Une pièce froide, loin sous le palais [Comté=>Important]

L'eau gouttait du plafond dans un "plic-ploc" d'une régularité affolante. D'autres voies d'eau avaient dessiné des traces longilines sur les murs ou la mousse avait élu résidence depuis longtemps déjà. Bien plus longtemps d'ailleurs que le malheureux qui occupait cette cellule.

Allongé sur un matelas des plus fin il regardait la voute du plafond, les mains derrière la tête. Simplement habillé d'une chemise blanche qui commeçait déjà à salir, il aurait pu paraître insignifiant, si une lueur ne brillait pas dans ses yeux incessamment. Ce n'était pas de la fierté, ni de la rage, non, c'était quelque chose de bien plus effrayant encore. Une lucidité sans pareil et un calme déconcertant. Pas une seule fois, depuis qu'il avait quitté le confort de la Mairie de Bree, il ne s'était plein. Le Conseiller, c'est ainsi qu'on l'appelait.

Les choses allaient bien pour lui, iln'avait aucun ennemi. Jusqu'à ce que ce capitaine et ce roi arrivent. Ils avaient tout détruit, tout ce qu'il avait mis si longtemps à construire. Il avait pu profiter d'une occasion en or, toute la Comté était à lui. En moins de deux heures, il était passé de maître dans l'ombre à prisonnier dans l'ombre. Il n'était même pas sûr que son départ ait été remarqué.

Oui, il y avait de quoi s'énerver. et pourtant il restait là, immobile. L'explication? Tout était clair pour lui maintenant. Il avait tout compris, et dieu sait que c'est un délice d'avoi ce sentiment de compréhension.

Lon geôlier s'était détendu et somnolait sur sa chaise, trop respectueux de ses devoirs pour s'endormir, mais il n'était pas difficile de voir combien il aurait aimé fermer les yeux.

Toujours ce clapotis désagréable et incessant. Les mêmes traces d'huimidité sur les murs. Le même prisonnier, méconnaissable cependant. Une barbe vieille de plusieurs semaines encadres son visages, ainsi que de longs cheveux sales. Ses traits sont creusés, ses vêtements (le terme haillons serait plus adapté) ne sont que lambeaux, ses muscles sont atrophiés. la seule chose qu'il reste de l'ancien Conseiller de Bree dans cet homme rachitique, c'est son regard brillant d'intelligence. Depuis son arrestation à la mairie, il avait compris que tous s'étaient fait avoir, lui y compris.

Lui qui se croyait tout puissant et machiavélique s'était laissé berner. Magnifiquement berné. Il trouvait son réconfort dans le fait qu'il avait trouvé plus fort que lui. Intérieurement, il ne pouvait s'empêcher de regretter que tous deux n'aient pas travaillé ensemble. Quel duo cela aurit-il fait... Mais il n'aurait pas fonctionné, il le savait. Le maire, dont il ignorait en fait le nom, et lui-même étaient trop indépendant. A un moment ou à un autre, il aurait fallu que l'un prenne des décisions pour l'autre, et cela aucun d'eux ne l'aurait accepté.


La grille rouillée s'ouvrit en un effroyable couinement. Quelqu'un fut poussé sans aucun ménagement à l'intérieur. La grille se referma, le silence revint. Le Maire se releva tant bien que mal et examina la pièce, puis son compagnon de cellule. Le Conseiller reconnut immédiatement le nouvel arrivant, mais n'esquissa pas l'ombre d'un mouvement après avoir légèrement décalé la tête. Aucun mot. L'un avait perdu l'habitude de parler, l'autre n'avait rien à dire.

Le Maire s'assit sur le sol et s'adossa contre le mur. Il ferma les yeux, mais ne put empêcher une larme de rouler sur sa joue, puis de s'écraser sur le sol.


Trois jours plus tard, à la lumière de jour, de têtes tombèrent sur le sol. Deux vies s'étaient envolées, dans l'anonymat. Les seuls témoins étaient le bourreau et trois soldats.