7 résultats trouvés pour Syla

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Sujet: Désillusions
Learamn

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Désillusions    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 25 Avr 2023 - 18:39

Ian ne put masquer sa déception face au peu d’informations que Delaynna avait au sujet de la sorcière. Cela faisait des semaines qu’il avait mené l’enquête au sujet de cette mystérieuse figure qui était mystérieusement apparue dans la cité peu après les premières disparitions sur le lac; mais malgré tous ses efforts il n’avait jamais réussi à l’identifier avec certitude ou prouver un quelconque méfait de sa part. Elle était passée maître dans l’art de l’illusion et avait parfaitement réussi à couvrir ses arrières jusqu’ici. Il fallait dire que l’atmosphère pesante qui régnait sur la ville, symbolisée par l’autorité de plus en plus rigide d’un Comte Saule, n’avait pas arrangé les choses pour la mission des Ménestrels. Ian poussa un soupir. Qu’il était loin le temps où sa guilde bénéficiait du soutien de la ville entière et jouissait d’un réseau d’information sans commune mesure de ce côté-ci du continent. En l’espace de quelques années, il avait vu son organisation perdre son prestige et son influence. Il n’avait rien pu faire pour contrer cela, témoin impuissant du délitement de l’institution qui représentait tout pour lui.

“Ce qui est certain c’est qu’elle vous a trouvé assez menaçante pour vous viser et ainsi risquer d’exposer sa couverture. J’ignore ce qu’elle craint de votre part mais elle en a peur. Et ceci c’est un atout importan  à votre disposition.”

Le jeune artiste détestait s’écouter parler comme un de ces politiciens qui régnait au sein du Conseil de Lacville; lui qui aurait aimé pouvoir s’exprimer seulement en rimes et alexandrins, cithare à la main. Malheureusement,  il avait été happé par les jeux de pouvoirs depuis de longues années et se retrouvait parfois, bien malgré lui, à réfléchir comme les aristocrates qu’il méprisait.

Il se releva, soulevant un nuage de poussière le long de sa cape lie de vin et se dirigea vers le Capitaine Sylla étendu sur la large table de bois, toujours inconscient. Un rapide examen pour s’assurer qu’il ne mourrait pas dans les heures à venir; à priori il était hors de tout danger immédiat. Son âme, cependant, semblait bien plus meurtri que son frêle corps.


“Dame Delaynna, si vous voulez bien recueillir de l’eau du lac dans un seau juste dehors. Elle n’est pas bien propre mais pour le réveiller et le débarbouiller cela fera l’affaire.”


L’elfe obéit et se dirigea à l’extérieur, laissant l’agréable air nocturne se faufiler dans son élégante chevelure. Mais alors que la Dame de l’Eau se pencha pour plonger le baquet dans les eaux sombres du canal; l’eau devant elle se mit à tourbillonner et elle fut comme aspiré au sein d’un terrible maëlstrom qui l’emmenait vers les profondeurs.

Elle chuta ainsi pendant de longues minutes, ou alors était-ce des heures? Ou même des jours? Elle n’aurait su le dire, tant toute notion du temps semblait avoir disparu au sein du vortex.

Subitement, tout redevint calme et silencieux. Au fond des abysses, les ténèbres régnaient sans partage. A droite, à gauche, au-dessus et en-dessous d’elle; elle ne pouvait rien discerner. Seules deux orbites d’un bleu électrique étaient visibles au loin, foudroyant du regard l’elfe quinquacentenaire. C’est alors qu’une voix profonde et distante, provenant des abîmes mêmes, se mit à résonner dans son esprit.


“Dela…Delaynnaaaa…Delaynna…”



Les deux yeux se rapprochaient à mesure que la voix dans tête s’intensifiait. Bientôt ce furent deux immenses globes éblouissants.


“Ils ont voulu voler mon trésor Delaynna….Ma pupille…. Ils ont voulu le voler…Ils doivent payer. Ils doivent…. MOURIR!”



Le tourbillon réapparut alors subitement, et l’obscurité céda sa place à une mer tumultueuse sous un ciel gris. Autour d’elle des épaves et divers objets éparpillés flottant au gré des vagues et surtout une odeur prégnante. Elle voulut saisir une poutre qui flottait non loin de là mais lâcha un cri d’horreur quand elle se rendit compte qu’il s’agissait là d’un bras arraché à son propriétaire. Laissant son regard errer autour d’elle, la Dame de l’Eau ne put que constater que le monstre avait mis ses menaces à exécution. Cadavres et ruines l’entouraient. La dernière chose qu’elle aperçut fut le corps inerte de Sigvald empalé sur le mât d’un navire oriental, sa longue chevelure d’argent pendant dans le vide.

Elle fut alors subitement arrachée des flots par la poigne ferme du Ménestrel qui souleva son visage immergé, la ramenant sur le quai qui faisait face à l’Académie.


“Bon sang! Dame Delaynna qu’est-ce qui vous a pris?”


Il fallut quelques secondes à l’elfe pour se rendre compte qu’elle n’avait jamais vraiment quitté les planches des docks, plongeant simplement son visage dans le lac. Ian l’aida à se relever et la ramena au chaud à l’intérieur de la bâtisse.

Là, ils retrouvèrent Syla, qui avait émergé et s’était redressé sur la table.


“Qu’avez-vous vu?”
Fit le capitaine fou.

“-Laissez-là tranquille voulez-vous.” lui rétorqua Ian.

Mais Syla insista. Il se releva et s’approcha de Delaynna, un air grave sur le visage, dénué de toute la folie qu’on lui prêtait.

“Qu’est-ce que le Lac a révélé à la Dame de l’Eau?”


#Syla
Sujet: Désillusions
Learamn

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Désillusions    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 10 Aoû 2021 - 0:32
La procession se poursuivait en silence. Les femmes aux lanternes s’avançaient lentement en direction du lac, plongée dans un mutisme en hommage au héros qui avait sacrifié sa vie pour libérer la Cité du mal qui l’accablait. Depuis le début du Quatrième  Âge, les héros étaient devenus rares. Le temps des grands affrontements entre Bien et Mal avaient cédé leur place à des luttes d’influences répondant aux intérêts personnels de différents dirigeants de ce monde plus que jamais profane. Alors quand, au milieu de la nuit, une figure désintéressée surgissait des ténèbres pour apporter sa sagesse et sa bravoure au service du monde, il était un devoir collectif de l’honorer comme il se doit. Mort pour une nation qui n’était pas sienne, sacrifié pour un peuple étranger. Tel était le tragique mais noble destin d’Achas de VertBois. Cela, les Veuves de Lacville en avait bien conscience.

