6 résultats trouvés pour Hadden

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Sujet: Le venin dans nos veines
Learamn

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Rechercher dans: Le Long Lac   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le venin dans nos veines    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 27 Mai 2023 - 12:41

Une dernière fois, les commandants de l’expédition écoutèrent attentivement le plan échaudé par Sigvald. La scène était des plus étranges; voir ainsi un groupe aussi hétéroclite formés de soldats de Lacville, d’anciens esclaves de Rhûn et d’un ancien pirate répondant aux ordres d’un mercenaire elfe en quête de rédemption. D’aucuns auraient cru au début d’une mauvaise blague. Hadden fut le premier à acquiescer à la suite du discours de Sigvald, un air déterminé sur le visage. Roksâna n’esquissa pas le moindre geste mais n’ajouta rien, faute d’avoir un plan plus cohérent. L’Affranchie voyait bien de défauts dans cette stratégie mais au moins avait-elle le mérite d’exister. Fendral se contenta de taper bruyamment dans ses larges mains.

“Alors! Allons chasser du Dragon des Mers. Fendral ish Meh’assel Drukkunim1, cela sonne bien à l’oreille.”

L’ordre de départ était donné et chaque homme volontaire pour cette mission suicidaire se dirigea vers l’embarcation à laquelle ils avaient été affectés. La cinquantaine d’Affranchis aptes au combat embarqua à bord de l’Azâdî; beaucoup prirent place dans la cale sur les bancs de rame afin de pouvoir manœuvrer le navire si le vent n’était pas en leur faveur. Le mystérieux Gardien, l’Oriental au visage masqué fut chargé de commander ce groupe là et transmettre les ordres venus du pont. Une vingtaine de Rhûnadans prirent place sur le pont, près des balistes et des voiles sous l’œil juvénile mais expert de Roksâna qui distribuait ses directives avec une assurance étonnante. A la barre, le Capitaine Fendral aurait la lourde tâche de guider le vaisseau de guerre. Quand il empoigna le bois ouvragé, il sentit monter en lui une excitation qu’il n’avait pas ressentie depuis de longues années. Il était fait pour naviguer, pour guerroyer sur les mers; son sang était fait de sel et houle. Depuis son exil d’Umbar, il s’était perdu mais ce jour-là, le temps d’un voyage, qui risquait fort d’être son dernier, il était de nouveau le Capitaine Fendral.

Plus loin, le reste des troupes prirent place sur les trois barges affrétées par les soldats d’Esgaroth. Les bateaux étaient plats et semblaient bien fragiles au côté du navire oriental mais ils pouvaient accueillir plusieurs dizaines d’hommes tout en préservant une vélocité et manœuvrabilité importante qui pourraient se révéler précieuses dans le feu de l’action. Sigvald prit place sur l’une des barges, qui lui permettrait d’accoster sur la berge de l’ancienne ville avec plus d’aisance que l’Azâdî. Dans un coin du navire commandé par le sergent Hadden, l’elfe put remarquer la présence de Venefica qui manipule onguents et poudres de guérison dans un coin de bateau. Leurs regards se croisèrent et elle lui intima d’approcher.  C’était une belle femme, son visage trahissait une certaine jeunesse mais son attitude faisait preuve d’une maturité déconcertante. Nullement intimidée par la présence d’un être millénaire elle lui dit d’un ton calme:

“La brume qui plane au-dessus des eaux sombres va encore s’épaissir à mesure que nous nous approcherons. Et au cœur du Lac, cette brume est loin d’être inoffensive. A la suite de l’enquête que j’ai mené depuis mon arrivée ici, j’en suis venu à la conclusion qu’elle provoque des hallucinations visant à étourdir et désorienter les victimes du ver. Vous aurez besoin d’un esprit sain pour occire le monstre. Ceci pourrait vous aider.”


Elle lui tendit un flacon d’une lotion bleutée, des volutes de fumée tournoyaient au sein de la petite bouteille en verre.

“Ne buvez pas de cela, cela pourrait vous tuer mais inhalez-en les vapeurs quand vous débarquerez sur le rivage. Cela vous aidera à vous protéger des maléfices du Dragon.”


C’est alors que la voix tonitruante de Fendral retentit et que le départ fut donné. L’Azâdî leva l’encre et déploya sa grande voile tandis que les barges s’élançaient sur les eaux calmes avant de disparaître sur les eaux brumeuses.

Le trajet jusqu’aux ruines de l’ancienne ville, lieu de la dernière rencontre entre Sigvald et la bête, semblait interminable. Un silence de plomb régnait sur toutes les embarcations et les remarques enjouées et cris de guerre étaient restés à quai; tous étaient désormais muet, à l’affût du moindre signe de la présence du dragon. La tension était palpable. Le moindre clapotis sur la surface du lac, le moindre écho lointain, le moindre mouvement inattendu elles effrayaient. Fendral serrait les barreaux de la barre avec tant de force qu’il sentait ses ongles s’enfoncer dans les paumes de ses mains, il avait maintes fois traqué un ennemi qui voguait sur les mers. Mais une cible qui nageait en-dessous d’eux, c’était une autre affaire.
A leur arrivée à l’entrée de la vieille ville, il n’y avait toujours eu aucun signe de vie du dragon. Lentement, ils passèrent devant le lieu où Sigvald avait croisé la route des Affranchis et où Achas avait été mortellement blessé.  Les barges progressèrent encore quelques minutes dans les ruines immergées, l’Azâdî restant en retrait sur le lac de peur de s’échouer sur les restes de bâtiments.  Les hommes d’Hadden manœuvrèrent afin de permettre à Sigvald de mettre pied à terre.


“Bon courage Sigvald.”
Déclara simplement l’officier alors que l’elfe débarquait tout en inhalant les vapeurs de la lotion confiée par Venefica.

Cette fois pas de “Maître” ou de “Commandant”, juste le sincère salut d’un homme envers un être qui avait décidé de tout risquer pour sauver une cité qui n’était pas sienne.


1: Fendral le Tueur de Dragon


#Roksâna #Hadden #Venefica


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L’elfe était désormais seul. Livré à lui-même. Étonnamment, la brume s’avançait également sur les terres, s’infiltrant dans chaque interstices des bâtiments détruits. Là où jadis, les flammes de Smaug le Terrible s’étaient également infiltrées. Plus loin, l’elfe pouvait encore apercevoir les contours de l’Azâdî au milieu du brouillard. Tout devenait de plus en plus flou autour de lui et chacun de ses sens semblaient progressivement s’engourdir. Sa vue faiblissait, son ouïe semblait lui jouer des tours, une forte odeur iodée l’empêcher d’utiliser son nez d’ordinaire si fin pour se repérer.  Mais les eaux, demeuraient désespérément plates.

