Le groupe conclut rapidement que la proposition du Hobbit était judicieuse ; en coupant à travers champs il pouvait espérer rejoindre Fondcombe rapidement , du moins avant que leurs poursuivants ne fondent sur eux. Erennel fut le premier à réagir , après avoir donné raison au Hobbit avec une phrase inhabituellement longue pour le forgeron un peu bougon jusque là , il changea de cap et quitta la route ; Lithildren ne tarda pas à l’imiter .
La terrain brouissailleux n’était pas forcément idéal pour progresser à vive allure : la végétation fournie dissimulait roches et crevasses si bien que les chevaux pouvaient perdre l’équilibre d’un instant à l’autre ; les cavaliers devaient se montrer d’autant plus vigilants . Mais quels autres choix avaient-ils? Si ils restaient sur la route leurs ennemis auraient tôt fait de les rattraper , au moins en sortant de la piste ils avaient une infime chance de leur échapper . Une infime chance c’était déjà ça . Se posait également le problème de la rivière qu’Eugénion avait pour l’instant préféré taire à ses compagnons mais ces derniers ne tarderont pas à le découvrir ; le seul pont aux alentours se trouvait justement dans la continuité de la route qu’ils venaient de quitter . Mais enfin bon ! Chaque chose en son temps ! Nom d’un lithophone !
Cramponné à la croupe d’Aldranys, Eugénion était toujours aussi mal à l’aise mais il se forçait à rester concentré , bien qu’il ne dirigeait aucune monture ce n’était nullement le moment de laisser le malaise prendre le dessus. Fondcombe était encore loin et le Semi-Homme pouvait à juste titre se demander si ce petit jeu et ce rythme infernal durerait encore longtemps . Il était clair que sur la distance le petit groupe ne tiendrait pas le coup .
Bien que cela soit concrètement inutile le marchand ambulant serra fortement le grand canif qui pendait à sa ceinture ; si jamais il devait se battre il était prêt à défendre chèrement sa vie et celles de ses amis . Ce courage absurde et irréaliste le rassurait quelque peu mais pas assez pour lui rendre un rythme cardiaque normal.
Le vent continuait à balayer paysage et à glacer le sang des aventuriers. Son appel morne et froid qui s’étendait sur les broussailles frémissantes résonnait en écho dans la vallée. Au dessus de leur têtes , d’énormes nuages gris s'amoncelaient et semblaient s’affronter dans un combat terrible entre titans mais le petit groupe n’avait guère le loisir de lever la tête pour admirer ce spectacle menaçant : ils avaient d’autres préoccupations bien plus urgentes pour le moment. Eugénion marmonna un juron dans sa barbe inexistante ; si même le climat s’y mettait … Décidément tout jouait en leur défaveur.
Au bout d’une quinzaine de minutes de cavalcade particulièrement éprouvantes pour les chevaux devant évolués sur un terrain beaucoup plus accidenté ils purent distinguer une cabane en bois en bordure d’une petite forêt un peu plus loin…
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TchacLes mauvaises herbes furent arrachés de la stèle d’un coup de sécateur extrêmement précis . Une main large mais petite balaya alors les quelques saletés qui subsistaient encore sur la pierre tombale . Reposant ses outils l’homme s’empara de son outre d’eau et en but un petit peu tout en regardant d’un regard mélancolique sa petite cabane. Le propriétaire des lieux était un homme de petite taille mais à la silhouette puissante et trapue ; ses muscles puissants témoignaient d’années de travail dans son modeste domaines et la forêt environnante. Il avait le crâne chauve et un petit bouc ornementait discrètement son menton.
Après s’être hydraté ,
Gnoro reprit sa tâche , un chiffon en main il se mit à polir la seconde stèle qui se trouvait juste à côté de la première qu’il avait nettoyé . Son domaine avait toujours été sous le signe du calme et de la sérénité mais il y a plusieurs semaines le destin avait fait qu’un tragique évènement se produise près de chez lui ; c’était donc naturellement qu’il avait pris sur lui l’enterrement des deux défunts innocents.
Gnoro avait beau fait le choix de vivre en marge de la société et de la civilisation , comme un ermite au plus proche de la nature il n’en était pas moins un homme généreux et au grand coeur . Il évitait ses semblables mais ne les haïssaient pas ; ces pauvres êtres n’avaient seulement pas réussi à comprendre le sens de leur vie , entravés comme ils étaient . Comment leur en vouloir? Il fallait juste éviter de trop les fréquenter. Au moins
Gnoro pouvait se targuer de ne subir l’influence d’aucune idéologie ou diplomate ; et pour être libre il fallait vivre reclus dans une petit cabane en bois , avec de simples vêtements de toiles et en mangeant ce que la nature voulait bien lui donner c’étaient les conditions sinéquanone et l’ermite était prêt et même heureux de les adopter. C’est alors que le bruit de sabots l’alerta ,
Gnoro lâcha ses outils et se redressa prestement ; la dernière fois que des cheveux et des cavaliers étaient entrés dans son domaine le sang avait coulé . Il se saisit de son bâton et bondit à la rencontre des nouveaux venus . Le moins que l’on pouvait dire était que l’ermite s’attendait à la venue de n’importe qui ou de n’importe quoi à l’exception d’un trio aussi improbable. A quelques mètres devant lui se tenaient une elfe aux cheveux argenté qui montait avec un Hobbit et à leur côtés un homme blond qui chevauchait une bête dont on pouvait aisément deviner l’âge avancé . Ils étaient visiblement terrifiés mais pas par l’ermite et puis ils ne semblaient pas être une menace pour ce dernier qui opta tout de même pour la prudence. Gardant son bâton levé il lança
-Peu importe qui vous êtes , qu’est ce que vous venez faire dans mon domaine?
