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Gobelin frappa vigoureusement l'épaule de Raton quand celui-ci lui annonça qu'il acceptait son rôle. Il avait besoin d'hommes enthousiaste et prêt à cravacher pour que la mission réussisse. Celle-ci n'était qu'un avant goût des festivités qui les attendaient mais elle permettrait d'y voir plus clair sur sa fiabilité. Il évitait également de mettre inutilement en danger un de ses hommes plus expérimenté.

"Nous envoyons toujours un ou plusieurs éclaireurs lors de missions telles que celles-ci. Cela nous permet d'anticiper les difficultés sur la route. Cela nous permet également d'avertir les éventuels brigands que le convoi est protégé par la Meute. Cela dissuade souvent ceux qui prévoyaient une attaque."

Gobelin invita Raton à le suivre en direction de la grand route il pointa une direction vers l'Ouest.

"Les chariots et le gros de la troupe partiront deux heures avant l'aube. Nous devrions arriver un peu à l'ouest du Gouffre de Helm demain soir. J'ai envoyé un éclaireur devant qui est déjà parti. Il aura deux heures d'avance sur toi. C'est un homme expérimenté et habitué de ce type de mission."

Gobelin se remit en marche vers le campement.

"Tu dois le suivre en maintenant une distance égale. Tu dois avancer de manière constante sans jamais accélérer au ralentir. S'il constate un problème, il marquera le sol d'une croix de bois. Tu devras alors faire demi-tour et venir à notre rencontre. Il doit repérer un endroit pour dresser le camp demain soir. Continue ton avance encore deux heures après l'avoir repéré et puis arrête toi pour la nuit. Je te donnerai des provisions pour la nuit. En cas de problème, reviens sur tes pas et rejoint nous. Ensuite, à l'aube, redémarre ta route et traverse les Gués de l'Isen. Tu avanceras encore pendant toute la journée jusqu'à arriver à un relais. Il s'agit du relais de Dun Caradach. Il s'agit d'une petite auberge fortifiée. Elle y reste des réserves de bois. Tu y rejoindras notre éclaireur... personne ne passe la nuit seul au Pays de Dun. Nous vous rejoindrons le soir et pourrons te donner la suite des instructions."

Gobelin s'approcha d'un chariot et en sortit un sac de toile légère.

"Voici tes provisions, tu as de quoi tenir trois jours... si tu n'as pas de questions, va te reposer un peu, tu démarres dans deux heures."

Raton n'était pas un conteur né, il avait tendance à peu s'attarder sur les détails et à son récit était lacunaire. C'était davantage un homme d'action qu'un homme de mots.

Princesse commençait à comprendre comment il fonctionnait. Il était habitué à se battre et à vivre seul et avait toujours été éduqué par des solitaires. Cela expliquait son petit côté anarchique et tête brûlée qui lui rappelait un homme avec lequel elle avait beaucoup traîné à une époque.

Ses qualités de traqueur et de combattant leur seraient certainement utiles… mais il allait falloir qu'il se discipline un peu.

La jeune femme s'approcha de la nouvelle recrue, doucement elle avança son visage souriant du sien. D'un geste vif elle lui embrassa la joue.

"Merci…"

Elle sentait qu'il n'aimait pas parler de lui et souhaitait sincèrement le remercier de son effort.



Gobelin revint avant qu'il n'ait le temps de demander plus d'explications. Il était suivi par Lieutenant et cinq autres hommes. Tous montaient de puissants chevaux et deux montures sans cavaliers suivaient le groupe. Ils portaient de longues capes noires.

Ils descendirent tous de cheval. Gobelin s'approcha de Raton et lui tendit une cape. Sur le cœur était brodé une tête de loup en fil doré. Au dos, un cercle de cinq silhouettes de loups, également brodé en fil doré, complétait le vêtement.

Tandis que le rôdeur enfilait le vêtement, Gobelin et ses compagnons formèrent un cercle autour de lui.

"Cette cape est le signe d'appartenance à la Meute. C'est parce que nous faisons partie de la Meute que nos ennemis nous craignent. C'est parce que nous sommes digne de la confiance de nos frères que nous faisons partie de la Meute."

Gobelin parlait d'un ton très cérémonieux.

"A tout moment, souviens-toi de ces mots. A tout instant, souviens-toi de ce moment."

D'un geste vif, il lui assena une gifle bruyante. Avant qu'il ne puisse réagir ou protester, son voisin de droite l'imita, suivi par tout le groupe et enfin par Princesse. Celle-ci se jeta ensuite dans ses bras.

