-40%
Le deal à ne pas rater :
Tefal Ingenio Emotion – Batterie de cuisine 10 pièces (induction, ...
59.99 € 99.99 €
Voir le deal

 Letters From Harondor

Aller en bas 
Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Ryad Assad

Nombre de messages : 2399
Age : 31
Localisation : Pelargir
Rôle : Humaniste

~ GRIMOIRE ~
- -: Humain
- -: 36 ans
- -:

Agathe - Letters From Harondor Empty
Agathe - Letters From Harondor EmptyMar 10 Juin 2014 - 11:37
Agathe - Letters From Harondor Agathe10

Il régnait une chaleur absolument étouffante dans le bureau, tranquille et paisible, où se tenait une silhouette solitaire penchée sur un bureau rempli de documents qui menaçaient de s'écrouler. Toutes les fenêtres étaient ouvertes, et il y avait un courant d'air perpétuel qui charriait malheureusement l'air chaud et lourd de l'extérieur, chargé de grains de sable et de poussière. Il était difficile d'imaginer, en regardant au dehors le désert gagner du terrain, que quelques mois avant des segments entiers de l'Harnen avaient été aperçus gelés, tant les températures étaient tombées. La hausse brutale des températures avait d'abord fait des ravis, mais elle coïncidait avec le retour des moustiques et des maladies qu'ils véhiculaient, ainsi que d'autres problèmes qu'il fallait gérer, comme la conservation de la nourriture, l'approvisionnement en eau, et la gestion des travailleurs incapables de reconstruire les maisons en temps et en heure par ce temps infernal.

La jeune femme qui se tenait au milieu des documents était en nage, et elle tirait régulièrement sur le col de sa robe pour se donner un peu d'air à l'aide de la feuille de papier qu'elle agitait machinalement à s'en briser le poignet. C'était la seule chose qui bougeait dans la pièce, à l'exception d'un pendule, et des feuilles empilées qui oscillaient doucement quand elles étaient caressées par un courant d'air paresseux. Silencieuse, la femme était concentrée sur la lecture de documents, et elle prenait des notes consciencieusement à côté, sur un document vierge qu'elle remplissait au fur et à mesure. En vérité, elle était en train de lire des comptes-rendus, contrairement à ce que tout le monde croyait. Car les piles de documents qui l'encadraient étaient en réalité des copies de rapports sans importance, livrés régulièrement pour entretenir l'illusion que ce bureau servait à gérer les menus problèmes de la capitale de l'ancien émirat du Harondor, désormais cité du Seigneur Pirate Taorin.

Et Agathe, qui était plongée dans ses notes, n'était pas la simple secrétaire du secrétaire-conseiller Salem, lui-même chargé de veiller au bon déroulement de la reconstruction de la cité. Il était chargé de centraliser les informations provenant des différents espions de Taorin, et elle était son assistante, fidèle au poste tandis qu'il était parti avec le Chien Borgne à Minas Tirith pour y participer à une fête donnée en l'honneur d'un mariage royal. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'en rire quand elle l'avait entendu pour la première fois, et de toute évidence elle n'était pas la seule à trouver la situation cocasse. Les armées des pirates venaient de prendre la principale cité d'un allié du Gondor, et plutôt que de chercher à la reprendre, les hommes du Nord avaient décidé d'envoyer une invitation pour un mariage. On pouvait voir cela comme une volonté de ramener la paix dans la région, mais ici au Sud, on considérait plutôt qu'il s'agissait d'une marque de faiblesse, et la reconnaissance officielle de la victoire des pirates sur l'émirat.

Mais pendant que la politique et le faste du mariage attendaient Taorin, Salem et la délégation haradrim, il fallait bien quelqu'un pour gérer les affaires de l'Etat pirate, et Agathe avait été désignée par Salem pour lui succéder. Elle avait selon lui toutes les compétences requises pour accomplir cette mission, et il ne s'était pas caché pour dire combien elle avait été précieuse lors de la prise de la cité. En vérité, dans son souvenir, elle n'avait pas fait grand-chose. Elle avait tué un gardien en bas d'un pigeonnier, et contribué au même titre que plusieurs des Chiens à neutraliser les quelques gardes qui tenaient une porte éloignée des combats. Rien de bien extraordinaire, rien qui méritât des louanges. Mais Salem avait tenu à l'associer au succès de la mission, et à lui trouver une place à elle parmi l'administration pirate.

