Ils arrivèrent bientôt à l’entrée de la cité millénaire , Eugénion observa les lieux avec un regard curieux . Les contes et les histoires que l’on racontaient en Comté parlaient de Fondcombe comme une cité splendide qui n’avait pas son pareil sur toutes les Terres du Millieu ; il était vrai que le cadre était réellement splendide. Fondcombe avait été construite au fond d’une grande vallée sur les flancs d’une grande falaise d’où s’écoulaient de multiples cascades d’eau qui émettaient un bruit harmonieux. Mais de toute évidence la ville avait perdu de sa superbe ; de nombreux bâtiments étaient détruits et ceux qui étaient à peu près intact semblaient avoir perdu de leur éclat , tout paraissait un peu gris , morose comme si la cité faisait encore le deuil des victimes assassinées en son sein. Le bain de sang et les profanations qui s’y étaient produits avaient marqués chacune des pierres et des dalles de manière indélébile.
Alors qu’ils allaient franchir le portail pour passer sur le pont , le capitaine Serambeür se tourna en direction d’Erennel et d’Eugénion tout en s’adressant à ces hommes.
-Je refuse que ces personnes entrent dans la cité avant que nous en sachions plus à leur sujet. Qu’il passe la nuit à l’extérieur , nous aviserons sur leur cas plus tard.A priori il n’y avait pas que la magnificence de la ville qui avait été mise à mal ; l’hospitalité légendaire des elfes semblait elle aussi perdue. Depuis quand laissait-on de pauvres voyageurs épuisés devant la porte d’une cité ? Eugénion aurait pu protester et entamer de longues discussions pour pouvoir rentrer mais après un court instant de réflexion le Semi-Homme en vint à la conclusion qu’il ne valait mieux pas froisser l’officier elfe qui semblait peu commode.
La jeune elfe nommée
Yalë qui s’était souciée de l’état de Lithildren quelques minutes plus tôt s’avança alors vers Erennel et lui tendit discrètement une outre d’eau ainsi qu’un paquet rempli de biscuits blanchâtres.
-Ce sont des lembas , cela devrait vous permettre de tenir un petit moment . Je vais faire tout mon possible pour vous faire entrer au plus vite mais je ne peux rien vous garantir.Eugénion remercia
Yalë tandis que le reste de la troupe entrait dans la cité.
-Yalë ! ordonna Serambëur .
Amène la blessée aux soins et vous envoyez ce renégat au cachot.
Alors que l’on amenait Oropher en cellule ,
Yalë fit partir sa monture au triple galop jusqu’à la maison de guérison . Elle la porta au plus vite dans un lit où plusieurs guérisseurs s’attelèrent directement à la tâche. Ils commencèrent par repérer l’endroit où la fléchette de Norfal l’avait atteinte puis ils nettoyèrent sommairement la plaie. Ils appliquèrent divers plantes et remèdes et prononcèrent quelques incantations curatives. La drogue fut rapidement extraite de l’organisme de Lithildren mais l’elfe souffrait d’un autre mal, beaucoup plus profond et dangereux.
De leur côté Eugénion et Erennel s’était installé aussi confortablement qu’ils le purent, à même le sol et ils grignotaient quelques lembas tout en tremblotant légèrement , leurs tentatives successives pour faire un feu avaient toutes échouées et un vent frais balayait la vallée alors qu’au loin le soleil commençait à tirer sa révérence.
-C’es marrant ça me fait penser à une histoire tout ça , fit alors Eugénion
Voici ici l’histoire d’un jeune barde
Dont la voix et les chants en repoussaient plus d’un .
Lui se voyait tel un chantre d’avant-garde
Mais en fait son timbre était surtout très craint.
Comprenant cela, notre fier et bon aède
Se mit en tête d’y remédier prestement
Il se mit donc en quête d’un vrai remède
En allant voir les Notes pour un médicament.
Ainsi il commença son périple chez le Do
Il frappa à la porte avec vigueur
Le Do ouvrit et montra ses longs et grands crocs
Sans dire un mot le barde s’enfuit par grande peur.
Notre pauvre hère alla donc chez le Ré
Peut-être aurait il plus de chances.
En voyant ce ménestrel si déprecié
Ré ferma net l’entrée de sa résidence
Le rhapsode ne perdit pas pourtant espoir
Il se rendit chez le vaniteux et fier Mi
Cette note était encore en peignoir
Et ne daigna pas ouvrir au pauvre banni .