Au loin, provenant du brouillard, il crut entendre un cri, un long cri déchirant. Le même qu’avait poussé Achas lors de son dernier voyage. Puis, un autre hurlement; cette-fois ci venant d’une voix normalement douce et cristalline. Delaynna était-elle en sécurité?
Il n’eut pas le temps d’y réfléchir que déjà d’autres voix percèrent le ciel sombre. Des voix familières venues d’un autre âge. Celle de son père, celles de ses tortionnaires au temple de Djafa, celles des victimes qu’il avait froidement abattu au nom de l’Œil.

Une autre voix, profonde et rauque, emplit son esprit.


“Sssssouffrance…Tant de ssssouffrance…A quoi bon?....Souffrance…Pourquoi ici?....Que recherches-tu vraiment….Huron Cœur-Sssssombre?”


Était-ce le dragon qui venait de lui adresser la parole? Ou alors de simples hallucinations provoquées par la brume?

Toujours pas de traces physiques du monstre mais sa présence était plus menaçante que jamais. Et Sigvald avait de plus en plus de mal à dissocier le réel de l’imaginaire.
Sujet: Le venin dans nos veines
Learamn

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Rechercher dans: Le Long Lac   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le venin dans nos veines    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 23 Avr 2023 - 22:40

Pendant un très court instant, la peur fut visible dans le regard sombre du marin mais cette inquiétante lueur au cœur de ses pupilles céda rapidement sa place à un sentiment qui avait toujours animé l’ancien pirate. L’excitation d’une bataille homérique, le goût unique de l’aventure, la douce saveur du danger. Un dragon. A l’évocation d’un tel monstre légendaire, il se revoyait vingt ans en arrière, naviguant fièrement les Mers du Sud au-devant de nombreuses menaces pour forger sa légende. Cela faisait bien longtemps que cette flamme avait disparu chez lui, capitaine déchu noyant sa nostalgie dans la cervoise en pays étranger. Et voici que cet elfe étrange était subitement apparu dans sa vie avec son histoire invraisemblable de dragon qui sommeillait au fond du lac, lui offrant sur un plateau d’argent l’occasion de redevenir l’homme qu’il avait été. Que risquait-il? La mort? Le Capitaine Fendral avait disparu depuis bien longtemps dans les canaux de Lacville; et Sigvald lui offrait une chance de le ressusciter.

Le vétéran se leva un peu trop brusquement, bousculant la table et renversant sa chopine sur le bois moisi. D’un air fier et le torse bombé il répondit à la proposition de son interlocuteur sans la moindre hésitation.

“Un dragon? Ah! T’es plein de surprise toi! Bo Neleh’1. Le dernier voyage de Fendral. Ce fera un beau titre pour une ballade non? Allons-y mon ami, allons-y.”



D’un pas étonnamment sûr pour un homme aussi enivré, Fendral se dirigea vers la sortie de la taverne sous le regard soulagé du tenant. Revigoré, il inspira à pleins poumons l’air frais qui vint fouetter leur visage. Subitement pris de nausée, il s’approcha du rivage, se pencha en avant et rendit bruyamment son déjeuner dans les eaux troubles du canal avant de se laver sommairement le visage. Quand il se redressa pour continuer la conversation, il apparaissait parfaitement sobre.

Le plan de Sigvald semblait assez téméraire mais il avait le mérite d’exister. Par expérience, Fendral savait que ce type de combat était quasiment impossible à planifier. Anticiper les mouvements d’une flotte ennemie était possible, prédire les mouvements d’un monstre marin se sentant acculé représentait une tout autre affaire.

“Un appât pour un tel monstre? Tu n’as pas froid aux yeux. Et comment comptes-tu capter son attention? Et tout simplement survivre en cas de succès?”


Pas que le capitaine ne se souciait réellement de la sécurité de cet elfe qu’il venait de rencontrer mais il reconnaissait son culot et était animé par une réelle curiosité. Nul homme sensé ne se mettrait ainsi en danger sans avoir une idée derrière la tête pour survivre. Après tout, Sigvald n’était pas un homme et il semblait encore moins être quelqu’un de sensé.

Ils arrivèrent finalement en vue de l’Âzâdî toujours amarré au port de Lacville, dominant de son imposante silhouette stylisée les bâtiments qui flottaient à côté. Fendral, s’arrêta net et son œil expert analysa rapidement le bateau qu’il avait en face de lui. Il ne put retenir un sifflement aigu qui disait toute son admiration.

“Eh ben! Un vaisseau de guerre de la marine de la Reine Lyra. Où est-ce que tu as bien pu trouver ça toi? Quelle merveille!”

Il finit par remarquer la présence du groupe d’étrangers qui se préparaient à la bataille sur le pont en communiquant dans une langue qu’il reconnut sans pour autant pouvoir la comprendre. Pendant un instant, il crut que pour, des raisons obscures, la souveraine du Rhûn avait envoyé une partie de sa flotte pour voguer au secours des hommes de Lacville mais il remarqua vite que ces Orientaux qu’il allait commander n’avaient rien de soldats. Certaines femmes et hommes semblaient plutôt athlétique malgré une vraie maigreur mais aussi des adolescents et des vieillards aux corps criblés de stigmates. Mais au fond, pouvait-on vaincre un tel monstre même avec les bras les plus musclés du monde connu? Rien n’était moins sûr. Au moins avait-il un équipage avec lui.  

Parmi la foule, il reconnut la frêle silhouette et la chevelure d’argent de cette étrange guérisseuse qui était venu le quérir quelques semaines plus tôt lors de son enquête sur les disparitions du lac. Il ne l’avait pas prise au sérieux à l’époque, et pourtant elle avait peut-être bien eu raison. Il la salua d’un geste de la tête mais ne s’approcha pas de trop près, elle le mettait mal à l’aise.

Une femme à l’allure étrangère vint alors à leur rencontre d’un pas décidé. Elle était grande et belle, pleine d’un charme exotique renforcée par ses mystérieux tatouages qui couraient tout le long de son corps gracieux. Elle parla d’une voix sûre et autoritaire; et bien que Fendral ne comprit pas le moindre mot, il pouvait ressentir tout le charisme qui se dégageait d’elle. Seul problème, elle semblait défier du regard le vieux loup de mer et ne lui faisait manifestement que peu confiance. Une autre fille, bien plus jeune, leur fit rapidement la traduction dans un Commun parfait.