L’une d’entre elle se pencha en avant, dans un mouvement qui ressemblait presque à une révérence religieuse. Délicatement, elle déposa sa lanterne dans le creux d’un papier en osier qui flottait sur les eaux froides du lac. Elle poussa légèrement la petite embarcation qui s’en alla voguer jusqu’au coeur du lac. Elle fut bientôt imitées par ses congénères et, quelques minutes plus tard, ce furent des dizaines de petites lueurs blanches qui illuminaient les eaux sombres de LacVille. Un dernier hommage, certes, mais aussi une marque de défiance envers l’obscur menace qui régnait dans ses flots.

Pour Delaynna, toujours en proie aux terribles hallucinations dont elle était victime depuis son retour à Esgaroth, le spectacle n’en devenait que plus poétiques. Les lanternes étaient devenus lucioles et les dames de la ville, des Anges de la Nuit venus écarter la Fatalité à l’aide de la lumière sacrée.

Mais ce répit poétique fut de bien courte durée. La Dame de l’eau sentit une main puissante agripper fortement son épaule, se refermant sur elle comme une pince. Son agresseur la tira en arrière, la forçant à s’éloigner de la procession au bord du rivage. Encore faible et tourmentée, l’elfe ne put résister à la poigne ferme de l’inconnu. Celui-ci l’attira jusque dans une ruelle adjacente déserte et la poussa à lui faire face. Son visage était difforme et repoussant. Une peau intégralement couverte de poils bruns, d’immenses mandibules faisant office de lèvres et huits yeux noirs et globuleux. L’arachnide n’avait pas lâché prise et continuait à tenir fermement Delaynna avec ses longues pinces et se mit à parler.

La voix du monstre, cependant, était bien familière.

Une voix plaintive et désespérée qui n’avait rien de celle d’un monstre.

Une voix apeurée et désemparée que la Dame de l’Eau ne connaissait que trop bien.

“Tu es là! Tu es enfin revenu! Oh Nertha, tu m’as tant manqué. Tant manqué. Moi qui croyait t’avoir perdu à jamais dans les profondeurs du lac…”


Le Capitaine Syla, car il s’agissait bien de l’officier endeuillé, délirait complètement, croyant voir en l’elfe, son épouse disparue. Resserant son emprise sur elle, il tenta de la faire avancer encore un peu plus vers le centre de la ville.

“Allez! Viens!
Insista-t-il. Allez, il est temps de rentrer à la maison. Notre petite Gail nous attend. Oh elle sera tellement, tellement heureuse de te voir.”

L’araignée-Syla disposait d’une force étonnante et il l’attirait inexorablement dans ses pattes luisantes. La créature était clairement plus forte physiquement que la Dame de l’Eau affaiblie.

C’est alors qu’un bruit sourd retentit et que, complètement sonné, l'arachnide se laissa complètement tomber au sol. Derrière le monstre se tenait un magnifique félin à la majestueuse crinière blonde.  Le Lion, pourtant si impressionnant, lui parla d’une voix douce, presque chantante.

“Par les Porteurs de l’Unique! Dame Delaynna, que vous arrive-t-il? Décidément elle ne vous a pas raté...”

Il s’approche délicatement de l’elfe pour ne pas l’effrayer et lui tendit une sorte de petite outre dans laquelle il avait écrasé quelques herbes séchées.

“Tenez, tenez... buvez-cela. Cela vous aidera”


La boisson, au goût légèrement fruité, revigora l’esprit embrumé de l’elfe. Lentement, la crinière de poils se mua en boucle blonde et la face du félin en un jeune visage au sourire radieux. L’homme qui lui faisait face était vêtu d’habits colorés et qui auraient pu être jugés extravagants par de nombreux habitants et coiffé d’un large chapeau surmonté d’une plume. Ce qui était certain, c’était que cet individu ne cherchait pas à passer inaperçu.

A moins que là était sa stratégie pour que nul ne soupçonne ses réelles activités.

“Ian, Ménestrel d’Esgaroth. J’imagine que vous avez entendu parler de nous, non? Sinon, sachez tout simplement que nous ne servons pas les intérêts de Saule, ni d’aucunes âmes mal intentionnées de Lacville.”

Il se tourna alors vers le capitaine Syla, toujours inconscient. A ses pieds se trouvait les restes d’une cithare qui avait explosé sous le choc.

“Je n’y suis pas allé de main morte mais il fallait bien ça, cet officier a le crâne bien dur.”

Il réajusta sa sacoche et jeta quelques regards nerveux autour de lui.

“Il s’est passé beaucoup de choses à Esgaroth durant ces dernières heures mais les rues sont pleines d’oreilles indiscrètes. Laissez-moi vous guider vers une des demeures de notre Guilde, je pourrais répondre à certaines de vos questions… y compris sur la sorcière et le mal qui guette la ville…”

Ian laissa sa dernière phrase en suspens, se demandant si , au vu dans l’état dans laquelle il avait retrouvée son interlocutrice, celle-ci n’avait pas croisé la route de cette fameuse sorcière. Ou de l’un de ses agents.  
Mais l’heure n’était pas encore aux discussions. Le ménestrel se pencha au-dessus de Syla et tenta de le soulever par les épaules.

“Un petit coup de main? On ne va quand même pas laisser ce pauvre bougre ici…”


#Delaynna #Syla #Ian
Sujet: Désillusions
Ryad Assad

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Désillusions    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 12 Aoû 2019 - 1:34
Hadden n'aurait su dire ce que cachait le regard de Delaynna, mais il devina que quelque chose n'allait pas. Elle essayait de lui cacher son trouble, mais de toute évidence elle paraissait préoccupée, pour ne pas dire choquée. Comme si elle avait vu un fantôme. Le sergent aurait voulu pouvoir la rassurer, mais il ne trouva pas les mots pour cela, et se contenta donc de l'écouter lui faire l'exposé d'une situation qu'elle pensait critique. En l'entendant, le militaire se permit un sourire détendu avant de lui répondre :

- Votre trouble est bien compréhensible, ma Dame, mais je vous rassure, tout va bien. Le capitaine Syla a été retrouvé. Vos compagnons devraient s'en rendre compte et revenir rapidement.

Il pensait que de telles paroles seraient suffisantes pour rasséréner son interlocutrice, mais il ne rencontra pas l'effet escompté. Bien au contraire, il sembla déclencher de nouvelles questions, de nouveaux doutes. De toute évidence, son explication ne coïncidait pas avec ce que l'Elfe souhaitait entendre. Il ajouta :

- Je sais que vous vous inquiétez pour le capitaine, mais nos hommes l'ont trouvé, et l'ont amené devant le comte Saule afin qu'il puisse s'expliquer.