Ce rejet vil et brutal fut systématique
Du Fa au Si en passant par le Fa et le La
Dans les lieux musicaux il était un hic
Voilà qu’il se retrouvait dans de si beaux draps
Se laissa-t-il pour autant sombrer et couler ?
Non , non , bien au contraire , il persévéra
Et se dit avec sagesse et maturité
« A priori nulle note ne veut de moi,
Qu’à cela n’en tienne , je n’ai pas besoin d’elles
J’ouvrirai mon propre domaine musical
Où l’entrée ne sera pas aussi formelle
Et où l’atmosphère sera convivial "
Bien vite sa demeure connut le succès
Les aspirants bardes et chantres s’y pressaient
Ainsi avec force, valeur et volonté
Le barde a pu enfin faire ce dont il rêvait
Jouer de la musique comme il l’entendait
Sans qu’on puisse le juger ou le dénigrer
Après avoir fini son histoire , Eugénion s’allongea à même le sol et se laissa peu à peu porter par le sommeil pour une nuit qui s’annonçait longue et qui pourtant ne le fut pas du tout.
Le forgeron et le Semi-hommes , complètement épuisés , dormaient à poings fermés et ne purent donc pas remarquer la fine silhouette qui se filait silencieusement vers eux. Pour leur signaler sa présence ,
Yalë n’eut d’autre choix que de secouer vigoureusement l’épaule de l’homme blond qui sortit alors de sa torpeur .
-Réveillez vite votre ami .lui souffla alors la jeune elfe .
Une simple tape au niveau de l’abdomen d’Eugénion suffit à réveiller ce dernier qui adressa d’abord un regard réprobateur à Erennel . Quell impolitesse ! Réveiller quelqu’un de manière si violente devrait être répréhensible ; ce fut seulement au bout de quelques seconde qu’il remarqua la présence de
Yalë ; il l’interrogea alors du regard.
-Vous pouvez rentrer dans la cité , mais faites vite je vous en prie.
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Les deux voyageurs ne se firent pas prier une seconde de plus et ils s’empressèrent de remballer les paquetages qui leur restaient avant d’emboîter le pas à leur salvatrice qui pénétrait dans Fondcombe. La ville était bien silencieuse à cette heure-ci et peut-être même encore un brin inquiétante à cause de ses bâtiments encore délabrés et mal éclairés ; les travaux de rénovation avaient peut-être commencé mais ils étaient loin d’être fini.
Ils marchèrent ainsi dans l’obscurité durant de longues minutes jusqu’à une grande demeure dans laquelle
Yalë entra en invitant les étrangers à l’imiter. Ils montèrent silencieusement au dernier étage ou la jeune elfe leur désigna une porte du doigt .
-C’est votre chambre , vous y trouverez deux lits ; nous nous reverrons demain . Elle redescendit alors sans une explications de plus sous les yeux incrédules d’un Eugénion qui voulait tout de même bien savoir ce qu’il venait de se passer et pourquoi on s’était brutalement décidé à les accueillir juste après de les avoir laissé dormir à la belle étoile . Oui il voulait savoir , mais il ne voulait sûrement pas assez savoir pour passer outre ses besoins primordiaux ; à savoir rattraper son retard de sommeil. Il fusa aussi vite que ses courtes jambes et son état actuel de fatigue le lui permettaient jusqu’à son lit où il s’endormit à nouveau , cette fois jusqu’au matin.
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-Soldat ! Vous m’avez formellement désobéi ! Je leur avais interdit l’entrée dans la cité !
-Mon capi…
-Je ne veux pas d’explications ni d’excuses .Le forgeron et le Hobbit furent réveillés par des éclats de voix venant du rez-de-chaussée mais qui semblait progressivement se rapprocher. Les deux « invités » échangèrent un regard quelque peu inquiet , qu’est ce que pouvait encore leur réserver la suite des événements ?
La porte s’ouvrit alors à la volée laissant apparaître le capitaine Serambëur visiblement très mécontent suivie d’une
Yalë quelque peu confuse . En entrant dans la pièce Serambëur jaugea les visiteurs avec un regard méfiant et suspicieux comme il l’avait fait dans les ruines de Valdol ; même dans sa colère l’elfe n’avait rien perdu de sa prestance. Il se tourna alors vers
Yalë
-Qui êtes vous pour contrevenir à mes ordres jeune insolente ? Qui vous a permis de faire entrer ces gens ?
-C’est moi qui les ai fait entrer capitaine . fit alors une voix derrière eux .