“Dame Nëva ne s’imaginait pas que l’homme capable de manœuvrer l’Âzâdî soit un ivrogne mal dégrossi. Il s’agit là d’un navire unique et…”


Elle fut interrompue par le rire bruyant du Capitaine Fendral qui ne semblait pas vraiment vexé, animé par une assurance déconcertante.

“Nous allons affronter un dragon; votre petite merveille risque fort de couler. Et quand bien même j’arriverai à maintenir ce rafiot à flots, eh bien vous n’aurez plus aucun souci à vous faire; vous n’aurez plus à vous en occuper.”

Nëva adressa un regard à la fois interrogateur et menaçant à Sigvald, se demandant ce que dernier avait bien pu promettre à l’ancien pirate.

De son côté, sans attendre la moindre invitation à monter à bord, Fendral monta à bord du vaisseau de guerre et fit le tour du pont, une expression euphorique sur son visage marqué, comme un enfant découvrant son nouveau jouet.

Les hommes de Hadden avaient affrété trois longues barges de combats et les soldats de Lacville se trouvaient déjà tous sur leurs embarcations respectives, barbouillés de vase pour tenter de masquer leurs odeurs corporelles comme Sigvald le leur avait conseillé.

Lym avait pris le commandement d’un des bateaux, Herric d’un autre et Hadden se chargerait personnellement du commandement de la dernière barge. Le sous-officier s’approcha de Sigvald, qui semblait avoir été officieusement désigné comme le commandant en chef de l’opération.

“Mes hommes se tiennent prêts Maître Elfe. Nous n’attendons plus que votre signal pour voguer vers le centre du Lac. La brume est de plus en plus épaisse cependant, il ne faudra pas tarder.”

En effet, les eaux du lac s’étaient couvertes d’une fumée blanchâtre qui risquait de ralentir grandement leur progression sur les eaux sombres mais qui annonçait également un danger imminent.
Le sergent Hadden reprit:

“Maître Sigvald. Sur quel navire comptez-vous embarquer ? Celui-ci sera immédiatement pris pour cible si vous désirez vraiment servir d’appât. “



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1: Allons-y!

#Nëva #Pantea #Hadden
Sujet: Le venin dans nos veines
Learamn

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Rechercher dans: Le Long Lac   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le venin dans nos veines    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 15 Juin 2021 - 15:58
Le discours de Sigvald avait eu son effet sur les hommes et les femmes sélectionnés par Hadden. L’elfe avait parlé peu mais ses mots avaient visé juste dans le cœur des guerriers. Il n’avait pourtant pas cherché à cacher le danger qu’il s’apprêtait à défier et avait évoqué crûment ce dont la bête était capable. Mais durant son intervention, nul ne pouvait être insensible à la détermination et à la bravoure dont leur nouveau leader faisait preuve. La présence d’un elfe pour les commander était déjà quelque chose d’unique, et quelque part de rassurant, pour nombre d’entre eux. Pour la première fois depuis de longs siècles, Sigvald embrassait sa destinée. Celle d’un leader, d’un guerrier mettant son talent au service du Bien, d’un commandant prêt à mener les siens vers une victoire inespérée. Il était un elfe nouveau. Achas n’était plus là pour être témoin de sa repentance, Delaynna manquait aussi à l’appel mais la Dame de l’Eau avait sans nul doute joué un rôle déterminant dans ce que Sigvald Lingwë était désormais devenu. Elle avait sondé son âme, vu en ce mécréant quelque chose qui méritait d’être sauvé. Quand tous ses frères lui jetaient l’opprobre, elle avait cherché à lui ouvrir les yeux et le guider vers la bonne voie.

Aujourd’hui, et après de nombreuses années passées à les combattre, Sigvald était sur le point de devenir un héros des Peuples Libres.

Une clameur s’éleva au sein de l’équipage et certains se mirent à scander le nom de leur nouveau chef en agitant leurs armes au-dessus de leurs têtes. Lames émoussées, fourches et javelots rouillés; les femmes et les hommes qui étaient prêts à tout risquer pour sauver leur cité n’étaient pas tous de grands guerriers ni même parfois aptes au combat. Mais ils étaient animés par une force bien supérieure que la simple dextérité au combat.




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Le conseil de guerre fut tenu peu après dans une cabine du navire en présence des principaux leaders du groupe hétéroclite. Les hommes d’Esgaroth avaient leur représentant, tout comme les affranchis du Rhûn et au-dessus d’eux, Sigvald sur lequel retombait la lourde tâche de prendre les décisions finales et d’unir ces deux peuples si différents autour d’un but commun.

Le récit que leur fit Roksâna fut glaçant. Il était difficile de déterminer si cela était dû aux informations inquiétantes qu’elle leur présentait et par son comportement à la fois détaché et fascinant. Physiquement, elle ressemblait à une adolescente, mais tout dans ses faits et gestes renvoyait à une maturité que les plus âgés peinaient parfois à atteindre.

Sigvald proposa alors un plan détaillé et complexe impliquant l’intervention de plusieurs groupes, certains au sol et d’autres sur la rivière tout en faisant usage de machines de guerre depuis le rivage. Le plan était ambitieux et traduisait toute l’expérience militaire d’un elfe vieux de plusieurs siècles. Attirer la bête dans un traquenard pour l’immobiliser et la frapper là où sa carapace ne la protégeait pas semblait être la meilleure des solutions. Cependant, une telle approche nécessitait une discipline tactique digne des plus prestigieux des corps armées; un savoir-faire militaire dont ne disposaient ni les Affranchis, ni les hommes de Hadden.

Ce dernier fut le premier à réagir au plan de Sigvald:

“Maître Sigvald…”

Visiblement il avait toujours autant de mal à s’affranchir de ce titre quand il s’adressait à l’elfe. Pour un homme comme lui, la hiérarchie et les marques de respect qui l’accompagnaient étaient sacrées.

“ Votre plan est osé mais il pourrait bien se révéler efficace. Cependant permettez-moi de vous signaler que si la séparation de nos forces semble nécessaire pour surprendre le monstre, la coordination sera compliquée à mettre en place je le crains. La majeure partie d’entre eux ne sont pas des militaires et, malgré toute leur volonté, n’ont pas été formé à la stratégie militaire. De plus, la communication avec les Orientaux qui ne parlent pas la même langue risque d’être délicate. Enfin, je doute fort que les officiers du Comte Saule ou de Toras apprécient le fait qu’on leur emprunte leurs balistes, on peut se débrouiller mais il nous faudra ruser et convaincre, ou tromper, les gardes de la garnison.”

Nevä le coupa alors dans sa langue natale et Pantea s’empressa de traduire les dires de la meneuse des Affranchis.