S'expliquer. Syla était un homme brisé, à peine capable de tenir debout, et qui s'était pourtant vu confier une mission de la plus haute importance. Hadden avait donné des ordres stricts, afin que son supérieur fût conduit devant les plus hautes autorités de la ville, pour répondre de ses actes. L'enjeu était trop important pour que la situation fût prise à la légère, et mise entre les mains d'un homme instable et suicidaire. Certains verraient dans son action une forme de prise de pouvoir malsaine, mais il savait lui qu'il agissait dans l'intérêt de la cité d'Esgaroth, et qu'il n'avait d'autre choix que de mettre Syla face à ses responsabilités plutôt que de laisser tout son peuple souffrir plus longtemps aux mains des Orientaux.

- Si cela peut vous rassurer, je peux vous conduire au Castel du comte. Je pense que le capitaine doit encore s'y trouver, vous pourrez voir par vous-même qu'il n'y a rien à craindre.

C'était sans doute la meilleure chose à faire pour l'heure, car Delaynna semblait avoir besoin de réponses claires. Hadden, qui semblait encore légèrement ensommeillé, quitta sa chemise pour passer une tunique plus présentable, non sans rougir légèrement. Il fallait dire que de son point de vue, l'Elfe était tout bonnement la créature la plus parfaite qu'il eût jamais vu, et une telle proximité entre les deux à une heure aussi tardive avait de quoi le mettre mal à l'aise. Il était pourtant plutôt bel homme, mais que valait la beauté humaine face à la perfection des Premiers Nés ? Sa musculature le rendait presque difforme et brutal face aux deux compagnons de son interlocutrice, qui se distinguaient par la finesse de leurs traits et de leur silhouette. Il se sentait monstrueux, maladroit. Inférieur.

Il ne fit pas part de son sentiment à Delaynna, et se contenta au contraire de lui présenter un visage affable. Il voulait sincèrement l'aider, conscient qu'en lui prêtant assistance, elle ferait de son mieux pour sauver les habitants d'Esgaroth du danger qui planait sur le lac. Il y avait une autre raison à sa sollicitude. Il n'aurait pas osé se l'avouer, mais il était positivement impressionné par l'Elfe, qui dégageait une aura envoûtante, à mi-chemin entre la séduction et l'intimidation. Elle dégageait une sérénité face au danger, et pourtant une forme de fragilité qui activait son esprit protecteur. Sitôt après avoir passé une tenue adaptée à l'occasion, il guida Delaynna à l'extérieur de sa chambre, et fit signe aux quelques soldats qui étaient encore debout, et montaient la garde :

- Messieurs, postez des hommes sur les rives du lac. Lorsque les compagnons de madame se présenteront, guidez-les ici.

Revenant à l'Elfe, il ajouta :

- Je suis sûr que tout se passera bien pour eux, ils reviendront rapidement.

Sur ces paroles qui se voulaient réconfortantes, ils se mirent en route en direction du Castel. Ce bâtiment défensif qui faisait office de bastion dans la cité lacustre se trouvait parfaitement en son centre, et abritait le comte ainsi que ses principaux officiers. A une heure aussi tardive, on aurait pu s'attendre à le trouver fermé et sous bonne garde, mais il était de notoriété publique que Dauert Saule entretenait une cour nombreuse qui se réunissait régulièrement jusque tard dans la nuit. Et même si cela n'avait pas été le cas, le Castel faisait figure de lieu ouvert au sein de la cité. Les gardes y patrouillaient avec attention, mais le bastion accueillait fréquemment des voyageurs et des dignitaires étrangers en voyage dans la cité, si bien qu'il était plus facile d'aborder le comte que les autres seigneurs dans des cités plus importantes.

Ils furent donc introduits sans la moindre difficulté à l'intérieur, tâche facilitée en grande partie par la présence de Hadden dont l'autorité sur la Milice lui permettait d'accélérer les contrôles et les procédures. Ils passèrent ainsi sous une épaisse arche de pierre, et se rendirent vers une grande salle de réception d'où se dégageait une douce chaleur. De nombreuses bougies y étaient allumées, dispensant une lumière agréable aux convives qui s'étaient réunis. En raison de la taille de la pièce, on aurait pu s'attendre à trouver davantage d'invités, mais Saule n'était entouré que d'une petite dizaine de personnes, hommes et femmes attablés et occupés à savourer un repas exquis, tandis qu'ils écoutaient attentivement le récit d'un homme qui tournait le dos à Hadden et Delaynna.

- … c'est pourquoi, faisait celui-ci, nous n'avons pas encore obtenu de résultats, mais nous y travaillons assidûment, sire.

Cette voix… Cela ne pouvait être que Syla, mais il n'y avait qu'un seul moyen d'en être certain. L'Elfe et son guide s'approchèrent dans la lumière, et attirèrent l'attention du comte, qui leva la main pour interrompre son interlocuteur.

Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! Dauert10

Il avait le teint froid et les yeux sombres, mais on décelait chez lui une grande intelligence, presque roublarde. Il n'avait pas le charisme des hommes de guerre, mais malgré sa taille modeste il dégageait quelque chose de séduisant, d'attirant, mais aussi de menaçant et d'inquiétant. On sentait chez lui une profonde ambivalence, que son apparence ne faisait que renforcer. Sa mine austère renvoyait l'image d'un homme strict et profond, mais sa tenue le présentait au contraire comme un homme superficiel et versé sur le luxe. Fasciné par la présence d'une immortelle à sa table, il fit signe à Hadden d'approcher, et déclara d'une voix où perçait sa très grande confiance en lui :

- Sergent Hadden, j'ignore quelles nouvelles vous m'apportez à une heure si tardive, mais elles paraissent sous la forme la plus agréable à contempler.

Son regard glissa impudiquement sur le corps de Delaynna. Contrairement à Hadden, il ne faisait pas preuve d'une gêne presque juvénile que l'on pouvait qualifier de touchante, mais il se délectait au contraire de cette apparition impromptue sans paraître vouloir s'en cacher. Son attitude n'était cependant pas dénuée d'un certain charme, et il poursuivit sur un ton particulièrement poli :

- Madame, j'ai eu vent de la présence d'Elfes dans ma noble cité, et je suis très heureux de faire votre connaissance. Laissez-moi me présenter, je suis le comte Saule, à votre service. A qui ai-je l'honneur ?

Il attendit patiemment sa réponse, jusqu'à constater que ce n'était pas lui que Delaynna observait. Elle avait le regard braqué sur l'homme qui se tenait devant le comte, et qui venait de se retourner vers elle. Plus de doute désormais, il s'agissait bel et bien de Syla, en chair et en os. Les mêmes traits, le même regard égaré, la même mine lasse. Nul autre qu'elle ne comprit pleinement les implications réelles de sa présence ici, maintenant. Cela signifiait que sa vision était erronée. Cela signifiait qu'elle s'était trompée, ou pire… qu'elle avait été trompée.