"Bienvenue !"

Chacun des compagnons se succéda alors pour une franche accolade.

Gobelin tendit un arc à Raton et lui indiqua un cheval.

"Tempête et Neuf, ramenez le chariot à la base. Les autres, suivez-moi."

Le petit groupe se mit en route. Ils se mirent d'abord en direction d'Edoras avant de changer de direction pour contourner la ville. Ils chevauchèrent une bonne demi heure. Finalement ils arrivèrent au sommet d'un petit relief. De l'autre côté, dans la plaine, s'étendait un campement comprenant une petite dizaine de chariots. Des hommes en armes s'affairaient autour. Une partie d'entre eux, peut être une dizaine, portaient la cape de la Meute tandis que les autres paraissaient appartenir à d'autres compagnies. Il devait y avoir une cinquantaine d'hommes en tout.

"Nous avons dû engager du renfort, trois petites compagnies de mercenaires se sont joints à nous,mais c'est la Meute qui commande.", expliqua Gobelin à sa nouvelle recrue.

Ils s'avancèrent au centre du village de chariot. Gobelin haussa la voix pour s'adresser à l'ensemble des hommes.

"Il y a du grabuge au sud et je crains que le Roi ne cherche à nous réquisitionner. Nous partirons deux heures avant l'aube, tenez vous prêts."

Des murmures se répandirent dans le groupe mais chacun retourna rapidement à ses occupations.
Gobelin s'approcha de Raton.

"J'aurais besoin de toi pour jouer aux éclaireurs, est ce que tu te sens d'attaque ?"

SUITE DE CECI

Le petit groupe avait continué son chemin à un bon rythme. Le chariot suivait la route qui menait de Minas Tirith à Edoras. C'était une route globalement bien entretenue.

Ils croisaient de temps en temps d'autres voyageurs mais les rencontres se limitaient souvent à un salut de passage.

Vers le milieu d'après-midi un des trois compagnons de Talion prenait le cheval libre et partait en avant pour repérer la route et trouver du ravitaillement dans les villages. Ils dormaient le plus souvent à la belle étoile sauf quand la météo les forçait à s'entasser dans le chariot.


Les compagnons de Talion était plutôt de bonne compagnie. Gobelin, bien que taciturne, n'était pas avare de conseils acquis durant sa longue expérience. Un soir, alors qu'il était d'humeur plus bavarde que d'habitude, il raconta quelques anecdotes de sa vie de soldat et de ses aventures dans le Grand Nord. Il avait combattu avec le roi à Fornost et à la Grande Bataille du nord avant de ranger ses armes. Il ne s'était pas étendu sur ce qui l'avait amené à quitter l'armée puis à reprendre du service en tant que mercenaire mais, entre les lignes, on pouvait comprendre que cela avait un lien avec une femme et qu'il s'agissait d'un sujet très sensible.

Lieutenant était le deuxième compagnon du groupe. Il s'agissait d'un grand fort type à l'allure brutale. En réalité, il semblait avoir un bon fond mais une certaine tendance à perdre ses nerfs. Il avait été à deux doigts d'en venir aux mains avec Talion quand celui-ci avait osé un sarcasme sur la milice d'Osgiliath. Gobelin avait calmé le jeu et expliqué au rôdeur que Lieutenant devait son surnom à son ancien grade dans la milice. Ancien garde du roi du gondor, Lieutenant avait tout perdu à cause d'une mésaventure avec un certain chevalier. Quand, recasé à la milice, il l'avait croisé à Osgiliath il n'avait pas pu résister… une sombre affaire qui lui avait coûté son poste et 6000 pièces d'or qu'il continuait à rembourser grâce à sa solde pour le compte de la Meute. Ces expériences avaient bien servi à Lieutenant qui se trouvait au final plutôt pas mal sur les routes.

Enfin, Princesse, était une guerrière à l'allure féroce. Bien que Gobelin soit étrangement protecteur et attentionné envers elle, elle paraissait tout à fait capable de se défendre. Jolie fille bien qu'un peu marquée par la route, elle avait une allure athlétique et un regard plein de détermination. Elle parlait peu et Talion ne l'avait jamais entendu raconter son histoire Un jour qu'il était seul avec Lieutenant ce dernier lui avait glissé que c'était parce que c'était la princesse de Gobelin…mais que c'était aussi la princesse de beaucoup de monde mais qu'il ne le savait pas. Pour autant, le chef de meute lui avait confié une autre fois qu'elle était une vraie princesse chez les sauvages du pays de Dun.