“L’Âzâdî est un navire de guerre taillé pour parer à toutes les menaces, sa coque devrait résister à plusieurs assauts de la bête et ses cales sont équipées de plusieurs arbalètes à tour qui pourraient nous permettre de frapper de près. Quant à votre stratégie, Roksâna s’assurera que tous suivent les ordres correctement et organisera nos volontaires selon vos directives Sigvald.”


La guerrière du Rhûn, retournée dans son mutisme, acquiesça d’un simple mouvement de tête.

Sur un ton un peu plus hésitant, Hadden enchaîna:

“Sauf votre respect, Maître Sigvald. Si nous suivons votre plan, alors je crains qu’il nous manque une pièce maîtresse pour assurer la coordination entre les groupes. Je m’assurerai avec Lym du commandement des gens d’Esgaroth, quand les Orientaux suivront leur leader tandis que vous serez aux prises avec la bête, face au danger, près des profondeurs du lac. Cependant, le rôle du navire militaire sera prépondérant dans la réussite de notre mission. Tous les hommes d’Esgaroth ont le pied marin mais nous ne sommes pas tous de grands marins de combat. “

Sur ces mots, Nevä et Pantea échangèrent également quelques mots que cette dernière s’empressa de rapporter.

“Nous avons vogué sur des mers hostiles pour nous rendre ici mais ce navire nécessite un oeil expert et une main adroite pour être manoeuvré efficacement dans la tourmente. Le sergent Hadden a raison: il nous manque un capitaine pour tenir la barre.”


Le milicien d’Esgaroth, conforté dans sa proposition par les positions des Affranchis, se permit alors de s’avancer un peu plus près de son nouveau commandant.

“Avant que je ne la recrute, Venefica, la guérisseuse que je vous ai présenté, a mentionné la présence d’un homme qu’elle connaît dans la cité. Un capitaine, un marin aguerri, un ancien pirate en quête de rédemption…J’ignore ce qui le pousserait à se mettre ainsi en danger mais peut-être devrions nous chercher à le voir.”


Visiblement un peu gêné, Hadden se passa une main nerveuse dans les cheveux.

“Comprenez Maître Sigvald, je ne veux absolument pas défier votre autorité. Vous êtes notre meilleure chance pour vaincre ce … ce...dragon. Mais quand vous serez aux prises avec la bête, il nous faudra un homme capable de voguer sur le lac en furie. Quoiqu’il en soit la décision vous revient.”


#Hadden #Sigvald #Achas #Nevä #Roksâna #Pantea #Venefica
Sujet: Désillusions
Ryad Assad

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Désillusions    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 12 Aoû 2019 - 1:34
Hadden n'aurait su dire ce que cachait le regard de Delaynna, mais il devina que quelque chose n'allait pas. Elle essayait de lui cacher son trouble, mais de toute évidence elle paraissait préoccupée, pour ne pas dire choquée. Comme si elle avait vu un fantôme. Le sergent aurait voulu pouvoir la rassurer, mais il ne trouva pas les mots pour cela, et se contenta donc de l'écouter lui faire l'exposé d'une situation qu'elle pensait critique. En l'entendant, le militaire se permit un sourire détendu avant de lui répondre :

- Votre trouble est bien compréhensible, ma Dame, mais je vous rassure, tout va bien. Le capitaine Syla a été retrouvé. Vos compagnons devraient s'en rendre compte et revenir rapidement.

Il pensait que de telles paroles seraient suffisantes pour rasséréner son interlocutrice, mais il ne rencontra pas l'effet escompté. Bien au contraire, il sembla déclencher de nouvelles questions, de nouveaux doutes. De toute évidence, son explication ne coïncidait pas avec ce que l'Elfe souhaitait entendre. Il ajouta :

- Je sais que vous vous inquiétez pour le capitaine, mais nos hommes l'ont trouvé, et l'ont amené devant le comte Saule afin qu'il puisse s'expliquer.

S'expliquer. Syla était un homme brisé, à peine capable de tenir debout, et qui s'était pourtant vu confier une mission de la plus haute importance. Hadden avait donné des ordres stricts, afin que son supérieur fût conduit devant les plus hautes autorités de la ville, pour répondre de ses actes. L'enjeu était trop important pour que la situation fût prise à la légère, et mise entre les mains d'un homme instable et suicidaire. Certains verraient dans son action une forme de prise de pouvoir malsaine, mais il savait lui qu'il agissait dans l'intérêt de la cité d'Esgaroth, et qu'il n'avait d'autre choix que de mettre Syla face à ses responsabilités plutôt que de laisser tout son peuple souffrir plus longtemps aux mains des Orientaux.

- Si cela peut vous rassurer, je peux vous conduire au Castel du comte. Je pense que le capitaine doit encore s'y trouver, vous pourrez voir par vous-même qu'il n'y a rien à craindre.

C'était sans doute la meilleure chose à faire pour l'heure, car Delaynna semblait avoir besoin de réponses claires. Hadden, qui semblait encore légèrement ensommeillé, quitta sa chemise pour passer une tunique plus présentable, non sans rougir légèrement. Il fallait dire que de son point de vue, l'Elfe était tout bonnement la créature la plus parfaite qu'il eût jamais vu, et une telle proximité entre les deux à une heure aussi tardive avait de quoi le mettre mal à l'aise. Il était pourtant plutôt bel homme, mais que valait la beauté humaine face à la perfection des Premiers Nés ? Sa musculature le rendait presque difforme et brutal face aux deux compagnons de son interlocutrice, qui se distinguaient par la finesse de leurs traits et de leur silhouette. Il se sentait monstrueux, maladroit. Inférieur.

Il ne fit pas part de son sentiment à Delaynna, et se contenta au contraire de lui présenter un visage affable. Il voulait sincèrement l'aider, conscient qu'en lui prêtant assistance, elle ferait de son mieux pour sauver les habitants d'Esgaroth du danger qui planait sur le lac. Il y avait une autre raison à sa sollicitude. Il n'aurait pas osé se l'avouer, mais il était positivement impressionné par l'Elfe, qui dégageait une aura envoûtante, à mi-chemin entre la séduction et l'intimidation. Elle dégageait une sérénité face au danger, et pourtant une forme de fragilité qui activait son esprit protecteur. Sitôt après avoir passé une tenue adaptée à l'occasion, il guida Delaynna à l'extérieur de sa chambre, et fit signe aux quelques soldats qui étaient encore debout, et montaient la garde :

- Messieurs, postez des hommes sur les rives du lac. Lorsque les compagnons de madame se présenteront, guidez-les ici.

Revenant à l'Elfe, il ajouta :

- Je suis sûr que tout se passera bien pour eux, ils reviendront rapidement.