Et à cause d'elle, Sigvald et Achas se trouvaient désormais seuls sur le lac.

#Delaynna #Saule #Syla #Hadden
Sujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 23 Juil 2017 - 14:52


Au prix d'horribles toux rauques, Syla recracha l'eau que ses poumons avaient été contraints d'absorber. Tout tanguait autour de lui, mais il mit un certain temps à comprendre que cette sensation ne provenait pas seulement de son chamboulement physique et mental, mais également de l'endroit où il se trouvait : ce n'était pas le bois stable et immobile des pontons qu'il sentait sous lui, mais la coque chancelante d'une barque dont il n'avait pas même remarqué la présence quelques minutes plus tôt, alors qu'il  cheminait, hagard, à la recherche d'une corde. Tandis qu'il essayait de remettre ses idées en place et de comprendre pourquoi il ne se trouvait pas aux côtés de feu son épouse, mais toujours dans ce monde de souffrance et de désespoir, une voix claire et douce parvint à ses oreilles. Pas de doute possible, il savait qui lui entonnait cet air. Tout son corps se raidit. Oui, cela allait de soi, c'était sa tendre femme qui l'appelait depuis les profondeurs du lac où elle reposait depuis sa noyade. Cela ferait bientôt quatre ans et son absence lui pesait plus que toutes les pierres de schiste, de granite ou de tout autre minéral qu'il aurait pu s'attacher aux chevilles. Ses mots étaient à la fois beaux et tristes.. elle lui faisait savoir, dans une mélopée semblable au murmure des plus charmants ruisseaux qui confluaient vers le lac, qu'elle était toujours là, au fond des flots noirs. Elle lui intimait de ne pas l'oublier, de lui donner de ses nouvelles, de se manifester d'une manière ou d'une autre. Elle venait de le voir un bref instant plonger dans les eaux et cela avait suffi à raviver son amour...

Mais était-ce bien elle qu'il entendait ?

À vrai dire, plus il revenait à la réalité et recouvrait ses esprits, et plus il en doutait, à son grand regret. La voix de Nertha telle qu'il s'en souvenait était moins cristalline, moins parfaite... plus humaine pour ainsi dire. Et comment lui, le capitaine de la Milice, la cartésien, lui qui ne voulait pas entendre parler de mystères, lui que toute mention du surnaturel horripilait, comment pouvait-il croire à une émanation de l'esprit de sa défunte épouse ? Sa dépouille était remontée à la surface comme tous ceux qui étaient un jour morts sur le lac, et elle avait été repêchée. On lui avait enlevé la vase et les salissures, on l'avait revêtu d'habits décents et on l'avait placée sur une barque emplie de bûches et d'une paille imbibée de poix qu'on avait laissée dériver sur les courants du lac. Ses cendres étaient dissoutes depuis longtemps dans les eaux mais, objectivement, Syla savait au fond de lui que les cendres ne pouvaient parler, quelle qu'ait été la beauté de l'esprit qu'elles avaient un jour contenu. Plus sa raison lui revenait et plus il voyait la chose impossible.

Et il semblait qu'il eût raison, car en tournant la tête il s'aperçut que les derniers vers du poème étaient entonnés par une personne bien vivante qui se tenait à côté de lui dans la modeste embarcation. Elle était charmante, possédait beaucoup de grâce, mais ce n'était point sa regrettée Nertha. Le capitaine comprit bientôt pourquoi sa voix était si enchanteresse : la finesse de ses oreilles et la façon de son accoutrement ne laissaient guère de place au doute, elle appartenait au peuple elfique. Tentant de retrouver ses repaires entre deux quintes de toux, le pauvre homme vit qu'ils partageaient le modeste espace qu'offrait la barque avec un autre elfe, un elfe aux cheveux blonds trempé lui aussi de la tête aux pieds, et qu'un troisième elfe l'observait attentivement depuis le bord du ponton tout proche. Visiblement, ils l'avaient arrachés à la mort...

- Vous venez... parvint-il à articuler en reprenant son souffle. Vous venez de prolonger... encore un peu... mon existence.

On n'aurait su dire s'il était finalement soulagé d'avoir échappé de justesse à la mort atroce qu'il avait voulu se donner dans son élan suicidaire ou s'il leur en voulait de l'avoir obligé à rester dans le monde cruel et injuste qu'il s'était mis en tête de fuir à jamais. Sans doute y avait-il un peu des deux, mais dans quelles proportions ? Lui seul le savait pour l'instant. Les prochaines minutes ou les prochaines heures le diraient certainement. Le regard du miraculé se porta sur sa cheville que le frottement cruel de la corde avait teintée d'un collier rouge et sanguinolent, puis sur la cotte de mailles de l'elfe mâle qui était le plus près de lui. Incrédule, il se tourna enfin vers la femme-elfe, qui était de toute évidence la seule qui avait été complètement libre de ses mouvements dans toute cette manœuvre. Oh certes, celui qui se tenait sur le ponton semblait également ne pas être harnaché d'un équipement trop lourd, mais à en croire ses habits secs il n'avait pas eu le temps ou l'envie de plonger dans l'eau froide.

- Comment avec-vous... fait ? demanda-t-il à Delaynna. Un capitaine... minable et incapable... n'aurait pas été une grosse perte. Esgaroth s'en porterait bien mieux... croyez-moi... si je reposais au fond du lac... avec les débris et les trésors de ces bateaux coulés. Toute cette affaire... a causé... ma déchéance. Qu'ils en coulent encore mille... si ça les chante... qu'ils envoient par le fond... tous les bateliers de la ville... mais qu'on cesse de me tarabuster avec ça !

Mais comme il tendait la main pour essayer d'agripper le bord du ponton et de quitter cette coquille de noix, il se rendit compte qu'il n'en avait tout bonnement pas la force pour l'instant, et une nouvelle quinte de toux le plia en deux, déchirant le silence vespéral et emplissant de pitié les étoiles au-dessus de leur tête.


