien qu'une des premières qualités d'un soldat était de se taire et d'obéir. Cette leçon, on n’avait eu de cesse de lui répéter dans son petit village. Pourtant elle n’avait pas l’impression d’avoir abusé cette fois-ci. Aurait-elle dû accepter de devenir cantinière? Il n’allait pas tarder à ne plus être l’humain favori.

Cependant, la lumière de l’optimisme, qui jamais ne la quittait, brillait encore en elle. Elle prit une grande inspiration, et, avec un sourire enjoué qu'elle ne parvenait à réprimer, elle se présenta :

« Eh bien, je me nomme Helena. J’ai vingt ans, célibataire et libre comme l’air! Je suis née dans un coin reculé de cette terre que vous ne connaissez probablement pas. Dans le Lebennin profond, non loin des rives du Gilrain»

Elle parla avec un enthousiasme sincère, son regard pétillant de la vivacité propre à la jeunesse. Une mèche de ses cheveux, d’un doré rappelant les blés mûrs sous le soleil d'été, tomba devant ses yeux. Elle tenta d’abord de la repousser d’un souffle léger, soufflant trois fois avec une insouciance qui trahissait son caractère, avant de finalement la remettre en place d’un geste rapide de la main.

« Je n’ai pas eu la chance de connaître ma mère, mais j’ai trouvé une figure maternelle en la personne d’une elfe que j’ai rencontrée enfant. Dès notre première rencontre, je l’ai harcelée pour qu’elle m’entraîne, et elle a fini par céder à mes demandes. C’est à elle que je dois la majeure partie de mon éducation. Sa patience et sa bienveillance ont façonné bien plus que mon art du combat. Elle m’a enseigné à manier l’épée selon le style elfique, et bien que cela me soit précieux, je me demande si cela suffira dans une unité constituée. Peut-être serait-il plus judicieux que je fasse mes classes comme les autres, pour apprendre à me battre en formation ? Enfin, c’est vous qui savez! »

Elle marqua une pause, non pas par hésitation, mais pour rassembler ses pensées. Son esprit était une cascade de souvenirs, d'apprentissages, de leçons gravées au plus profond d'elle-même, et elle voulait s'assurer que Bothren comprenne pleinement qui elle était et ce qu'elle apportait avec elle.

« Je lui dois tant, continua-t-elle, sa voix empreinte d’une gratitude sincère. J’ai appris le chant, la lecture, l’écriture ; elle m’a même enseigné les rudiments de sa langue, bien que je sois loin de pouvoir soutenir une conversation complexe. Elle m’a aussi appris à distinguer les plantes utiles pour les remèdes courants, les bases de la survie en forêt, la chasse, le pistage… J’ai appris à tirer à l’arc, mais je dois avouer que ce n’est pas ce que je préfère. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est l’escrime. Le maniement de la dague et de l’épée, le jeu subtil des mouvements, la force et la grâce mêlées dans un même geste. C’est là que je me sens vraiment moi-même. »

Helena se perdit un instant dans ses souvenirs, revivant en pensée les nombreuses heures passées à s'entraîner sous l'œil vigilant de son mentor. Chaque coup, chaque parade, était imprégné de la sagesse millénaire des elfes, et elle savait que ce savoir était précieux, unique en son genre. Mais elle se demandait si cela suffirait à la rendre digne de servir aux côtés des hommes du Gondor, ces protecteurs infatigables de la Terre du Milieu.

« Quant à ce qui m’a amenée ici… » Elle marqua une nouvelle pause, son regard se perdant un instant dans les flammes dansantes du foyer. « Mon père me parlait souvent de notre histoire, du courage et de l’honneur des hommes qui ont défendu notre terre. Et Elenriel, l’elfe qui m’a élevée, complétait ces récits par ses propres souvenirs, ses propres observations. C’est ainsi que j’ai grandi, avec une admiration profonde pour notre nation et ses protecteurs, ceux qui ont tout sacrifié pour ce peuple, sans jamais rien attendre en retour. Je veux être comme eux. Pour moi, c’est l’acte d’amour le plus beau qui soit. »

Elle termina son récit, se tournant de nouveau vers Bothren, son visage illuminé par un sourire innocent, une douceur presque enfantine dans son expression. Penchant légèrement la tête sur le côté, elle marqua ainsi la fin de son discours, comme si elle s'excusait presque d’avoir tant parlé. Mais au fond d’elle-même, elle savait que tout ce qu’elle avait dit était nécessaire, car pour être correctement placée, elle devait être pleinement comprise.
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Le chant du renouveau EmptyDim 8 Sep 2024 - 18:58
Le vieux sergent se redressa malgré lui en entendant les paroles de la jeune femme. Le courage et l'honneur des hommes qui ont défendu notre terre...Oui, c'était ça aussi l'armée du Gondor, même s'il avait tendance à l'oublier, coincé derrière un bureau dans une caserne loin des frontières, entouré d'incompétences et de carriéristes.

Il se gratta le menton, pensif. C'était rafraichissant de voir quelqu'un avec des idéaux et de l'enthousiasme, sans pour autant être un incapable. La naïveté n'était pas toujours un défaut. Elle la perdrait bien assez vite...Mais en attendant, le lieutenant lui avait laissé un sacré casse-tête à résoudre. Il répondit:

-Je vois. L'art de l'escrime est important dans l'armée, Helena. Je verrai si je peux vous envoyer dans un Otharrimion où vous pourriez en faire bon usage - il s'arrêta en voyant la confusion sur le visage de son interlocutrice. - Un Otharimion c'est une Compagnie, composée d'environ cinq cent hom...soldats. L'armement, les responsabilités et le prestige de ses compagnies varient selon leur histoire, leur emplacement et la qualité de leur commandant. Mais vous avez raison. Pour l'instant vous êtes une recrue, et savoir manier une épée ne fait pas de vous un soldat. J'aurai besoin de quelques jours, ou peut-être même quelques semaines pour réfléchir et faire les démarches nécessaires...pendant ce temps-là, vous vous entrainerez ici. On verra si après une semaine de vie de recrue vous serez toujours dévouée à cet 'acte d'amour le plus beau qui soit'. - Sa vieille cicatrice lui faisait mal. Un acte d'amour, tu parles.

Il se racla la gorge, gêné:

-Par contre, je peux pas vous laisser loger avec les autres, c'est trop risqué...C'est pas des mauvais gaillards pour la plupart, mais quand-même. Ils ont tendance à bizuter les nouvelles recrues, et avec vous ça pourrait être pire. Et celui à qui vous avez botté les fesses publiquement pourrait vouloir se venger de cette humiliation. La présence d'une jeune femme dans le dortoir, loin d'être une mocheté qui plus est, pourrait éveiller des instincts indignes d'un soldat du Gondor. Ah, et évitez de vous vanter trop d'être célibataire et libre comme l'air. Ca pourrait être mal interprété

Il tapota des doigts sur son bureau.