On ne laissait pas Talion s'occuper des ravitaillements, ce qui traduisait la méfiance qui demeurait à son égard. Il n'avait encore rien prouvé.

Ils arrivèrent finalement à Edoras. Ils s’installèrent à l’extérieur de la ville et dressèrent un petit camp sommaire. Gobelin préférait dormir en dehors de la capitale du Rohan et évitait les cités trop peuplées de manière générale.

Le chef de bande expliqua à Talion qu’ils avaient un avant-poste à Edoras et qu’ils y stockaient des vivres et des armes en perspective de certaines expéditions. Ils allaient conduire le chariot à l’intérieur de la cité avec Lieutenant. Talion devait rester à l’extérieur avec Princesse car d’autres membres de la Meute devaient les rejoindre. Ils partiraient dans quelques jours selon le moment où le marchand qu’ils devaient escorter arriverait. Le rôdeur ne savait s’il s’agissait d’une technique pour qu’il ne voit pas leur planque ou s’il fallait réellement tenir le camp.

“Il te faut du matériel spécifique ?”, lui demanda Gobelin juste avant de partir.

Ces arrangements pris, ils s’éloignèrent avec le chariot, leur laissant juste le cheval esseulé. Princesse termina d’installer le camp, rassemblant un peu de bois pour allumer un feu.

“Tu as déjà été en Arnor ? Ton pays natal ne te manque pas trop ?”, lui fit la jeune fille.

Elle était assise au coin du feu et les flammes éclairaient doucement son joli visage. C’était une des premières fois qu’elle parlait directement à Talion. C’était une jolie fille malgré ses atours de guerrière.

Gobelin avait souri à l’écoute de la question de Talion. Il voyait bien qu’il se retenait pour ne pas en poser plus.

Il fouilla un des sacs qui était dans la caravane. Il y en avait beaucoup de tailles différentes et disposés de manière plus ou moins ordonnées. La plupart d'entre elles portaient le sceau de la Compagnie du Sud. Après quelques minutes, il sortit un sac en particulier. Il était long et en le secouant, un bruit métallique se fit entendre. Gobelin le fouilla pour trouver une épée et la tendit au rôdeur.

“Voici de quoi te défendre… si tu as besoin d’autres choses, nous pourrons nous fournir à Edoras. Ton épée personnelle je te la rendrai à Tharbad, quand je serai sûr que tu es avec nous et que tu nous accompagneras pour la vraie partie compliquée de notre mission.”

C’était une épée simple mais de bonne facture, elle portait la marque des Faiseurs de Fornost, un gage de qualité. Gobelin était retourné à l'avant du chariot au côté de ses compagnons d'arme. Talion l'avait entendu parler un peu évoquant les mots de "Saemon", "le tribun" ou encore "gundabad". Il avait fini par sombrer dans un sommeil agité. Ses blessures le faisaient encore souffrir.

Il ne vit pas grand monde pour les quelques jours de trajets pour quitter le Gondor. Gobelin venait le voir régulièrement pour lui donner du lait de pavot et d'autres mixtures qui avaient le mérite de l'aider à dormir. C'était ce qu'il avait de mieux à faire pour récupérer au plus vite.


SUITE ICI

Saemon était satisfait. Le jeune rôdeur n’avait pas cherché à lutter en vain contre son destin. Certains ressentaient le besoin de jouer les bravaches et d’essayer de se donner une contenance. Talion était dans un état pitoyable et n’avait pas beaucoup d’alternatives.

Le Maître de la Compagnie du Sud avait entendu qu’il était impulsif et peu réfléchi mais qu’il savait se battre et qu’il était habitué à la vie sauvage. C’étaient des atouts non-négligeables pour la mission qui l’attendait.

Talion n’avait pas pu s’empêcher d’essayer de remettre une partie de ses torts sur le compte de la milice. Par son intervention, Talion avait manqué de faire échouer une traque de plusieurs jours qui visait à arrêter la plus grande voleuse à la tire de la ville. La réaction de la milice était à la fois légitime et presque trop légère.

“Peu importe vos idées, vos valeurs et vos sentiments. La milice représente l’autorité et vous n’en avez aucune à Osgiliath. Vous n’avez pas à jouer les héros sans connaître les tenants et les aboutissants des situations dans lesquelles vous vous immiscer. Vous en êtes quittes pour une oreille amochée et quelques côtes fêlées. Cela aurait pu être bien plus grave pour le même prix. Gobelin vous expliquera comment fonctionne son groupe et vous verrez qu’il n’y a pas de place pour ce genre de comportements.”