#Sigvald #Delaynna #Syla #Saule
Sujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une mission qui ne tombera pas à l'eau    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 1 Juil 2017 - 20:33
Le soleil de la fin d'après-midi illuminait de ses rayons obliques la surface du Long Lac, faisant miroiter sa lumière sur les milliers de petites vaguelettes qui ridaient l'étendue d'eau la plus célèbre du monde septentrional, tout au moins de ce côté-ci des Monts Brumeux. Il y avait bien, loin dans les terres de l'Ouest, un autre grand lac qui bordait la capitale du royaume d'Arnor mais, bien que celui d'Esgaroth fût moins large que son homologue d'au-delà des montagnes, il restait un symbole d'une puissance que l'autre n'atteindrait jamais. Car là où l'un avait une histoire aussi terrible que mouvementée, avec ses légendes, ses batailles, son folklore véhiculé par les bateliers et les pêcheurs, l'autre n'était qu'une curiosité du paysage, un ornement pour le seul plaisir des yeux. Dans l'un, il se racontait que les ossements et une partie du trésor du grand dragon de jadis s'y trouvaient, reposant sur le fond vaseux que nulle lumière n'éclairait jamais. Dans l'autre, on ne trouvait rien de plus exceptionnel que des tanches et des ombles. C'est en tout cas ce que disaient les gens d'ici, et en particulier ceux qui regrettaient que la princesse Dinael de Dale se soit exilée au pays de Tar-Aldarion ; on l'appelait à présent Reine des Deux Lacs, mais en réalité elle était toujours celle d'un seul lac, seulement ce n'était plus du même dont il s'agissait. Et puis, on parlait toujours d'Annúminas et du lac qui s'étendait à son pied, tandis qu'ici on parlait du Long Lac et de la ville qui était construite sur ses eaux ; et cela voulait tout dire.

Bien qu'on eût passé depuis longtemps les heures les plus torrides de cette journée d'été, les trois elfes pâtirent de la chaleur et de la pénible lourdeur de l'air. Ils avaient voyagé jusqu'alors sous le couvert rafraîchissant de la canopée et ce brusque changement d'atmosphère fit suer leurs corps comme un morceau de glace qui se transforme en eau sous l'assaut du rayonnement de l'astre du jour. Peut-être était-ce pour cette raison que Sigvald et Delaynna s'adonnèrent à quelques passes d'armes, afin de profiter quelques instants de plus de l'ombre des derniers arbres de la lisière orientale...

- Disons que vous avez d'autres pouvoirs que ceux des armes, chacun ses forces et ses faiblesses. Mais quand on a à défendre sa forêt un jour après l'autre et qu'on n'a pas la chance de faire sortir les ruisseaux de leurs lits, eh bien on se tourne vers des arts plus terre-à-terre, les arts de la lame et de la flèche.

Achas n'arrivait toujours pas à déterminer si la Dame de l'Eau lui avait fait sa remarque pour lui reprocher son attitude un peu bougonne et taciturne, ou bien si elle souhaitait sincèrement apprendre à mieux se battre en duel, à se dérouiller, comme elle l'aurait dit. C'est vrai, il n'était pas d'une joie exceptionnelle depuis qu'ils avaient quitté le palais d'Angrod, et il montrait rapidement des signes d'agacement ou de mauvaise humeur pour des petits aléas sans importance. En vérité, il était sous pression. La mission que son seigneur lui avait assignée, il trouvait bien difficile d'en appréhender la subtilité : comme si accompagner le duo dans une mission périlleuse ne suffisait pas, il s'était vu chargé des tâches paradoxales de les aider tout en surveillant Sigvald. Or il n'avait pas totalement confiance dans le repentir de ce dernier. Ainsi, chaque manœuvre un peu insolite lui apparaissait comme un subterfuge pour le tromper et lui fausser compagnie, et même une banale passe d'armes pouvait prendre des allures de haute trahison dans son esprit aux aguets. D'où son comportement.

- Pour ma part, continua-t-il, atteindre mes ennemis à distance ne me pose pas de problème de conscience, car il s'agit du meilleur moyen de protéger notre belle et grande forêt. Mais je manie fort bien la dague longue au besoin. Vous combattez, Madame, comme un chevalier armuré, mais sans armure lourde je trouve c'est une technique inappropriée. Plus de mouvements ! Plus de souplesse !

Achas fit sortir sa dague de sa ceinture et prit la place de Sigvald en face de la galadhrime. Après quelques secondes où ils se regardèrent l'un l'autre en silence, ils firent tous deux un pas en avant et les premiers tintements de l'acier se firent entendre. Comme à son habitude, les gestes de la sentinelle étaient vifs et précis, compensant la différence des longueurs de leurs lames par une rapidité d'exécution et une vélocité qui firent reculer Delaynna. Il ne parait pas les coups frontalement, mais les déviait plutôt pour envoyer la lame de la dame sur le côté et la déséquilibrer ; souvent même il chercha à esquiver les estocades adverses pour s'en mettre à l'abri sans trop s'épuiser, gardant toute son énergie pour sa propre attaque, qui visait les parties vitales, ou les aurait visées si le combat n'avait pas été factice. Ils s'exercèrent ainsi pendant un moment, et plus le temps passait, plus son adversaire retrouvait du réflexe et reprenait du poil de la bête, rendant la partie de plus en plus intéressante.

Et puis enfin le trio reprit sa route et descendit les pentes herbeuses en direction d'Esgaroth, qu'ils comptaient atteindre avant la tombée de la nuit. Le soleil venait de sombrer derrière Vertbois-le-Grand quand ils posèrent le pied sur la première solive du grand ponton qui reliait la bourgade lacustre à la terre ferme. Tandis que leurs pas résonnaient sinistrement sur le bois mouillé, Achas observait de droite et de gauche les eaux sombres du lac qui se couvraient comme d'une brume rampante dans l'obscurité grandissante. L'onde venait presque lécher le dessous des planches, ce qui ne manqua pas de le surprendre... comment des hommes rompus à l'art de la construction pouvaient avoir conçu le ponton de cette manière, au ras de l'eau, sans craindre un pourrissement prématuré du bois ?

Mais ses réflexions techniques furent interrompues tout net par un grand « plouf ». Il eut juste le temps de lever la tête pour apercevoir, à une centaine de mètres devant eux, une silouhette indistincte assise sur le bord du plancher, se laisser glisser dans l'eau à une vitesse surprenante, comme si une force l'avait tiré tout soudain vers les profondeurs du lac.


♦  ♦  ♦


- Pardon ? Pouvez-vous répéter capitaine Syla, je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu ?

Le chef des miliciens sentit une chappe de plomb s'abattre sur lui, comme si toute la toiture du donjon du castel venait de lui tomber soudainement sur la tête. Assis en face de lui, Dauert Saule avait les sourcils froncés, et sa main caressant machinalement le col de son pourpoint distingué ne faisait que trahir un peu plus sa contrariété.

- Je n'ai pas pu faire autrement que de renvoyer cette femme, monsieur le Comte, elle aurait nui à l'enquête. C'était une drôle d’hurluberlue... Elle avait commencé par parler d'intuition féminine, et puis petit à petit elle a dit avoir des prémonitions, des visions. Elle a parlé de... de causes surnaturelles. Elle a été jusqu'à prétendre que les naufrages...

- Peu m'importe que ce soit une excentrique ou une mystique, vous avez chassé la seule équipe qui se soit portée volontaire pour enquêter sur ces drames ! Vous savez que les natifs d'Esgaroth ont trop peur du lac pour s'y aventurer de nuit. Vous savez que les habitants se méfient de ma garde et de la milice : ceux qui n'ont pas pu payer l'impôt cette année pensent qu'on viennent le leur réclamer de force. C'est pour ça que nous avons besoin de volontaires étrangers. Une poignée vous tombent sous la main, et vous, vous les éconduisez...