Sur ces paroles qui se voulaient réconfortantes, ils se mirent en route en direction du Castel. Ce bâtiment défensif qui faisait office de bastion dans la cité lacustre se trouvait parfaitement en son centre, et abritait le comte ainsi que ses principaux officiers. A une heure aussi tardive, on aurait pu s'attendre à le trouver fermé et sous bonne garde, mais il était de notoriété publique que Dauert Saule entretenait une cour nombreuse qui se réunissait régulièrement jusque tard dans la nuit. Et même si cela n'avait pas été le cas, le Castel faisait figure de lieu ouvert au sein de la cité. Les gardes y patrouillaient avec attention, mais le bastion accueillait fréquemment des voyageurs et des dignitaires étrangers en voyage dans la cité, si bien qu'il était plus facile d'aborder le comte que les autres seigneurs dans des cités plus importantes.

Ils furent donc introduits sans la moindre difficulté à l'intérieur, tâche facilitée en grande partie par la présence de Hadden dont l'autorité sur la Milice lui permettait d'accélérer les contrôles et les procédures. Ils passèrent ainsi sous une épaisse arche de pierre, et se rendirent vers une grande salle de réception d'où se dégageait une douce chaleur. De nombreuses bougies y étaient allumées, dispensant une lumière agréable aux convives qui s'étaient réunis. En raison de la taille de la pièce, on aurait pu s'attendre à trouver davantage d'invités, mais Saule n'était entouré que d'une petite dizaine de personnes, hommes et femmes attablés et occupés à savourer un repas exquis, tandis qu'ils écoutaient attentivement le récit d'un homme qui tournait le dos à Hadden et Delaynna.

- … c'est pourquoi, faisait celui-ci, nous n'avons pas encore obtenu de résultats, mais nous y travaillons assidûment, sire.

Cette voix… Cela ne pouvait être que Syla, mais il n'y avait qu'un seul moyen d'en être certain. L'Elfe et son guide s'approchèrent dans la lumière, et attirèrent l'attention du comte, qui leva la main pour interrompre son interlocuteur.

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Il avait le teint froid et les yeux sombres, mais on décelait chez lui une grande intelligence, presque roublarde. Il n'avait pas le charisme des hommes de guerre, mais malgré sa taille modeste il dégageait quelque chose de séduisant, d'attirant, mais aussi de menaçant et d'inquiétant. On sentait chez lui une profonde ambivalence, que son apparence ne faisait que renforcer. Sa mine austère renvoyait l'image d'un homme strict et profond, mais sa tenue le présentait au contraire comme un homme superficiel et versé sur le luxe. Fasciné par la présence d'une immortelle à sa table, il fit signe à Hadden d'approcher, et déclara d'une voix où perçait sa très grande confiance en lui :

- Sergent Hadden, j'ignore quelles nouvelles vous m'apportez à une heure si tardive, mais elles paraissent sous la forme la plus agréable à contempler.

Son regard glissa impudiquement sur le corps de Delaynna. Contrairement à Hadden, il ne faisait pas preuve d'une gêne presque juvénile que l'on pouvait qualifier de touchante, mais il se délectait au contraire de cette apparition impromptue sans paraître vouloir s'en cacher. Son attitude n'était cependant pas dénuée d'un certain charme, et il poursuivit sur un ton particulièrement poli :

- Madame, j'ai eu vent de la présence d'Elfes dans ma noble cité, et je suis très heureux de faire votre connaissance. Laissez-moi me présenter, je suis le comte Saule, à votre service. A qui ai-je l'honneur ?

Il attendit patiemment sa réponse, jusqu'à constater que ce n'était pas lui que Delaynna observait. Elle avait le regard braqué sur l'homme qui se tenait devant le comte, et qui venait de se retourner vers elle. Plus de doute désormais, il s'agissait bel et bien de Syla, en chair et en os. Les mêmes traits, le même regard égaré, la même mine lasse. Nul autre qu'elle ne comprit pleinement les implications réelles de sa présence ici, maintenant. Cela signifiait que sa vision était erronée. Cela signifiait qu'elle s'était trompée, ou pire… qu'elle avait été trompée.

Et à cause d'elle, Sigvald et Achas se trouvaient désormais seuls sur le lac.

#Delaynna #Saule #Syla #Hadden
Sujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau
Ryad Assad

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 6 Déc 2018 - 0:08
HRP : Avec toutes mes excuses pour ce retard, je vais essayer de poster un peu plus régulièrement à l'avenir, même si avec les concours je risque de ne pas pouvoir maintenir un rythme aussi soutenu qu'avant. Encore désolé ! /HRP
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Le désir de Sigvald de porter assistance à la communauté d'Esgaroth était tout à son honneur, et cela n'échappa guère au ménestrel, qui le dévisagea avec une gratitude non feinte. Il était bien rare de croiser sur son chemin une âme qui voulût bien prêter assistance à son prochain, et les Elfes se tenaient désormais au premier rang des races les moins susceptibles de tendre la main à quiconque. Devant même les Nains, avec qui les gens d'Esgaroth et de Dale savaient encore faire commerce quand venaient les heures sombres. Les mystérieux Premiers Nés, quant à eux, s'étaient retirés dans leurs forêts et contemplaient le monde qui s'effondrait sans ciller, immobiles dans toute la splendeur de leur immortalité. Mais Sigvald semblait différent, animé d'une volonté encore farouche comme des Eldar de jadis qui, disait-on dans les contes et les légendes d'âges depuis longtemps révolus, brûlaient d'une flamme ardente de savoir et de pouvoir.

Savoir.

L'Elfe le désirait tout autant que le Ménestrel, et tous deux se retrouvaient dans une impasse face à ces mystères à n'en plus finir.

Pouvoir.

Il semblait le rechercher aussi… le pouvoir d'agir, le pouvoir de changer le cours des choses… Y avait-il destin plus tragique que celui de l'impuissant condamné à contempler sa propre existence sans rien pouvoir y faire ? Sigvald souhaitait avoir le pouvoir d'agir, cela transpirait de toutes les fibres de son être. Toutefois, il y avait dans son sang elfique autant de bien que de mal, autant de héros au noble cœur qui avaient lutté pour autrui, que d'âmes corrompues qui s'étaient laissées aveugler par la rage.

Le savoir et le pouvoir étaient inextricablement liés, et il fallait les manier avec précaution.

- Pourquoi s'attaquer aux pêcheurs, dites-vous ? Je l'ignore. Le comte Saule s'est fait beaucoup d'ennemis ici, des gens que sa politique indispose, même s'ils n'osent pas le clamer tout haut, de peur de tomber en disgrâce à ses yeux – et à ceux du roi. Pourtant, je ne vois pas qui pourrait s'en prendre délibérément à d'innocents civils pour de simples motifs politiques. Cela ressemble plutôt à une action irréfléchie, pour ne pas dire bestiale. De la cruauté à l'état pur.