Elle ne le comprenait toujours pas, et à chaque instant, elle avait l'impression que le voile mystérieux qu'il tissait autour de lui s'épaississait, à mesure qu'elle tentait de le déchirer. Au début, elle ne l'avait vu que comme un vulgaire pirate, qui avait décidé de se payer une esclave pour s'offrir du bon temps. Mais il lui avait rendu sa liberté presque immédiatement, et même quand elle avait décidé de rester avec lui, il n'avait jamais essayé de la toucher, ce qui était à la fois heureux et perturbant. Elle n'avait jamais rencontré d'homme qui ne fût pas attiré par elle, et elle ne considérait pas être vaniteuse en disant cela. Seulement, elle était une esclave au tempérament un peu rebelle, et elle avait un beau visage. Tous les hommes, quel que fût leur raison, mouraient d'envie de la mettre dans leur lit, et en général seul l'argent les en empêchait. Mais lui, il l'avait à sa merci, et il n'en profitait pas. Etrange.

Plus elle le connaissait, plus elle le considérait comme un érudit éduqué, civilisé, qui n'avait de toute évidence rien à faire dans un groupe de pirates. Mais il paraissait également avoir une face obscure et mystérieuse, en plus d'une faculté d'adaptation hors du commun. Elle se surprenait toujours à penser qu'elle était la seule à remarquer son ascension fulgurante, et la facilité avec laquelle il était passé de simple servant à secrétaire-conseiller d'un des personnages les plus puissant du Harad. Elle n'osait en parler, de peur d'éveiller les soupçons sur celui qui, au final, demeurait tout de même son protecteur, mais il lui arrivait de perdre le fil de ses pensées, préoccupée par ce qu'elle ne comprenait pas parfaitement, à savoir les mobiles de Salem. Comme en cet instant, par exemple.

Maudissant ses pensées volages qui la ramenaient toujours vers cet homme énigmatique et mystérieux, qu'elle craignait pour une part, qu'elle admirait pour une autre, et qu'elle appréciait pour une troisième - bien qu'elle n'aurait jamais reconnu devant lui qu'il ne la dégoûtait pas -, elle revint à la lettre qu'elle était sur le point d'écrire, attrapa une feuille parfaitement blanche, et écrivit :

Citation :
Seigneur Ezhel,

J'espère que cette missive vous trouve en bonne santé, et que vous êtes parvenu à donner un nouveau souffle aux Chiens du Désert, comme vous projetiez de le faire dans votre dernier courrier.

Je vous écris afin de vous alerter des développements récents de la sécurité du territoire récemment conquis par nos troupes, rapportés par les espions déployés à nos frontières.

D'après nos informateurs, les troupes de l'émirat sont toujours stationnées à Djafa, qui fait désormais office de nouvelle capitale. Les cités du Nord du pays ont été reprises, et la voie vers le Gondor est de nouveau ouverte. Nous étions en mesure de prévoir cette reconquête, mais il apparaît désormais que des renforts venus du Nord peuvent rejoindre les forces de Radamanthe sans trouver d'opposition sur leur route. Les négociations entre les différentes parties actuellement rassemblées au mariage seront de fait décisives pour les mois à venir. Il faut espérer que le Seigneur Taorin parvienne à dissuader le Roi Méphisto de dépêcher un contingent pour soutenir l'émirat.

Il faut toutefois saluer les festivités organisées, et placées sous le signe de la paix, car elles permettent pour l'heure de garantir la paix, et de consolider notre présence sur le territoire. Les informations rapportent que nos troupes stationnent sans difficulté le long de la frontière, et ont acquis à leur cause le soutien d'une partie de la population locale. Les levées de soldats ont été limitées, et conformément aux ordres du Seigneur Taorin, des milices urbaines ont été constituées pour défendre les villes contre d'éventuelles tentatives harondorim de se réimplanter sur le territoire.

Le gros des troupes est encore basé à Dur'Zork, qui se reconstruit merveilleusement bien, et qui sera probablement le joyau du Sud une fois que les travaux auront été achevés. Malheureusement, la chaleur étouffante a considérablement ralentit les opérations, mais nous espérons pouvoir accélérer la cadence en mobilisant davantage d'esclaves. Les fortifications de la ville, pratiquement intactes à l'arrivée des troupes, ont été renforcées récemment afin de protéger l'accès au fleuve, et de garantir un approvisionnement constant en eau. Ces défenses demandent à être renforcées, naturellement, mais c'est un premier pas franchi.