Syla aurait voulu répliquer, argumenter, faire comprendre au Comte d'Esgaroth que tout homme né ici se méfiait de tout ce qui sortait de l'ordinaire, que les superstitions étaient profondément ancrées dans l'inconscient collectif et que cette femme ressemblait trop à une sorcière pour qu'il puisse tolérer sa collaboration, et même sa présence. Saule n'était pas né sur le Lac. Il était né à Dale, il ne pouvait pas comprendre...

- Cela fait un bout de temps que vous n'êtes plus dans votre assiette, Syla. Cette erreur était la dernière : vous serez déchu du grade de capitaine dès que je trouverai quelqu'un de plus compétent.

La descente des marches fut plus difficile encore que la montée. Le capitaine Syla – puisqu'il l'était encore pour un temps compté – ne parvenait pas à réaliser la dureté de ce qui venait de lui arriver. Après tous ces efforts, tous ces sacrifices pour acquérir une place respectable, voilà qu'on lui faisait dégringoler l'échelle pour incompétence. Et, pire que tout, les reproches qui venaient de lui être adressés par le Comte le transperçaient, rien que d'y repenser, comme s'il lui avait décoché des flèches en plein poitrail. Il venait de décevoir celui dont la considération était la motivation même de sa vie de soldat. À quoi rimait l’existence maintenant qu'il était déshonoré ? Il n'avait pas la force de supporter cette opprobre. Tout semblait s'écrouler autour de lui tandis qu'il errait, hagard et sonné, dans les travées du castel. Le choc avait été si terrible que rien, pas même la pensée de sa fille, ne put le sortir cette fois-ci de l'abîme de noirceur et de l'humeur morbide dans lesquels il était plongé.

Arrivé à l'extérieur de l'édifice, il aperçut une pierre qui s'était déchaussée des contreforts des murs et la ramassa de ses deux mains. Cette fois-ci, il le ferait.

Elle lui sembla peser un quintal tandis qu'il la portait péniblement, clopinant tel un spectre sur le ponton qui reliait le château aux autres quartiers. Rien n'était facile, décidément. Il continua son chemin dans l'obscurité grandissante sans rencontrer âme qui vive, et poursuivit dans le prolongement, sur le ponton qui quittait la ville et aboutissait à la rive occidentale du lac. À mi-chemin, il s'arrêta net et posa son bout de roc, avant de se diriger vers une portion du ponton qui s'était écroulée récemment. Là, il se pencha pour atteindre le pilotis fautif, qui penchait, inutile et désolidarisé du reste de la structure, et réussit à dénouer la corde qui avait autrefois maintenu tout cela en place. Après quoi il retourna vers sa pierre, en fit plusieurs fois le tour avec la corde qu'il noua solidement, et attacha l'autre extrémité à sa cheville droite. Et, le regard vide et l'âme à l'agonie, il fit glisser le lourd morceau de schiste dans les flots noirs. À peine entendit-il le « plouf » caractéristique qu'il se sentit happé par la gravité, plongeant à son tour dans le lac. Dans une dernière vision floue et mouvante, il crut discerner trois silhouettes sombres, là-bas, à quelque distance sur le ponton, qui couraient dans sa direction.

Et puis la froidure de l'eau l’oppressa de toutes parts.

#Syla #Saule
Sujet: Sur les Flots Noirs et Grondants
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sur les Flots Noirs et Grondants    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 17 Fév 2016 - 19:40

Elle inspira lentement, puis, comme le lui avait enjoint la capitaine Syla, ébaucha une présentation très succinte d'elle-même et de ses motivations. Il ne lui plaisait guère de raconter sa vie de but en blanc à un homme qu'elle ne connaissait que depuis quelques minutes, et pourtant elle ne pouvait s'accorder un refus catégorique qui aurait pour conséquence de la faire rayer de l'enquête, alors que celle-ci n'avait pas encore débuté. Elle coupa donc la poire en deux et en dit juste assez pour contenter l'interrogateur.

– Eh bien, je me prénomme Venefica, et je suis arrivée cet après-midi-même en compagnie de l'elfe qui est assis à ma droite.

Marquant une petite pause pour laisser le temps au capitaine milicien de poser à nouveau le regard sur Brynjaleifre, elle ne reprit que lorsqu'elle eut à nouveau droit à son attention...

– Nous sommes venus de Dale, où, vous pouvez facilement l'imaginer, les nouvelles et les rumeurs concernant ces disparitions de navires ne sont pas rares. C'est un gros poissonnier venant de votre ville qui m'a appris que quelque chose ne tournait pas rond. Son état, qui était loin de transpirer la sobriété, et son bagout, auraient pu m'insinuer des doutes sur la véridicité de ses aboiements, n'eussent été les autres récits que mon camarade a glané sur la place du marché de Dale, hier matin. J'ignorais alors encore que le Comte avait promis une récompense pour aider à élucider ces mystères ; la seule chose dont j'étais sûre, ça oui, c'est que des mystères étaient bien à élucider. Ce qui demande de l'intuition, un sens de l'observation, de l'analyse. Ces qualités, les femmes les ont en règle générale, mais chez moi ils sont particulièrement développés, enfin je crois.

Elle avait décidé de rester sur une version édulcorée de ses qualités. Dévoiler tout le côté mystique et onirique aussi tôt dans l'enquête était trop risqué : ce Syla était sans doute beaucoup plus terre-à-terre que Brynjaleifre, et il aurait tôt fait de la prendre pour une excentrique et de la jeter dehors avec un coup de botte dans le derrière en prime.

– À défaut de posséder une barque, nous avons longé la Celduin à pied depuis Dale. Nous aurions pu monnayer un voyage fluvial auprès d'un batelier, mais y avons renoncé, et je pense que vous comprenez pourquoi. Cela nous a occasionné un petit délai mais nous sommes finalement arrivés sur les pontons en milieu d'après-midi. C'est à l'auberge du Repos Éternel que votre subalterne nous a écouté, repéré, et nous a donné ce rendez-vous avec vous, et que nous avons finalement accepté. Quitte à résoudre des énigmes, autant que ce soit pour le bien commun. D'abord, ça me permet de vous poser la question, à vous, capitaine, et de pouvoir enfin espérer une réponse plus sûre qu'en se fiant aux on-dits. Combien de navires ont réellement sombré dans le lac et... de quand date le premier naufrage ?