Il marqua une pause, soucieux de ne pas perdre le fil de sa réflexion alors que l'émotion le gagnait. Il était un habitant d'Esgaroth, et il connaissait certains des marins qui avaient disparu. Il aurait payé cher pour connaître l'identité du coupable, et pour le voir traîné devant la justice.

- Je crois que la réponse se trouve sur le lac, nulle part ailleurs… Mais il faudrait être fou pour s'y aventurer. Seul, de surcroît.

Si même les gardes ne souhaitaient pas faire face à la menace qui paralysait la vie de la cité lacustre, alors il fallait être fou en effet. Mais quelque chose dans le regard de Sigvald indiquait au Ménestrel qu'il y avait chez lui ce petit grain de folie qui n'était pas près de disparaître. Puis vint la question de l'Elfe concernant la brume, et tout à coup le visage du chanteur se para d'un voile soucieux. Il fronça les sourcils, et répéta :

- Une brume non naturelle… Je crois que nous savons tous à quoi cela fait référence, mais si aucun pêcheur ne vous l'a dit, c'est qu'ils craignent de l'invoquer. Son nom n'est pas tombé dans l'oubli, malgré les siècles, et si d'aucuns croient qu'il s'agit d'une légende, d'autres comme moi savent que les maléfices du passé ont bel et bien existé.

Son ton était devenu grave et sérieux, comme s'il plongeait dans la mémoire des Hommes, transmise de génération en génération par des lignées de conteurs qui s'étaient passés le souvenir de ces jours funestes.

- Je parle de Smaug le terrible, naturellement. Le grand dragon qui a dévasté notre cité, et qui a fait planer une ombre immense sur le Troisième Âge. On dit de lui qu'il était plus grand que la ville toute entière, et que de sa gueule jaillissaient des flammes capables de tout détruire. On dit aussi que son intelligence était à nulle autre pareille, et que sa ruse avait fait de lui le dernier des dragons à arpenter la Terre du Milieu. Aujourd'hui encore, vous verrez des gens conjurer le mauvais sort en entendant son nom murmuré… Quant à cette brume… On raconte que quand la bête eût sombré dans les flots, la fournaise dans son immense poitrine continua à brûler encore et encore, comme un brasier inextinguible. Et, à mesure que l'eau remplissait son corps, une fumée remontait du lac et enveloppait la ville d'Esgaroth. Ce n'est qu'une légende, bien entendu…

Il haussa les épaules. En tant que Ménestrel, les légendes étaient son fonds de commerce, et il en connaissait un certain nombre. Certaines contredisaient les autres, et il n'était pas sûr qu'il s'agît de la vérité. Toutefois, il ne connaissait aucune autre histoire du passé qui évoquât une telle brume mystérieuse sur le lac.

- Peut-être… peut-être que le brasier brûle encore, qu'en savons-nous ? Peut-être que quelqu'un a retrouvé la carcasse de la bête, et en la maniant aurait généré ces fumées mystérieuses. J'ignore tout de cela, mais cela n'augure certainement rien de bon pour personne. Si quelqu'un a exhumé les trésors de Smaug, je ne peux imaginer que ce soit pour de bonnes raisons…

Le regard du Ménestrel se perdit dans le lointain. Son hypothèse était effrayante, et il espérait de toutes ses forces avoir tort. Mais comment savoir ?


~ ~ ~ ~


Hadden s'excusa d'un geste devant la question à la naïve et extrêmement importante de l'Elfe. Naïve de son point de vue de sujet du royaume de Dale et habitant d'Esgaroth, mais il devait se rappeler qu'en dépit de leur profonde sagesse, les Eldar ne savaient pas tout. Les deux nouveaux venus ignoraient les détails complexes de la politique du Rhovanion, et ils avaient besoin de renseignements précis pour pouvoir se montrer des alliés utiles. Le sergent lui-même ne connaissait pas tout, car il n'était qu'un officier subalterne dans une organisation davantage tournée vers la défense des foyers de la cité lacustre qu'un grand amené à commander les armées de Gudmund. Cependant, comme tout un chacun, il connaissait ce qu'on racontait au sujet des Orientaux, et il se fit un plaisir d'éclairer la lanterne de la femme Elfe, la plus loquace des deux :

- Les Orientaux, commença-t-il, ne respectent jamais aucun traité. Ce sont des lâches et des ennemis de la justice. Ils viennent la nuit dans les campagnes, et ils enlèvent hommes, femmes et enfants pour les ramener dans leurs sombres terres et en faire des esclaves. Certains venaient faire du commerce il y a quelques années, et même s'ils n'étaient guère appréciés, leurs marchandises se vendaient. Mais il y a environ cinq ou six ans, ils ont cessé de venir pacifiquement. Tous ceux que nous avons surpris étaient des esclavagistes entrés illégalement sur notre territoire. J'ai moi-même participé à plusieurs missions contre eux, et j'ai déjà vu ce qu'ils font à leurs prisonniers. Les plus faibles sont destinés aux travaux de force, et on les nourrit à peine assez pour qu'ils puissent faire le chemin du retour. Les femmes sont violées sauf quand elles sont d'une beauté exceptionnelle. Les enfants, quant à eux, servent de moyen de pression sur les autres esclaves. Celui qui se rebelle sera responsable pour la mort d'un petit… Ces êtres n'ont que la cruauté dans le regard et le vice dans leur cœur.

Il marqua une pause. Il avait toujours craint les Orientaux, mais depuis qu'il avait appris à manier l'épée, sa peur s'était muée en haine. Il les détestait de tout son être, et espérait sincèrement pouvoir trouver et tuer tous les esclavagistes qui parcouraient les terres autour de sa cité. Depuis quelques temps, on rapportait des incursions plus fréquentes et plus vives, ce qui ne devaient rien au hasard. Les gens de l'est lointain avaient décidé d'établir une base avancée non loin de Dale, et ils accroissaient d'autant leur rayon d'action.

- Avez-vous entendu parler du comptoir commercial des Orientaux ? Demanda le sergent soudainement. A la faveur de l'hiver, ils ont décidé de s'implanter à l'est de Dale, et d'y établir une base fortifiée. Je ne connais pas trop les détails, mais je sais que cela préoccupe en haut lieu, et on raconte que le roi Gudmund aurait levé des hommes pour essayer de leur faire faire demi-tour. Cela n'augure rien de bon, assurément.