En revanche, il demeure un point quelque peu inquiétant, concernant les incursions des hommes du Khand sur le territoire. Ce mois-ci, nous avons atteint le record de vingt-trois raids sur des villages proches de la frontière, et nous comptons près d'une soixantaine de victimes au total. Des émissaires ont été dépêchés pour ouvrir des négociations destinées à aboutir à un traité de paix, mais nous attendons toujours de leurs nouvelles, et en attendant les attaques continuent. Pour l'heure, nous avons préféré regrouper nos troupes plutôt que les disperser dans les villages frontaliers, afin de limiter nos pertes militaires, mais les Khandéens semblent toujours savoir où frapper pour éviter nos forces.

Plusieurs de nos espions ont tenté de s'infiltrer sur leur territoire pour obtenir des renseignements, comprendre la stratégie de nos ennemis, et surtout obtenir des informations susceptibles de faciliter d'éventuelles négociations. Sur les quatre hommes qui ont été dépêchés, trois n'ont plus donné signe de vie après deux semaines, et le dernier a été retrouvé criblé de flèches au milieu du désert par une de nos patrouilles qui l'a formellement identifié.

En l'état actuel de nos forces, nous sommes incapables de protéger efficacement notre frontière, et en l'absence du Seigneur Taorin, je vous invite à négocier auprès du Conseil des Pirates pour qu'il dépêche de nouvelles troupes pour nous aider à maintenir l'ordre dans la région, avant que ces incursions ne deviennent ingérables.

J'ai conscience que vous faites votre possible pour nous aider, et je vous remercie par avance de la considération que vous porterez à cette lettre.

La jeune femme laissa sa plume un instant en l'air, relisant ce qu'elle venait d'écrire avec des mots simples, car ce courrier était à classer dans la catégorie "personnelle" plutôt que dans la catégorie "officielle". Elle ne cherchait pas à flatter quelque Seigneur Pirate à cheval sur les titres, elle essayait plutôt de faire un rapport aussi précis que possible à un proche de Taorin qui devait bien comprendre la nécessité de défendre le territoire récemment conquis des ennemis qui le menaçaient de toutes parts. De plus, elle avait déjà eu l'occasion de s'entretenir avec Ezhel, et bien qu'elle n'appréciât pas sa brutalité et son air de tueur, elle devait reconnaître qu'il était efficace et qu'on pouvait lui faire confiance. En l'occurrence, c'était ce qu'elle cherchait, et elle n'avait aucun autre allié fiable à contacter.

Satisfaite de sa lettre, elle y adjoignit les formules d'usage, signa de ses initiales "AE", avant de plier la missive et de la sceller officiellement. C'était un courrier de première importance qui partirait à l'heure de midi attaché à la patte d'un pigeon voyageur, qui rallierait Umbar dans la nuit, au regard de la qualité des oiseaux sélectionnés. La jeune femme espérait obtenir une réponse le lendemain dans la journée, car les attaques des hommes du Khand étaient presque quotidiennes, et la réactivité était une donnée importante pour répondre à leurs agressions.

#Agathe


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Agathe - Letters From Harondor Signry10
Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Taorin
Emir du Harondor Libre
Emir du Harondor Libre
Taorin

Nombre de messages : 500
Age : 30
Localisation : Minas Tirith

~ GRIMOIRE ~
- -: Humain (Haradrim)
- -: 36 ans
- -:

Agathe - Letters From Harondor Empty
Agathe - Letters From Harondor EmptyJeu 12 Juin 2014 - 23:01
Citation :
Agathe,

Je vous remercie de votre préoccupation, et espère que cette missive vous trouvera en bonne santé et en sécurité.

Le stationnement des troupes ennemies à Djafa joue en notre faveur : il nous est possible de limiter le nombre d’hommes mobilisés sur ce front sans craindre de nous y affaiblir trop fortement. Je vous conseille ainsi de rapatrier toutes les unités possibles jusqu’à la frontière avec le Khand sans perdre de notre efficacité quant à la surveillance de la zone de front et la défense de la capitale. Recrutez si possible plus d’agents pour surveiller l’ennemi, ce qui nous permettra d’utiliser au mieux nos ressources pour lutter face à ces incursions khandéennes préoccupantes. Nous ne pouvons nous permettre de nous laisser ridiculiser par des bandes en maraude, qui tuent et pillent ceux que nous prétendons protéger.

