Antioche soufflait comme un bœuf. Il éprouvait toutes les peines du monde à suivre le rythme imposé par ses camarades, Aveline et Twist en tête. Même Wigan et sa jambe blessée avançait plus rapidement que lui. L’endurance et l’effort physique n’avaient jamais été le point fort de l’ancien universitaire, à l’exception de certaines situations bien précises. Cependant il ne fallait pas compter sur ses compagnons pour ralentir la cadence; le temps s’était couvert et une fine grêle s’était subitement abattue sur eux alors qu’ils se trouvaient encore à plusieurs lieues de Minas Tirith. Pendant un instant, il regretta même d’avoir révélé le contenu du message contenu dans le texte codé remis par les trois Nains; en gardant cette information pour lui, il aurait pu négocier cette révélation contre un rythme de course plus clément. Les dernières semaines n’avaient pas été de tout repos pour le professeur De Bresnel, d’abord poussé vers la retraite par l’Université puis recruté par Rhydon pour des raisons obscures. Il s’était toujours défendu bec et ongles des accusations portées contre son illustre personne et avait interprété l’offre du Directeur de l’Arbre Blanc comme une seconde chance qui lui était laissée. Il n’avait pas tant accepté de s’engager pour l’amour des valeurs du Gondor que pour éviter de se tourner les pouces dans un hospice. Un esprit tel que le sien méritait d’être stimulé et mis à l’ouvrage pendant encore quelques années. Il tirait ainsi une certaine fierté d’avoir été le premier à déchiffrer le code de Berton et, de manière générale, saisissait chaque occasion pour prouver la supériorité de son intellect face aux autres recrues.
Les recrues marchèrent ainsi pendant près d’une heure, se protégeant des intempéries comme elles le pouvaient avec leurs longues capes. Ils finirent par atteindre l’entrée de la ville sans trop d’encombres et les gardes leur ouvrirent prestement les portes grâce au laissez-passer confié par les Capitaines de l’Arbre Blanc. Les rues de la Cité Blanche étaient encore en proie au chaos. Si les murailles et accès principaux étaient toujours tenus par les soldats de Catogan, les niveaux inférieurs de la ville étaient tombés aux mains des insurgés qui lorgnaient désormais sur les quartiers plus huppés. L’universitaire regardait ces scènes de soulèvement avec un dédain non dissimulé. Tous ces pauvres hères croyant se battre pour des concepts aussi vagues qua la liberté ou la vérité. Ils allaient bien déchanter quand l’anarchie totale régnerait sur la ville.
Vêtus de manière à pouvoir se fondre dans la foule, les agents de l’Arbre parvinrent à se frayer un chemin parmi les émeutiers pour rallier le quartier résidentiel surplombé par le Sanctuaire. Le bâtiment n’avait pas le faste ou la majestuosité des édifices que l’on retrouvait au Premier Cercle, près du Palais, mais un aura mystique se détachait de son architecture particulière.
Antioche admira ce lieu symbolique pendant quelques secondes. Il n’était pas particulièrement haut ou richement décoré mais les lignes de sa construction avaient été pensées avec une harmonie parfaite donnant au Sanctuaire un aspect pur et organique rappelant les œuvres des Elfes sur plusieurs aspects. L’universitaire, qui connaissait bien cette curiosité de la ville, les guida vers l’une des statues qui ornait le flanc du bâtiment. La sculpture n’était pas bien grande, représentant une elfe au visage mélancolique soutenant son nouveau-né.
Antioche commenta l’œuvre avec gravité.
“Le tragique destin de Miriel Serindë. Elle qui mit au monde son plus grand artisan en échange de sa vie. Un mythe aussi édifiant que bouleversant.” Il mit quelques secondes à réaliser que ses compagnons n’en avaient pas grand-chose à faire et s’étaient mis en quête d’indices autour de la statue. Ce fut Twist qui repéra un autre feuillet déposé près du sol.
- Journal de Berton a écrit:
Un petit sourire amusé se dessina sur le visage d’
Antioche après les dernières lignes de cet extrait du journal de Berton. La plaisanterie de ce dernier était à la fois géniale et d’un cynisme déroutant qui en disait long sur le trouble qui devait animer leur officier. Pourtant l’heure n’était pas vraiment aux plaisanteries. Aucun indice supplémentaire n’était visible sur le parchemin et l’œil expert d’
Antioche ne repérait aucun message caché dans les mots de l’officier. Les recrues échangeaient des regards perplexes, ne sachant trop quelle était désormais la marche à suivre.
C’est alors qu’
Antioche repéra une silhouette encapuchonnée, tapie dans l’ombre, qui les observait depuis un recoin du Sanctuaire.
“Eh toi! Arrête-toi!”
L’inconnu, repéré, prit alors la fuite; faisant claquer sa longue cape sombre derrière sa frêle silhouette. S’engagea alors une folle-course poursuite à travers les rues de la capitale, les quatre agents de l’Arbre Blanc suivant leur cible à un rythme de course qui ferait pâlir un Oliphant cul-de-jatte. Heureusement pour eux, une bonne étoile veillait sur la réussite de leur mission et l’homme qui courait devant eux trébucha sur le coin d’un pavé, s’étalant au sol, la cheville tourné dans un angle étrange.
“Pitié! Pitié!” Implora-t-il alors que les quatre compères l’avaient rattrapés.
Sans vraiment attendre de plus amples informations, Wigan lui asséna un formidable coup de pied dans les côtes.
“Parle! “ Aboya-t-il.
“-Mais de quoi voulez-vous que je vous parle?” Gémit le pauvre hère.
Face à cette question, ils se regardèrent tous d’un air circonspect. En effet. De quoi devait-il leur parler? Finalement, craignant une autre agression, l’inconnu se mit à débiter un flot d’informations impressionnant.
“Je vous promets que je n’ai rien à voir avec tout ça. J’ai juste trouvé ça sur le corps déjà froid, je n’ai rien à voir avec cette histoire! Je ne suis qu’un pauvre petit receleur cherchant à gagner de quoi s’acheter une miche de pain. Vous savez les temps sont si durs et j’ai deux fils…
-Trouver quoi? Quel corps ? “ Demanda Aveline, le poing déjà levé.
“-Noon noon! Ne frappez pas! Trouver ceci! Ceci!” D’une main tremblante, il sortit de sa ceinture une broche de l’Arbre Blanc dont la couleur avait pris une teinte cramoisie. Le sang avait séché sur le bois depuis de longues heures.
“Je l’ai trouvé dans la Ruelle des Tanneurs. Pas très loin d’ici. Je vous en supplie ne me faites rien.”
Un dernier coup de pied dans les côtes et la petite troupe continua sa route, laissant le pauvre criminel à son triste sort. Ils ne mirent pas bien longtemps à gagner la petite allée sombre gagnée par une odeur désagréable provenant des ateliers de tanneries. Là, adossé à un mur de pierre, se trouvait un corps.
En s’approchant ils reconnurent la silhouette longiligne du Capitaine Berton, son catogan complètement défait, ses yeux gris écarquillés et la gorge tranchée. A ses pieds, se trouvait la dernière page de son journal.
- Journal de Berton a écrit:
C’était à l’Hôtel Claymore que la clé de cette histoire se trouvait.
#Berton