Hadden était un bon soldat, mais il avait toujours eu pour défaut de trop donner son avis, et de ne pas toujours savoir respecter la hiérarchie. Il était agréablement surpris de voir qu'aujourd'hui, on lui demandait explicitement une opinion sur la question, les questions des deux Elfes le mettaient dans une position confortable, où il pouvait leur apprendre ce qu'il savait, et essayer de les guider vers la résolution de cette affaire. Toutefois, la question que lui posa la femme le glaça subitement. Son visage devint livide, alors qu'il répondait :

- Je… Naturellement je ne voudrais pas créer un incident avec le seigneur de Vertbois… Mais… eh bien…

Il se mit à tirer nerveusement sur ses doigts, tout à coup très embêté :

- Nous vivons sur le lac, fit-il bientôt, et les accident arrivent parfois. Ils sont rares, mais inévitables. Cependant, cela concerne principalement des pêcheurs inattentifs, ou bien des enfants encore trop jeunes pour savoir nager. Ces drames sont… eh bien… explicables.

Son regard se perdit successivement dans celui d'Achas, puis dans celui de Delaynna, avant qu'il ne reprît :

- Il n'y a qu'une seule disparition qui soit véritablement inexplicable… celle de la femme du capitaine Syla. C'est un homme de bien, comprenez, et je ne voudrais pas jeter davantage de malheur sur un homme brisé. Cela fait plusieurs années maintenant, mais son corps n'a jamais refait surface. On n'en a trouvé aucune trace. Les anciens disent que ce n'est jamais bon qu'une âme n'ait pas de sépulture décente. Ils disent que c'est les gens qu'on n'enterre pas reviennent pour hanter les vivants.

Il leva les mains, comme s'il voulait se détacher de ces racontars. Au fond de ses yeux, toutefois, on devinait aisément qu'il y croyait dur comme fer, et que pour lui les disparitions récentes n'étaient pas étrangères à cet esprit tourmenté qui hantait les eaux du Long Lac. La confrontation entre ses peurs et ses certitudes était pourtant très intéressante, et montrait que derrière les superstitions et les légendes des anciens, se cachait peut-être un début de piste, une source d'explication.

- Les esprits… c'est une chose à laquelle je ne veux pas vraiment penser. Par contre, je sais que les Orientaux comptent parmi les leurs des sorciers et des mages de grande puissance. Des gens qui seraient peut-être capables de réveiller un esprit endormi, et de le retourner contre les habitants d'Esgaroth. C'est pour cela que je pense qu'il faut les chasser… pour qu'ils laissent enfin la femme du capitaine reposer en paix.

Achas échangea un regard avec Delaynna.

Un regard à la fois interrogateur et perplexe. Croyances et mythes naissaient à la surface du Long Lac, et se mêlaient au tissu de la réalité pour construire une trame complexe dont il était difficile de tirer une once de vérité.

#Hadden
Sujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau
Ryad Assad

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau    Tag hadden sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 7 Juin 2018 - 13:59
Les marins avaient souvent des légendes et des contes à dormir debout, alimentés par leur imagination débordante et par leur penchant pour la boisson. Toutefois, il n'y avait pas cette lueur amusée dans leurs regards aujourd'hui : ils étaient sincèrement inquiets de ce qu'ils observaient depuis quelques temps déjà, et ils cherchaient des explications à défaut de pouvoir agir pour résoudre le problème. Le vieillard secoua la tête négativement en réponse à la question posée par Sigvald. Il était sûr de lui, assurément :

- Pas normale, ça j'vous l'dit. Pas normale du tout, même. Ça fait un paquet d'années que je travaille sur le lac, moi. Ça pleut, ça neige, ça vente, j'travaille quand même. J'en ai vu des brumes, sur le lac. J'en ai vu assez pour dire que c'te brume, elle était pas naturelle. Ça non. J'ai jamais été dedans, mais elle s'lève vite, et elle a un p'tit goût amer qui reste sur la langue. Y en a pas tous les soirs, et j'peux pas vous dire que les bateaux qu'ont été attaqués sont entrés dans la brume, mais pour sûr c'est une brume magique.

Cette fois, personne ne vint lui opposer d'argument. De toute évidence, il n'était pas le seul à avoir vu cette brume étrange, qui apparaissait sur le lac certains soirs, sans que l'on pût déterminer avec certitude quelle était sa nature, ni quelle était sa source. C'était un indice à la fois précieux et nébuleux, qui n'avançait pourtant pas beaucoup Sigvald dans ses recherches. D'autres marins, comprenant qu'il n'avait pas obtenu la réponse qu'il attendait, essayèrent de lui donner d'autres informations :

- C'est quand il fait sombre qu'elle apparaît. Très sombre. Ça vous prend par surprise…

De nouveaux hochements de tête, puis les marins partirent à parler de leurs expériences diverses, et de leur crainte vis-à-vis de la brume. La plupart d'entre eux parlaient également de ce goût étrange, ou bien d'une odeur indescriptible. Il était difficile de savoir s'il s'agissait d'une invention de leur esprit paniqué, ou s'il y avait un fond de vérité à ce sujet. Une brume surnaturelle avait forcément des caractéristiques étranges, et ils pouvaient tout aussi bien avoir fantasmé tout ceci. Cela ne démonta pourtant pas Sigvald qui, continuant à leur poser des questions, se permit de leur lancer qu'il avait l'intention de les aider à reprendre le travail sur le lac. Ils eurent un moment d'hésitation, avant de se laisser aller à des sourires confiants :

- Ah ! Enfin quelqu'un qui veut aider ! Merci m'sieur l'Elfe, grâce à vous on va reprendre le boulot en moins d'deux !

Certains se mirent à applaudir franchement, et remercièrent chaleureusement le guerrier en lui serrant la main. Ce n'étaient pas des démonstrations policées, ou feintes. Il s'agissait bel et bien d'hommes dans le besoin, dont la vie dépendait profondément de l'état de santé du lac. Ils n'avaient rien d'autre. L'espoir que Sigvald venait de leur insuffler était suffisant pour leur redonner du courage. Après tout, il était un Elfe, et même s'il ne se considérait pas comme supérieur à ces marins, eux le voyaient comme une apparition mystérieuse et bienfaitrice venue pour les sauver. Ils lui prêtaient des capacités magiques, et supposaient qu'il serait capable de les débarrasser de la menace qui rôdait. C'était une sensation étrange, après avoir été considéré comme un paria et un monstre, que d'être soudainement entouré par une foule amicale, remercié par des gens simples pour une action qu'il n'avait pas encore accomplie. C'était une drôle de chose que, pour une fois, d'être un héros.