Ainsi, afin de vous aider, j’ai demandé aux chefs des tribus nomades du désert du Harad de se rassembler le plus rapidement possible à Al Noor, afin que nous puissions établir un dialogue avec ces hommes qui sont les plus aptes à lutter contre les incursions sur la frontière orientale. Les tribus seront de la sorte plus facilement contrôlables, et le pouvoir des Neufs pourra s’étendre peu à peu au désert. Même si la plupart des Seigneurs Pirates encore présents n’ont pas d’opinion bien définie quant à ces rassemblements, plusieurs avis favorables ont émergés.

Lors de cette prochaine réunion, qui devrait avoir lieu d’ici un mois, les délégations d’Umbar et du Harondor libre pourront convaincre certains chefs de prêter leur concours à la sécurité de la frontière orientale, voire même de rejoindre l’armée régulière de Dur’Zork. Je vous conseille d’ailleurs de commencer les négociations avec les tribus proches de l’Harnen, car Umbar ne pourra sans doute pas vous épauler efficacement dans ce conflit. Les Chiens se reforment lentement, et retrouveront leur efficacité initiale que lorsque les nouvelles recrues auront été entraînées. Mais même alors, ils ne formeront qu’une unité de deux cents hommes environ. Et les Neufs répugneront à se réengager dans une nouvelle campagne terrestre, et préféreront profiter de leurs richesses nouvellement acquises.

Je pourrais néanmoins vous envoyer les meurtriers attrapés lors de nos patrouilles dans la cité. Ils ne devraient pas constituer un contingent bien important, ni très fiable, mais sans doute trouverez-vous une quelconque utilité dans ces quelques individus. Accompagnés d’une poignée de gardes et de volontaires, vous devriez voir arriver une cinquantaine de combattants potentiels. Je vous enverrais d’autres groupes semblables lorsque les prisons se rempliront suffisamment.

Pendant ce temps, je rassemble, parallèlement aux Chiens qui se reforment, un groupe d’informateurs dans la Cité du Destin même, afin de prévenir toute tentative de déstabilisation de la part de l’Usurpateur ou de ses alliés.

Je vous recontacterais si jamais la situation évolue aux Havres, notamment en ce qui concerne la question des incursions, et je vous prie de me communiquer toute avancée dans le problème qui nous préoccupe.

Ezhel, Seigneur Pirate d’Umbar.
#Ezhel
Revenir en haut Aller en bas
Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
Ryad Assad

Nombre de messages : 2399
Age : 31
Localisation : Pelargir
Rôle : Humaniste

~ GRIMOIRE ~
- -: Humain
- -: 36 ans
- -:

Agathe - Letters From Harondor Empty
Agathe - Letters From Harondor EmptySam 14 Juin 2014 - 23:18
Agathe - Letters From Harondor Agathe10

La situation à Dur'Zork n'était pas des plus brillantes, et tandis que le Seigneur Taorin était absent, et ses représentants occupés à prendre des décisions strictement politiques pour s'assurer du soutien du peuple, c'était à Agathe de gérer concrètement les choses, et de se montrer de bon conseil, pour éviter que le nouveau territoire ne sombrât dans le chaos. Pour autant, elle n'en voulait à personne, et on pouvait même dire qu'elle appréciait sa tâche, qui lui donnait enfin le sentiment de servir à quelque chose, d'être traitée à la hauteur de ce qu'elle estimait valoir. Pendant des années, elle avait été réduite en esclavage, vendue à des marchands sans scrupules qui n'avaient vu en elle qu'une possibilité de gagner de l'argent. Le seul homme qui l'avait jamais aimée sincèrement était mort depuis longtemps, et elle n'avait plus jamais vu qu'un désir malsain dans les yeux de ceux qui la déshabillaient du regard, en se demandant si elle valait la somme exorbitante demandée par Omar pour s'offrir ses services. Après tout, elle faisait partie des femmes considérées comme jolies, et si elle avait été d'un caractère docile, elle aurait probablement trouvé un nouveau propriétaire plus rapidement. Néanmoins, ce n'était pas le cas. Elle était dotée d'un esprit farouche et rebelle, d'un franc-parler souvent insultant, et d'une propension à cracher la vérité plus élevée que la moyenne. Quand on considérait l'investissement, sa beauté pouvait attirer, mais elle avait de nombreux défauts la rendant inutile dans une maison.