Serambëur fit volte-face et se retrouva nez-à-nez avec un elfe de grande taille aux longs cheveux blancs et au visage paisible. Il était bien compliqué d’estimer l’âge d’un Eldar m ais il était assurément d’un âge vénérable. Il était vêtu d’une longue toge ivoire qui lui donnaient une contenance certaine.
-Cela vous dérange-t-il vraiment outre mesure ? renchérit alors le nouveau-venu.
- Non seigneur Ovadiel ,
j’ignorai que c’était vous qui aviez pris cette décision . répondit l’officier qui semblait très embarrassé et contrarié. Je vous présente tout mes excuses.
Serambëur courba très légèrement la tête avant de quitter la pièce d’un pas précipité. Eugénion , dont l’excitation avait fini par prendre le dessus sur son appréhension , ne put s’empêcher d’interroger leurs hôtes .
-Alors c’est vous qui nous avez ouvert les portes de la cité ? Visiblement plus amusé que méfiant d’accueillir des étrangers , l’elfe émit un petit rire cristallin .
-Non maître Hobbit , ce n’est pas moi . En réalité j’ignorais même que deux voyageurs s’étaient vu refuser l’entrée de la cité. S’il y a bien une personne que vous devez remercier ici c’est ma nièce Yalë.La guerrière qu’ils avaient croisés pour la première fois à Valdol et qui les avaient donc fait entrer malgré les ordres contraires poursuivit
-Je ne pouvais décemment pas vous laisser à l’extérieur , c’est contraire à nos valeurs. Au fait permettez moi de vous présenter mon oncle , le Seigneur Ovadiel, un haut notable de la cité.
-Une telle position présente l’avantage de pouvoir couvrir les agissements de sa nièce. Fit Ovadiel avec un sourire , il se tourna alors vers ses invités . Vous êtes à présent en sécurité , ici dans ma demeure ainsi que dans l’ensemble de la cité, vous êtes désormais sous ma protection et si jamais quelqu’un désire porter atteinte à votre intégrité il devra répondre de ses actes devant moi. Nous ne pouvons-nous permettre de traiter de pauvres voyageurs comme de vils espions..
-Le capitaine Serambëur ne vient pas d’Imladris ; c’est un elfe de Gar Thulion qui a participé à la reconquête et qui a choisi de rester ici jusqu’à ce que tout soit rentré dans l’ordre . Les elfes de cette région n’ont pas la même vision des choses , ils vivent très reclus et sont d’un naturel assez méfiant ; peut-être est ce aussi ce qui les a préservé ; ici nous sommes tous reconnaissants envers puisque ce sont eux qui ont accueilli les réfugiés après la prise de la cité . Veuillez lui pardonner , il se montre très vigilant surtout après tout ces évènements ; néanmoins vous devez savoir que c’est un guerrier valeureux et loyal , ne voyez pas en lui un ennemi et tâcher de gagner sa confiance .
Pour sa part Eugénion ne savait pas vraiment s’il considérait Serambëur comme un ennemi mais ce dont il était certain c’était qu’il n’avait vraiment mais alors vraiment pas envie de croiser seul cet elfe antipathique au détour d’un couloir .
-La blessée est toujours à la maison de guérison ? demanda alors Ovadiel à sa nièce.
-Oui, elle n’est plus en danger de mort immédiate mais elle est encore inconsciente et malade et ce malgré tout nos efforts
Le Semi-Homme mit quelques secondes pour se rendre compte qu’ils étaient en train de parler de Lithildren ; il fut soulagé d’entendre que son amie n’était plus en danger de mort mais également très inquiet de son état. Elle ne s’était toujours pas réveillée ce qui indiquait que son mal était certainement très profond si même les guérisseurs de Fondcombe ne parvenait pas à l’éradiquer.
-Mène moi jusqu’à elle . fit le Seigneur elfe.
Le Semi-Homme bondit alors de son lit et s’exclama
-Je viens avec vous ! Je dois la voir !
-Son état n’est pas encore stable , lui répondit
Yalë d’une voix douce ,
il faudrait peut-être éviter qu’il y ait trop de monde à…
-Qu’il vienne , la coupa son oncle ,
quelque chose me dit qu’il le mérite . Eugénion adressa un regard reconnaissant à l’elfe avant de leur emboîter le pas , laissant ainsi Erennel seul dans cette chambre elfique. Visiblement le forgeron avait bien du mal à sortir totalement de son état léthargique.