L'animation attira quelques badauds, de petits commerçants, des gamins des rues et des passants qui, entendant des bribes de conversation, s'empressèrent de les rapporter aux quatre coins de la ville. Les rumeurs allaient toujours plus vite que les pieds de ceux qui les portaient, et celle-ci ne fit pas exception. D'une oreille à une autre, l'histoire d'un Elfe venu protéger le lac d'Esgaroth se répandit partout, en prenant à chaque fois des proportions toujours plus étonnantes que le Premier Né ne pouvait pas encore imaginer. Au lieu de quoi, il s'efforça de ramener le calme parmi les marins, et de recueillir d'autres informations précieuses et des conseils pour affronter la menace du lac.

- Non, pas armés m'sieur l'Elfe, répondit un des hommes. À part p't'être quelques couteaux pour les cordes. On n'est pas des soldats, ça non ! On part pas su'l'lac pour se battre, juste pour pêcher.

- Sauf le dernier, intervint une voix qui n'avait pas encore pris la parole jusque là. Celui-là, y avait des gens d'armes à bord.

Sigvald et les bateliers se retournèrent vers l'intéressé, et haussèrent un sourcil de surprise. De toute évidence, ce n'était pas un des marins. Il portait une tunique un peu plus sophistiquée, quoi qu'elle demeurât tout à fait pratique et adaptée au voyage. Dans la ville d'Esgaroth, cependant, il n'était pas difficile de reconnaître un ménestrel quand on en croisait un. Celui-ci, qui avait environ une quarantaine d'années et un sourire indulgent sur le visage, leva les mains en voyant tous ces regards se tourner soudainement dans sa direction. Personne n'avait l'air de savoir de quoi il parlait. Il eut un rire nerveux, avant de s'excuser :

- Désolé, j'écoutais votre conversation distraitement, et j'ai dit ça sans y penser. Je vous laisse à votre intéressante discussion, j'ai à faire.

Il recula tranquillement, et adressa un grand geste de la main à tout le monde, avant de s'éloigner sans donner l'impression de fuir pour autant. Sigvald pouvait facilement le rattraper, et lui poser quelques questions, mais il n'était pas certain que l'homme lui répondrait. Parallèlement, s'il faisait ça, il abandonnait ses informateurs bateliers qui lui avaient jusqu'alors donné quelques pistes, et qu'il pouvait peut-être essayer de convaincre de le conduire sur le lac. Il devait choisir rapidement quelle décision prendre, car déjà le ménestrel s'apprêtait à disparaître à l'angle d'une maison…


~ ~ ~ ~


Achas posa une main sur l'épaule de Delaynna, alors que la jeune femme à la lanterne s'éloignait tranquillement en suivant le cortège. Elle leva les yeux vers lui, et il lui glissa non sans une certaine admiration :

- C'étaient des paroles très bienveillantes… J'espère qu'elles donneront à ces femmes le courage de faire face à cette perte.

Le guerrier, d'ordinaire assez froid voire hautain, avait semblé s'adoucir pendant un instant en voyant que la Dame de l'Eau était capable de faire preuve d'une bonté naturelle vis-à-vis de simples mortels. Lui-même était parfois mal à l'aise avec les Edain, car il ne parvenait pas toujours à comprendre comment fonctionnait leur esprit destiné au trépas. La jeune femme, quant à elle, paraissait faire preuve d'une plus grande empathie que lui-même, et elle lui rappelait que les créatures d'Arda étaient liées par Eru leur créateur, et que la compassion entre elles aurait dû être aussi naturelle que l'amour entre deux frères. C'était une leçon étrange à accepter pour lui, sentinelle de Vertbois, mais en s'adressant ainsi à Delaynna il la remerciait presque de savoir lui montrer la voie qu'il aurait pu prendre… la voie qu'il regrettait presque de ne pas pouvoir emprunter aujourd'hui.

Il n'ajouta pas un mot sur la question, et opina du chef lorsqu'elle lui expliqua qu'ils ne tireraient rien de plus de ces femmes éplorées. Elle avait raison. Malheureusement, elles devaient tout ignorer de cette affaire, et elles ne pouvaient que se raccrocher à ce que l'on racontait ici ou là. Des rumeurs, des mystères, rien de concret. Les veuves, les orphelines et les mères ayant perdu leur enfant ne pourraient même pas offrir un enterrement digne de ce nom aux hommes qu'elles avaient perdu, puisque les corps ne réapparaissaient jamais. Quelle tragédie.

Tous les deux se dirigèrent donc vers la caserne, après que Delaynna eut poliment demandé son chemin à deux hommes de la milice qui se trouvaient là. Ils avaient l'air légèrement nerveux, mais ce n'était rien à côté de la réaction des hommes à l'intérieur de la caserne. Achas savait reconnaître des hommes dont le moral était au plus bas, et ces soldats n'avaient certainement aucune envie de se battre. C'était sans doute la raison pour laquelle ils ne se bousculaient pas pour aller enquêter sur les affaires du lac. Ils savaient patrouiller dans les rues d'Esgaroth, et si besoin ils pouvaient appréhender un ivrogne ou un voleur, mais les dangers qui enveloppaient la cité lacustre les dépassaient de très loin. De la magie et des Orientaux… que pouvaient-ils faire ?

Là où Achas était plus doué pour observer des éléments martiaux, Delaynna était plus sensible aux sentiments et aux réactions des hommes présents. Elle demanda à un des officiers s'il pouvait la conduire au capitaine Syla, et elle n'eût aucun mal à déceler chez celui-ci une légère pointe de mépris. Cette impression se confirma lorsqu'il prit la parole, avec un sourire désabusé sur le visage :

- Je suis le sergent Hadden, bienvenue à Esgaroth. Hélas, j'ai bien peur de ne pas pouvoir vous conduire jusqu'au capitaine Syla, pour la simple et bonne raison que j'ignore où il se trouve en ce moment…

Il haussa les épaules, et quelques uns parmi les hommes de troupe se permirent même un sourire narquois. Ils n'avaient de toute évidence pas vraiment de respect dans leur capitaine, et ils se rangeaient assez naturellement derrière leur sergent, qui paraissait essayer de gérer en l'absence de son propre supérieur. Il reprit :

- Il ne s'est pas présenté à son poste ce matin, et je viens à peine d'envoyer des hommes chez lui pour voir s'il s'y trouve. J'espère juste qu'il n'a pas fait une connerie.

Cette dernière phrase lui avait presque échappé, et il se reprit bien vite, en changeant de sujet du tout au tout :

- Mais peut-être que je pourrais vous aider tout de même. Dites-moi en quoi je peux vous renseigner.

#Hadden
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