-Il y a trois pièces derrière les cuisines, utilisées par le personnel qui prépare les repas pour ceux qui sont de garde pendant la nuit. Pour l'instant vous logerez dans l'une d'entre elles, accessible seulement aux femmes. On verra pour la suite. Ce sera tout pour l'instant, recrue Helena. Et n'oubliez pas. Fermez-là et obéissez les ordres.

***

Deux journées s'écoulèrent. Les nouvelles recrues n'avaient pas de permission pour s'aventurer dans la Cité Blanche, et le monde de la jeune femme se limitait à présent à l'énorme bâtisse et sa cour intérieure. Les cuisinières la laissèrent loger avec elles, mais ne semblaient pas à l'aise à l'idée d'interagir avec l'étrange femme guerrière. Quant aux soldats, personne ne l'invita à rejoindre leur table pendant les repas. Seul un jeune homme à la chevelure blonde et bouclée s'était approché d'elle lors du souper:

-Je m'appelle Ramrod, enchanté. Je peux te montrer les ficelles si tu veux, t'expliquer comment ça marche ici...Contrairement à la plupart, je suis très confiant en ma masculinité, et je n'ai aucun problème avec l'idée d'être mis à terre par une femme.   - Il lui fit un clin d'oeil, en l'invitant à s'asseoir avec lui.

***

Le lendemain, l'ordre de partir en patrouille fut donné. Les recrues furent divisées en des groupes de six, chacun accompagné d'un soldat plus expérimenté. Dans l'armurerie, Helena fut confrontée à un autre problème. Les cottes de maille qu'ils devaient porter étaient trop grandes à certains endroits, et trop étroites à d'autres. Les casques lui tombaient sur les yeux, tandis que les tabards noirs avec le symbole de l'arbre blanc qu'ils devaient tous porter, pendaient jusqu'à ses chevilles. Elle n'avait pas beaucoup de temps pour faire des ajustements, avant de recevoir une lance dans la main. L'ordre de départ avait été donné.

Quitter la caserne était rafraichissant, et une opportunité pour la jeune femme de découvrir la capitale du Gondor. Elle constata que certaines pierres blanches étaient abîmées ou noircies, et des nombreuses fenêtres recouvertes de planches de bois. Les cicatrices des événements qui avaient secoué Minas Tirith une poignée des mois auparavant.

La patrouille durait depuis quelques heures déjà, et l'équipement était lourd. Le soldat leur avait permis de s'arrêter près d'une fontaine publique pour se désaltérer.

Soudainement, ils entendirent la voix d'une femme derrière eux.

-Aidez-moi! A l'aide, je vous en supplie!

Les recrues levèrent les armes, cherchant une menace invisible.

-C'est mon père...on nous a ordonné de quitter la maison où on loge, apparemment la structure est devenue instable après les émeutes...il est très malade, et en essayant de descendre les escaliers pour partir, il a fait un malaise! Venez l'aider, s'il vous plait! - s'écria la jeune femme de manière un peu chaotique.

Le soldat répondit sèchement:

-Calmez-vous, citoyenne. Il faut faire appel aux Maisons de Guérison dans ce cas. L'armée est là pour garantir la sécurité de la ville, pas pour soigner les malades, transporter des vieillards ou récupérer des chats dans les arbres. Vous atteindrez les Maisons de Guérison en une demi-heure de marche tout au plus. Allez les recrues, on continue la patrouille. - Il regarda Helena avec une lueur dans les yeux - sauf si tu veux t'y coller toi, la guérisseuse?

Des larmes de frustration brillaient dans les yeux de l'inconnue, qui tourna son regard vers Helena. A une trentaine de pas plus loin se trouvait une grande bâtisse avec la porte ouverte. La façade était noircie, comme si le bâtiment avait été touché par le feu il y a un certain temps.


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Le chant du renouveau EmptyMar 10 Sep 2024 - 16:10
Helena écoutait avec sérieux les paroles de Bothren. Le vieux sergent, malgré son visage buriné et ses airs de fatigue, lui parlait avec un respect qu’elle ne s'attendait plus à trouver en ces lieux austères. Elle sentait, dans ses mots choisis avec soin, l’écho de quelque chose de plus profond que la simple discipline militaire. Il parlait d’un monde qu’elle n’avait pas encore pleinement découvert, celui des vétérans fatigués, des campagnes lointaines, où la gloire était souvent bien mince comparée aux cicatrices laissées par le temps et la guerre. Bien qu'elle ne comprît pas entièrement le sens de ses paroles, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la sympathie.

Lorsqu'il évoqua les Otharrimion, une lueur d’émerveillement illumina les yeux d’Helena. L’idée de rejoindre une telle compagnie, empreinte d’une histoire noble et d’un honneur ancien, raviva en elle le feu de ses idéaux. Mais elle était bien consciente que son périple ne faisait que commencer. Elle n’était qu’une recrue, et malgré l’entraînement rigoureux d’Elenriel, l’épreuve parmi les soldats du Gondor serait d’une nature différente. Il y avait des leçons que la solitude des forêts ne pouvait enseigner, comme la véritable camaraderie.

La jeune femme ne cherchait aucun privilège. Elle désirait avec ferveur le bizutage et l’intégration complète dans le groupe. Pourquoi lui refuser cela ? Cependant, elle comprit bientôt la raison de cet obstacle et sentit ses joues rougir au point de rivaliser avec les fruits mûrs du verger. Sa déclaration de célibataire, sans intention malveillante, devenait ridicule dans la bouche d'un autre. L’avertissement du sergent était clair : il lui fallait apprendre à se taire.

Avec une inclinaison respectueuse de la tête, Helena montra sa compréhension. Elle savait ce que signifiait l’humilité. Sa présence ici n’était pas pour briller d’un éclat fugace, mais pour apprendre et se dévouer à une cause plus grande qu’elle-même. Même si elle ressentait parfois l’injustice de son sort, en particulier le fait d’être mise à l’écart des autres recrues à cause de son sexe, elle acceptait cette situation avec une sérénité résignée. D’autant plus que les gestionnaires des vivres étaient, en quelque sorte, les meilleurs amis qu’on pouvait espérer.

***

Les jours suivants se déroulèrent dans un silence morne pour Helena. Logée dans une modeste chambre adjacente aux cuisines, elle se trouva isolée, loin des autres recrues. Les cuisinières, bien que polies, demeuraient distantes, comme si la présence d’une jeune femme formée à l’épée dans leur domaine perturbait l’ordre naturel des choses. Elles échangeaient des murmures entre elles, lui lançant des regards furtifs sans jamais oser entamer une véritable conversation.