Si
Gnoro était un être paisible et pacifique il était néanmoins prêt à se battre farouchement pour protéger ses terres de bandits ou de malfrats .
De son côté Eugénion ne cessait de lancer des regards dans son dos et il était à chaque fois persuadé que leurs poursuivants grignotaient encore un peu plus de terrain ; ce n’était d’ailleurs pas faux . Si au début seule la vue perçante de Lithildren pouvait distinguer la silhouette de leurs poursuivants , ils pouvaient désormais tous les voir distinctement. Il n’y avait pas une seule seconde à perdre. L’autoproclamé philosophe se chargea de répondre à l’inconnu ; après tout c’était lui qui avait insisté pour prendre contact avec les potentiels habitants de la cabane quelques minutes auparavant sans plus d’explications. Il parla rapidement d’une voix qui trahissait son stress et sa tension .
-Monsieur. Il marqua un temps d’arrêt comme le faisait tout Hobbit qui se respecte après une marque de politesse puis il reprit à nouveau de manière très rapide.
Nous ne sommes que de simples voyageurs inoffensifs mais nous sommes malheureusement poursuivis par une horde de bandits . Connaîtrez vous s’il vous plaît un moyen de traverser la rivière sans faire de détour.
Gnoro baissa sa garde , de toute évidence ces étrangers n’étaient pas hostiles et ils disaient vrais . L’ermite pouvait distinguer au loin un groupe de cavaliers qui galopaient vers eux ; ils seraient bientôt là . Après un petit moment de réflexion le propriétaire du domaine leur répondit
-Continuez votre chemin mais dirigez légèrement plus au Nord , il devrait y avoir un passage à gué. J’espère simplement que vos chevaux n’auront pas peur de se mouiller.
Il ne fallait pas plus d’informations pour Eugénion qui remecia rapidement
Gnoro avant que Lithildren ne fasse à nouveau partir Aldranys à vive allure avec Olann sur ses talons qui tenait le rythme tant bien que mal .
Quand ce genre de poursuite les chasseurs finissaient généralement par rattraper leur proie , à l’usure sans aucun doute et c’était exactement ce qui se produisait . A chaque minute qui passait Oropher et ses sbires gagnaient encore quelques mètres supplémentaires ; la situation devenait réellement délicate. Les montures commençaient à fatiguer , le puissant Aldranys n’était plus aussi frais que quelques heures auparavant et Olann commençait à accuser sérieusement le coup. Le constat était simple mais inéluctable : ils n’avançaient plus assez vite. Lithildren et Erennel avaient beau éperonner leur chevaux ceux ci étaient à bout de forces et n’en pouvaient plus ; seule la conscience d’un danger imminent et l’instinct de survie les faisaient encore avancer , malheureusement trop lentement.
Après plusieurs longues dizaines de minutes de poursuite ils purent entendre clairement le clapotis de l’eau , la rivière était désormais toute proche et ça n’était pas forcément une bonne nouvelle . Leurs poursuivants avaient déjà quasiment comblé leur retard et la traversée leur prendrait un certain temps ; un temps qu’il n’avait pas. S’ils n’étaient pas assez rapide leurs assaillants les auraient rejoints avant qu’ils n’aient fini de traverser et le combat s’engagerait alors au bord de l’eau. Et justement c’était précisément ce qui était en train de leur arriver ils n’étaient pas assez rapide .
Il n’y avait plus qu’une dizaine de mètres entre proies et prédateurs . Les trois aventuriers pouvaient entendre leur poursuivants lancés derrière eux ; les encouragements qu’ils adressaient à leur monture pour que celle-ci aillent encore plus vite, dépassent leur limite.
Une flèche siffla et fendit l’air , passant juste à côté de l’oreille d’Erennel ; à quelques centimètres près le projectile se fichait dans son crâne et l’archer adverse aurait tôt fait de régler la ligne de mire. En se retournant le forgeron put furtivement apercevoir son agresseur , un elfe aux longs cheveux bruns qui dévisageaient l’homme de son regard émeraude et perçant , un rictus meurtrier sur son visage. Visiblement si ils désiraient capturer Lithildren en vie , il n’en était rien pour l’homme et le Hobbit et comme ce dernier chevauchait avec l’elfe c’était bien le forgeron qui était la cible des projectiles des assaillants ; tout le monde était en danger mais dans l’immédiat c’était lui qui devait craindre pour sa vie.
C’est donc sans hésiter qu’il lança Olann dans la rivière quand ils y arrivèrent ; il devait continuer à avancer coûte que coûte . Dans le cas contraire il était condamné. La vieille jument devait à présent lutter contre le courant et le froid pour sauver Erennel . De son côté Lithildren prit le temps de tourner la tête avant de se lancer ; Oropher lui lança un regard mauvais mais il ne semblait pas tout à fait serein comme si quelque chose commençait à lui lui échapper. Impossible de savoir quoi mais Lithildren avait une bonne raison de penser qu’il vivrait encore un peu ; elle n’avait plus qu’à lancer Aldranys à la suite d’Olann qui se débattait dans l’eau.
#Gnoro