Talion expliqua alors qu’il acceptait la mission et se sentait honoré de pouvoir le servir.

“Que les choses soient parfaitement claires, vous ne me servirez pas… du moins pas officiellement. Vous serez embauché par un groupe de mercenaires qui a une mission à accomplir… Considérez ça comme une liberté conditionnelle. Peut-être aurez-vous un peu de reconnaissance si vous menez cette mission à bien, mais si vous échouez, il n’y aura ni honneurs ni même le moindre commentaire.”

Le rôdeur expliqua alors qu’il était prêt à protéger Gobelin… Saemon éclata d’un rire franc, accompagné par le chef mercenaire.

“Gobelin a survécu à la Grande Bataille du Nord, a été désigné champion de lutte à Tharbad, escorté des dizaines de caravanes marchandes à travers l'Enedwaith et essuyé plus d’assauts de Dunlending que ta propre mère de la part de ton père quand il rentrait saoul de la taverne.  Il n’a pas besoin d’être protégé… Nous te rendrons ton équipement car tu en auras bien besoin. Par contre, ton épée ne te sera rendue qu’à Tharbad quand nous aurons la garantie que tu ne vas pas nous filer entre les doigts. Ton or ainsi que ta première paie seront donnés aux familles des soldats d’Artamir qui sont morts par ta faute. Nous te laisserons juste de quoi t’acheter un manteau chaud pour le nord.”

Sans lui laisser le temps de répondre, Saemon fit signe à Gobelin de s’approcher avec le tisonnier.


Aussi brave qu’il soit, Talion avait perdu connaissance au moment où le fer brûlant avait touché sa blessure. Il s’était réveillé dans un chariot qui brinquebalait au rythme des deux chevaux qui le tiraient.

On avait disposé son équipement en petit tas à côté de lui. Le reste du chariot était occupé par des sacs de taille diverses. Une bâche formait un petit toît par-dessus le chariot. Un cheval était attaché à l’arrière et suivait au petit trot. Trois hommes étaient assis sur le banc à l’avant. Entendant qu’il était réveillé, l’un d’eux se retourna et se glissa sous la bâche pour s’asseoir en face de Talion. C’était Gobelin.


Le chef mercenaire s’approcha de lui et jeta un œil à sa plaie.

“D’un point de vue médical c’est du beau travail, d’un point de vue esthétique…t’as intérêt à vachement te laisser pousser les cheveux.”

Il sourit largement montrant de petites dents presque parfaitement alignées.

“Bienvenue dans la Meute. C’est le nom de notre bande.Chacun ici porte un surnom, c’est la règle. Moi c’est Gobelin, toi ça sera Raton.”

Il sourit largement, très fier de sa trouvaille.

“A partir de maintenant, tu suis ce qu’on te dit et tout se passera bien. On est là pour toi, tu es là pour nous. Niveau hiérarchie c’est pas compliqué : c’est comme chez les loups, tu obéis à tout le monde parce que t’es tout en bas de l’échelle. On verra plus tard si tu mérites mieux.”

Il lui tendit une miche de pain et un morceau de viande séchée.

“Là, on remonte jusqu’à Edoras pour rejoindre un autre groupe. Après on traverse l’Enedwaith et on remonte jusqu’à Tharbad. Avant Edoras, c’est chariot. On remonte des hommes et de l’équipement. Une fois arrivés là, on monte à cheval et on escorte une caravane… y’a pas de voyage inutile. Repose-toi bien pour être en forme.”

Il lui tendit un petit pot de terre cuite qui contenait une sorte de mixture épaisse.

“Onguent de millepertuis… à mettre sur tes blessures. Par contre, quand tu as ça sur la trogne, tu ne te mets pas au soleil si tu veux pas encore plus cramer. Des questions ?”

Des caves, il en existe des centaines. Certaines sont propres et bien rangées, comme celles qui servent de garde-manger aux petites gens de la Comté. D’autres sont taillées dans la pierre comme celles sévères de seigneurs nains. D’autres encore sont humides, poussiéreuses, encombrées, vides, sinistres ou accueillantes.

S’il avait fallu choisir trois adjectifs pour qualifier cette cave-çi, ils auraient sans doute été : sinistre, humide et vide. Les gardes avaient assis Talion par terre, on l’avait attaché à un anneau solidement scellé dans le mur de pierre. Ses mains étaient attachées dans son dos, ce qui rendait impossible tout mouvement. De toute façon, les quatres gardes lourdement armés qui entouraient le capitaine Van Cars’ étaient plutôt dissuasifs. Ils affichaient un sourire mauvais et semblaient n’attendre qu’une chose : une bonne occasion de se déchaîner sur leur prisonnier.