Helena mangeait seule, observant les soldats d’un œil attentif, mais personne ne semblait prêt à l’accepter dans leur cercle. Elle se demanda si c’était simplement parce qu’elle était une femme, ou si c'était l’écho du duel qui continuait de résonner dans les murs de la caserne.

Ramrod, cependant, se montra différent. Lorsque ce jeune soldat, tout sourire, le proposa de s'assoir avec lui, Helena sentit pour la première fois une once de légèreté dans cet environnement pesant. Il plaisanta sur sa confiance en sa masculinité, ce qui arracha un sourire à la jeune femme. Elle accepta son invitation avec un mélange de prudence et de curiosité. Peut-être qu’il n’était qu’un farceur, mais en ces lieux, même un sourire pouvait être une bouffée d’air frais.

« Helena, c'est un plaisir ! Vas-y, dis-moi tout. Je veux m'intégrer le plus possible. Mais avant cela, tu pourrais peut-être me raconter comment tu en es venue à vouloir rejoindre la caserne ? »

***

Le jour de la patrouille arriva enfin, et avec lui, l’une des premières épreuves concrètes qu’Helena eut à affronter : l’équipement. Dans l’armurerie, elle fut confrontée à la triste réalité que les pièces de l’armure du Gondor n’étaient pas faites pour son corps de femme. La cotte de maille, forgée pour des hommes robustes, pendait mollement sur ses épaules. Trop grande à certains endroits, trop serrée à d'autres, elle semblait mal s'adapter à sa silhouette plus fine et élancée. La maille, qui devait offrir protection et mobilité, la gênait dans ses mouvements. Ses bras, plus fins que ceux des autres recrues, avaient du mal à se mouvoir librement, et la lourdeur du métal appuyait douloureusement sur ses épaules.

Le casque était encore plus problématique. Trop large, il tombait sur ses yeux, la privant de visibilité. L’image d’une guerrière noble et digne se dissipait rapidement dans ce lourd accoutrement qui ne lui correspondait pas. Helena se sentit un instant découragée, mais la ténacité qui la caractérisait reprit vite le dessus. Elle n’était pas du genre à se laisser abattre par de simples contraintes matérielles.

Elle se rendit compte qu’il ne servait à rien d'essayer de forcer cet équipement à lui convenir. Il lui fallait trouver une solution, et rapidement. En se souvenant des leçons d’Elenriel, elle pensa aux ajustements et adaptations que les Elfes faisaient souvent à leurs armures, épousant la forme et la taille de chaque guerrier pour maximiser leur mobilité et leur efficacité au combat. En vain.

Avec un soupir résolu, Helena s’approcha de l’armurier, un homme aux mains épaisses et couvertes de cicatrices, qui paraissait aussi robuste que ses forges. « Cet équipement ne me va pas, » dit-elle simplement, montrant d’un geste les pièces mal ajustées. L’homme la regarda un instant, ses sourcils froncés, puis hocha lentement la tête.

« Ce n’est pas surprenant, » grogna-t-il. « Ces armures ne sont pas faites pour des femmes, et encore moins pour quelqu’un d’aussi frêle que vous. » Il l'observa un moment, pesant ses mots. Puis, dans un élan de bienveillance inattendu, il ajouta : « Attends ici. »

Il disparut dans l’arrière-salle, fouillant parmi des pièces qu’il n’avait pas sorties depuis longtemps. Lorsqu’il revint, il tenait une cotte de maille plus légère, plus ajustée, fabriquée pour un homme de plus petite stature, et un casque qui, bien qu’ancien, semblait mieux adapté. « Ce n’est pas parfait, mais cela devrait mieux te convenir. Si tu continues à t’entraîner, on verra pour te forger quelque chose de plus approprié. Peut-être... »

Helena enfila cette nouvelle cotte de maille avec un soulagement tangible. Les mouvements étaient plus fluides, et bien que l’armure fût encore loin d’être idéale, elle se sentait maintenant capable de remplir ses devoirs sans être trop entravée par un équipement inadapté. Avec un sourire reconnaissant, elle remercia l’armurier et rejoignit le reste des recrues, prête à affronter la journée. Évidemment, elle avait pris du retard et savait que cela n'en resterait pas là. Elle balaya cette pensée et se concentra sur la mission de la journée.

Sous le ciel gris de Minas Tirith, Helena marchait aux côtés des autres recrues, découvrant peu à peu la cité dans toute sa splendeur mélancolique. Les rues de la Cité Blanche, marquées par les récentes épreuves, résonnaient encore des luttes et des souffrances passées. Les cicatrices laissées par la guerre se devinaient partout, des bâtiments noircis aux pierres brisées, jusqu’aux regards fatigués des habitants.

Elle ne savait pas avec exactitude ce qui s'était passé ici, mais quelques échos étaient parvenus jusqu'à son petit village de campagne isolé, notamment la mort de plusieurs personnalités. Songeuse, elle se rendit compte qu'au final, tout ce qu'elle connaissait de ce pays venait de vieilles histoires. Elle devait y remédier !

La jeune guerrière tenta de rester aussi digne que possible lorsqu’on accorda une brève halte au groupe. Bien qu’ayant subi des entraînements rigoureux dans sa jeunesse, marcher sur des pavés chargée de métal en pleine journée était une toute autre épreuve. Helena profita de la fontaine pour se rafraîchir le visage, puis forma un petit puits avec ses mains pour boire.

C’est alors qu’une voix déchirante se fit entendre. Une femme, courant vers eux, les implorait. Helena tourna la tête, son désir d'agir prenant immédiatement le dessus. Elle ne pouvait ignorer l’appel désespéré qui résonnait dans l’air.

Le soldat qui les accompagnait, visiblement irrité, répondit avec une froideur qu’Helena ne pouvait comprendre. Il écarta la supplique d’un revers de main, suggérant que la femme se tourne vers les Maisons de Guérison. Son ton sec et indifférent résonna comme une gifle dans l'esprit d’Helena. La jeune recrue sentit un pincement dans son cœur, et son esprit se révolta contre cette injustice. Comment pouvaient-ils, en tant que soldats du Gondor, fermer les yeux face à une telle détresse ?

Lorsqu’il se tourna vers Helena, une lueur provocatrice dans les yeux, la défiant de prendre en charge la situation, elle se redressa. Sans aucune hésitation, elle s'exprima avec force.

