Le meneur des Tortilleurs avait le regard fixé sur Biereü en train de le charger, boitant de façon ridicule. Les acolytes du gobelin ricanaient, leurs dents éparses reflétant les flammes du mur rougeoyant bientôt éteint.
Emilanezh fit tournoyer ses dagues, recouvertes d'une poudre sombre, puis se rua vers le nain rapidement suivi par ses deux ombres. Les gobelins virevoltaient, évitant autant que faire se peu le marteau de leur ennemi.
Biereü, blessé, se retrouva bientôt les pieds figés au sol. Contraint de tenir sa position, encerclé, perdant de fait l'élan de sa course. Son marteau tournoyait, fendant l'air telle une tempête brutale. L'un des gobelins, sûr d'eux, en profita pour jeter un oeil mauvais à Thassael non loin d'eux. Le grognement de l'Id Ursu lui fit revenir à ses moutons. Le marteau de Biereü fut sa dernière vision avant que son crâne n'explose sous la force du choc. Le corps sans vie ni tête recula de quelques pas mécaniques avant de s'écrouler sous son propre poids.
- Meurs, boiteux !Emilanezh fit un bond vers Biereü et se retrouva agrippé à l'arme du nain, donnant lieu à une scène des plus étranges. Le naugrim se retrouva quelque peu décontenancé. L'autre sbire en profita pour enfoncer son cimeterre dans sa jambe déjà affaiblie. Le rire d'
Emilanezh retentit au-dessus des guerriers, sous le regard de Thassael.
La mise à mort approchait.
- IM-PO-SSIBLE !La voix devenue chevrotante de Balfimbul vint s'ajouter à la confusion ambiante parmi son état-major. L'explosion puis l'ouverture de la porte avaient l'une puis l'autre complètement fait perdre pied au Maître de la Porte. La honte l'envahit puis très vite, la peur de mourir. Baltog ne laisserait pas cet échec sans conséquence.
L'ouverture dans la porte n'était encore que minime, seuls deux ou trois nains étaient en mesure de la passer de front. Mais alors que le gobelin reprenait tout juste ses esprits. Le Poing de Durin avait déjà repris sa prise d'élan, son contrepoids ne trouvant aucune peine à s'élever dans le ciel. Sans instructions claires de leur seigneur, les hordes de Tortilleurs continuaient d'affronter les nains de leur mieux, oubliant cependant en route les consignes, les ordres et leur priorité ultime.
Les guerriers d'Erebor chargés de dégager le passage, levèrent les yeux et comprirent aussitôt. Avant de s'écarter au plus vite.
- Le... le béli... les servants de... du bélier !Mais Balfimbul n'avait plus son aura de commandant. Sa voix effacée et cassée ne portait plus à travers le vacarme environnant. L'incendie, les gravats, la terre encore tremblotante, la défense lui glissait de ses doigts crochus.
Les servants nains relâchèrent leur effort. Le contrepoids s'élança. L'énorme marteau de la coalition s'écrasa contre la montagne, contre la porte. Contre leur ennemi de toujours. La porte se brisa en un millier de morceaux et sans doute un millier d'autres. Le grondement figea le temps et les esprits, malmenant les tympans, terrifiant gobelins et autres monstruosités et remplissant d'espoirs les coalisés.
C'est à cet instant que les premières gouttes de pluie firent disparaître les dernières flammes du mur qui avait coupé la grande armée en deux. La porte à présent réduite en poussières et en ruines, plus rien ne séparait l'armée de Thorik de la Ruche.
Le sprint final.
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Romo et Hadhod progressaient lentement, dos à dos. Frères d'armes. Frères de lutte. Frères au bord du précipice. Frères au bout du chemin. Leurs haches fendaient, tranchaient, mutilaient de leur mieux. Se frayant un passage dans la brume, espérant ainsi être suivis dans les ténèbres par le reste de la compagnie.
L'attaque sournoise de Rog-Narok et de ses sbires prit de court le duo. Hadhod déjà affaibli se recroquevilla lors de la détonation. Romo leva son bras pour se protéger d'une éclaboussure acide. Son brassard commença à fondre et la cotte de mailles dessous se mit à chauffer si fort que Romo lâcha un râle sous le coup de la brûlure. Mais cela importait peu. Le sabre gobelin surgit des ombres en direction du seigneur de la Moria.
Coeur-d'Acier n'hésita pas. Le manche de sa hache para l'attaque. Le sourire de malice sur les visages de leurs ennemis avait le don d'agacer le vétéran. Mais déjà une seconde attaque sur sa droite força le naugrim à repousser la lame de Rog-Narok pour la parer. Il sentit dans son dos son vieil ami réagir.
- Comme au bon vieux temps, hein ? souffla Romo, dégoulinant de sueur.
Si les événements avaient conduit Hadhod à souffrir et à payer le prix fort, il allait malgré tout devoir compter sur son seigneur pour l'assister. Dans le cas contraire, tous deux ne ressortiraient jamais des entrailles de Gundabad.
Du moins, pas sur leurs deux pieds.