Une rapide observation permit au rôdeur de constater que la pièce ne contenait que quelques petits meubles ainsi qu’un brasero dont irradiait une faible chaleur. Une petite lucarne, plus ou moins à la moitié de l’escalier de pierre qui montait vers la rue, diffusait un peu de lumière dans la pièce.

La lourde porte en bois de la cave s’ouvrit. Un homme descendit, escorté par deux hommes. L’un d’eux portait une tenue de ville et une tablette de cire qui indiquait certainement un rôle plus administratif. L’autre, qui se tenait plus en retrait, avait une tenue de voyage. Il portait un long manteau dont il avait rebattu la longue capuche sur son visage et une épée à la ceinture.

L’homme du milieu, quant à lui, portait une tenue élégante mais néanmoins pratique. Un pantalon et une veste ajustés, solides et confortables qui surmontaient une chemise légèrement bouffante dont le tissu paraissait d’une qualité incroyable. Une cape faite d’un tissu onéreux et brillant mais d’un noir assez passe-partout complétait l’ensemble. Une épée courte et large pendait négligemment le long de sa jambe. C’était la tenue d’un homme qui pouvait, en un instant, quitter sa posture de notable pour devenir un homme d’action. Une définition parfaite pour Saemon Havarian, Maître de la Compagnie du Sud.

Personne ne prît la peine de faire les présentations auprès de Talion. Il n’était pas certain que le rôdeur d’Ithilien ait connu Saemon, mais vu le respect avec lequel chacun le traitait, il pouvait deviner qu’il s’agissait du “Maître Havarian” à qui on s’était proposé de le présenter.

Saemon échangea quelques mots avec Van Cars’ à voix basse. Il s’approcha alors de Talion d’un pas nonchalant. Il tira un tabouret qu’il posa à un petit mètre du rôdeur.

“Joli palmarès rôdeur…”, fit-il d’un ton dans lequel on percevait facilement l’ironie.

Il approcha son visage de celui de Talion, saisit son menton et le fit tourner pour observer son oreille. Il se tourna vers l’homme encapuchonné.

“Prépare le tisonnier.”

L’oreille de Talion avait été bien entamée par les rongeurs. Ils avaient grignoté une bonne partie du lobe et toute la partie supérieure du pavillon. Le ranger avait dû être sacrément sonné pour ne pas s’en rendre compte.

Saemon relâcha le menton de Talion.

“Vous êtes l’exemple type du pseudo-héros idiot. Vous pensez agir pour le bien et passez votre temps à foutre en l’air le travail de ceux qui travaillent vraiment pour maintenir un peu d’ordre dans ce bas-monde.Une véritable tête brûlée.”

Il marqua un temps d’arrêt pour que les mots puissent s’imprimer durablement dans l’esprit de son prisonnier.

“La sagesse voudrait sans doute que je vous laisse dans un cachot, que je classe votre dossier tout en bas de la pile pour qu’on ne vous présente jamais devant un juge, que je laisse votre oreille s’infecter et qu’avec un peu de chance vous creviez misérablement dans les geôles d’Osgiliath.”

Le ton du Maître de la Compagnie du Sud était excessivement doux, en contraste parfait avec la dureté de ses paroles.

“Gobelin…”

L’homme à la capuche saisit le tisonnier dans la pointe était désormais chauffée à blanc. Il s’approcha et en voyant apparaître son visage, Talion put comprendre d’où lui venait son sobriquet. Il avait de larges oreilles décollées et gonflées, comme souvent les lutteurs dans les bas-quartiers. Sa peau était squameuse sur tout le contour de son visage, sans doute liée à une maladie peu recommandable, et ses petits yeux paraissaient couler en permanence.

“Mon ami Gobelin cherche des personnes pour l’accompagner au nord… très au nord. La paie est mauvaise et les risques sont énormes. La discipline est essentielle et Gobelin sait la faire respecter… mais pour ceux qui souhaitent de l’action et de l’aventure c’est une mission parfaite.”

Saemon marqua à nouveau un léger sourire.

“Si vous acceptez, il va s’occuper de votre oreille. Un petit coup de tisonnier et il n’y paraîtra plus. C’est douloureux mais ça va vite. Par contre, Gobelin aime les cris… donc plus vous allez crier, plus il fera durer le plaisir. Une belle mission et si vous survivez, vous êtes libres… Intéressé ?”