« Évidemment que je vais l'aider ! »

Elle s’avança vers la femme en détresse, lui adressant un sourire rassurant. « Montrez-moi le chemin. » Elle se doutait qu'elle aurait encore des ennuis, mais cela lui était égal. La jeune recrue n'avait désobéi à aucun ordre, bien au contraire. On lui avait proposé de le faire. Elle préféra ignorer le terme de guérisseuse, qui n'avait rien de dégradant ou péjoratif, bien que ce fût le but.

Suivant la femme jusqu’à la bâtisse décrépite, Helena se retrouva devant une maison marquée par les affres du temps et des événements récents. Les murs noircis par le feu et les fenêtres brisées laissaient entrevoir un intérieur sombre et désolé. Elle pénétra dans la demeure, son cœur battant au rythme de l’urgence de la situation.

Dans un premier temps, elle crut pouvoir soulever le vieil homme, mais se rendit rapidement compte que cela lui serait impossible. Même sans le poids de l'équipement, elle n'était tout simplement pas assez forte. Elle fit signe à la femme en panique de venir l'aider. Chacune passa un bras du vieillard autour du cou et le traîna hors de la maison. Helena s'arrêta quelques instants devant son chef de patrouille et afficha un sourire sincère.

« Merci de m'avoir désignée pour cette tâche, monsieur. Je les conduis tous deux à la Maison de Guérison la plus proche et je vous rejoins au plus vite. »

Elle aurait des problèmes. Elle en était sûre maintenant. Elle demanda à l'inconnue de la guider et se rendit dans un lieu où elle put laisser le père et la fille en sécurité, aux bons soins des spécialistes. Après avoir été remerciée très chaleureusement par la pauvre femme, qui se jeta dans ses bras pour l'enlacer, elle repartit en se déplaçant le plus rapidement possible.

Elle ne connaissait pas la ville. Elle ne connaissait pas l'itinéraire de la patrouille. Elle allait avoir de vrais problèmes. Revenir sur ses pas n'était pas compliqué, mais pourrait-elle pister la patrouille ? Cela semblait compliqué en ville. Et si elle retournait à la caserne ? Arriver avant le groupe la ferait passer pour une fainéante. Elle courut un peu en direction de la fontaine et interrogea les gens sur place. On lui indiqua à plusieurs reprises la route suivie par les gardes et elle finit par les rattraper, en sueur et haletante.

« Helena au rapport, monsieur ! Les civils sont en sécurité et pris en charge par les autorités compétentes ! »
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Le chant du renouveau EmptyVen 20 Sep 2024 - 0:54
Ramrod, clairement satisfait de la réaction de la jeune fille, l'avait rejoint pour le repas.

-Je crois qu'il faut d'abord que tu décides ce que tu veux. T'intégrer le plus possible, c'est vraiment ton but? Si c'est ça, alors gagner des duels dès le premier jour n'est pas la bonne approche. Si tu montres que t'es meilleure et plus forte que les autres, certains vont t'envier, d'autres t'admirer, mais dans tous les cas il y aura de la distance entre vous. La banalité est probablement le chemin le plus court vers l'intégration, mais j'ai pas l'impression que tu sois venue ici pour être banale. Et moi? - Il gesticula avec sa cuillère. - Ma famille travaille au moulin, à côté de Minas Tirith. La perspective de transporter des sacs de blé sur mon dos et de souffrir d'une toux incessante pendant le reste de ma vie à cause des particules de farine dans l'air ne me souriait pas, alors je me suis inscrit à l'armée, la seule carrière alternative tolérée par mon père. Et quelle corvée on m'a assigné dès le premier jour? Décharger une cargaison de sacs de farine pour les cuisines de la caserne. J'te jure.

Leurs chemins se séparèrent ensuite, Ramrod fut assigné à d'autres tâches et ne faisait pas partie de la même patrouille qu'Helena.

***

Le trajet jusqu'aux maisons de guérison était un calvaire pour le vieil homme malade malgré l'appui des deux femmes. Lorsque les guérisseurs le prirent en charge, il était sur le bord de l'évanouissement. Néanmoins, sa fille semblait rassurée et remercia chaleureusement Helena, en lui demandant comment elle s'appelait avant de se quitter.

Le soldat qui dirigeait la patrouille était clairement énervé, mais la jeune recrue n'avait pas contredit ses ordres, il ne pouvait donc pas la punir de manière directe. Lorsqu'elle les retrouva, il grogna quelque chose en réponse avant de donner l'ordre de retourner à la caserne.

Lorsqu'ils se retrouvèrent dans la grande bâtisse, le soldat la désigna du doigt avec un sourire aux lèvres:

-Recrue Helena, vous semblez avoir beaucoup d'énergie et un désir profond d'aider les autres alors vous allez rendre service aux autres recrues. Ce sera la corvée d'épluchage pour vous. Rendez-vous aux cuisines.

La femme eut à peine le temps d'enlever sa cotte de maille et son heaume avant d'être envoyée aux cuisines avec un couteau et une montagne de pommes de terre à éplucher. Une fois le repas terminé, la vague de fatigue accumulée pendant la journée l'envahit.

***

Le lendemain matin, elle fut convoquée dans les bureaux du sergent Bothren. Le vétéran leva son regard du parchemin qu'il était en train d'inspecter lorsqu'elle pénétra dans la pièce. Il fronça les sourcils.

-Qu'est-ce que vous avez fait, recrue? Ou alors vous n'êtes pas vraiment fille de paysan? Parce que j'avoue que j'ai du mal à comprendre.

Voyant le regard d'Helena, il tapota des doigts sur le parchemin posé sur le bureau.

-Une lettre a été livrée à la caserne ce matin, demandant qu'une recrue du nom d'Helena - et j'en connais qu'une seule - se présente à l'Hôtel Claymore cet après-midi pendant "l'heure du thé". C'est plus ou moins  tout ce qui est dit, mais la lettre porte le sceau d'une des grandes familles de Linhir. Il serait délicat pour moi de refuser, alors il semblerait que vous aurez droit à votre première permission. Mais d'abord, expliquez-moi de quoi il s'agît au diable!

Le regard de Bothren était à la fois curieux et méfiant. Même s'il avait été bienveillant envers la jeune femme, elle s'attirait un peu trop d'attention pour une recrue.

***

L'hôtel Claymore était un établissement imposant; les nobles et les riches marchands qui voyageaient à Minas Tirith et ne disposaient pas d'un domicile fixe y logeaient souvent, dans un cadre bien plus luxueux et prestigieux que les auberges des plus bas quartiers. La réputation de l'hôtel avait pris un coup ces derniers temps car c'est ici que l'infâme pirate Taorin avait assassiné le général Cartogan, mais la clientèle ne manquait pas pour autant.

