La main délicate de la jeune infirmière se posa sur ses lèvres dans un geste de surprise et de désarroi incontrôlé. Daena était loin d'être la seule orpheline d'Aldburg, le Rohan vivait une période tumultueuse depuis plusieurs années et le sang de ses habitants irriguait fréquemment ses plaines. Mais la compassion et la douleur que ressentait
Daline étaient tout à fait authentiques. Elle effleura l'épaule du garde royal agité d'un geste hésitant, comme pour le rassurer, avant de s'accroupir à côté de la fillette et se mettre à lui parler doucement.
Elle avait clairement la main avec les enfants, et sut gagner rapidement la confiance de l'enfant; elle réussit à la convaincre de manger. Pendant que Daena mordait dans une grosse tranche de pain trempée dans le ragoût, la jeune soignante leva le regard et s'adressa à l'homme qui la dépassait de deux têtes. En étudiant son visage de plus près elle s'aperçut qu'il était plus jeune que ce qu'elle avait cru au début, et qu'il n'aurait sans doute pas pu être le père de la fillette.
-Elle sera en sécurité ici, sir Théodell, du moins tant que les cavaliers vaillants du Rohan défendent les plaines et les remparts de la cité. Ne vous inquiétez pas. Mais vous devez avoir faim aussi, il y a assez de pain et de ragoût pour tout le monde. Mangez, mangez! Pendant que le jeune homme se sustentait, elle rajouta:
-Quels sont vos plans, Théodell? Allez-vous rester à Aldburg? Nous allons nous occuper de la fille, mais viendrez vous lui rendre visite?Théodell connaissait la réponse. Il ne lui restait que quelques heures de repos avant le départ vers l'inconnu en compagnie de près de six centaines d'autres cavaliers.
***
C'était un beau spectacle. Des dizaines de cavaliers vêtus de cottes de maille et armés d'épées, de lances et des haches parcouraient la rue principale d'Aldburg au trot. Avec des tels défenseurs, le Rohan n'avait aucune raison de craindre les mystérieux envahisseurs. Mais la garnison qui restait pour défendre la forteresse était bien plus modeste.
Théodell ralentit en voyant deux silhouettes connues dans la foule qui observait leur départ. La belle aide-soignante était là, et tenait la jeune Daena par la main. Lorsque le cheval du garde royal passa à côté d'elles, la gamine lui tendit un petit bouquet de fleurs sauvages. Puis ce fut au tour de
Daline de lui tendre une belle fleur solitaire, avant de détourner le regard, ses joues rouges comme les pétales délicates de son cadeau.
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Ils voyagèrent pendant deux jours. La route principale qui menait vers Aldburg et vers les autres cités du royaume était remplie de paysans qui cherchaient à se réfugier, apeurés par la menace mystérieuse qui guettait sur le royaume. Les rumeurs traversaient leurs campements à la vitesse de l'éclair, de plus en plus étranges et terrifiantes. Heureusement que Théodell avait vu ces Dwimmen en vrai...mais certains autres cavaliers n'étaient pas aussi sereins.
Ils durent quitter la route pour ne pas être ralentis par le flux des réfugiés. Le capitaine Thedras ne voulait pas perdre de temps, mais il restait prudent. Les rapports sur le nombre des envahisseurs étaient trop flous et trop inquiétants pour risquer une confrontation directe, même si cinq éoreds représentaient une force non-négligeable. La meilleure chose à faire serait de protéger les civils, en apprendre davantage sur les forces ennemies, et attendre les renforts. Après tout, le Maréchal Olaf ne devrait pas tarder à rassembler l'armée...
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Théodell fut choisi comme un des éclaireurs. Sa connaissance des Dwimmen était très faible, mais comparé à la plupart des Rohirrims, il était un expert. Un des rares à les avoir vus et affrontés...
Les éclaireurs étaient envoyés deux par deux, ce qui leur permettait de rester discret mais aussi d'envoyer un message à la troupe principale sans perdre l'ennemi potentiel de vue.
Le garde royal et son compagnon, issu d'une des éoreds du capitaine Thedras, chevauchaient depuis deux heures à peu près et s'étaient retrouvés dans une zone boisée alors que la nuit s'apprêtait à tomber. Ils avaient les Montagnes Blanches à leur droite, et ils savaient que l'Entalluve était à leur gauche, même s'ils étaient trop loin pour entendre le bruit de l'eau ou voir la rivière. De toute façon, avec la sécheresse actuelle, le niveau d'eau était très bas et les fleuves coulaient lentement comme le goudron.
Le compagnon de Théodell leva soudainement le bras sans rien dire. Lorsqu'il s'arrêta pendant un moment, le garde royal put entendre plusieurs bruits. Des pas, des cris d'hommes et ce qui ressemblait à des sanglots. Des réfugiés en danger...?
Lorsqu'ils s'approchèrent davantage, ils purent apercevoir une scène étrange du haut de la petite colline sur laquelle ils s'étaient avancés. Il y avait deux chariots, d'une construction qui n'était clairement pas rohirrime. Dans l'un d'eux, derrière une bâche trouée ils pouvaient apercevoir quelques silhouettes ligotées. Plus loin, quelques hommes portaient ce qui ressemblait à des brancards occupés par des silhouettes plus petites...Ils s'éloignaient vers le Nord-Est d'un pas rapide. Des sanglots féminins provenaient d'une tente dressée pas loin des chariots, et deux hommes armés se dirigeaient vers le premier des chariots, celui qui semblait contenir des prisonniers. Les hommes avaient la peau sombre, la même que Théodell avait pu voir quelques jours auparavant...des Dwimmen. La lumière d'une torche se refléta dans l'arme tirée d'un d'eux. La situation semblait être dangereuse pour les prisonniers...la dernière fois, les gardes royaux n'avaient pas pu sauver les captifs...
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