La faussaire regarda Lithildren comme une folle lorsque celle-ci évoqua son désir de confronter Gier. Certes, elle avait entendu les légendes racontant les exploits des guerriers et mages elfes, mais est-ce que cette femme aux cheveux argentés pouvait vraiment espérer accomplir quoi que ce soit contre la brutalité du sorcier et de ses acolytes ? Sonja en doutait fortement, mais elle garda ses pensées pour elle.
Pendant ce temps là, Lithildren expliquait son point de vue à Neige. La gondorienne n’était pas ravie, et pinça ses lèvres pales lorsque l’elfe évoqua le roi Méphisto. Le fait qu’un grain de vérité se cachait dans ses paroles méprisantes ne faisait rien pour arranger l’humeur de la Capitaine.
-Mon devoir premier est de protéger le Royaume du Gondor et son peuple. Je suis consciente de la Missive des Erudits et des dangers qu’elle évoque, mais avant de nous tourner vers la menace inconnus des objets des anciens temps, il faut purger l’Arbre Blanc du poison qui le ronge de l’intérieur. Interroger Rhydon n’est pas une mauvaise idée, mais le prendre vivant et trouver un endroit où on pourrait lui soutirer des informations avant que l’intégralité de la garnison de Minas Tirith ne débarque ne sera pas une chose facile.
Les paroles de Neige n’avaient rien d’un mensonge ou d’une exagération, mais il y avait aussi un autre élément dans son raisonnement qu’elle n’évoqua pas à voix haute. Corrompu ou non, Lord Rhydon était Directeur de l’Arbre Blanc, et détenait des secrets militaires et politiques qui, entre des mauvaises mains, pourraient mettre le Gondor à genoux. Il était hors de question qu’il soit interrogé par quelqu’un d’autre que des représentants de la Couronne ou de l’Arbre Blanc.
***
Le professeur Nallus regarda Lithilidren d’un coin de l’oeil, essayant en vain de déterminer si l’elfe faisait une blague au sujet de la mort possible de Sonja aux mains de Neige ou si elle était sérieuse. Il grogna, gêné, et marmonna :
-Le sang froid de Capitaine Neige est légendaire, bien que sa patience a été testée à multiples reprises au cours de ces derniers jours...Elle est consciente de la valeur de mademoiselle Kol pour le procès contre Rhydon et Cartogan et la protégera au prix de sa vie s’il le faut. Espérons que cela ne soit pas nécessaire...
Si Lithildren s’imaginait que les interactions sociales ou les subterfuges étaient un point fort du professeur, elle se trompait. Nallus se sentait parfaitement à l’aise derrière le pupitre dans l’auditorium de l’Université De Minas Tirith ou lors d’un repas avec ses collègues érudits, mais les déguisements, mensonges et jeu d’acteur étaient un territoire inconnu pour lui.
-Oui, ma fille, hmm, très bien.
Nallus eut la bonne idée de commencer par acheter deux petites quiches chez un artisan boulanger, et en profiter pour demander à ce dernier de lui indiquer où se trouvait le forgeron
Cadrach. Lorsqu’ils se dirigèrent vers la forge, le regard de Lithildren fut attiré par un homme en uniforme qui cloutait quelque chose, une affiche apparemment, sur un panneau à la vue de tous. Quelle fut sa surprise lorsqu’elle découvrit un croquis étonnement fidèle représentant le visage de Neige...recherchée morte ou vivante pour trahison à la Couronne et sédition. Bientôt, le soldat sortit une deuxième affiche de sa sacoche. Cette fois-ci le portrait était moins fidèle, mais les cheveux argentés, grands yeux et oreilles pointues trahissaient de qui il pouvait s’agir. Crac. Crac. En fermant les yeux, il était facile de s’imaginer que le bois dans lequel le marteau du soldat enfonçait les clous était celui de leurs propres cercueils.
Heureusement pour elle, Lithildren avait teint ses cheveux et dissimulé ses oreilles ; pour l’instant du moins, cette manoeuvre et l’absence de Neige lui avaient permis de rester incognito.
Lorsqu’ils arrivèrent devant
Cadrach, Lithildren guidée soi-disant par son père, Nallus prit la parole :
-Maître Cadrach je présume ? On m’a parlé de vos talents de forgeron, et j’ai une commande spéciale pour vous. Voyez-vous, ma fille aimerait offrir une épée en cadeau à son fiancé. Mais la pauvre enfant étant aveugle, elle m’a demandé de l’accompagner pour choisir le modèle. Pourriez-vous nous renseigner ?
Le forgeron regarda le duo étrange en se grattant la barbe et répondit :
-Malheureusement il va falloir songer à un autre cadeau ! Vous n’avez pas entendu qu’en vue des troubles aux frontières avec les envahisseurs barbares et de la guerre civile au Harad, toutes les armes fabriquées sont réquisitionnées par l’ost royal ? Je forge les armes uniquement pour l’armée du Gondor jusqu’à ce que l’ordre soit annulé par le Général Cartogan ou le Roi...De toute façon avec les attaques des pillards sur les caravanes sur la Vieille Route, même les livraisons de fer et d’acier sont retardées et les stocks insuffisants pour répondre à la demande.
Nallus se mit à bafouiller. Pris au dépourvu, il n’était clairement pas un maître de l’improvisation. Il avait même oublié de mentionner le nom de Felian ou les Chevaliers du Cor Brisé. Ce fut à Lithildren de prendre la relève pour essayer de convaincre
Cadrach de les aider, une tâche difficile.
Néanmoins, le forgeron finit par l’écouter, convaincu par sa rhétorique ou prêt à prendre des risques pour aider les Chevaliers du Cor Brisé. L’elfe dut aussi lui expliquer de quelles armes ils avaient besoin et en quelles quantités.
-Ecoutez, si je me fais prendre ce sera fini pour moi...vendre du stock destiné pour l’ost royal est un crime avec des lourdes conséquences. Actuellement, le mouvement dans la Cité Blanche est limité et une livraison d’armes ne passera très certainement pas inaperçue...il y a un seul moyen. Tous les deux jours, des chariots arrivent pour embarquer les déchets de la forge, prinicipalement les cendres du four. Les déchets sont stockés dans des tonneaux. Je ne sais pas où les chariots emmènent les cendres et les déchets, mais une chose est sûre, lorsqu’ils arrivent ici ces chariots puent la mort...Si vous pouviez garantir qu’elles seront interceptées par vos alliés, je peux dissimuler les armes dans les tonneaux. J’espère que vous savez ce que vous faites...
#Sonja #Nallus #Cadrach