Avant de se rendre à l'hôtel, Helena dut décider de la manière dont elle s'habillerait. Etant en permission, elle n'avait pas besoin de revêtir son uniforme. Une fois à l'entrée, elle fut arrêtée poliment mais froidement par un majordome.

-Bonjour mademoiselle. Vous êtes...?


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Le chant du renouveau EmptySam 12 Oct 2024 - 11:46
Helena demeura silencieuse, son regard errant sur les contours simples de l'assiette devant elle, tandis que Ramrod parlait. Ses paroles, empreintes d’une sagesse rude et directe, évoquaient celle des hommes qui avaient appris à leurs dépens la dureté de la vie. Malgré son ton désinvolte, une vérité profonde émanait de ses propos, une vérité qu’Helena n’avait pas encore osé formuler pleinement dans le tumulte de ses propres pensées. Un soupir lui échappa, comme si le poids de cette réalisation s’abattait sur elle, tandis qu’un sourire sans joie effleurait ses lèvres.

« Se fondre dans la masse, donc ? » reprit-elle d'une voix calme, légèrement teintée d'ironie. « Ce n'est pas vraiment mon style, pas par conformisme en tout cas. »

Elle leva enfin les yeux vers lui, rencontrant son regard où brillait une lueur d’amusement. « Mais sache une chose, Ramrod : ce duel, il n’était pas pour eux. C’était pour moi-même. Une façon de prouver que je suis à la hauteur, non pour être la meilleure, mais pour mériter ma place ici. Je ne veux pas disparaître dans la foule, mais je n’ai pas non plus l’intention de m’isoler par orgueil. »

Helena se détendit légèrement, sentant qu’au-delà de leurs différences, cet homme comprenait peut-être mieux qu’elle ne l’avait cru ce qu’elle portait en elle. Dans cette grande cité où tout semblait plus vaste et plus ancien qu’elle ne pouvait l’imaginer, trouver une oreille attentive était, en soi, un réconfort.

« Quant à toi, » reprit-elle, jouant distraitement avec un morceau de pain, « tu as fui la poussière du moulin pour te retrouver avec... des sacs de farine ? » Elle éclata d’un rire léger, secouant la tête. « Il semblerait que la vie aime se jouer de nous, parfois. »

Le quotidien les sépara, mais ils étaient destinés à se retrouver.

***

Lorsqu’Helena franchit de nouveau le seuil de la caserne, l’atmosphère s’était alourdie, comme un ciel d’orage menaçant de s’abattre sur la terre. Le soldat qui avait mené la patrouille ne masquait plus sa colère. Bien que ses ordres aient été exécutés à la lettre, un grondement de reproche muet pesait sur ses lèvres. Sa rage semblait naître de l’impuissance, non d’un manquement réel, et elle emplissait la pièce comme une fumée âcre.

« Recrue Helena, » cracha-t-il enfin, sa voix sifflant comme un serpent irrité, un sourire mauvais se dessinant sur ses traits durs. « Vous semblez avoir beaucoup d’énergie et un profond désir d’aider les autres. Alors, vous allez rendre service aux recrues : ce sera la corvée d’épluchage pour vous. Rendez-vous aux cuisines. »

Sans un mot de protestation, Helena inclina légèrement la tête, acceptant la sentence avec la sérénité de ceux qui ont déjà fait leur choix dans le silence de leur cœur. Elle se détourna, déposant avec soin sa cotte de maille et son heaume, comme un guerrier dépose ses armes après une bataille longue et harassante. Puis, vêtue d'une simple tunique, elle marcha d’un pas calme vers les cuisines, là où l’attendait une montagne de pommes de terre, et avec elles, les heures longues et solitaires d’une nuit sans fin.

Dans l’ombre des cuisines, la chaleur des feux vifs enveloppait la pièce, et l’air se remplissait des odeurs lourdes du ragoût qui mijotait dans les marmites de fer. Les cris des cuisiniers, semblables à ceux des capitaines sur les champs de bataille, résonnaient sous les voûtes basses, tandis qu’Helena, accroupie dans un coin, saisissait un petit couteau usé. Là, dans la pénombre, loin du tumulte, elle épluchait patiemment les pommes de terre, et chaque épluchure qui tombait à terre allégeait un peu de la tension accumulée en son esprit.

Mais tandis que ses mains travaillaient, ses pensées, elles, tourbillonnaient comme des feuilles emportées par le vent d’automne. Ramrod avait-il raison ? Peut-être s’était-elle trop hâtée de se faire remarquer. Et pourtant, comment marcher dans l’ombre sans se perdre entièrement dans l’obscurité ? Comment trouver ce fragile équilibre entre l’effacement et l’isolement ?

***

Le jour suivant, lorsque le soleil venait à peine de darder ses premiers rayons sur les murs anciens de la caserne, Helena fut appelée devant le sergent Bothren. Elle entra dans son bureau, où le silence semblait peser plus lourd encore que la veille. Le vétéran, releva la tête d’un parchemin qu’il tenait entre ses mains. Ses yeux, sombres et perçants comme ceux d’un aigle, se posèrent sur elle avec une intensité qui la fit vaciller.

Son discours semblait d'abord incohérent. Helena crut un moment qu’elle allait être sermonnée pour son comportement vis-à-vis de son supérieur, mais la situation était bien différente. Elle n’était pas fille de paysans ? Une idée fantasque lui traversa l’esprit : allait-elle découvrir qu’elle descendait d’une longue lignée de rois, cachée pour protéger le royaume en temps de besoin ? Un scénario digne des légendes !

Elle arqua un sourcil, intriguée par la missive posée sur le bureau. Son cœur s’accéléra. Que ce soit en bien ou en mal, quelque chose se préparait. Une chose suffisamment inhabituelle pour troubler même un vétéran chevronné.

Elle n’avait jamais entendu parler de cet hôtel, et encore moins d’une quelconque personne susceptible de l’y inviter. « Non, Sergent, je ne sais pas. Je ne connais ni l’Hôtel Claymore, ni quiconque de Linhir. Je vous le jure ! Mes défauts sont nombreux, mais le mensonge n’en fait pas partie. Je reviendrai vous faire un rapport dès que j’aurai plus de détails. »

Chassant les contes et légendes de son esprit, Helena se concentra sur la réalité. Les seules relations que son village entretenait avec Linhir concernaient des échanges commerciaux. Que pouvait-on bien lui vouloir ? Elle quitta le bureau, son cœur battant plus vite à l’idée de ce qui l’attendait, car il était évident qu'une nouvelle épreuve se dressait devant elle, enveloppée de mystère.

