Un grand bruit le réveilla. Un grondement soudain, un tremblement sourd, et un nuage de poussière apparurent tour à tour dans la petite pièce où il se trouvait.
Nathanael se réveilla en sursaut, posant d’un geste confus sa main sur son arme nouvellement acquise. Il n’eut pas à se débattre cependant pour tirer le stylet de son petit fourreau. Les yeux encore engourdis par le sommeil, il constata, à la fois soulagé et énervé, la chute d’une étagère de sa bibliothèque personnelle.
- Bordel de…Il se redressa sur sa paillasse. En se redressant si vivement, il s’était entortillé dans ses draps et couvertures. Il s’agita quelques secondes pour s’extirper de l’entrelacs de tissus et de laine. Assis plus convenablement, il regarda en soupirant les livres jonchant le sol et les parchemins éparpillés sur l’ensemble du plancher. L’étagère s’était littéralement rompue en deux, sans doute sous le poids du papier, cuir, bois et autres supports d’écriture. Dans sa chute elle avait, évidemment, emportée quelques livres situés sur l’étagère inférieure.
Il se frotta les yeux devant l’étendue du désastre. Car s’en était un. Il lui faudrait tout ranger de nouveau, trier les parchemins, s’assurer qu’aucun d’entre eux ne s’était abîmé, tout en espérant que les pages des livres ne s’étaient pas arrachés de leur reliure. Ce n’était pas la première fois que ce genre d’évènement de produisait depuis son retour à Minas Tirith. Durant ces quelques mois, voire années d’absence, le bois avait souffert d’un manque d’entretien. Il avait déjà réparé deux petites commodes qu’il utilisait pour ranger ses vêtements et différents bibelots, et un pied de table qui s’était brisé, rongé par une sorte de petites termites, qui, fort heureusement, n’avait pas proliféré dans son habitation.
Il se leva et enfila avec raideur une longue chemise en lin. Il n’était pas d’humeur à faire du rangement. Il prit cependant le temps de pousser ces livres et archives dans un coin de la pièce. Il se dirigea ensuite vers une des petites commodes sur laquelle reposait une cruche d’eau en terre cuite et un petit baquet. Il y versa l’eau et se mouilla le visage. La fraîcheur du liquide le fit frissonner mais eut aussi l’avantage de lui remettre les idées en place. Il jeta un regard circulaire sur sa vaste chambre située sous les toits. Elle avait quelque chose de rustique mais elle était spacieuse et il s’y sentait bien.
Il jeta un œil par l’ouverture réalisée dans le toit. Le soleil ne devait pas s’être levé depuis très longtemps. Les premières lueurs pouvaient être observées, les ombres se différenciaient progressivement de la noirceur nocturne. Dehors, malgré l’heure matinale, l’agitation était déjà perceptible. Les bruits de sabots sur les dalles – un cavalier peut-être, ou simplement un homme guidant une bête de somme – les conversations basses de femmes, il reconnut leurs voix aiguës, et les pas rythmés d’un groupe milicien revenant d’un tour de garde matinal sans doute… Il s’étonna un moment de les entendre passer. Il n’était pas si courant de voir passer des hommes armés dans le bas de la Cité.
Il se souvint alors avec plus de distinction la conversation qu’il avait entretenu la veille avec ce vieil homme gardien des secrets de la Cité. Du moins, de quelques secrets – les informations relatives à la défense des intérêts de Minas Tirith. D’une pensée à l’autre, il vient à s’imaginer sa rencontre avec Lost Ore … cette première mission n’aurait rien de facile. Il se prit un moment à envier le métier d’assassin : tuer avait quelque chose de plus simple, on ne discutait pas avec les morts. Il se ressaisit et réfléchit à la manière dont il pourrait s’y prendre. Il fallait déjà qu’il déniche de nouvelles informations. Il savait que l’homme était un ancien soldat mais sa source n’avait rien de sûre. Le nom qu’il avait fourni à Gilgamesh n’était peut-être pas le bon. Il n’avait pas le droit de se méprendre. Quel allure aurait-il s’il s’avisait de ramener la mauvaise personne ? Sa crédibilité en prendrait un coup, c’était certain. La faute professionnelle lui était interdite.
Il jeta de nouveau un coup d’œil aux livres tombés. Il ne possédait pas de documents traitant particulièrement du royaume d’Arnor. Il ne trouverait aucune informations spécifiques concernant Lost Ore et moins encore d’indications sur son identité antérieure. Le seul endroit où il pouvait espérer trouver de telles indications semblait être la grande bibliothèque de Minas Tirith. Il n’était pas certains que les scribes, historiens ou archivistes du Gondor se soient intéressés aux histoires internes du royaume d’Arnor, mais pour l’instant il n’avait pas d’autres alternatives.
Mentalement il refit la liste des détails qu’il détenait sur le dénommé Lost Ore.
Homme d’Arnor, ancien militaire, capitaine selon sa source (peu fiable, les militaires de retour du combat avait une fâcheuse tendance à exagérer leurs propos), proche du roi sans doute, peut-être en lien avec le décès de la reine d’Arnor, peut-être présent actuellement dans la Cité Blanche. Justicier individuel, pourfendeur de voleurs, bandits, assassins et autres vermines. Une légende populaire. Beaucoup d’hypothèses pour un personnage bien étrange. Qui plus est, peu apte à parler plusieurs langues, il devrait se renseigner sur l’origine et la signification du nom de Lost Ore. Car sans pouvoir comprendre ces deux mots, il était certain qu’associés, ils signifiaient quelque chose.
En effet, la bibliothèque de la Cité représentait le lieu le plus pertinent où il pouvait se rendre dès à présent. Cependant, avant toute recherche littéraire il souhaitait se rendre dans les ruelles afin de se renseigner de façon plus concrète. L’homme était-il encore dans la cité ? Y avait-il jamais été d’ailleurs ? Gilgamesh semblait en être convaincu, mais
Nathanael ne l’ayant jamais rencontré, il se méfiait des rumeurs.
Il rentra rapidement sa chemise de lin dans son pantalon de cuir souple. Il enfila sa paire de bottines, un manteau léger aux nombreuses poches dissimulées et une cape à capuche qui lui permettrait de se faire passer pour un citoyen quelconque. Rien de marginal, si ce n’était toujours cette mèche blanche sur sa tempe gauche. Devant son vieux miroir il passa la mèche prématurément blanchie entre ses deux doigts. Il ne s’embêterait pas aujourd’hui à la dissimuler. Il ne devrait effectuer qu’un travail de recherche ponctuel, personne ne le remarquerait.
Il regarda avec un certain dégoût l'arme posée sur le sol. Il ne l'avait encore jamais sortie de son fourreau. Il la prit et l'attacha à sa ceinture. Il se saisit de son bâton de marche posé à proximité de sa paillasse et sortit par la trappe donnant sur l’étage inférieur.
#Nathanael