En fait, elle était arrivée à croire qu'elle ne serait jamais vendue. Oh, elle n'était pas vieille, et Omar entretenait si bien ses esclaves qu'elle avait presque l'air d'une princesse arrachée à son pays pour être vêtue à la mode du Sud. Mais les années passaient, et elle n'avait plus la fraîcheur des autres esclaves de sexe féminin du riche marchand, plus jeunes et plus aguicheuses, qui croyaient naïvement qu'elles pourraient trouver mieux chez un maître qui les aimerait vraiment. Les sottes ! On allait user et abuser d'elles, avant de les délaisser quand on s'en serait lassé. Agathe avait vu partir beaucoup de pauvres âmes ainsi. Des personnes qu'elle considérait comme des filles ou des sœurs, et qu'elle n'avait jamais revues. On disait souvent qu'il était difficile de survivre à une bataille quand ses compagnons étaient tombés, mais l'ancienne esclave éprouvait exactement le même sentiment vis-à-vis de celles qui avaient partagé son quotidien de captivité et de servitude. Elle se sentait honteuse d'avoir réussi à s'en sortir, et en même temps fière d'avoir résisté suffisamment longtemps pour goûter à la liberté avant de rendre son dernier souffle.

Une liberté qu'elle avait acquise grâce à Salem, un homme qu'elle avait encore du mal à cerner bien qu'ils eussent passé six mois ensemble, à œuvrer activement pour faciliter la victoire de Taorin sur Radamanthe, puis son élection à la tête de Dur'Zork, et enfin la stabilisation de son autorité sur les terres environnantes. Elle arrivait en général à voir ce qui motivait les gens lorsqu'ils achetaient un esclave : l'argent, soit le besoin d'un nouvel instrument de travail pour leurs affaires, auquel cas ils observaient la force physique, la forme, l'endurance, l'intelligence, la capacité à lire et à écrire, et éventuellement les talents particuliers ; le pouvoir, soit le besoin de s'approprier la vie d'autrui pour prendre plaisir à dominer, à donner des ordres, et à régenter un petit royaume, auquel cas les acheteurs prenaient soin de sélectionner des cibles fragiles, effrayées ou impressionnables, pour leur imposer leur violence sans risque de révolte ; la sécurité, soit le désir de trouver un individu pour assurer leur protection, ou pour s'engager sur un des navires de la Cité du Destin, auquel cas c'était la loyauté qui était privilégiée, puis venaient les compétences martiales, la capacité à obéir, et souvent l'art de se taire.

Salem, curieusement, n'appartenait à aucune de ces trois catégories, et pourtant il avait déboursé une petite fortune à l'issue de négociations relativement âpres pour s'attacher ses services. Lorsqu'elle l'avait vu pour la première fois, grand et sec, elle trouvait qu'il ressemblait à un serviteur de bas étage, courant sur les talons d'un pirate qui de toute évidence lui donnait des ordres comme on ordonnait à un chien. Elle avait pensé qu'il serait du genre à cacher un terrible secret. Derrière sa façade sage et réservée, servile et discrète, il pouvait cacher un véritable tyran désireux de reporter sa frustration de n'être qu'un simple exécutant sur une personne incapable de se défendre. Elle l'imaginait bien lui donner des directives impossibles, l'humilier pour prendre plaisir à la voir rabaissée comme lui était rabaissé au quotidien par ses maîtres. Mais en fait, il n'avait jamais rien fait de tout ça. Deux minutes après avoir pris légalement possession d'elle, il l'avait affranchie, et lui avait demandé d'aller son chemin. Bien entendu, elle avait refusé, et depuis ce fameux jour, elle n'avait eu de cesse de trouver la raison pour laquelle il l'avait libérée, en vain.

Agathe poussa un soupir, et congédia ces pensées inutiles pour l'heure. Elle avait du travail, et réfléchir encore et encore au même problème ne servirait à rien, surtout pas en l'absence du principal concerné. Elle avait déjà fouillé ses appartements deux fois sans rien y trouver de suspect, et elle commençait à croire qu'elle se faisait de fausses idées. Revenant à la lecture du rapport qu'elle venait de recevoir - c'était le quatrième aujourd'hui -, elle essaya de nouveau d'en faire une synthèse, pour mémoire. Elle aimait procéder ainsi, car son travail était de centraliser les informations et de les restituer de manière claire et intelligible. De la sorte, elle pouvait être plus précise, plus efficace, et elle se rendait donc nécessaire à l'administration, ce qui garantissait sa survie. Car après tout, avec tout ce qu'elle savait désormais, si elle commençait à faire des erreurs, on risquait de se débarrasser d'elle de manière définitive, plutôt que de simplement la renvoyer. Au Harad, on se méfiait comme de la peste des espions, qui pouvaient changer le cours d'une guerre au regard de l'instabilité politique permanente.