***

N’ayant jamais entendu parler de l’Hôtel Claymore, Helena s’imaginait quelque chose de modeste. Mais lorsqu’elle arriva dans le quartier où se trouvait l’établissement, elle fut frappée par la majesté du bâtiment. La façade imposante en pierres blanches, les fenêtres ornées de voilages soyeux et le flot de domestiques entrant et sortant silencieusement témoignaient d’un lieu réservé à une clientèle fortunée.

Une appréhension sourde monta en elle, semblable à la sensation que l’on éprouve en s’aventurant sur un sentier inconnu. Helena, dans sa tunique simple et son pantalon de lin, se sentit bien humble face à tant de faste. Pourtant, elle franchit les marches de l’entrée avec la même détermination qui l’avait menée sur les champs d’entraînement.

Le majordome, un homme au visage austère, vêtu d’un habit impeccable, la dévisagea un instant avant de lui adresser la parole, d’un ton neutre mais poli.

« Bonjour, mademoiselle. Vous êtes...? »

Helena se redressa, dissimulant son trouble derrière un calme apparent. « Helena. On m’a demandé de venir à l’hôtel Claymore pour l’heure du thé… Suis-je au bon endroit ? »

Le majordome l’observa un instant de plus avant d’acquiescer d’un signe de tête formel.
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Le chant du renouveau EmptyDim 20 Oct 2024 - 22:55
Malgré l'expression dubitative du majordome face à la tenue modeste et les manières rustiques d'Helena, il la guida à l'étage via un escalier en colimaçon orné d'une magnifique balustrade en fer forgé.

Il s'arrêta devant une porte en chêne portant le numéro six, et frappa. Une voix féminine l'invita à rentrer. Ils pénétrèrent dans une antichambre donnant sur une grande pièce, éclairée par la douce lueur d'une cheminée et d'un grand chandelier. L'après-midi se transformait lentement en début de soirée, et la lumière du soleil qui rentrait par les grandes fenêtres de la bâtisse avait pris une teinte orangée.

Trois fauteuils étaient placés au centre de la grande pièce. Deux étaient occupés, le troisième vide. Le majordome s'inclina respectueusement et annonça:

-Seigneur Lesthel Mayraniel de Linhir, Dame Talassa. Mademoiselle Helena pour vous voir.

Sur ces mots, il quitta la pièce en fermant la porte derrière lui.
La jeune recrue put alors observer les deux personnes assises. Leurs vêtements et leur comportement avaient complètement changé, mais il n'y avait aucun doute: c'était le jeune femme et son vieux père qu'Helena avait aidé la veille. L'homme était à présent vêtu de soie, ses doigts fins ornés d'anneaux et ses longs cheveux blancs soigneusement coiffés. Son visage portait encore des traces de la souffrance ou de la maladie, mais il était assis confortablement dans le fauteuil, les jambes posées sur un repose-pied.

La jeune femme portait une robe rouge sombre avec un motif ressemblant à des rayons de soleil brodés au fil d'or. Elle se releva, et invita Helena à s'asseoir d'un geste bienveillant. Pendant ce temps, elle versa du thé dans trois tasses en porcelaine à motif floral.

-Un thé au jasmin; le service est beau n'est-ce pas? De la porcelaine de Comté, personne ne  s'y connait mieux qu'eux quand il s'agit de servir du thé.

Elle donna une tasse à son invitée, puis à l'homme, avant de leur servir des biscuits appétissants. Une fois tout le monde servi et assis, Dame Talassa prit la parole:

-Nous nous sommes quittés rapidement hier, Helena. Avec tout ce qui s'était passé, je n'ai même pas eu l'occasion de vous demander votre nom. Heureusement, il n'y a pas beaucoup de recrues féminines à la caserne de Minas Tirith en ce moment, et nous avons rapidement pu découvrir votre identité et vous inviter pour vous remercier à proprement parler. - Elle trempa ses lèvres dans le thé chaud avant de reprendre, gênée - Vous devez probablement vous demander comment ça se fait que des nobles aient pu se retrouver dans une situation aussi hasardeuse que celle d'hier, sans serviteurs, dans un lieu aussi délabré. Je me pose aussi cette question, c'était un véritable malheureux concours de circonstances! J'ai accompagné mon père jusqu'à Minas Tirith pour bénéficier des soins des meilleurs guérisseurs de la Cité Blanche. Nous sommes arrivés de nuit, avec deux serviteurs. Nous ne savions pas que notre résidence familiale était aussi lourdement atteinte par l'incendie lors des émeutes...et à moitié pillée par les vandales. Après une nuit d'enfer, j'ai envoyé nos serviteurs en ville aller chercher des provisions. J'étais seule avec mon père lorsqu'on nous a annoncé que la bâtisse était instable et ordonné de la quitter sur le champ. Il a fait un malaise et...heureusement que je vous ai trouvée. Je ne sais pas comment cette histoire aurait terminé sans vous. Une fois aux Maisons de Guérison, mon père a reçu des soins, et je me suis occupé des formalités pour prendre une chambre à l'hôtel Claymore.

Le vieil homme fit un léger geste de la main, comme s'il voulait mettre fin au monologue de sa fille. Il parla à son tour avec éloquence, d'une voix animée malgré sa fatigue:

-Ces autres enflures, le soldat qui menait la patrouille et les recrues, n'ont pas bougé d'un doigt pour venir en aide aux citoyens. Ca a changé, la cité blanche. Difficile de s'étonner qu'il y a eu des émeutes! - Il calma sa fille qui faillit s'étouffer avec son thé d'un geste de la main - T'inquiète pas, ma fille. Le roi Méphisto va pas exécuter le vieux Lesthel pour trahison. J'ai assez fait pour la couronne.  

Il se tourna vers Helena, en l'observant avec un regard perçant:

-Il y a de la force en vous, et une noblesse qui est rare de nos jours. Et je dis ca en connaissance de cause, des femmes fortes j'en connais entre ma fille et ma belle-fille. Toujours est-il que vous gâchez votre potentiel dans cette caserne. Si vous y restez, avec le temps vous deviendrez cynique et blasée comme les autres. Et c'et pas juste dommage pour vous. Le Gondor ne peut pas se permettre de gâcher du talent. La guerre sur les deux frontières, les conflits intérieurs...C'est pas ma génération qui va résoudre tout ça.  

Le vieillard posa sa tasse de thé d'une main légèrement tremblante.

- Ne pensez pas qu'il s'agit là de songes d'un riche feignant. J'ai servi dans l'armée aussi. Les Mayraniel sont une famille guerrière, les deux lames sur notre armoirie ne sont pas là pour rien. J'étais officier pendant la grande guerre contre les orques en 283. Mais les meilleurs souvenirs que j'ai, c'est ceux de ma jeunesse, à l'académie militaire. C'est là que j'ai tout appris, entouré d'autres cadets qui comme moi voulaient protéger le Gondor et oeuvrer pour le bien du royaume.