C'étaient plutôt deux questions réunies en une, à vrai dire. Et ce n'était qu'une infime partie de la liste d'interrogations qu'elle avait dressé dans sa tête durant ses dernières heures. La soirée à la caserne risquait d'être longue... mais passionnante.
#Syla
Sujet: Sur les Flots Noirs et Grondants
Ryad Assad

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Rechercher dans: Esgaroth   Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sur les Flots Noirs et Grondants    Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 26 Jan 2016 - 0:26
Sur les Flots Noirs et Grondants

Tag syla sur Bienvenue à Minas Tirith ! Esgaro10


Pas un souffle de vent ne venait troubler le calme du grand Lac qui bordait Esgaroth. Pas un bruit ne venait déchirer l'épais silence qui reposait sur ses eaux noires comme la nuit. Pas la moindre lumière ne perçait le voile nuageux qui s'était emparé du ciel et qui avait capturé entre ses griffes cotonneuses le regard bienveillant que la lune et les étoiles posaient sur la Terre du Milieu. Il ne faisait pas froid. Il ne faisait pas chaud. Une brume venue de l'Est avançait vers la cité lacustre, brouillard opaque fruit d'une quelconque sorcellerie qui mangeait l'horizon et le faisait disparaître entre les mâchoires béantes d'une créature sans corps, sans forme, sans âme. C'étaient sans doute les Orientaux et leur magie. On racontait bien des choses, sur les terres du Roi Gudmund de Dale. On murmurait que les mauvais hommes étaient revenus, et qu'ils étaient cette fois armés pour la guerre. On parlait de leurs soldats innombrables, qui avançaient en une multitude silencieuse, pareils à une armée de serpents glissant sur les plaines des terres sauvages. Ils filaient entre les herbes, entre les arbres, par les lacs, les rivières et les fleuves. Ils survolaient les montagnes sur le dos de créatures fantastiques, plongeaient dans les entrailles du monde en suivant de gigantesques monstres de flammes aux yeux de braise. Le Gondor, murmurait-on, avait été leur première victime. Les rumeurs allaient bon train, portées aux quatre coins du monde par des fuyards hébétés que l'on voyait émerger ici ou là. Des milliers. Des centaines de milliers. Des millions. Les Orientaux étaient en marche, et venaient chercher la guerre.

Esgaroth observait vers le lointain avec appréhension. Les frêles maisons de bois construites à même le lac par la vaillance des hommes ne résisteraient pas une nouvelle fois au feu destructeur. La cité n'en finissait plus de subir des fléaux, et cette nouvelle menace pourrait bien avoir raison de l'opiniâtreté légendaire des hommes d'ici. A quoi bon ? A quoi bon lutter, bâtir et aimer, quand tout était voué à disparaître ? La glace d'abord, s'était emparée de la cité lors d'un hiver qui avait mis à mal le commerce. Des gens étaient morts. Beaucoup trop. La famine avait frappé, quand les récoltes avaient été détruites par le gel, et nombreux étaient ceux qui avaient migré vers le Sud, à la recherche d'un peu de chaleur. Ils n'avaient trouvé que la guerre, la souffrance et la misère. De ceux qui étaient restés, par choix ou par obligation, combien avaient péri à cause de la maladie… du froid… des loups descendus des montagnes… des Gobelins sortis de leurs trous puants… Qui n'avait pas perdu un frère, un cousin, un père ou un ami ? Esgaroth avait été saignée. Saignée par la guerre, saignée par la lutte contre l'Ordre de la Couronne de Fer et ses maléfiques serviteurs. Et quand on avait cru que les choses allaient s'arranger, il n'en avait rien été.

Le mariage royal. Ah, le mariage royal… On en avait parlé, tant et tant que le monde entier s'était déplacé à Minas Tirith pour assister aux épousailles entre la princesse de Dale et le Roi de l'Arnor. Combien de Dalites, combien d'hommes du Lac avaient fait le trajet pour porter haut les couleurs de leur beau royaume, petit certes mais vigoureux. Ils tenaient à montrer au monde entier que leur ardeur ne s'était pas éteinte avec l'hiver. Leurs artistes, leurs artisans, leurs marchands avaient entendu conquérir les cœurs et les marchés du Gondor, de l'Arnor, du Rohan. Ils pensaient y trouver la fortune qu'eux-mêmes avaient perdu. Ils ne rencontrèrent que davantage de misère. Fallait-il se tourner vers les misérables marchands du Harondor, chassés de leur terre par la poussée des sauvages Haradrim ? Fallait-il en vouloir aux Rohirrim, dont le royaume avait été dévasté par la guerre civile et le Rude Hiver, de ne pas vouloir acheter les produits de luxe produits par les talentueux artisans Dalites ? Fallait-il, enfin, en vouloir aux Arnoriens qui avaient souffert peut-être plus que tout autre royaume des méfaits de l'Ordre de la Couronne de Fer et qui pleuraient encore la mort des trois enfants de leur souverain ? Assurément, nul ne pouvait leur en vouloir. Bien des négociants avaient regagné Esgaroth sans avoir réalisé le bénéfice exceptionnel qu'ils espéraient, convaincus désormais que le monde entier courait à la ruine et que le départ de Dinael allait les condamner davantage que les sauver.

La seule chose qui leur restait, c'était le lac.

Ce lac d'où ils tiraient leur richesse, leur subsistance, et leur ouverture sur un monde bien plus grand, bien plus vaste. C'était lui qui les fournissait généreusement en poisson et qui avait permis à la ville de survivre même au plus fort de l'hiver. Esgaroth dépendait de lui, des navires qui y voguaient quotidiennement, porteurs des denrées dont la petite cité avait cruellement besoin. Mais le lac leur avait joué un mauvais tour. La fonte des glaces dans le Nord avait apporté son lot de malheurs, et beaucoup avaient vu descendre des contrées sauvages des cadavres figés qui semblaient ne pas vouloir disparaître dans les profondeurs. Entre les blocs gelés dont la taille qui allait diminuant préfigurait le retour d'un été des plus chauds, on pouvait apercevoir ici un bras, ici une jambe. De pauvres âmes prises par le gel au plus fort de l'hiver qui, alors que ce dernier cédait la place à des températures plus douces, étaient enfin libérés de l'oubli. Ils allaient descendre l'Anduin, très certainement, et rallier la Grande Mer du Sud, s'ils n'étaient pas dévorés par un quelconque monstre marin entre temps, bien entendu. Ce n'était pas un bon présage, hélas, et ce ne fut pas le seul malheur que le lac apporta.

Le niveau des eaux monta, bien plus que d'ordinaire, et de nombreux quartiers d'Esgaroth furent inondés, rendus invivables. Il fallut beaucoup d'effort pour déplacer les malheureux qui voyaient leur foyer être peu à peu englouti par les eaux. Forcément, il s'agissait des gens les plus pauvres de la ville, qui n'avaient guère les moyens de trouver un autre abri. Certains partirent, tout simplement, et on ne les revit jamais à Esgaroth. D'autres décidèrent de rester, mais durent mendier pour survivre, et essayer de gagner chaque jour de quoi tenir jusqu'au lendemain. Ce n'était pas une vie.

Alors quand le malheur frappa encore la cité lacustre, quand les navires qui garantissaient encore un peu la survie des habitants commencèrent à disparaître les uns après les autres, l'inquiétude rongea les cœurs. C'était peut-être la fin, après tout. C'était peut-être un signe du destin, un dernier coup fatal porté aux courageux habitants qui avaient résisté à tant de tragédies. Certains pensaient à migrer vers Dale, rejoindre la famille qu'ils pouvaient avoir là-bas, et essayer de reconstruire quelque chose. D'autres songeaient tout simplement à mourir vite, pour s'épargner des tourments inutiles. Il pouvait leur suffire d'attacher des pierres à leurs pieds, et de plonger dans les eaux froides du lac où ils reposeraient pour toujours. N'était-ce pas une belle mort ? N'était-ce pas un beau tombeau ? Oui, au moins ils reposeraient en paix… Mais ils regardaient leurs enfants, dont les yeux vifs trahissaient à quel point ils ne comprenaient pas cette situation nouvelle et étrange, et ils se ravisaient, trouvaient encore la force de vivre pour permettre à leur descendance de connaître des jours meilleurs.

Le Capitaine Syla eut un soupir résigné.

Il poussa du pied la pierre à ses côtés, laquelle glissa dans l'eau en produisant un gros « plouf ! » sonore. Une autre fois. Pas maintenant. Il passa la main sur son visage, pour en chasser les gouttes de sueur, et remit de l'ordre dans sa tenue, sans cesser de fixer le lac immobile qui gisait devant lui comme un miroir sombre couché face au ciel. Les volutes brumeux qui semblaient ramper jusqu'à lui, sournois et dangereux, l'inquiétaient. Leur démarche serpentine le mettait mal à l'aise, et dès qu'il les fixait trop longtemps, il lui semblait discerner des silhouettes floues et grossières qui l'observaient. Il avait l'impression de devenir fou. Il renifla, et se racla la gorge, rassemblant ce qu'il restait de son courage. Bien peu de choses, en vérité. Non sans un dernier soupir, il s'éloigna du Lac, et se tourna vers la caserne. Une poignée baissée plus tard, et il pénétrait dans la pièce mal éclairée, pour y découvrir ses « recrues » :

- Bonsoir à tous.

Il les dévisagea avec amertume, et ironisa :

- Je ne pensais pas que nous serions aussi nombreux…

Il y avait un grand nombre de chaises vides dans la pièce, et pourtant on ne pouvait pas dire qu'elle était grande. Syla ne se permit même pas un sourire railleur. Il préférait ne pas se laisser aller au cynisme le plus absolu… le fait d'avoir une fille ne l'autorisait pas à sombrer dans ce travers. Il se racla la gorge, encore une fois, et reprit :

- Vous êtes donc là pour résoudre le mystère du Lac, hm ? Je suis le Capitaine Syla, de la Milice d'Esgaroth. C'est moi qui suis chargé de vous guider et de veiller à ce que cette affaire soit résolue convenablement.

C'était le poste ingrat par excellence. Depuis que le Comte Saule avait pris les rennes de la ville en remplacement de l'ancien Comte Skaline, beaucoup de choses avaient changé. Saule n'était qu'un pion de Gudmund, qui comptait énormément sur sa fidélité pour reprendre le contrôle d'une ville trop longtemps laissée aux seuls soins de Skaline et de ses hommes. Pour cela, le nouveau dirigeant de la cité avait recruté une garde d'une vingtaine de soldats, bien équipés et bien formés, placés sous la direction du Conseiller Martial Toras. Ces soldats étaient devenus dans les faits l'élite des troupes de Dale, et la Milice avait été reléguée au second rang. C'était la raison pour laquelle c'était à un Milicien qu'on avait demandé d'accompagner les mercenaires venus travailler à la résolution de l'enquête. Syla, à l'évidence, aurait tout donné pour être ailleurs.

- Je pense, reprit-il, que si vous êtes là, c'est que vous voulez répondre à l'annonce faite par le Comte Saule. Une prime sera donnée à quiconque résoudra le mystère des attaques du Lac, et y mettra fin. Je suis chargé de veiller à ce que tout se passe… eh bien… à ce que tout se passe pour le mieux.

Implicitement, il leur signifiait qu'il était là pour éviter tout débordement dans la cité : personne ne tenait à ce qu'une bande de mercenaires vînt semer la zizanie à Esgaroth alors que ses habitants étaient au plus mal. Non.

- Vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs navires ont disparu, corps et biens. Les équipages ont été tués de la plus horrible des manières, les navires détruits, et ce qu'ils transportaient envolé. Rares sont les marins qui accepteront de prendre la mer, et pour vous éviter des coûts supplémentaires, c'est vers moi que vous devrez vous tourner si vous désirez arpenter le Lac.

Il était loin de sauter de joie.

- Cela signifie également que vous allez devoir travailler ensemble à la résolution de cette affaire, je suis désolé. Si vous réussissez, vous vous partagerez la prime. Si vous échouez, eh bien…

Il marqua une pause. Repensa au caillou. Repensa à sa fille. Son absence n'avait duré qu'un instant, mais tous purent noter qu'il était ailleurs. Il fit comme si de rien n'était, et changea de sujet :

- Il est trop dangereux de naviguer ce soir. Pour l'heure, toutes les attaques ont eu lieu à la nuit tombée, et il ne serait pas prudent de s'aventurer sur le lac maintenant. Puisque vous ne pouvez pas bouger, et que nous allons être amenés à travailler ensemble, eh bien… présentez-vous, chacun à votre tour, et posez-moi les questions qui vous taraudent. Si je ne peux y répondre, je peux toujours vous indiquer des gens en ville qui sauront.

Il y avait un certain nombre de personnes bien informées à Esgaroth – ou en tout cas qui se disaient bien informées, cela ne signifiait pas ce c'était vrai – et il y en avait d'autres, plus difficiles à trouver, qui connaissaient des choses mais préféraient ne pas en parler. Il fallait parfois les pousser un peu pour obtenir des résultats, mais ce n'était pas aussi simple. Tout le monde se connaissait dans la ville, et on ne pouvait décemment pas malmener un voisin, ou le parent d'un ami. Ce serait plus simple pour des étrangers qui n'avaient rien à voir avec la ville, et qui sauraient peut-être trouver les mots pour être convaincants sans avoir à se montrer agressifs. Syla balaya son assistance du regard, et désigna la personne sur sa droite :

- Vous voulez commencer ?

#Syla
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