La maison de guérison était une merveille architecturale qui avait échappé aux destructions et saccages successifs de la cité. La façade du bâtiment étaient composés d’arches de bois qui s’entremêlaient de manière harmonieuse laissant entre elles des espaces vides ; ainsi cet hospice n’était pas un bâtiment fermé mais plutôt une invitation à l’échange entre l’intérieur et la nature extérieure . Ainsi , à plusieurs endroits , des troncs d’arbres se faufilaient à dans l’enceinte du bâtiment pour en ressortit plusieurs étages plus haut par une autre ouverture. C’était un lieu calme et silencieux où tous les patients étaient traités avec la plus grande attention.
Yalë les fit monter deux étage et ils traversèrent un dédale de couloirs identiques avant de s’arrêter devant une porte en noisetier.
-C’est ici . murmura-t-elle.
Ils entrèrent discrètement et s’approchèrent de la blessée allongée sur un grand lit nappé de draps blancs qui contrastaient avec sa chevelure noir de jais. Eugénion ouvrit de grands yeux écarquillés , ce mal qui assombrissaient sa chevelure jadis si claire et brillantes s’était répandue . En tendant l’oreille on pouvait entendre ce que disait Lithildren dans son « sommeil » , rien de bien cohérent mais l’on pouvait capter ça et là quelques termes intrigants comme « poison » , « bataille » ou « lune » . De toute évidence elle n’allait pas bien et il fallait faire quelque chose au plus vite.
-Les guérisseurs font de leur mieux mais pour l’instant ils ne peuvent garantir aucun résultat ; il est encore trop tôt. Au fait comment s’appelle-t-elle ?
Eugénion , qui était complètement dépité face à l’état de sa fidèle amie , ouvrit la bouche pour répondre à la question mais ce ne fut pas lui qui renseigna
Yalë sur l’identité de la souffrante.
-Lithildren , fit le seigneur Ovadiel qui semblait interloqué , comme s’il avait face à lui un fantôme des autres temps ,
son nom est Lithildren .
Il s’agenouilla auprès de cette dernière et scruta tout les traits de son visage ; il y reconnaissait la jeune elfe qui avait jadis grandi entre les murs de cette ville mais il y percevait aussi un profond changement accompagné d’une indéfinissable souffrance . Si semblable et pourtant si différente.
Le seigneur Ovadiel souffla à l’oreille de l’elfe amnésique
-Lithildren, tu es rentré maintenant , sois en paix . Reviens parmi nous , chasse les démons de tes esprits , nous en avons déjà trop perdu. Reviens Lithildren , reviens.
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Au prix de nombreux efforts , Erennel s’était enfin décidé à s’extirper de son lit. Il n’était pas rééllement fatigué mais la perspective de devoir éoluer dans une cité où n’habitaient que des elfes et où tout respirait la culture elfique n’enchantait guère le forgeron blond qui voyait bien en là une excuse pour repousser le moment où il se lèverait. Il se rendit finalement à l’évidence quand il constata que même ces draps sentaient la lavande . Avec un grognement il se leva et se lava sommairement le visage avant de se diriger vers la fenêtre. En contrebas , un groupe de guerriers elfes s’entraînaient au maniement des armes.
L’agilité et la dexterité dont ils faisaient preuve avaient de quoi impressionner n’importe qui y compris un Champion du Rohan ou un membre de l’Arbre Blanc , alors que dire d’un forgeron certes bon combattant mais qui était plus habitué au marteau et l’enclume qu’à la hallebarde et la rapière.
D’ailleurs il ne pouvait pas se comparer à eux , rien que sur le plan de l’expérience ; ces elfes fréquentaient les armes depuis des siècle et chacun d’entre eux devaient avoir tués de nombreux ennemis au cours des batailles où ils prirent part. Erennel ne pouvait pas en dire autant lui qui était encore traumatisé par le seul homicide qu’il avait commis.
C’est alors qu’un voix familière s’éleva ; grâce à sa vue perçante , le capitaine Serambëur avait repéré l’humain qui les observait à la fenêtre et il le héla
-Holà ! Descendez de votre nid mon ami et venez vous mesurez à nous ; voyons si votre survie en cette terres hostiles est dû à vos compétences ou à la chance et au hasard.
L’officier elfe se savait bien supérieur au forgeron et cette invitation à un noble duel n’était certainement qu’un moyen d’humilier cet homme qui était entré dans la ville contre sa volonté .
Ceci l’homme blond en avait conscience , mais se défiler et refuser un affrontement ne faisait pas non plus partie de ses habitudes.
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