Il fit un signe de la main, et sa fille s'approcha de lui, avec deux enveloppes scellées. La laque bleue avait été scellée avec une chevalière, celle que portait le seigneur Lesthel. Helena put y distinguer deux épées en-dessous d'un soleil rayonnant.


-D'après les informations dont je dispose, vous n'êtes pas d'origine noble. Seuls les jeunes nobles ou bourgeois peuvent rentrer facilement à l'académie, ainsi que quelques jeunes soldats qui ont déjà eu l'occasion de se distinguer au front. Dans l'enveloppe, vous trouverez une lettre de recommandation à remettre aux mains du général Aerith de l'Académie Militaire d'Anfalas. J'y atteste que vous êtes une digne candidate pour rejoindre les cadets.

Il sourit légèrement, mais le sourire se transforma en grimace de douleur. Il tira une petite fiole des profondeurs de ses robes, et versa quelques gouttes d'un liquide coloré dans sa tasse de thé.

Voyant que l'homme commençait à fatiguer, une fois le thé terminé, Dame Talassa insista pour raccompagner Helena. Une fois qu'elles s'étaient retrouvées dehors, elle la regarda dans les yeux:

-Alors, Helena? J'espère que tu ne vas pas décevoir papa, comme t'as pu entendre, il compte sur toi pour sauver le Gondor   -dit-elle sur un ton à moitié sérieux. - si tu acceptes, je t'expliquerai les détails du voyage jusqu'à l'académie...comme tu as pu le remarquer il y a aussi une deuxième enveloppe. Celle là je te demanderai de la déposer à un certain endroit au cours de ton voyage...

Alors que les deux femmes marchaient dans la direction de la caserne, un homme paya pour un filet de pois mange-tout, et en mangea patiemment un, avant de se mettre à les suivre discrètement, en gardant ses distances.




#Lesthel  #Talassa


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Le chant du renouveau EmptyDim 27 Oct 2024 - 14:26
Elle suivait le majordome qui la guidait à travers les corridors silencieux et ornés de l’hôtel, chaque pas résonnant faiblement sur le marbre poli des vastes halls. Autour d’elle, les murs étaient ornés de tentures somptueuses et de gravures en bois sculpté, et les chandeliers d’argent éclairaient faiblement les recoins d’ombre. Helena, émerveillée par tant de splendeur, se surprit à se demander si un tel lieu n’était pas bien trop luxueux pour elle, elle qui n’avait connu que l’austérité paisible de la ferme et la quiétude des bois. Une douce appréhension s’insinuait dans son esprit, comme si la grandeur des lieux elle-même venait éveiller en elle le sentiment d'être une intruse en ce monde raffiné.

Quand le majordome prononça les noms prestigieux des hôtes qui l’attendaient, Helena fronça légèrement les sourcils. Ces noms ne lui évoquaient rien, leur renommée ne s’était jamais frayé de chemin jusqu’aux oreilles d’une simple paysanne. Puis, quand elle pénétra dans la pièce et vit les visages qu’elle avait secourus la veille, son visage s’éclaira d’une vive reconnaissance et elle s’avança, le pas assuré.

« Je suis heureuse de voir que vous allez bien ! » déclara-t-elle, son visage rayonnant d’un sourire sincère.

Dame Talassa lui tendit une tasse de thé avec grâce et invitation, tandis qu’Helena prenait place en face de ses hôtes. Elle ignorait que les Hobbits possédaient un savoir-faire en porcelaine, mais, après tout, ces braves gens étaient réputés pour d’innombrables talents aux quatre coins de la Terre du Milieu. La jeune femme se surprit à songer qu’un jour, peut-être, le destin la conduirait hors des frontières du Gondor pour voir ces contrées mystérieuses où vivaient les petits gens des collines.

« C’est vrai, je suis navrée. Je me nomme Helena, fille d’Alden », répondit-elle avec simplicité, lorsque vint le moment de se présenter.

Le discours reprit, Helena écoutant avec toute l’attention dont elle était capable, même si elle n’osait pas encore goûter au thé ni aux biscuits délicats disposés devant elle. Une pudeur timide et un brin d'éducation la retenaient, en dépit de la douceur alléchante de ces friandises. Le Seigneur Lesthel prit la parole. Sa voix, plus animée mais non moins mesurée, contrastait avec la douceur de celle de sa fille. Malgré quelques mots qui échappaient encore à la compréhension d’Helena, son cœur vibrait en écoutant le seigneur dresser un portrait louangeur de son courage. Son visage s’éclaira d’un sourire radieux.

Helena ne se voyait pas devenir cynique et blasée, ce n’était pas dans sa nature. Cependant, elle songea aux vétérans qu’elle côtoyait à la caserne ; pour certains, la lassitude avait pris place dans leur regard. Une part d’elle voulait les défendre et trouver des excuses pour leurs blessures invisibles, mais le vieux noble, en sage narrateur, poursuivit sans lui laisser le temps d’intervenir.

Son regard d’acier s’anima davantage encore lorsqu’elle apprit que cet homme avait lui-même combattu les Orques autrefois. Ici, devant elle, se tenait un de ces vétérans dont les hauts faits, maintes fois contés, avaient illuminé ses nuits d’enfant. Il était un héros de ces temps d’ombre, un homme qui avait versé son sang pour le royaume ! Les questions brûlaient sur ses lèvres, mais la fatigue voilait déjà les traits de l’homme, et par respect, elle les retint.

Dame Talassa s’approcha alors de lui, portant deux enveloppes scellées d’une cire bleue marquée d’un cachet qu’elle ne connaissait pas, mais dont l’emblème des deux lames croisées sous un soleil étincelant faisait écho aux dires du vieil homme.
Cette Académie se trouvait en Anfalas, à une distance bien lointaine de la cité de Minas Tirith, où elle venait d’à peine poser ses bagages. Cette destination éloignée la fit hésiter, mais son cœur intrépide battait déjà pour ce nouvel horizon. Et le général Aerith, qui dirigeait cette Académie, quel genre d’homme pouvait-il bien être ? Son esprit fourmillait de questions. Elle se leva, s’inclina humblement et prononça avec émotion :

« Seigneur, Dame, je… je ne trouve guère les mots. Merci. Je ne saisis peut-être pas toutes les raisons de cette offre, mais soyez assurés que je ferai de mon mieux ! »

Sur ce, elle fit volte-face et suivit Dame Talassa vers la sortie, mais soudain, un élan la fit se retourner vivement vers le vieux seigneur.

« Seigneur, pour ce qui est de la caserne… Ne les jugez pas trop sévèrement. La plupart sont des gens valeureux, qui ont affronté bien des épreuves. Il ne leur manque, à mon avis, que peu de choses pour retrouver le chemin de la grandeur. J’en suis persuadée. Merci pour tout. »

Une fois à l’extérieur, elle écouta la fille au sang bleu. Helena sentait à présent toute la portée de l’engagement que cette lettre impliquait. Sauver le Gondor ? Ces mots résonnaient comme une mélodie, douce et familière. C’était là le désir le plus profond de son cœur, un rêve qu’elle n’avait osé formuler. Pouvait-elle décliner une telle opportunité, qui s’offrait à elle comme un trésor inattendu ? Cependant, une dernière incertitude flottait dans son esprit, qu’elle exprima doucement :

« Je dois vous avouer que c’est bien soudain, et que je ne connais que très peu l’Académie ni ce qu’elle pourrait m’apporter… Mais je ne veux décevoir personne, et si vous êtes persuadée que c’est une bonne chose, alors je le ferai ! Cependant, je voudrais informer le sergent Bothren. Il a tant fait pour moi, et je ne voudrais pas qu’il soit mis dans l’embarras. J’espère que mon départ ne lui causera aucun tourment. Pour la deuxième enveloppe, dites-moi tout. »
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Le chant du renouveau EmptyMar 5 Nov 2024 - 20:43
Alors qu'elles marchaient dans la direction de la caserne, Talassa répondit à Helena:

-Tutoie-moi, Helena. Tu t'es engagée pour apprendre afin de pouvoir ensuite servir et protéger le Gondor, n'est-ce pas? A l'Académie tu apprendras beaucoup plus, et beaucoup plus vite. Mais il y a un aspect plus important encore. Tu y tisseras des liens avec d'autres cadets qui te serviront pour le reste de ta vie, et si tu réussi à devenir officier, tu pourras faire beaucoup plus pour le royaume qu'en tant que soldat de ligne. Ceci-dit, une éducation à l'Académie est un défi difficile en plus d'être un privilège! Ne pas vouloir nous décevoir n'est pas une motivation suffisante pour réussir cette épreuve, alors réfléchis-bien!


Elle chercha pendant un instant dans les profondeurs de la cape qu'elle avait enfilé pour cacher sa belle robe, puis en tira un document, cette fois-ci sans enveloppe.

-Oui bien sûr, il faut faire les choses correctement et éviter de te faire des ennemis. Voici une missive adressée tes officiers de la caserne expliquant la situation et la nature de la lettre de recommandation scellée que tu as reçue. Tu peux donner la missive à ce sergent que tu as mentionné.

Son expression changea, elle se rapprocha un peu d'Helena et accéléra légèrement le pas.

-La deuxième enveloppe...c'est plus délicat. Sur ton chemin vers l'Académie tu traverseras plusieurs endroits - la noble ferma les yeux, comme si elle s'imaginait une carte, avant de commencer à réciter - Pelargir, Linhir, avant de remonter vers Ethring et descendre le long du Ringlo vers Edhellond. Je sais pas si tout ça te dit grand chose, tu as grandi où? En tout cas, Edhellond sera la dernière grande escale avant d'arriver à Anfalas et atteindre l'Académie. C'est à Edhellond que tu devras déposer la deuxième enveloppe. Tu la donneras en main propre au capitaine Elatan de la garnison, qui ensuite en informera le gouverneur.

Elle soupira nerveusement.

-Nous ne t'avons pas tout dit Helena. Notre famille, les Mayraniel, lutte contre la corruption locale et le commerce illégal, malheureusement omniprésent au Linhir. Nos ennemis nous regardent de près, et je suis persuadée qu'ils nous suivent, et essaient peut-être même de nous intimider. Je ne suis pas certaine que les dégâts de feu dans notre maison à Minas Tirith étaient uniquement un résultat des émeutes, ni que l'ordre de quitter la bâtisse de manière aussi abrupte était légitime et nécessaire. Le capitaine Elatan est un jeune officier idéaliste et honorable, tu me fais un peu penser à lui. C'est un allié potentiel dans la lutte contre la corruption, et nous avons des informations importantes à lui livrer en urgence. Malheureusement, je suis persuadée que si j'envoie un de nos hommes, le message sera intercepté. On ne peut plus faire confiance aux gens de notre maison tant la corruption a gagné Linhir. Tandis que toi, tu passeras inaperçue. Tu n'as aucune connexion avec la famille des Mayraniel. En revanche, il ne faudra pas que tu tardes à partir, dans deux jours au plus tard, sinon les informations ne parviendront pas à temps à Elatan. Voilà, tu sais tout à présent. C'est une mission importante, et une première opportunité pour toi de servir le royaume, même si tu ne le fais pas sous les ordres officiels de l'armée.


Bientôt, les deux femmes arrivèrent à la caserne. Dame Talassa Mayraniel sourit avant de sortir un dernier objet des profondeurs de sa cape, un petit emballage enroulé dans du tissu:

-J'ai vu que tu n'as mangé aucun biscuit avec ton thé, tu as de la chance que je ne m'offusque pas facilement! Tu en trouveras huit dans l'emballage, pour adoucir ton départ. La cantine de l'Académie ne doit pas être pire que celle de la caserne, mais je ne pense pas que t'y trouveras ce genre de friandises! Au revoir Helena, et fais attention à toi. Dans la lettre, nous avons demandé à Elatan de nous envoyer un message dès qu'il la lira. De cette manière je saurai que tu es arrivée saine et sauve et que tu as accompli ta mission. Nous nous reverrons, j'en suis certaine!

Avant de repartir, la noble regarda autour d'elle nerveusement, comme si elle avait l'impression qu'elle était suivie. Mais il n'y avait personne de suspect autour d'elles.

Dès qu'Helena passa le seuil de la caserne, elle fut convoquée à nouveau dans le bureau du sergent Bothren. Le vieillard était assis derrière son bureau, tandis qu'un deuxième homme se tenait debout derrière lui et mordait dans un pois mange-tout. Bothren interrogea la recrue:

-J'ai envoyé un de mes gars pour t'observer de loin, et vérifier que toute cette histoire était légitime, vu qu'apparemment vous ne connaissiez pas les nobles de Linhir. Il a vérifié à l'hôtel et apparemment leur identité est confirmée. Alors au rapport, recrue. Qu'est-ce que vous êtes allée faire là-bas?


#Talassa


[HRP] Je te laisse décrire ton rapport à Bothren et aussi tes préparatifs éventuels pour le départ de la Cité Blanche du lendemain [HRP]


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