Elle était absorbée dans sa lecture quand on toqua à sa porte. Un page entra sans attendre de réponse, comme il était d'usage ici - après tout, elle n'était censée avoir aucun secret pour personne, étant officiellement une simple secrétaire -, et déposa silencieusement une lettre sur son bureau. Elle le remercia et ouvrit le document avec un léger empressement, découvrant avec beaucoup de plaisir qu'il s'agissait d'Ezhel, le second de Taorin, qui venait avec des nouvelles. La situation était délicate, et il était le seul sur qui elle pouvait compter, aussi son soutien était-il nécessaire pour assurer le maintien de l'ordre dans le Harondor Libre. Elle dévora littéralement sa lettre, puis la relut posément une seconde fois, afin de bien comprendre tous les tenants et aboutissants de ce dont il l'informait. Pour résumer, elle devait se débrouiller seule avec les maigres moyens dont elle disposait - une douzaine d'espions environ, répartis sur tout le territoire, et qui n'étaient guère bien formés -, et elle devait convaincre le gouverneur de la cité de faire un bon usage des troupes qui étaient sous son commandement. Prenant ses documents avec elle, de quoi écrire pour consigner ses pensées, elle quitta son bureau, et partit s'engager pour de difficiles négociations avec les chefs de la Cité.


~~~~


Citation :
Seigneur Ezhel,

Je vous réponds aussi rapidement que possible afin de vous informer des dernières évolutions, qui sont pratiquement quotidiennes ici. Je sors à peine d'une entrevue avec le gouverneur de Dur'Zork en l'absence du Seigneur Taorin. Après une heure d'exposé et près du double de négociations, j'ai fini par le convaincre de déplacer une partie des contingents affectés à la surveillance de la frontière Nord vers la frontière Est. Il a tout de même tenu à maintenir les régiments les plus expérimentés pour prévenir une riposte de Radamanthe, en dépit des informations recueillies par nos informateurs.

En ce qui concerne les fonds à la disposition de mon service, ils sont malheureusement bien limités. Acheter, former et entretenir un informateur fiable coûte bien trop cher, et le risque d'être trahi demeure trop élevé pour l'instant. En outre, la priorité du gouverneur semble être de protéger la Cité selon les directives de Taorin, sans qu'il tienne un seul instant compte de l'évolution de la situation. Les rapports que je reçois sont inquiétants, mais ils ne paraissent pas préoccuper les élites de la capitale, qui pour l'heure se sentent à l'abri.

J'espère dès lors que la réunion avec les tribus nomades portera ses fruits. D'ici un mois, le Seigneur Taorin sera revenu, et je suis persuadé qu'il accordera de la considération à la menace Khandéenne, mais d'ici là vous faites bien de prendre les devants, et de rassembler ses soutiens. Je crains qu'attendre davantage ne nous place dans une situation intenable.

Quant à ces brigands que vous songez à nous envoyer, soyez certains que Dur'Zork saura les incorporer à ses troupes. Nous avons besoin de tous les bras disponibles, et je vais dès à présent m'atteler à trouver un officier capable de les discipliner et d'en faire une unité cohérente. Chaque maigre victoire nous apportera un peu de répit en attendant le retour du Seigneur Taorin.

Il me reste à vous souhaiter de la réussite dans vos entreprises à Umbar, en espérant que les tentatives de Radamanthe ne soient pas couronnées de succès. J'espère vous voir rapidement au Harondor, car votre présence saurait convaincre le gouverneur de mobiliser davantage de moyens pour contrer les attaques du Khand.

AE


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Agathe - Letters From Harondor Signry10
Spoiler:
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé




Agathe - Letters From Harondor Empty
Agathe - Letters From Harondor Empty
Revenir en haut Aller en bas
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Le Harondor
» Retour au Harondor
» Désert d'Harondor
» [Harondor] Étape finale de l'expédition de Krage

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Bienvenue à Minas Tirith ! :: - Les Terres du Milieu - :: Terres du Sud :: Harondor :: Dur'Zork-
Sauter vers: